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Critiques de Dennis Lehane (1892)
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Shutter Island

Je sais que j'arrive bien longtemps après l'extinction des feux de la rampe avec ce livre, à l'heure où les brasiers ardents sont désormais des tas de cendres d'où ne s'échappe plus guère qu'une menue fumée continue...

Ce roman a connu deux heures de gloire distinctes à quelques années d'écart : l'une à sa sortie en 2003, car l'auteur de Gone, Baby, Gone ; Ténèbres, Prenez-Moi La Main ou encore Mystic River était attendu par les aficionados tel le beaujolais nouveau par les bordées de pochetrons ou l'heure de la migration par les hirondelles grelottant sur leur fil électrique.

L'autre effervescence autour de Shutter Island eut lieu au tournant de l'année 2010, lors de la sortie au cinéma de l'adaptation réalisée par Martin Scorsese avec Leonardo Di Caprio et Ben Kingsley dans les rôles principaux.

C'est juste avant cette sortie, fin 2009, que j'ai lu Shutter Island, lecture à la suite de laquelle je suis allée voir le film dans la foulée.

Ce n'est pas sans intérêt à mes yeux que j'aie laissé s'évacuer un peu la chaleur ardente et que j'écrive les pieds dans la cendre tiède. Je pose ainsi mon index sur ma tempe et m'interroge honnêtement : "Que me reste-t-il de cette double expérience plusieurs années après les faits ? " Car d'après moi, c'est là qu'on sait ce qu'un livre ou un film a remué en nous.

Donc, que me reste-t-il ? Une impression bonne, mais diffuse que je vais tenter de vous retranscrire et d'analyser.

Précision numéro 1, vous me connaissez suffisamment pour savoir que je ne souffre guère la comparaison avec les grands adeptes des thrillers, polars et autres romans noirs, qu'on rencontre sur le site, tels Lehane-Fan (ça ne s'invente pas !), Caro64, Carré, Belette2911, Jeranjou et autres authentiques vrais connaisseurs. Gardez à l'esprit que c'est une parfaite béotienne qui vous parle.

Précision numéro 2, avec bientôt 200 critiques au compteur, peut-être n'est-il point besoin de re-préciser les détails du synopsis, où d'ailleurs, pour ce genre d'ouvrage, raconter l'histoire est quelque peu sacrilège car tout réside dans le " fin mot de l'histoire " qu'on découvre dans les toutes dernières pages (assimilable au " mot de la fin " dans ce cas précis) et dans la divulgation progressive et savamment orchestrée par l'auteur d'éléments, dans un ordre bien déterminé.

Je vous en rappelle simplement le thème : psychiatrie et internement des criminels déséquilibrés en établissement spécialisé dans l'Amérique des années 1950. C'est suffisant, vous en savez presque déjà trop si vous n'avez pas encore lu ce livre.



La matière, maintenant. Dans son style ce livre est bien, on pourrait ajouter très bien, voire très très bien fait, même si j'ai souvent du mal à me laisser embarquer dans la fine mécanique de roulage dans la farine de ces auteurs de thrillers, où l'on vous égare, on l'on vous dévoie systématiquement pour vous faire croire et miroiter plein de choses erronées tout en distillant, presque par inadvertance, subrepticement, comme des papiers tombés de la poche, des indices hyper importants, comme pour mieux vous dire après : " Vous voyez, je vous l'avais dit, je vous avais donné toute la clef de l'énigme, mais vous n'aviez pas fait attention, vous n'avez pas réussi à deviner, bande de nazes ! "

C'est donc très bien fait dans ce style, et c'est plaisant et prenant à la lecture. Ne boudons pas notre plaisir, c'est un bon moment d'excitation. Mais comme je suis d'un naturel têtu et obstiné, je repose la question : " Que reste-t-il après, passé la découverte du scénario ? "

Là, ma réponse est plus embarrassée et pour être sincère jusqu'au bout, je vous avouerai : " Probablement pas grand-chose au fond de mes paniers... " C'est un peu comme ces jolis feux de paille qui nous éblouissent mais qui ne nous réchauffent pas ou bien alors ces vins très sexy au palais, dans les premiers instants, et qui retombent comme des soufflets ensuite.

C'est vrai, j'ai tendance à préférer les bourgognes, un peu moins sexy, mais qui tiennent mieux en bouche.

