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Critiques de Claude-Prosper Jolyot de Crébillon (39)
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Tableaux des moeurs du temps dans les différe..

« Nous avons donc ici un livre, un peu décousu peut-être, mais non sans valeur, peinture satirique d'une société à la fois rigoriste et libertine. La psychologie des personnages est d'un relief étonnant, le ton est naturel, souvent d'une cynique vérité. Ce n'est pas l'oeuvre d'un esprit vulgaire. » Nous dit le préfacier qui a tenu à garder l'anonymat et dont je ne partage pas l'avis.

J'ai toujours eu beaucoup de mal avec la littérature du XVIIIe siècle. Crébillon ne déroge pas à la règle. J'ai parcouru plus que lu ces dialogues rapidement. Juste pour me faire une idée. Car d'emblée, le ton ne me plaît pas. Pour tout dire ces badinages libertins m'agacent un peu et j'y vois peu d'intérêt. A replacer dans leur contexte sûrement. Bon maintenant je connais Crébillon.
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La nuit et le moment - Le hasard du coin du..

Voila un moment de lecture comme je les aime. Un vrai régal, un texte ciselé découpé dans de la dentelle; des phrases rondes, charnelles, un langage délicat et précis. Le libertinage est ici décrit avec finesse et la femme comme l homme jouent a se charmer en se repoussant, s accablant de reproches qui finissent par devenir des qualités. Et si souvent l amour se défend d etre confondu avec le plaisir les deux se mêlent dans une lutte adorable pour le plus grand plaisir du lecteur....
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Les égarements du coeur et de l'esprit

Une oeuvre qui est au programme de ma deuxième année de licence et qui m'a inspiré des sentiments contrastés.



L'écriture du XVIIIème est un régal et justifie à elle seule la lecture de ce classique.



L'intrigue est (trop ?) simple. Le très jeune M. de Meilcour, qui fait son entrée dans le monde, se retrouve partagé entre la marquise de Lursay, une amie de sa mère et amante expérimentée qui souhaite l'initier aux plaisirs de l'amour, et la jeune Hortense de Théville qui éveille chez lui le sentiment amoureux mais qui semble irrémédiablement indifférente au jeune homme. Quand il n'est pas occupé par ces deux femmes, Meilcour tente de copier celui qu'il considère comme un modèle, l'élégant, le cynique et le cruel Versac, qui fait et défait la réputation d'une femme en un battement de cils, et de se dépêtrer de l'intérêt marqué que lui portent deux vieilles... catins dont La Senanges.



Meilcour est d'une sottise consternante, il est vaniteux et se laisse manipuler d'un bout à l'autre du roman sans jamais rien comprendre réellement à ce qui se passe.



Le libertinage était extrêmement codifié, on ne séduisait pas grâce à une oeillade enflammée, non. Il suffit de lire et relire les dialogues, les échanges entre les protagonistes pour s'en convaincre.

Les mémoires de Meilcour sont souvent très drôles d'ailleurs. J'ai souri plus d'une fois, fort heureusement, car cela m'a évité de bailler continuellement.



Le problème c'est que je n'ai m'empêcher de songer aux Liaisons dangereuses presque tout au long de ma lecture. Valmont et la marquise de Merteuil sont d'une autre trempe. Nul ennui avec le roman de Choderlo de Laclos, et surtout parce qu'on y trouve une réelle tension dramatique, un suspense, des morts qui vous arrachent une larme ou deux, une fin presque morale, et une véritable histoire d'amour.



Ici, on cause, on s'observe, on cause encore, on se fuit, on se cherche, on cause toujours... Cela m'a ennuyée considérablement. Versac n'est pas Valmont, il est antipathique au possible, Mme de Lursay n'a rien de particulièrement intéressant et Meilcour est une catastrophe ambulante, le jeune sot que l'on a envie de gifler au bout de deux pages...



Sans la Fac, je n'aurai probablement jamais lu Les Egarements, soyons honnête...



A ceux et celles qui hésitent, je dirai : lisez plutôt les Liaisons dangereuses. Mais ce n'est que mon humble avis.
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Les égarements du coeur et de l'esprit

Quand on a eu comme moi, l'audace d'emprunter à Crébillon une partie du titre de son beau roman pour en couronner ses propres écrits, le moins que je puisse faire c'est de publier une chronique pour témoigner de mon admiration pour cet auteur phare du 18ème siècle qui a enchanté ses contemporains et continue à illustrer à travers les siècles, l'esprit français dans toute son élégance.

