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Citations de Charlotte Delbo (240)


C’est à cette gare qu’ils arrivent, qu’ils viennent de n’importe où.
Ils y arrivent après des jours et après des nuits
ayant traversé des pays entiers
ils y arrivent avec les enfants même les petits qui ne devraient pas être du voyage.
Ils ont emporté les enfants parce qu’on ne se sépare pas des enfants pour ce voyage-là.
Ceux qui en avaient ont emporté de l’or parce qu’ils croyaient que l’or pouvait être utile.
Tous ont emporté ce qu’ils avaient de plus cher parce qu’il ne faut pas laisser ce qui est cher quand on part au loin.
Tous ont emporté leur vie, c’était surtout sa vie qu’il fallait prendre avec soi.
Et quand ils arrivent
ils croient qu’ils sont arrivés en enfer
possible. Pourtant ils n’y croyaient pas.
Ils ignoraient qu’on prît le train pour l’enfer mais puisqu’ils y sont ils s’arment et se sentent prêts à l’affronter
avec les enfants les femmes les vieux parents
avec les souvenirs de famille et les papiers de famille.
Ils ne savent pas qu’à cette gare-là on n’arrive pas.
Ils attendent le pire – ils n’attendent pas l’inconcevable.
Et quand on leur crie de se ranger par cinq, hommes d’un côté, femmes et enfants de l’autre, dans une langue qu’ils ne comprennent pas, ils comprennent aux coups de bâton et se rangent par cinq puisqu’ils s’attendent à tout.
Les mères gardent les enfants contre elles – elles tremblaient qu’ils leur fussent enlevés – parce que les enfants ont faim et soif et sont chiffonnés de l’insomnie à travers tant de pays. Enfin on arrive, elles vont pouvoir s’occuper d’eux.
Et quand on leur crie de laisser les paquets, les édredons et les souvenirs sur le quai, ils les laissent parce qu’ils doivent s’attendre à tout et ne veulent s’étonner de rien. Ils disent « on verra bien », ils ont déjà tant vu et ils sont fatigués du voyage.
La gare n’est pas une gare. C’est la fin d’un rail. Ils regardent et ils sont éprouvés par la désolation autour d’eux.
Le matin la brume leur cache les marais.
Le soir les réflecteurs éclairent les barbelés blancs dans une netteté de photographie astrale. Ils croient que c’est là qu’on les mène et ils sont effrayés.
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Ah, et le plus terrible, c’est cette froideur qui augmente, cette distance qui se creuse de plus en plus. On se sent rejeté, abandonné ; il n’y a rien de plus affreux sur terre ; je ne le supporte pas ; je ne le supporte pas. Cela vous anéantit.
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Alors vous saurez
qu’il ne faut pas parler avec la mort
c’est une connaissance inutile.
Dans un monde
où ne sont pas vivants
ceux qui croient l’être
toute connaissance devient inutile
à qui possède l’autre
et pour vivre
il vaut mieux ne rien savoir
ne rien savoir du prix de la vie
à un jeune homme qui va mourir
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Depuis Auschwitz, j’avais peur de perdre la mémoire. Perdre la mémoire, c’est se perdre soi-même, c’est n’être plus soi.
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D’amour et de douleur
Il s’est tari mon coeur
De douleur et d’amour
a séché jour à jour
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Il m'a appelée encore et je n'ai pas quitté la main de Georges. Au troisième appel, il a fallu partir, comme Ondine que le roi des Ondins devait appeler trois fois quand elle disait adieu au Chevalier qui allait mourir. Ondine à la troisième fois oublierait et retournerait au fond des eaux, et comme Ondine je savais que j'oublierais puisque c'est oublier que continuer à respirer, puisque c'est oublier que continuer à se souvenir, et qu'il y a plus de distance entre la vie et la mort qu'entre la terre et l'eau où retournait Ondine pour oublier.
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Ma mémoire a oublié la rosée.
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De l'autre côté de la route, il y a un terrain où les SS vont dresser les chiens. On les voit s’y rendre, avec leurs chiens qu’ils tiennent en laisse, attachés deux par deux. Le SS qui marche en tête porte un mannequin. C’est une grande poupée de son habillée comme nous. Costume rayé décoloré, crasseux, aux manches trop longues. Le SS la tient par un bras. Il laisse traîner les pieds qui raclent les cailloux. Ils lui ont même attaché des socques aux pieds.
Ne regarde pas. Ne regarde pas ce mannequin qui traîne par terre. Ne te regarde pas.
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Refaire sa vie, quelle expression ... S'il y a une chose qu'on ne puisse refaire, une chose qu'on ne puisse recommencer, c'est bien sa vie.
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"Courir - schnell - la porte - schnell - la planche - schnell - vider la terre - schnell - barbelés - schnell - la porte - schnell - courir - tablier - courir - courir courir courir schnell schnell schnell schnell schnell. C'est une course hallucinée."
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Vous ne pouvez pas comprendre
vous qui n'avez pas écouté
battre le coœur
de celui qui va mourir
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PAUL. - Quel goût aurait la vie si on ne faisait qu'y séjourner en s'y ennuyant ou en s'en distrayant ? Quel sens l'amour si on ne vivait que pour le garder à tout prix, bien protégé, hors d'atteinte, hors de la réalité, comme une espèce de plante fragile qui craint l'air, qui ne vit pas ?