Il est vrai que l'ambiance est bien rendue ; on chemine dans un monde glauque à souhait, où l'on se doute que dès qu'on s'enfonce dans un boyau, un éboulis va se produire, que notre palpitant va s'affoler, que notre adrénaline va s'en donner à cœur-joie. En ce sens, Shutter Island arrive magistralement à atteindre son objectif qui, comme le nom " thriller " l'indique, est de nous faire frissonner l'épine dorsale et claquer nos grosses molaires baveuses en accord avec nos genoux qui s'entrechoquent...

Mais sur le rendu purement littéraire cette fois ? J'avoue ne pas avoir eu tout mon compte. Je vais aller encore un peu plus loin qu'avec ma comparaison œnologique.

Vu que ces ouvrages se prêtent admirablement aux adaptations cinématographiques (alors même que l'on sous estime toujours les capacités d'imagination du lecteur), qu'ils n'en perdent pas leurs attributs ni leur charme à l'écran, ni tout ce qui les rendaient grands (je me fais l'avocate du diable et je sens déjà monter les grondements réprobateurs de la Fronde et je palpe déjà l'inextinguible rancœur qui se dessine dans l'âme de certains) c'est qu'ils ne sont...

... pas beaucoup plus que des scenarii bien ficelés !

Un peu comme ce que serait le théâtre s'il n'y avait ces fameuses répliques dont tout le monde se souvient au sortir de la salle et qui nous marquent bien souvent pour le restant de nos jours. Imaginez par exemple Cyrano, s'il fallait se contenter du seul scénario, s'il n'y avait pas le " C'est un roc, c'est un pic, c'est un cap..." ? Eh oui, songez-y objectivement, à tête reposée, quand la chaleur est retombée.

Donc, si l'équation : " scénario = littérature " vous convient, vous aurez tout votre compte avec Shutter Island et vous serez même repus.

Si, par malheur, comme moi, vous considérez que " scénario = une partie et une partie seulement de l'ensemble complexe et pluri-axial que constitue l'ouvrage d'art du littérateur ", alors il vous restera peut-être un petit goût d'inachevé. N'est pas Umberto Eco qui veut...

Le seul point où je trouve le livre de Dennis Lehane franchement meilleur que le film de Scorsese, c'est sur le traitement et le développement de la personnalité de Chuck, l'équipier du héros, pendant le premier tiers du livre. Là, il y a un vrai plus, quelque chose qui confine à la littérature que j'aime, c'est-à-dire quelque chose que l'écran ne sait pas bien retranscrire, que seule la texture livresque sait faire vibrer et bien ressentir.

Rien que pour cet avantage, j'aurais tendance à vous conseiller malgré tout plus le livre que le film, mais je considère que les deux se valent, globalement. C'est un bon, un très bon moment, mais pas à mes yeux un moment d'extase littéraire où l'on a envie de noter chaque phrase, comme il m'arrive parfois, et de se les redire dans la tête, tellement on les trouve belles et sonnantes. Et la traduction n'est pas en cause, lorsque je lis du Steinbeck, du Tolstoï, du Hesse, le problème de la traduction se pose et pourtant le verbe m'envoûte.

En outre, ceci n'est bien évidemment que l'avis éhonté d'une novice en matière de polars ou de thrillers, c'est-à-dire, pas grand-chose.



P.S. Qu'on ne me fasse pas dire que je snobe le talent de scénariste de Dennis Lehane, car l'extraordinaire qualité de celui-ci ou bien, s'il est nécessaire d'en juger, sa remarquable contribution à l'élaboration du scénario de l'époustouflante série " The Wire " ("Sur écoute" dans la version française) est là pour en témoigner. Ce que j'exprime simplement, c'est qu'être scénariste ou être littérateur, ce n'est pas tout-à-fait la même chose, tout comme faire les Beaux-arts ou faire les Arts-déco, ce n'est pas non plus tout-à-fait la même chose. D'une certaine manière, le scénariste fait de la littérature appliquée. Ce n'est pas moins noble, c'est juste un peu différent, cela comporte ses contraintes propres et cela vient étayer les armes du réalisateur pour enflammer l'imaginaire du spectateur. Le réalisateur possède encore des sortilèges comme l'éclairage, le cadrage, le découpage ou la manière de diriger le jeu des acteurs. L'écrivain, lui, pour envoûter son lecteur, a dans ses prérogatives ce que nul autre ne peut prétendre lui subtiliser, la métaphore, la cadence de ses phrases, l'ajout ou le retrait de la ponctuation, l'expression d'un style, ou tout autre artifice, qui font qu'il est illusoire de vouloir tenter de rendre à l'écran du Proust, du Céline ou du Flaubert. C'est comme ça, on n'y peut rien.
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Le Silence

