Citations de Christine Angot (352)
Je suis persuadée de ma médiocrité. Je ferais mieux de chercher un travail qui ressemble aux autres. Écrivain ? Mais qui j'espère convaincre ?
je passais mon temps à surveiller quelque chose sur quoi je n'avais aucun impact .. je ne pensais pas à moi, ni à la jeune fille que j'étais. Je n'avais pas le temps. j'avais autre chose à faire .identifier ce qui lui arrivait, pour limiter les avancées. envisager des parades. imaginer leur mise en œuvre.
Je ne cherche pas à l'accuser. Les monstres existent seulement dans les contes. Je ne cherche ni à l'accuser ni à l'excuser. Il n' y a qu'une chose qui compte, la marque . Et il m' a marquée.
Écrire. n'est pas choisir son récit. Mais plutôt le prendre dans ses bras et le mettre tranquillement sur la page, le plus tranquillement possible,le plus tel quel possible . Tel qu'il se retourne encore dans sa tombe, si sa tombe, c'est mon corps. Si il se retourne encore, c'est que je ne suis pas morte. Je ne suis pas non plus complétement folle. Le prendre dans ses bras tel quel, ça m'aurait plus intéressé de prendre un autre sujet dans mes bras,on ne m' a pas demandé. Ça peut prendre toute une vie à un écrivain de prendre dans ses bras quelque chose qui ne regarde personne. D’où cette mise en garde qu'il ne faut pas prendre mal, c'est un regret, un dernier de n'avoir pas pu, écrire d'autres livres que ceux là, sachant comment vous allez réagir et que votre réaction va me faire souffrir.
Je rasais les murs avec mon blouson et mes grosses chaussures. Raser les murs, les barrières au sens couper,rasoir de la veine et de la chance. Rasoir dans les murs de pierre, prénom de mon père, sur cette pierre, je bâtirai mon église,c'est la littérature, je l'entaille,un mur de livres, un mur de lamentations,inceste,folie,homosexualité,holocauste,
démarrer fort,mon blouson, mes grosses chaussures et mon rasoir.
J'ai préféré imaginé que j'avais une part de responsabilité plutôt que de me voir comme quelqu'un qui subit passivement sans rien faire. Je me suis forgé une culpabilité. J'ai pensé que j'aurai pu modifier le cours de la soirée par mon comportement. Ça été ma façon de raisonner après avoir tapé trois petits coups dans le mur, et le moyen de contourner la réalité. Je savais ce que signifiaient les actes de mon père. J'ai préféré me voir comme quelqu'un qui a son caractère , ses torts,qui fait ses erreurs, et qui les regrette en cherchant le sommeil.
Sur le parking,il marchait devant moi. Il n'était pas aussi mince que sur la photo que je connaissais . Il venait d'avoir 44 ans. Tout indiquait la confiance en soi. La manière d'allonger le pas,le balancement des épaule,la façon dont elles jouaient dans la carrure de la veste, la tête haute,le dos droit.
Je suis asociale. Donc le travail ne me rend pas heureuse. Je voulais être écrivain.
C'était entre Gérardmer et Le Touquet. L'enchâssement ,'est pas toujours certain. Il peut être approximatif et reconstitué. Le point de vue, à tel ou tel moment, est intact. Quand je dis que je ne pensais pas, c'est au sens d'une pensée déliée, partageable, dicible, mais j'avais un point de vue. Je voyais la situation comme de l'extérieur. Je savais ce que j'en pensais. J'avais envie que ça s'arrête. Je ne savais pas comment. Je n'ai jamais été en confiance. J'avais peur. J'ai toujours eu peur. J'étais sur mes gardes. J'étais sur le qui-vive. Je ne m'abandonnais pas. J'attendais des jours meilleurs. Le point de vue, clair. Le corps, en état d'alerte. Il y avait une différence entre moi et ma personne. J'étais à distance de ma personne. Je savais ce que je pensais de la situation. C'était limpide. Je la désapprouvais. Ce qui s'appelle "moi" désapprouvait. Le reste... Quel reste ? Est-ce que c'était mon corps le reste ? Je ne sais pas. Pa seulement. Le reste ne pensait pas. Le reste attendait. En espérant que ça allait passer. Le reste n'existait pas. Le reste était bloqué. Je ne l'éprouvais pas. Je n'ai pas pu préserver le reste. Je n'ai rien pu faire. J'ai essayé. J'ai cru parfois y arriver. J'ai cru sauvegarder des morceaux. Ça n'a pas marché. C'était illusoire. J'avais mis des barrières pour ne pas penser. Je n'arrive pas toujours à retrouver. Ils ont été sacrifiés. C'est trop tard. Quand je retrouve, c'est désagréable. Parfois, ça m'arrive en faisant l'amour. Ça me gêne.
