Dans ce court récit, l'auteure partage un épisode banal de sa vie : son divorce à l'âge de 50 ans, quand elle décide de quitter son mari et la vie qu'elle a construite avec lui et pour leurs filles. Elle quitte la maison familiale pour se trouver un appartement qui deviendra le cocon de sa nouvelle existence. Cette séparation va être pour elle l'occasion de s'interroger sur le rôle du mariage, de la femme épouse et mère, et sur les rôles qui lui sont dévolus par la société. Car, comme elle l'indique, divorcer c'est aussi quitter un cadre social, une norme.
J'ai aimé le style de l'auteure, intimiste et féministe. J'ai la voir retrouver son autonomie, sa liberté et y prendre un grand plaisir. J'ai adoré notamment l'épisode du cabanon au fond du jardin d'une amie, qui deviendra son refuge d'auteure. Cette liberté a un coût, celui d'un confort matériel mais également la sécurité d'une vie qui se conforme à la norme. Pourtant, le plaisir de retrouver la liberté de vivre pour elle, de s'organiser comme bon lui semble... semble bien en valoir le prix.
Si j'ai aimé ce texte, c'est aussi parce qu'il me parle et fait en partie écho à ma vie. A celle des femmes en général aussi sans doute, de celles qui perdent leur nom et parfois jusqu'à leur identité pour devenir "la femme de...". Des femmes qui se mettent à la disposition de leur foyer et de leur famille, du mari comme des enfants, au point parfois de ne plus se sentir chez elles dans leur propre maison. Deborah Levy évoque comment la femme doit être à l'écoute de son mari et disponible pour lui à chaque instant, combien elle peut lui servir de faire-valoir sans jamais avoir l'espace suffisant pour pouvoir s'exprimer elle-même.
Il est aussi beaucoup questions des hommes dans ce texte, des maris et des pères. Et ils sont loin d'avoir le beau rôle, sans doute son divorce y est-il pour quelque chose. Mais je pense que Deborah Levy nous offre un regard pragmatique et féministe sur la famille. J'ai écouté récemment une émission de France Culture, La critique, où Le coût de la vie était évoqué. Comme l'évoque l'un des intervenants, je pense que le fait d'être une lectrice, femme, conjointe et mère, aide certainement à se sentir en empathie avec le récit et à partager le ressenti de l'auteure. L'un des journalistes s'agace de ce féminisme archaïque, dépassé selon lui... Pour ma part, je dirai que ce que l'auteure décrit dans ces quelques pages est loin d'être dépassé et que, pour ma part, beaucoup de passages m'ont parlé. Le chemin de l'émancipation est encore long.
J'ai trouvé que ce texte était un bel hommage aux femmes et aux mères. Deborah Levy sait parler de son rôle de mère, en creux pour ne plus être celle qui se sacrifie pour ses enfants. Elle parle aussi de manière très touchante de sa propre mère et de toutes ces mères qui vivent pour les autres. Elle évoque le parcours de sa mère qui a lutté pour la défense des droits de l'homme en Afrique du Sud, qui a dû renoncer à faire des études parce que "personne n'a cru bon de lui dire qu'elle était très douée" et parce que les femmes à cette époque n'étaient pas censées faire des études mais se marier, avoir des enfants et trouver un petit boulot "insignifiant qui ne déboucherait pas sur une véritable carrière". Quelle femme ne serait pas sensible à ce texte ?
Une belle biographie inspirante ! Dans un style limpide, touchant et souriant, un beau moment de partage. Le tout assaisonné de références littéraires qui m'ont encore donné envie de lire : Emily Dickinson, Marguerite Duras, Simone de Beauvoir, James Baldwin ou George Orwell...
A lire, et à offrir !
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