C'est bien une comédie sociale qu'il nous livre à travers les mésaventures du jeune Meilcour qui découvre les tourments du coeur et les incertitudes de l'amour à travers ses relations avec trois femmes.

Mme de Lursay, l'amie de sa mère, belle femme mûre et expérimentée qu'il admire et rêve de séduire alors que celle-ci lutte contre le tendre attachement qu'il lui inspire.

Mme de Sénanges, la voluptueuse coquine qui vit pour les plaisirs de l'amour et ne dédaignerait pas d'ajouter à son tableau de chasse ce joli jeune homme

Enfin la belle Hortense, mystérieuse et inaccessible qui enflamme les sens de notre héros par son indifférence.

C'est bien la maxime: suis-moi, je te fuis, fuis-moi, je te suis qui est ici illustrée avec un raffinement extraordinaire, porté par la merveilleuse langue du 18ème siècle qui berce son lecteur et le laisse imaginer qu'il lit, pelotonné dans une vaste bergère douillette aux moelleux coussins de satin.

Le monde révolutionnaire est encore loin et c'est la douceur de vivre d'une aristocratie oisive qui donne le ton au récit.

Toutefois, il ne faut pas être dupe des apparences et Versac, le mondain aguerri qui se pique de donner au jeune Meilcour de judicieux conseils pour se frayer un chemin dans le monde, traduit dans son discours le regard sans concession que porte Crebillon sur la socièté de son temps dans laquelle "le coeur et l'esprit sont forcés de s'y gâter, tout y est mode et affectation ".

Nous voici dans le royaume de l'imposture, de la dissimulation et du paraître, là où triomphe "l'esprit frivole et méchant, le discours entortillé".

Mais qui a dit que ce monde est tellement éloigné du nôtre et qu'il est impossible de s'y reconnaître et de s'y projeter ?

Regardez autour de vous. La nature humaine reste diablement identique et au détour d'un cocktail mondain , vous aurez certainement la surprise de croiser Versac qui aura troqué son jabot de dentelles et son habit de soie, pour un costume Hugo Boss. Ne manquez pas de le saluer de ma part ...
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Les égarements du coeur et de l'esprit

Après les errances lubriques de Bukowski, je voulais revenir au libertinage et aux salons du XVIIIe, en me fiant à la réputation de ce roman et à la quatrième de couverture, sans me douter qu'en réalité, j'allais plus me retrouver du côté de Marivaux que de Sade... Mais peu importe, j'ai passé un excellent moment. Mes incursions dans le XVIIIe siècle français sont rares, mais toujours très appréciées, elles me replongent toujours dans les cours fabuleux de Fabrice Chassot, excellent XVIIIémiste de l'Université Toulouse-II, l'année où La Vie de Marianne était au programme de l'agrégation...



Ce roman, comme ceux de Marivaux, est une suite de rencontres mondaines où le paraître millimétrique, les interactions sociales et leur interprétation, décident de tout, avec en plus des débats sans fin sur les sentiments amoureux, le désir, la fidélité, la réputation et son extrême importance... Il se passe peu de choses véritablement, et l'on y tergiverse beaucoup, mais j'adore, justement grâce à cette plume du XVIIIe. L'intrigue est très simple : Le jeune Meilcour, qui ne connaît pas vraiment le monde (la bonne société comme les plaisirs, sous-entendu), fantasme sur celui-ci, et jette d'abord son dévolu sur Madame de Lursay, plus âgée, amie de sa mère, qu'il connaît depuis l'enfance. Ce qui est passionnant, c'est que grâce aux infinies tergiversations des personnages, l'on se rend compte qu'il n'est pas réellement amoureux d'elle, mais veut juste se projeter dans une histoire d'amour, en vivre une, il s'agit plus d'attirance sexuelle pour Madame de Lursay... Alors que Meilcour essaie de séduire Madame de Lursay et de la persuader de vaincre pour elle-même sa réputation de femme seule qui en a fini avec les plaisirs, il croise une jeune femme dont il ne connaît d'abord pas l'identité, et dont il tombe éperdument amoureux. Il cherchera alors à se débarrasser de Madame de Lursay et de l'attirance qu'elle éprouve pour lui, mais les codes des salons mondains, qu'il ne cesse de mal interpréter et de mal exécuter, joueront contre lui, ainsi que l'évolution perpétuelle de son coeur. Les fameux égarements du coeur et de l'esprit sont ceux-là : Les aléas sentimentaux de Meilcour, en perpétuelle évolution, aussi dans sa propre façon de décoder ce qui se passe réellement dans son coeur, ainsi que les joutes oratoires perpétuelles des personnages, qui décident de la suite de leurs choix, de leurs actions... On notera la présence d'un personnage secondaire du nom de Versac comme mauvais génie et expert ès séduction qui, d'après les spécialistes, aurait influencé Laclos pour la création du Vicomte de Valmont dans Les Liaisons dangereuses.