Mary Pat Fennessy. Ce nom, je ne l'oublierai pas. Cela fait très longtemps que je n'avais pas fait la rencontre d'un personnage féminin d'une telle envergure. Quarante-deux ans. Deux boulots pour joindre les deux bouts dont un d'aide-soignante dans une maison de retraite. Un premier mari, mort jeune. Une deuxième mariage effondré. Un fils mort d'overdose au retour du Vietnam. Une fille de dix-sept ans, Jules, tout ce qu'il lui reste. Mais Jules disparait après une sortie entre amis, la même nuit où un jeune Noir est retrouvé mort près d'une station de métro.



Le scénario est immédiatement propulsif avec son mystère à trois volets : où est Jules ? Qu'est-il arrivé au jeune Noir ? Les deux événements sont-ils liés ? D'autant plus propulsif que c'est Mary-Pat qui se lance dans sa propre enquête voyant que l'officielle n'avance pas. Et que Mary-Pat, c'est un bulldozer.



Mary-Pat, c'est le pur produit de son terroir, South Boston, quartier blanc de la classe ouvrière irlandaise. Une dure à cuire qui n'a jamais connu que sa communauté et en partage totalement les valeurs, y compris les plus rances. Et durant cet été 1974, ça chauffe.



Pour mettre fin de facto de la ségrégation raciale dans les écoles publiques, le juge fédéral Garrity a décidé la mise en place du busing : le transport par bus des enfants des quartiers blancs vers des écoles à majorité noire et vice versa. Ce sont les quartiers pauvres de South Boston et Roxbury qui sont choisis les premiers, déclenchant la fureur des Américano-irlandais de Southie. Le contexte historique est bouillonnant et donne immédiatement un surcroit d'intensité et d'épaisseur au drame vécue par Mary-Pat dans cette poudrière attisée par les tensions raciales.



« Bobby est frappé de constater que quelque chose d’irrémédiablement détruit et de totalement indestructible à la fois vit au plus profond de cette femme. Et ces deux caractéristiques ne peuvent pas coexister. Une personne détruite ne peut pas être indestructible. Et pourtant, Mary Pat Fennessy est assise là devant lui, détruite mais indestructible. »



La disparition de sa fille remet tout en question chez la mère, et notamment le mantra selon lequel les Irlandais de South Boston peuvent compter les uns sur les autres, formant un vrai «  peuple ». Une révolution s'opère en elle lorsqu'elle se heurte au silence, l'omerta même, imposé par le parrain local. Par désespoir, elle est prête à tout faire péter. Animée par une colère et une haine telluriques, elle part en guerre pour retrouver sa fille, avec la détermination d'une héroïne de tragédie grecque.



Aux cotés de Mary-Pat la guerrière obstinée, le lecteur se retrouve pris dans une intrigue remarquablement menée, emplie d'un puissant souffle romanesque et d'une urgence renversante. Entre scènes d'action saisissantes, denses moments intimistes et dialogues comme pris sur le vif, sa quête est bouleversante.



Et c'est d'autant plus fort que Mary-Pat n'est pas une héroïne « sympathique »

au départ. Elle est archi violente, toujours prête à dégainer ses poings ou son couteau pour se lancer dans la baston. Surtout, elle est imprégnée des préjugés racistes de son époque et de son quartier. Même si elle commence à déconstruire tout ce qu'elle pensait a priori, on sent bien qu'il n'y a pas de rédemption possible pour elle, juste une vengeance à accomplir , celle de ceux qui ont tout perdu et qui pleurent sous le poids inéluctable de la violence transmise par des préjugés mortifères.



