Découverte formidable que ce roman de Christian Astolfi dans la très belle maison d’édition “Le bruit du monde”. Et quel bruit en effet que celui provoqué par le sujet de ce roman où notre monde capitaliste est observé, analysé à défaut de pouvoir l’autopsier.
Ce monde qui est emporté est celui des ouvriers, de tous les ouvriers d’ailleurs, même si le domaine abordé ici est celui des chantiers navals et de son démantèlement pour raisons économiques fallacieuses. C’est l’histoire vibrante de ces ouvriers fiers de leur travail, aussi difficile voire inhumain soit-il, qui réparent, réhabilitent, remettent à neuf tous ces énormes bateaux qui transportent sur toutes les mers du monde produits manufacturés et denrées. Les conditions de travail sont invraisemblables de dureté, et comme nombre de leurs collègues d’autres entreprises – les mines, les aciéries, … _les personnages de ce roman y font face au quotidien, créant une véritable solidarité, qui permet de tenir. Mais ces personnes sont devenues des ressources ! Il n’est plus question de direction du personnel, mais bien de “ressources humaines” et c’est là, la ligne de fracture, qui permet toutes les dérives économico-politiques.
Grâce à une immense sensibilité, donnant des surnoms à ses personnages ce qui nous les rend plus vivants, plus attachants encore, Christian Astolfi nous conte grâce au journal de son héros, Narval, le démantèlement de ces chantiers navals qui font vivre à La Seyne-sur-mer, la majeure partie de la population. Il nous livre ici une analyse politique très fine, et nous raconte, “vue de l’intérieur”, la faillite de cette gauche élue triomphalement en 1981, qui va trahir l’immense espoir de ceux qui l’ont porté au pouvoir, insidieusement, par non dits et reniements, désengagements successifs, jusqu’à céder définitivement le terrain.
Révolte, colère, puis découragement, reconversions désabusées, sensation d’être floué, d’avoir été manipulé, et une catastrophe pire encore qui se découvre, le scandale de l’amiante ; de nouveau, il faudra lutter, prouver, argumenter, tenir, et peu à peu les camarades disparaissent.
L’auteur nous donne à lire un roman passionnant, où l’on oscille entre désabusement et révolte, où l’on prend la mesure de l’immense désespoir de cette classe ouvrière fracassée par le rouleau compresseur capitaliste, où l’on se prend même à redouter que la conscience professionnelle ne rende complice d’une exploitation orchestrée. Un roman bouleversant, édifiant, passionnant, d’une immense humanité.
Lien :
https://camusdiffusion.wordp..