Deux légers bémols : Le style a au début souffert de la comparaison avec Marivaux (même si c'est évidemment très proche) et l'inachèvement supposé du roman, qui fait que l'on est un peu frustré. Ce qui est devenu le dénouement tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, et l'on pouvait imaginer encore plein de péripéties sentimentales pour Meilcour, dans sa découverte du monde, des plaisirs, de son coeur, et du ring des apparences et de la rhétorique de salon... Mais j'ai vraiment passé un superbe moment, loin de la frénésie débile et de l'hystérie vulgaire de notre époque...

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Le Sylphe

Un petit conte libertin de Crébillon fils, publié en 1730. Il s'agit d'une lettre qu'écrit Mme de R à son amie Mme de S à propos d'un songe qu'elle a eu. L'essentiel de la lettre rapporte son dialogue avec un Sylphe, esprit de l'air, qui s'efforce de la séduire. On trouve déjà dans ce texte la prédilection de Crébillon pour une séduction par les mots et uniquement les mots. Le Sylphe est en effet invisible jusqu'à la presque fin. On dirait deux libertins (même si Mme de R se défend d'en être) discutant de l'art et la manière de séduire les femmes malgré leurs protestations de vertu.

C'est enlevé et très agréable à lire.
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Les égarements du coeur et de l'esprit

Ce n'est pas mon Crébillon fils préféré, mais il reste l'un de ceux qui me plaisent particulièrement. Il y aborde, sous la forme d’un roman-mémoire, l’initiation et la formation du jeune Meilcour. J’avais oublié depuis ma lecture précédente combien celui-ci pouvait être agaçant de naïveté et de stupidité d’ailleurs. Heureusement, Madame de Lursay, puis Monsieur de Versac le prendront sous leur aile et le guideront, avec plus ou moins de succès. Je ne qualifierais pas la première de libertine : il s’agit plutôt d’une femme sensible (au sens du 18e siècle), voire d’une « machine à plaisir » dont parle la Marquise de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses. Quant au second, je le considère par contre tout à fait comme un libertin, autant de mœurs que d’esprit, et comme un homme de son siècle : dans le long monologue à Meilcour, il lui révèle les clés pour réussir dans le monde aussi bien que lui. Ce faisant, il lui livre une analyse de la société de son temps qu’il a patiemment observée afin de la maîtriser. En cela, il m’a rappelé la Marquise de Merteuil, en moins joueur peut-être. Mon seul regret majeur après la relecture de cette œuvre est qu’on ne dispose pas de la suite du monologue de Versac (si elle a lieu), celui qui devait porter sur les femmes et qui a été reporté à un autre jour.
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Les égarements du coeur et de l'esprit

Après avoir découvert le père, j’ai eu envie de le comparer au fils. J’avais déjà lu Les égarements du cœur et de l’esprit il y a un très très longtemps, j’en avais gardé un souvenir un peu confus, d’un roman d’apprentissage au siècle du libertinage. Je pensais juste le parcourir, au final je l’ai lu en entier, ou presque (je suis passée très rapidement sur quelques passages).



Le terme « libertin » renvoi à deux concepts, la liberté de pensée qui dès le XVIe siècle commence à mettre en doute, en particulier la religion, jusqu’à dans certains cas l’athéisme, et un libertinage de mœurs, apparu dans un deuxième temps, en quelques sorte comme une conséquence du premier, et qui est aussi une remise en cause d’un certain ordre social. On associe beaucoup plus facilement le libertinage actuellement au libertinage de mœurs, mais il ne faut pas oublier l’origine du concept. Un roman libertin, même s’il contient des éléments érotiques voire pornographiques (et c’est loin d’être le cas pour tous) contient aussi des éléments philosophiques et/ou artistiques. Le libertinage procède d’une conception matérialiste, d’une primauté accordée à la Nature, de la recherche d’une morale naturelle fondée sur l’épanouissement des instincts vitaux de l’homme, d’où découle une certaine conception de la sexualité.