Un grand Lehane, ( quasi ) dans la lignée de Mystic River et Un Pays à l'Aube, porté par une charismatique héroïne à laquelle l'auteur offre une déchirante élégie furiosa conclue en un final ébouriffant.
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Mystic River

Je sais pertinemment qu'il y a de nombreux fans, aficionados et adorateurs de Dennis Lehane sur ce site, et je sais également que ce que je vais écrire plus bas ne leur plaira pas forcément, mais l'on n'est pas obligé d'être de l'avis de tout le monde, et c'est le droit que je m'octroie aujourd'hui, quitte à passer sous les fourches caudines de leur mépris.



Je l'avais déjà constaté et maladroitement argumenté à propos de Shutter Island et j'ai éprouvé un sentiment analogue à la lecture de Mystic River.



L'histoire est parfaite, un scénario finement huilé, très cinématographique, très dialogué, idéal pour être porté à l'écran. Ce que fit d'ailleurs Clint Eastwood avec grand brio pour Mystic River ou Martin Scorcese pour Shutter Island.



Or, c'est précisément là que je commence à tiquer. En effet, je ne connais pas de bons romans que l'adaptation à l'écran n'ait amoindris, car inévitablement tous les aspects que recouvrent un bon roman ne sont pas transmissibles en format cinéma. Vous me suivez ? (Bien sûr on peut toujours écrire « Ses godasses étaient usées jusqu'à la corde et elle se décida enfin à les foutre en l'air. » mais on peut aussi écrire « le soir de ses ballerines avait paru, depuis bien longtemps déjà, et elle eut regret de s'en séparer... à jamais. » )



Il va sans dire qu'on peut trouver des tenants du livre au détriment du film, mais on en trouvera peut-être autant qui prétendent l'inverse. La vérité, c'est probablement que le film et le bouquin se valent, très fidèles l'un à l'autre, avec leurs avantages réciproques, mais dans l'ensemble, très comparables. Comme si, finalement, la véritable finalité du livre était d'être porté à l'écran.

C'est la définition textuelle d'un scénario.



Pour moi, Dennis Lehane est un scénariste hors pair, mais pas un écrivain au sens où je l'entends. Je n'ai peut-être pas suffisamment argumenté ce point dans l'avis que j'ai laissé à propos de Shutter Island, alors je vais tâcher de faire mieux et d'être plus parlante pour Mystic River.



De mon point de vue, par exemple (je prends cet exemple, mais je pourrais diversifier à l'infini, qui connaît, autre exemple, la chaîne de restauration rapide Chuck E. Cheese et comprend qu'il faut entendre par là qu'elle accueille tout particulièrement les enfants ?) lorsque Dennis Lehane nous parle de telle ou telle actrice de série mièvre américaine, il suppose que son lectorat connaît cette actrice, s'en fait une image mentale parlante et connaît le « type » que cette actrice matérialise. Bien évidemment, pour un certain nombre de lecteurs, c'est parlant, c'est évocateur. Mais pour un nombre encore plus grand d'autres (nombre qui ne fera qu'augmenter au fur et à mesure que ces séries tomberont en désuétude, remplacées par d'autres du même acabit mais plus récentes), cette référence est sans fondement. En ce sens, c'est une faiblesse d'écriture. Un livre doit se suffire à lui-même. S'il faut baigner dans un jus culturel particulier pour lui être accessible, c'est dommage.



Pour rendre cet exemple encore plus parlant, si je vous parle d'Alice Sapritch, de Dorothée ou de Vanessa Demouy, pour un certain nombre d'entre vous, cela fera sens. Chacune, à sa façon, représente un type particulier et digne d'offrir une comparaison. Cependant, si j'écris dans un roman : « C'était le portrait craché de Dorothée. » C'est une faute d'écriture car nombre de lecteurs présents et futurs ne s'imaginent pas le moins du monde qui peut bien être Dorothée, et je ne vous parle même pas d'un pauvre lecteur sud-américain, congolais ou chinois. Il y a un effort de généralisation qui n'a pas été accompli par l'écrivain. Celui-ci aurait plutôt dû écrire : « Elle avait une blondeur, un sourire forcé et un ton débilitant digne d'une présentatrice d'émissions de jeunesse des années 1980. » Ici, même si mon lecteur n'était pas né ou si au contraire il était trop vieux ou d'une tout autre culture pour avoir connu les émissions de jeunesse des années 1980, il a au moins un moyen de faire fonctionner son imaginaire pour se fabriquer une image mentale (le propre du roman, par opposition au cinéma qui impose une image et une seule), et ainsi lui ouvrir les portes de la compréhension fine de ce qu'a voulu exprimer l'auteur.



