Citations de Cyrille Javary (114)
Yi. Le sens de ce mot se comprend en regardant l’idéogramme. Il est divisé en deux parties. En haut, le soleil et en bas l’évocation de liquide en train de tomber : le soleil et la pluie. Le premier sens de Yi se rapporte aux changements de temps, aux passages du soleil à la pluie et de la pluie au soleil. De là vient son sens général de : changements, transformation. Mais il a aussi deux autres sens dérivés. Le premier est : facile, simple, naturel. Aux yeux des Chinois, la qualité essentielle du changement c’est d’être la fluctuation même de la vie. Le second sens dérivé est : stable, fixe, règle. Que le même idéogramme signifie à la fois changement et stabilité paraît assez paradoxal. L’explication est fournie par le Yi Jing lui-même. Il y est dit que la seule chose durable, c’est que tout change toujours tout le temps.
Pareil anachronisme prête à sourire, mais pour un esprit chinois, il n'y a rien d'anormal : nommer n'est pas affaire de chronologie, mais de symbolisme. Que le roi Wen ait vecu quasiment deux mille ans avant ce qui apparaît aujourd'hui est tout à fait secondaire. Cette méthode d'utilisation du Yi Jing n'est pas attribué à Wen Wang parce qu'il l'a inventé, mais parce qu'elle lui ressemble.
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Les quatorze caractères qui manquent pour que le compte soit arithmetiquement exact montrent bien que l'objectif étaient d'atteindre à une harmonie efficace, pas à une perfection maniaque.
C'est sans doute là ce que le Yi Jing et la pensée chinoise en général ont de mieux à nous apporter. Une efficacité à longue haleine, une maniere pour chacun de nous, femmes et hommes, de nous placer au meilleur de nous même, en harmonisant dans notre vie l' ardeur Yang et l'endurance Yin.
Il est honteux de devenir riche et honoré quand le pays est mal gouverné. Il est honteux de demeurer pauvre et obscur quand le pays est bien gouverné.
Autrefois, les pèlerins, croyant que Bouddha les appelait, n’hésitaient pas à sauter dans le vide de la falaise qui entoure le temple...
Claude Roy raconte qu'assistant au début des années 1950 à la transformation d'un petit temple de village en grenier du peuple, il avait demandé au gardien de cette chapelle si cela ne lui faisait pas trop de peine de voir la statue du dieu local déboulonnée et remisée dans un hangar. "Non, lui avait répondu le gardien, c'était un vieux dieu ; il n'était plus trop efficace."
Alors même qu'il semble aujourd'hui que l'argent soit le seul dieu prié sur le contient chinois, on se rassure de voir les vieux temples de jadis sont toujours là.
Etonnant exemple de pérennité chinoise : aucune dynastie impériale, aucune lignée royale ne peut revendiquer une telle continuité par-delà tant de siècles et de soubresauts de l'histoire. Le soixante-dix septième descendant en ligne directe de Confucius, M. Kong Decheng, vit actuellement à Taïwan.
Le confucianisme n’est pas une religion, le taoïsme est un ensemble de pratiques de longue vie avec des aspects religieux, et le bouddhisme, philosophie de l’existence importée des Indes, est ce qui ressemble le plus à une religion organisée à dominante monastique. (…) Ce sont des enseignements, parce qu’ils professent, avec autorité, ce qui intéresse en Chine : la signification ultime de la vie de l’être humain, des modèles d’existence.
La différence entre les religions occidentales et ce que nous prenons comme telles en Chine se lit aussi dans les édifices qui y sont associés et la manière dont ils sont fréquentés. En Occident, églises, synagogues, mosquées sont des endroits par nature séparés du monde profane et où l’on doit se rendre à des moments spécifiques de la journée ou de la semaine. Les temples chinois, Henri Michaux l’a bien remarqué, ne sont pas des endroits sacrés, mais des lieux spécifiques. À l’exception des grandes fêtes annuelles, plus particulièrement bouddhistes, les Chinois ne s’y rendent pas à une date précise ; ils n’y vont pas pour honorer collectivement une déité, ils y viennent occasionnellement pour y négocier une affaire personnelle, une demande précise déposée auprès d’entités spécialisées dans la résolution de telle ou telle difficulté.