En même temps, ce type de littérature est vraiment le produit d’une époque, et encore plus particulièrement d’une classe sociale, véhicule une conception aristocratique. Que ce soit dans les personnages, dans le langage employé, dans les stratégies de séduction.



Pour en revenir à Crébillon et à son roman, la première partie paraît en 1736, la deuxième et troisième en 1738, et le roman ne sera jamais achevé, même s’il est suffisamment prévisible pour qu’on se doute de la fin. Il s’agit d’un roman d’apprentissage, le personnage principal, Meilcour a 17 au début du livre, et va vivre, par le biais de son éducation sentimentale, sa formation en tant qu’homme.



« La première et la seconde partie roulent sur cette ignorance et sur ses premières amours. C’est, dans les suivantes un homme plein de fausses idées, et pétri de ridicules, et qui y est moins entraîné encore par lui-même, que par des intéressées à lui corrompre le cœur, et l’esprit. On le verra enfin, dans les dernières, rendu à lui-même, devoir toutes ses vertus à une femme estimable. »



Donc notre Meilcour, sot et imbu de lui-même, de surcroît terriblement timide, rencontre dans le monde Mme de Lursay, une femme bien plus âgée que lui.



« Telles étaient les dispositions de Mme de Lursay lorsqu’elle forma le dessein de m’attacher à elle. Depuis son veuvage et sa réforme, le public, qui pour n’être pas toujours bien instruit n’en parle pas moins, lui avait donné des amants que peut-être elle n’avait pas eus. Ma conquête flattait son orgueil et il lui parut raisonnable, puisque sa sagesse ne la sauvait de rien, de se dédommager par le plaisir de la mauvaise opinion qu’on avait d’elle. »



Et donc notre veuve entreprend de séduire notre jeune homme, tout en essayant de lui faire croire que c’est lui qui en a envie et qui est l’élément moteur dans toute cette histoire. Vu la stupidité du dit jeune homme, le moins que l’on puisse dire que ce n’est pas gagné, et cela donne lieu à quelques passages hilarants.

Par exemple, elle réussit à le garder le soir dans son boudoir, espérant qu’il se montre un peu entreprenant :



« Je ne me vis pas plutôt seul avec elle que je fus saisi de la plus horrible peur que j’aie eue de ma vie….elle s’aperçut aisément de mon embarras, et me dit, mais du ton le plus doux, de m’asseoir auprès d’elle sur un sopha où elle s’était mise. Elle y était à demi couchée, sa tête était appuyée sur des coussins, et elle s’amusait nonchalamment et d’un air distrait à faire des nœuds…..

Vous faites donc des nœuds, madame ? lui demandai-je d’une voix tremblante.

A cette intéressante et spirituelle question, Madame de Lursay me regarda avec étonnement. Quelque idée qu’elle se fût faite de ma timidité et du peu d’usage que j’avais du monde, il lui parut inconcevable que je ne trouvasse que cela à lui dire. »



Et entre temps, Meilcour rencontre une ravissante jeune fille de bonne famille, dont il tombe amoureux, et qui aussi n’est pas insensible à ses charmes. Mais niais comme il est, il pense qu’elle en aime un autre. Il subit également l’attraction d’un petit maître, séducteur, cynique, Versac.



Le livre s’achève, alors qu’il vient enfin de succomber à Mme de Lursay, mais sur laquelle, à cause d’une intervention de Versac, il ne se fait guère d’illusions.



C’est très bien écrit, parfois très drôle (surtout au dépend du pauvre Meilcour) et même si c’est un peu didactique (il y a de longues considérations, en particulier sur l’amour mais pas que) cela constitue une lecture très agréable, même si la fin nous est annoncée d’emblée, et que les personnages restent plus des types que des vrais personnes.

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La Nuit et le Moment

Un pur délice que ce dialogue libertin entre un homme et une femme qui se confient leurs expériences amoureuses et font leur conquête réciproque en utilisant toutes les ressources du discours galant dans un raffinement stylistique incomparable au cours d'un nuit où ils partagent une intimité complice dans le même lit.