(extrait de l'Acte I - Deuxième tableau) - p. 51
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O vous qui savez
saviez vous que la faim fait briller les yeux que la soif les ternit
O vous qui savez
saviez vous qu'on peut voir sa mère morte et rester sans larmes
O vous qui savez
Saviez vous que le matin on veut mourir que le soir on a peur
O vous qui savez
Saviez vous qu'un jour est plus qu'une année une minute plus qu'une vie
O vous qui savez
saviez vous que les jambes sont plus vulnérables que les yeux
les nerfs plus durs que les os
le coeur plus solide que l'acier
saviez vous que les pierres du chemin ne pleurent pas
qu'il n'y a qu'un mot pour l'épouvante
qu'un mot pour l'angoisse
Saviez vous que la souffrance n'a pas de limite
l'horreur pas de frontière
Le saviez-vous
vous qui savez.
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Ce poète qui nous avait promis des roses... (p.69)

Ce poète qui nous avait promis des roses
Il y aurait des roses
sur notre chemin
quand nous reviendrions
avait-il dit.
Des roses
le chemin était âpre et sec
quand nous sommes revenus
Le poète aurait menti ?
Non
Les poètes voient au-delà des choses
et celui-ci avait double-vue
si de roses
il n'y a pas eu
c'est que nous ne sommes pas revenus
et de plus
pourquoi des roses
nous n'avions pas tant d'exigence
c'est de l'amour qu'il nous aurait fallu
si nous étions revenus.
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Nulle émotion. Rien. Les visages ne sont marqués en gros et en profond que par une longue ancienne souffrance, par une longue ancienne lutte. Il semble que la volonté et la douleur se soient plaquées sur les visages - peut-être à leur entrée dans cet endroit-ci, au passage du seuil où se tient l’homme - et y aient durci pour toujours.
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Mon cœur a perdu sa peine
il a perdu sa raison de battre
la vie m’a été rendue
et je suis là devant la vie
comme devant une robe
qu’on ne peut plus mettre.
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Un enfant m’a donné une fleur…



Un enfant m’a donné une fleur
un matin
une fleur qu’il avait cueillie
pour moi
il a embrassé la fleur
avant de me la donner
et il a voulu que je l’embrasse aussi
il m’a souri
c’était en Sicile
un enfant couleur de réglisse
il n’y a plaie qui ne guérisse
Je me suis dit cela
ce jour-là
je me le redis quelquefois
ce n’est pas assez pour que j’y croie.
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De petite lâcheté en petit renoncement, on laisse s'instaurer la brutalité, l'injustice puis la tyrannie et le crime. On se fait esclave.
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Je reste seul au fond de ce fossé et je suis prise de désespoir. La présence des autres, leurs paroles faisaient possible le retour. Elles s'en vont et j'ai peur. Je ne crois pas au retour quand je suis seule. Avec elles, puisqu'elles semblent y croire si fort, j'y crois aussi Dès qu'elles me quittent, j'ai peur. Aucune ne croit plus au retour quand elle est seule.
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Charlotte Delbo
Je vous en supplie
faites quelque chose
apprenez un pas
une danse
quelque chose qui vous justifie
qui vous donne le droit
d'être habillés de votre peau de votre poil
apprenez à marcher et à rire
parce que ce serait trop bête
à la fin
que tant soient morts
et que vous viviez
sans rien faire de votre vie.
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