Pour lui, il n'y a pas de lois, il y a des normes. Tous les interdits depuis la nuit des temps, je les rabaisse au niveau de la morale. Je les traite comme des normes bourgeoises.
_ Ca s'est bien passé ?
_ Moyen.
_ Pourquoi moyen ?
_ C'a été difficile.
_ Qu'est-ce qui a été difficile ?
_ Lui. Lui, il est difficile.
_ Quoi en particulier ?
_ Son caractère.
_ Ah je sais.
"Je sais" a tout foutu en l'air.
Les mots sont repartis au fond de ma gorge. Le nœud s'est reformé. Je n'ai pas continué.
Ainsi que de certaines images, scènes, dialogues. Je peux restituer, et réciter par cœur, certaines phrases. Je ne pourrais pas imiter les tons de voix, mais je les ai en mémoire. Je peux les décrire. Ce qui peut manquer, faire défaut, c’est l’historique. L’ordre. L’enchaînement technique des scènes. La logique de certains gestes. Tel week-end ou tel autre. C’est plus difficile à garantir. Parfois, j’y arrive. Gérardmer, la bouche. Le Touquet, le vagin. L’Isère, l’anus. La fellation, c’est venu tôt. Il n’y a pas de date.
Tu comprends pas, tu comprends pas la place exorbitante que tu as dans ma vie ?... Que je peux pas vivre la mienne. Que pour moi tout tourne tellement autour de toi que je n'arrête pas de te chercher. Depuis toujours. D'essayer d'être toi. Eh oui ! T'en es pas consciente hein de ça ? Je suis jamais allée vers des gens qui me plaisent à moi. Mais vers des gens qui t'ont plu à toi, ou qui t'auraient plu. J'ai jamais fait autrement qu'en fonction de toi. (p.180-181)
-" Alors, moi, là,vous voyez, je vais m'en aller. Parce que, si, en plus il faut que je supporte un non-lieu... Non. Ça n'est pas possible. Un non-lieu. Non-lieu. Ça n'a pas eu lieu. Je ne pourrais pas. Je ne pourrais pas recevoir, dans ma boîte aux lettres, un papier de la Justice, officiel sur lequel il y aurait écrit"non-lieu". Je n'ai pas le courage de ça. Ah non. Ça n'a pas eu lieu. Non-lieu. Sur un papier officiel. Je ne pourrais pas recevoir ça, à en-tête de la République française. Non-lieu. Excusez-moi.Je suis désolée. Je ne peux pas.
J'étais débarrassé de l'obligation de me faire respecter.Y compris par moi-même. De préserver ma personne, mon être, mon intégrité, mon corps .
Dire n'a jamais été un enjeu. Ç'a été un moyen, au début, pour m'aider à ne plus lire mon oere. Puis, c'est devenu un passage obligé.
Châteauroux était encore une ville ouvrière. Il y avait l’usine Boussac, les Cent Mille Chemises. Les établissements Balsan étaient dirigés par la même famille depuis cent ans. La Manufacture des Tabacs encore en activité. Des hommes en bleu de travail circulaient à vélo dans les rues y compris les jours de congé.
P204
Des gens comme nous ça peut pas être ensemble.
P13
Avant d'aller me coucher, je recevais par texto :
- J'ai beaucoup aimé notre discussion. J'espère qu'elle en appellera d'autres. Bonne nuit. Je vous embrasse. Marc
P9
On venait de se rencontrer. Il partait en Corse avec ses enfants, des amis et la femme avec laquelle il vivait.