Crébillon excelle à croquer ses contemporains, cette aristocratie désoeuvrée qui fait des jeux de l'amour (et du sexe) sa principale occupation. La liberté de moeurs du 18ème siècle n'a rien à envier au monde contemporain et la grivoiserie des situations est particulièrement audacieuse alors que le discours ne fait que suggérer sous un voile pudique le déroulement des faits...

Je me suis régalée à cette lecture particulièrement coquine bien faîte pour rappeler que l'on peut trouver dans la littérature érotique bien mieux que "Cinquante nuances de Grey"
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La Nuit et le Moment

Publié en 1755, dans La Nuit et le Moment ou Les Matines de Cythère, Crébillon-fils magnifie dans un savoureux dialogue, celui de la belle Cidalise et de Clitandre, l'art subtil de la narration et de la séduction. plaisant sujet.



Ainsi donc, la nuit tombée, Cidalise reçoit dans sa chambre la visite inattendue de son impétueux ami Clitandre. Celui-ci ne s'en cache pas: il avoue, tout impétueux, que c'est mû par le seul désir de gagner le coeur et les charmes de Cidalise qu'il est venu jusqu'ici. Cependant sa réputation (celle d'une courtisan aux multiples conquêtes amoureuses) l'a semble-t-il précédé. Bien informée, Cidalise ne se soumet pas aisément aux avances de son visiteur et exige, pour le tenir à distance, qu'il lui confie par le détail le récit de ses aventures amoureuses, celles en tout cas qu'on lui connaît... Clitandre se soumet. Contrarié et présomptueux, il ne manque cependant pas de ressources et d'arguments pour revenir à l'objet de son désir. Et si le coeur de Cidalise n'est pas facile à prendre, il ne demeure pas insensible...



La Nuit et le Moment est, dans la littérature libertine du XVIIIème siècle, un véritable petit bijou. L'éloquence, le raffinement, la gravité et la légèreté des propos et de la scène font de cette oeuvre comme un délicieux petit bréviaire sur la séduction, sur l'amour naissant, ce toujours doux compromis entre passion et raison.

Un beau et plaisant moment de lecture.

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Le sopha

Roman libertin qui n'est pas sans rappeler, à raison, Les Bijoux Indiscrets de Diderot écrit plus tardivement dans le siècle. Ce ne sont pas les "bijoux" des femmes que Crébillon fait parler, mais un courtisan dont l'âme fut emprisonnée dans les sophas durant une vie antérieure. Libre de voyager de l'un à l'autre, il a ainsi surpris de nombreuses scènes privées et érotiques, depuis la chambre délabrée d'une pauvre courtisane au somptueux palais d'une jeune princesse, en passant par la "petite maison" d'un libertin. Il relate ces scènes sous forme de contes au sultan, friand de ce genre littéraire, mais auditeur dissipé : il ne se prive guère d'interrompre fréquemment le narrateur pour le reprendre, le prier de supprimer ses "dissertations" qui l'ennuient, etc. Ces interventions sont assez agaçantes à mon goût, mais aèrent néanmoins le récit qui tire en effet parfois quelque peu en longueur.





Si l’œuvre de Diderot m'avait amusée, je lui préfère néanmoins de loin celle de Crébillon: moins philosophe et plus léger, le ton de celui-ci me convient davantage. Les anecdotes érotiques rapportées par le narrateur sont agrémentées de discussions sur l'amour, notamment, et révèlent surtout la face cachée de la société du temps: bien plus que par l'amour ou la vertu, les personnages sont menés par l'hypocrisie, la luxure, et surtout la vanité.

Je déconseille cette œuvre à ceux qui y recherchent uniquement un récit érotique: le langage de Crébillon est voilé, délicat, souvent à double entente, et certainement pas cru comme peut l'être celui d'autres œuvres libertines du même siècle. Pour les amateurs du libertinage et de ce style d'écriture à double entente, c'est un véritable régal de lecture.
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Le Sylphe

Ce court récit de Claude Crébillon ( appelé également Crébillon fils - 1707-1777 ) considéré comme précurseur de Laclos, se lit comme un conte philosophique galant. Première publication de l'auteur, il se présente comme une lettre - Songe de Madame de R*** écrit par elle-même à Madame de S*** -. Sous couvert de ce contexte narratif réaliste dont l'introduction peint un tableau savoureux du libertinage de la société parisienne du XVIIIème, la Comtesse relate donc à sa correspondante un rêve, l'auteur jouant ainsi du mélange des genres et du respect des bienséances.



