Citations de Christine Angot (352)
- Et puis un jour, il a été violent avec ma fille
Un 11 novembre. Je l'oublierai jamais. C'était un jour férié, on était tous à la maison. Il a frappé Mary Et là, là j'ai plus supporté.
- Ça été le déclic ?
- Oui, parce que c'était contre ma fille, c'était pas seulement contre moi. Alors là j'ai réagi. J’ai appelé la police. C'était terrible... les policiers sont venus...les enfants étaient là…c'était…
Avec beaucoup d'émotion, elle relate une journée de 11 novembre..
- Les derniers temps, il était jamais là. On restait sans nouvelles plusieurs jours, plusieurs semaines. Ça nous faisait du bien, on soufflait. Mais on ne savait pas quand il allait rentrer. La porte pouvait s'ouvrir d'une minute à l'autre. Il avait les clés! On était sous son emprise. On respirait plus. On était dans l'angoisse d'entendre une clé dans la serrure, de le voir apparaître dans l'entrée. Les enfants avaient peur.
(P. 160)
Pendant tout ce temps, j'avais une seule préoccupation, avoir suffisamment de force pour protéger mes enfants. Et je pense que c'est pour ça que je suis pas allée à la police plus tôt, je pense que j'économisais mes forces. Il en faut pour aller à la police la première fois qu'on est agressée, c'est pas facile, et il en faut beaucoup aussi pour protéger ses enfants de leur père. J'ai choisi. J'ai préféré garder mes forces pour protéger mes enfants, plutôt que d'aller à la police pour me protéger moi.
(P. 159)
Pour empêcher la tension de monter, il la laisse décider. Ce n'est pas une question de critères mais d'initiative. L'important n'est pas le choix mais qui l'a fait. Quand elle rencontre quelqu'un qu'elle connaît, elle est charmante. Si c'est lui ou les enfants, à moins qu'elle puisse se montrer à travers eux, elle ne l'est pas. Si elle n'a pas eu l'initiative et ne trouve pas d'intérêt direct à la chose, cette chose l'indiffère et la gêne. Il faut qu'elle puisse décider. Ou si l'événement est extérieur à elle, qu'elle puisse en tirer un bénéfice particulier. Sinon ça l'encombre. Elle ne fera pas la tête. Mais il y a toute une gamme entre la tête et la gaieté. Il y a des nuances et des degrés. Billy les connaît, il sait les repérer.
(P. 28)
Je me suis sentie seule. Au milieu d'eux . Seule. Et trahie. J'ai pensé qu'il fallait avoir subi l'esclavage sous une forme ou sous une autre, avoir été asservi, pour comprendre ce qu'était l'inceste.
Ce n'est pas un problème de saleté, ni de souillure. C'est un bannissement, l'inceste. C'est un déclassement à l'intérieur de la famille, qui se décline ensuite dans la société, avec une même logique qui se répand.
Les rares fois où je décidais de parler, la moindre brisure dans mon élan le cassait. Le moindre frein, la moindre interruption, la moindre coupure m'empêchait de continuer.
J'avais deux méthodes de survie, avec deux objectifs opposés. J'étais partagée entre les deux.
Parler. Briser le silence. Pour ça, il fallait voir les choses. Les savoir. Les faire exister dans sa tête. Se les représenter mentalement. Supporter les images. Vivre avec elles. Trouver les mots qui leur correspondaient. Les exprimer.
Se taire. Ca permettait de ne pas avoir d'images dans la tête, de continuer à faire semblant. De ne pas savoir vraiment, de ne pas avoir peur, de ne pas donner corps à l'inquiétude, de ne pas donner de réalité à l'impression d'avoir une vie gâchée. Qui existait dans les deux cas, et provoquait une forte angoisse. Il fallait la supporter, la gérer et la contrôler. Dans la solution "se taire", l'angoisse se manifestait quand j'étais avec mon père, sur les actions et les détails concrets Il fallait surveiller les gestes, négocier des limites. C'était une préoccupation sur l'instant. Le reste du temps, je pouvais avoir la tête vide, ne pas penser, ne pas savoir, ou de façon rapide, fugace.
J'avais le choix entre les deux solutions. Parler ou se taire. Donc, quand je prenais mon élan pour parler, il ne fallait pas m'interrompre. Il fallait m'écouter, me laisser aller jusqu'au bout. Sinon je changeais de méthode.