Le fétichisme est un trait caractéristique des peuples primitifs. Ordinairement, à mesure qu’un peuple développe sa civilisation, il remplace le fétichisme par des dogmes plus relevés. Les Chinois sont les seuls qui aient progressé dans les arts, l’industrie, la littérature, sans abandonner leurs idées fétichiques et même en les développant de plus en plus.
La différence entre les religions occidentales et ce que nous prenons comme telles en Chine se lit aussi dans les édifices qui y sont associés et la manière dont ils sont fréquentés. En Occident, églises, synagogues, mosquées sont des endroits par nature séparés du monde profane et où l’on doit se rendre à des moments spécifiques de la journée ou de la semaine. Les temples chinois, Henri Michaux l’a bien remarqué, ne sont pas des endroits sacrés, mais des lieux spécifiques. À l’exception des grandes fêtes annuelles, plus particulièrement bouddhistes, les Chinois ne s’y rendent pas à une date précise ; ils n’y vont pas pour honorer collectivement une déité, ils y viennent occasionnellement pour y négocier une affaire personnelle, une demande précise déposée auprès d’entités spécialisées dans la résolution de telle ou telle difficulté. Ce ne sont pas des lieux constitutivement habités par une présence sacrée, mais plutôt des espaces spécialisés où les déités condescendent momentanément à se rendre pour recevoir les doléances des solliciteurs, bref des salles d’audience, comme le résume parfaitement Vincent Goossaert.
Or en Chine, plus encore que partout ailleurs dans le monde, une supplique adressée à un puissant doit, pour être entendue, être présentée dans les formes. Il faut donc commencer par attirer l’attention de la déité avec des encens appropriés (leur spécificité est clairement mentionnée sur les paquets qui les enveloppe : tel bâtonnet est propice à la réussite aux examens, tel autre à l’enrichissement de la famille, celui-là à la protection contre les maladies, etc.).
En chinois, taoïsme, confucianisme et bouddhisme sont réunis par une expression, images images sān jiào, qui est généralement traduite par « trois religions », ce qui faisait dire au père Larre qu’«on aura rarement eu la main plus malheureuse pour fournir un équivalent occidental à l’expression chinoise san jiao3 ». Ne serait-ce simplement que parce que aucun idéogramme, en chinois classique, ne correspond à l’idée occidentale de religion.
Bonheur, félicité, prospérité, etc., telles sont les principales significations du caractère 福 (fú), dans lequel on retrouve l’abondance de la jarre pleine (富), ici associée au signe général des affaires religieuses (礻contraction graphique de 示 shì). Plus que ce qu’il représente, le plus remarquable dans cet idéogramme est ce qui n’y figure pas. Qu’il ne comporte pas le signe du cœur (心 xīn) montre que pour l’esprit chinois le bonheur n’est pas un sentiment individuel ; qu’il ne comporte pas non plus le signe du « mandat du ciel » (命 mìng) montre également que le bonheur n’est pas une récompense due à la décision d’une quelconque entité transcendantale.
Rendre ce mot simplement par « bonheur » en restreint un peu la signification. Il vaudrait mieux y voir cet apaisement résultant d’un accord harmonieux entre le matériel et l’invisible entre le terrestre et le rituel garantissant une abondance de nourritures terrestres.
La seule chose qui ne changera jamais, c'est que tout est toujours en train de changer.
Jadis le Chine était au bout du monde, maintenant elle est au centre de nos préoccupations. Pourtant, plus elle prend de place dans notre quotidien, plus elle reste lointaine, mystérieuse, incompéhensible.
Les cérémonies du culte ancestral rendu à Confucius n'ont jamais cessé. De nos jours, elles sont conduites par son 77e descendant en ligne directe. Aucune famille, aucune dynastie ne peut se vanter d'avoir une continuité remontant aussi loin dans l'histoire. C'est peut-être pour cela qu'on a appelé Confucius "le roi sans couronne".
Messagers du Ciel, les oiseaux, dont le vol paraît exempt de toute contrainte, sont effectivement, de toutes les créatures vivantes, celles qui sont le moins soumises aux contingences terrestres.
Les caractères n'ont pas de sens, ils ont une surface. N'étant pas enfermés dans un carcan grammatical, ils jouissent d'une souplesse d'interprétation dont rêveraient les mots de toutes les autres langues