Ce songe est conté sous la forme d'un dialogue piquant entre la dame et le Sylphe ( un elfe, un génie de l'air, dans les mythologies celtiques et germaniques ), séduction par les mots, jeu de séduction avec les émotions, les sens, pas les sentiments. Il m'a semblé que, comme dans le roman "Point de Lendemain" de Vivant Denon, la scène, bien qu'à huis clos, relevait également du jeu théâtral.



Ce dialogue en réflexion à la fois légère et fine sur la (l'in)constance du désir et les principes de la passion - " ces moments où le coeur plus vif et plus prompt échappe à la réflexion " - sur ce coeur des femmes ( selon l'époque ), leur relation aux hommes. Et dans ce récit, aux plaisirs de l'amour s'associent l'élégante impertinence du style, ses métaphores et allusions érotiques, le charme de ce libertinage qui l'est aussi d'esprit face aux conventions sociales, aux règles imposées aux femmes.
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Lettres de la Marquise de M*** au Comte de ..

Crébillon fils nous offre à lire la correspondance entre une marquise et un comte, ou plutôt seulement les lettres écrites par la Marquise. L’histoire d’amour entière est évoquée à travers ces quelques 80 lettres et billets, de sa naissance à sa mort, en passant par les nombreux reproches et lamentations d’amour. Mais les lettres de la Marquise ne se réduisent pas à de simples lamentations : celle-ci s’efforce d’analyser ce qu’elle ressent et de percer les mystères de son amant. Ces lettres nous plongent par ailleurs au cœur des salons mondais du XVIIIe, que l’auteur fréquente lui-même assidûment, hantés par les libertins et les coquettes et régis par des rituels sociaux très codifiés. Une lecture plaisante de ce premier vrai roman épistolaire du XVIIIe siècle, qui préfigure Les Liaisons Dangereuses de Laclos.
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La Nuit et le Moment

La nuit et le moment : un coup de cœur! Il s'agit d'un dialogue à deux voix (entre une femme, Cidalise, et un homme, Clitandre) composé à la fois d'une séduction et de récits de séductions passées. Le libertin Clitandre, qui semble fort habile dans ce premier art, l'est tout autant dans celui de narrer. Persuasif, pressant et délicat, respectueux et impertinent, cet amant a décidément tous les tons pour plaire, et la faiblesse de Cidalise se comprend aisément. Bien plus qu'un savoir-faire (même s'il ne semble pas en manquer non plus d'après les impressions de ses amantes), il possède un savoir-parler absolument délicieux et irrésistible.

Crébillon déploie non seulement un style théâtral et libertin auquel je suis particulièrement sensible, mais aussi une certaine ironie vis-à-vis de sa propre œuvre dans ses didascalies. Bref, un véritable régal stylistique!
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Les égarements du coeur et de l'esprit

un petit chef d'oeuvre ! je me souviendrai longtemps de mon exposé en fac de lettres sur "l'ironie et l'humour" dans ce délicieux ouvrage de Crébillon fils - j'y ai contracté pour toujours l'amour de l'esprit du XVIIIè siècle, tout en finesse et subtilité, avant la Révolution !
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La nuit et le moment - Le hasard du coin du..

La nuit et le moment (5 étoiles): un coup de cœur! Il s'agit d'un dialogue à deux voix (entre une femme, Cidalise, et un homme, Clitandre) composé à la fois d'une séduction et de récits de séductions passées. Le libertin Clitandre, qui semble fort habile dans ce premier art, l'est tout autant dans celui de narrer. Persuasif, pressant et délicat, respectueux et impertinent, cet amant a décidément tous les tons pour plaire, et la faiblesse de Cidalise se comprend aisément. Bien plus qu'un savoir-faire (même s'il ne semble pas en manquer non plus d'après les impressions de ses amantes), il possède un savoir-parler absolument délicieux et irrésistible.

Crébillon déploie non seulement un style théâtral et libertin auquel je suis particulièrement sensible, mais aussi une certaine ironie vis-à-vis de sa propre œuvre dans ses didascalies. Bref, un véritable régal stylistique!