Je me suis rendu compte qu’on n’y arriverait jamais. Et qu’il valait mieux renoncer, sinon j’allais sans arrêt me prendre des portes dans la figure. Même si j’étais sûre qu’on s’aimait
Il passe à côté de la chance de sa vie, jamais plus il ne rencontrera quelqu’un comme toi. Peut-être, je ne sais pas, mais moi, comment je vais faire, moi non plus, je ne rencontrerai plus quelqu’un comme lui
Quand je te regarde, je souffre parce que je sais que je n’ai pas le droit de t’aimer, d’être complètement amoureuse de toi et de me laisser couler. Alors que je suis si bien dans tes bras et que tes yeux me possèdent. tu es comme un grand amour se dérobant sous mes yeux en direct. Qui s’estompe comme quelqu’un de perdu pour toujours. Alors que j’aurais pu t’aimer tellement
C’était un dialogue de deux déprimés qui s’étaient aimés, qui s’étaient aimés, qui s’étaient retrouvés, et qui n’y arrivaient plus
Je t’ai détestée. Je veux arrêter de te détester. J’ai compris que cette colère cachait un chagrin. Que ce chagrin était un chagrin d’amour. Et que… je n’ai pas cessé de t’aimer
Je me mettais sur ses genoux. Je calais ma tête dans son cou, elle
refermait ses bras sur moi. Ou je me collais à elle, debout, les bras autour de
ses hanches. Je restais comme ça, en la serrant. J’ajoutais des terminaisons
au mot « maman ». Je le faisais durer dans ma bouche. Je jouais avec la
prononciation. J’inventais des mots pour la désigner. Elle levait les yeux au
ciel, et elle balançait la tête. Je l’embrassais beaucoup. Certains baisers
portaient des noms. J’avais baptisé « bibi complet » celui qui commençait
par le front, descendait sur les paupières, les joues, le menton et se terminait
par un baiser sur les deux oreilles.
J'ai pensé qu'il fallait avoir subi l'esclavage sous une forme ou sous une autre, avoir été asservi, pour comprendre ce qu'était l'inceste.
- Voilà ce que je voulais te dire. Pour que tu saches. J'ai envie de crever. Je veux que tu le saches. Et que c'est de ta faute.
Les mots sont repartis au fond de ma gorge. Le nœud s'est reformé.
J'aurais pu sortir. j'avais 15 ans. On peut faire 2-3 pas dans la rue à 15 ans.
Je voulais le dire... Je ne trouvais pas les mots qui correspondaient. Ils ne venaient pas. La phrase ne se formait pas. L'intention était là. Elle se fracassait sur un vide.
distendre la réalité, un côté un blackout total, de l'autre une mise en lumière excessive, me demandait des efforts. Il fallait ignorer dés pans de réel entiers, éclairer les points positifs, faire semblant d'avoir oublié certaines scènes, maintenir à flot un niveau de fierté. j'avais une période de référence. Les 8 jours entre la rencontre à Strasbourg et le baiser sur la bouche à Gérardmer . une unité de mesure. La joie que j'avais éprouvée entre ces deux dates .une méthode. Il fallait que je puisse prétendre, à mes propres yeux, que j'étais heureuse. Je devais me convaincre moi-même. Il fallait traiter les scènes en trop par le mépris, et les considérer comme des scories à déblayer.
quand je dis que je ne pensais pas, c'est parce que je pensais tout le temps à quelque chose. Je n'avais pas le temps de réfléchir. mon esprit était toujours occupé Je surveillais tout . c'était une surveillance constante , sans relâche. Les gestes, et l'expression. la surveillance ne change rien .les gestes avaient lieu . surveillance. barrage. contrôle. quand ils arrivaient, il fallait faire semblant que ce n'était pas grave . faire semblant est devenu une attitude générale. Un automatisme. applicable à tous . imprégnant toutes mes relations. l'attitude que je devais adopter avec lui determinait ma façon de parler de lui aux autres . il fallait qu'il y ait une cohérence. Je ne pouvais pas passer d'un état d'esprit à un autre radicalement différent, selon les interlocuteurs.
les rares fois où je décidai de parler, la moindre brise dans mon élan le cassait .le moindre frein, la moindre interruption, la moindre coupure m'empêchait de continuer. j'avais deux méthodes de survie avec deux objectifs opposés. j'étais partagée entre les deux . parler . briser le silence. Pour ça, il fallait voir les choses. Les savoir.les faire exister dans sa tête . se les représenter mentalement. Supporter les images. vivre avec elles . trouver les mots qui leur correspondaient .les exprimer. Se taire. Ça permettait de ne pas avoir l'image dans la tête, de continuer à faire semblant . de ne pas savoir vraiment, de ne pas avoir peur, de ne pas donner corps à l'inquiétude, de ne pas donner de réalité a l'impression d'avoir une vie cachée . exister. dans les deux cas, ça provoquait une forte angoisse. Il fallait la supporter, la gérer, et la contrôler. dans la solution se taire, l'angoisse se manifestait quand j'étais avec mon père, sur les actions des détails concrets. Il fallait surveiller les gestes, négocier des limites. c'était une préoccupation de tous les'instants. le reste du temps, je pouvais avoir la tête vide, ne pas penser ne pas savoir, ou de façon rapide, fugace. j'avais le choix entre les deux solutions. parler ou se taire . donc, quand je prenais mon élan pour parler, il ne fallait pas m'interrompre. Il fallait m'écouter, me laisser aller jusqu'au bout point sinon je changeais de méthode.