Le hasard du coin du feu (4,5 étoiles): à nouveau un dialogue, mais qui se déroule à trois voix pendant une petite partie. La discussion commence d'abord principalement sur des ragots, puis se dirige vers les confidences et les expériences personnelles, ce qui donne lieu à des "débats" sur l'amour, les goûts ou l'attitude des amants. Ceux-ci, presque autant menés par Crébillon dans ses didascalies que par ses personnages, m'ont beaucoup intéressée. Le style de cet auteur, bien que moins galant que dans La nuit et le moment, m'a encore une fois ravie et subjuguée! Je n'en conseillerais pas la lecture à tous: il y a beaucoup de non-dits et de subtilités qui pourraient en agacer certains tandis qu'elles me fascinent, mais pour les amateurs du style précieux ou des belles écritures tout simplement, c'est un auteur à découvrir!
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Les égarements du coeur et de l'esprit

Crébillon n'est pas Choderlos de Laclos, et ses personnages n'ont pas l'intérêt, et surtout l'épaisseur de ceux des Liaisons dangereuses. Il manque tout d'abord un monstre, à l'image de Mme de Merteuil. Car si les femmes sont ou prudes ou libertines - ou mères, et dans ce cas elles ne comptent pas, l'amour n'est pour elles toutes qu'un badinage. Car qu'est-ce qu'on cause... Comme le dit un personnage "vous dissertez sur l'amour" ; oui, les personnages font l'amour au sens classique de parler d'amour, mais ils ne concluent guère. Certains passages sont plutôt drôles aux dépends du personnage principal, qui est d'une telle naïveté et d'une telle inexpérience qu'il ne sait pas quoi faire physiquement...

J'ai donc trouvé ça assez redondant, avec des personnages qui sont plus des types que des personnalités fouillées - en une journée, Meilcour passe de la passion supposée pour la marquise, à l'admiration pour une jeune femme forcément plus jeune, et au désir pour une femme mûre.

Comme l'ont dit mes prédécesseurs, lisez ou relisez les Liaisons dangereuses, pour les personnages et pour les événements - on ne parle pas que d'amour, on le fait.
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Le sopha

Le sopha. Conte moral / Claude Prosper Jolyot de Crébillon fils (1707-1777).

Publié en 1742, cinq années après sa rédaction, ce conte aux couleurs et au cadres orientaux selon la mode de l’époque, fait écho aux Mille et une nuits et autres chinoiseries, et s’affirme comme une réflexion sur les aléas du désir et de l’amour, où alliés à une écriture subtile et mutine, l’érotisme et l’irrévérence sont de bon ton, rappelant par certains côtés les tableaux de Watteau et de Boucher. En musique même, les goûts se portèrent vers les Indes Galantes de Rameau qui connurent un succès inouï. En littérature, ce furent les Lettres Persanes de Montesquieu (1721) qui connurent et connaissent toujours une célébrité jamais démentie.

Le narrateur conteur, une certain Amanzéï faisant référence à la croyance brahmanique de la métempsychose, a connu diverses réincarnations et même une en un meuble, un sofa.

« Brama prit l’idée d’enfermer mon âme dans un meuble. »

Selon la croyance toujours, Amanzéï ne retrouverait sa forme humaine que quand deux personnes se donneraient mutuellement et sur lui, leurs prémisses.

C’est à l’intention du sultan Schah-Baham régnant à Agra aux Indes non loin du Taj Mahal, un être ignorant et bavard, grotesque et gourmand de gaillardises, miroir grossissant de nos propres faiblesses, rongé par l’ennui quoique lecteur béat du recueil des Mille et une nuits, - et de la sultane qu’Amamzéï raconte les scènes dont il a été témoin. Sept couples vont ainsi défiler sur le sofa.

Une série de situations sont alors développées où les divertissements amoureux entre mari et femmes, amants d’un jour et autres rencontres sont narrées. Il arrive qu’une femme ait le mauvais rôle, songeant souvent moins à corriger le penchant vicieux de son cœur qu’à le voiler sous l’apparence de la plus austère vertu. Son âme étant naturellement portée aux plaisirs, elle se livre au vice sans connaître l’amour.

Une autre reçoit indifféremment tous ceux qui la trouve belle pour la désirer, pourvu cependant qu’ils soient assez riches pour lui faire agréer leurs soupirs.

Et Amanzéï de conter une aventure suivante où il trouve quelque tranquillité :

« Je m'envolai dans une maison , qu'à sa magnificence , et au goût qui y régnait de toutes parts , je reconnus pour une de celles où je me plaisais à demeurer , où l'on trouve toujours le plaisir , et la galanterie , et où le vice même , déguisé sous l'apparence de l'amour , embelli de toute la délicatesse , et de toute l'élégance possibles , ne s'offre jamais aux yeux que sous les formes les plus séduisantes . »

Le dernier couple, formé de deux jeunes adolescents, Zéïnis et Phéléas, après avoir joui innocemment du plaisir qu’ils se donnent, remplit les conditions permettant à Amanzéï d’être libéré de son état de sofa :

« Quoique la tunique de gaze qui était entre elle , et lui , ne le laissât jouir déjà que de trop de charmes , il écarta enfin ce voile que la pudeur de Zéïnis défendait encore faiblement , et se précipitant sur les charmes que sa témérité offrait à ses regards , il l'accabla de caresses si vives , et si pressantes , qu'il ne lui resta plus que la force de soupirer de bonheur . Zéïnis se prêta voluptueusement aux transports de Phéléas , et si les nouveaux obstacles qui s'opposaient encore à sa félicité , la retardèrent , ils ne la diminuèrent pas . Enfin , un cri plus perçant qu'elle poussa , une joie plus vive que je vis briller dans les yeux de Phéléas , m'annoncèrent mon malheur et ma délivrance ». Ainsi Amanzéï quitta son statut de sofa et fut réincarné.

Crébillon tout au long de ce récit brode avec virtuosité sur le même thème, conjuguant satire politique et mise à jour de l’hypocrisie sous ses différentes formes, vertu, dévotion et respectabilité mondaine. Des pages de ce conte émane un érotisme juvénile et pervers, délicat et épanoui, parfois brutal ou honteux et un temps masqué, afin d’assouvir un désir de percer les secrets d’alcôve et le désir de jouissance du tiers voyeur. Allusives mais fort précises, les métaphores, litotes et périphrases habillant de fine gaze les évocations les plus vives, sont souvent à décrypter pour lever les voiles du silence et de la pudeur. Car l’érotisme, c’est l’art de voiler et dévoiler pour préférer les détours coquins d’un propos gazé, à la nudité du discours obscène. Pour Crébillon, la nudité a besoin du vêtement pour être érotique, et il ne faut pas oublier que le roman érotique est aussi un conte moral illustrant la comédie humaine que l’on se plait à démasquer. Crébillon veut offrir, en moraliste, un regard sur les hommes dont il dénonce la vanité à l’instar de La Fontaine ou La Rochefoucauld, une vanité qui selon lui mène le monde.

Ce conte « moral », à sa parution, fit scandale évidemment et connut un grand succès de ce fait. Son auteur fut exilé hors de Paris par le cardinal Fleury en raison du « cynisme » de l’ouvrage et de son libertinage. Par ailleurs, certains ont cru reconnaître dans le personnage ridicule du sultan Shah-Baham, le roi Louis XV. Exilé donc, Crébillon se rendit en Angleterre où le livre connut également un grand succès.

Une mention évidemment pour le style somptueux de ce roman libertin de la séduction, coquin et croustillant, allié à une prose alerte, subtile, éblouissante et pleine de finesse qui offre une lecture fort agréable.



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La Nuit et le Moment

Une femme, un homme et un lit.

Cidalise et Clitandre dialoguent : ils jouent avec les mots, usent de litotes et de périphrases et, après chaque période, font la chose (paraphrasant le vaillant petit tailleur, Clitandre pourrait s'exclamer, le bienheureux, "Sept d'un coup"!)

Un érotisme aussi léger qu'une espuma : l'art de faire deviner -et que trop bien- ce qu'à aucun moment l'on ne nomme.

Crébillon s'amuse et nous divertit (nous échauffe) au plus haut point : une langue subtile car multiple, un libertinage de haute volée et une maestria dans l'usage du double sens dont la tradition s'est perdue...



"Mais c'est la chose avec le mot

Mais c'est le mot avec la chose

Autrement la chose et le mot

A mes yeux seraient peu de chose"

Abbé de L'Attaignant
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Les égarements du coeur et de l'esprit

L'amour et la séduction sont, chez Crébillon, d'un ennui mortel.
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