Je ne fais pas mystère du fait que j'affectionne les classiques, pourtant, je peux vous pointer très exactement tel et tel point chez tel ou tel auteur, où l'écrit rate totalement sa cible. Qui connaît les airs à la mode à Paris en 1836 ? Si l'argumentaire tient sur le nom de cet air et ce nom seul, vous pouvez être sûr que l'auteur s'est planté, au moins pour la destinée à long terme de son oeuvre. Bien évidemment, si l'on souhaite faire de la littérature jetable, vite écrite, vite lue, vite oubliée, c'est autre chose et vous pouvez oublier cet élément de généralisation.



J'en veux d'ailleurs pour preuve que ce même Dennis Lehane, lorsqu'il écrit Shutter Island, c'est-à-dire une histoire qui se déroule à une époque que lui n'a pas connu, fait l'économie totale de tous ces petits marqueurs soi-disant " d'authenticité ", tel le surnom employé localement pour désigner un modèle de voiture ou bien encore la métonymie de la marque pour désigner une bière. Preuve, s'il en était besoin, de leur totale inutilité stylistique.

Pour terminer sur ce point de style (ou d'absence de style plus exactement) je me contenterai de citer Pierre Desproges qui disait : " J'imite vachement bien l'accent cancéreux de mon père, ça fait rire tous les gens de ma famille, mais évidemment, c'est moins drôle si on connaît pas mon père. "



Si je suis scénariste et non romancier, au contraire, je n'ai pas à faire cet effort de généralisation, car je sais que l'image va venir suppléer au signifié propre du texte. Je n'écris donc pas un scénario comme j'écris un roman.



Si je suis romancier et non scénariste, je sais qu'il y a ce que j'écris (important) et COMMENT je l'écris (encore plus important), car je sais que ce qui restera dans la tête de mes lecteurs, ce ne sera probablement qu'une image globale de l'histoire, par contre, le flamboiement d'une formule, l'impact de tel mot juxtaposé à tel autre, ça c'est ce que l'on retient pendant des siècles et des siècles et c'est ça qu'on entend par le mot littérature au sens noble du terme.



Peut-être est-ce parce que j'ai une trop haute opinion du roman en tant qu'outil d'édification que je suis si pointilleuse sur sa qualité d'écriture et sur les termes dont on se sert pour le qualifier.



Je le répète, pour moi, Mystic River est un super scénario de thriller et j'ai vraiment beaucoup aimé l'adaptation cinématographique qui en est issue et qui lui est très fidèle, mais plus que jamais, Mystic River n'est pas un roman. Ce n'est pas assez écrit pour le considérer comme tel. Je ne peux pourtant pas dire que le résultat soit désagréable à lire, c'est même tout le contraire, c'est juste que je ressens un goût d'inachevé derrière ce fantastique travail d'édification d'un scénario aussi plaisant. Avec un soupçon d'écriture là-dessus, ç'aurait pu être un vibrant chef-d'oeuvre.



Un roman que rien ne dénature à l'écran n'est pas un roman. Prenez n'importe quel roman digne de ce nom, dans des styles ou des époques divers : Les Liaisons Dangereuses, Les Misérables, Voyage Au Bout de la Nuit ou n'importe quel vrai roman. Portez-le à l'écran de la meilleure façon qui soit et dites-moi si vous n'y avez rien perdu.



Bien sûr que si, vous y aurez perdu car l'adaptation ne tiendra compte que du scénario de ces romans et est incapable, par nature, d'évoquer le reste, cette dimension que seule la lecture peut révéler. le scénario n'est qu'une partie (voire la plus faible partie) de ces romans majeurs. (J'ai entendu une fois Daniel Pennac évoquer la difficulté d'adapter ses romans à l'écran, justement, en raison de son écriture métaphorique, intraduisible par l'image.)



On a un peu trop tendance à croire que parce que certains très bons romans ont été magistralement adaptés au cinéma, ce qui en fit d'excellents films, on s'imagine que la réciproque est vraie. À savoir qu'un roman dont est issu un excellent film, et fidèle à celui-ci, ne peut être qu'un excellent roman. Non, et cent fois non, car le roman avait sa raison propre d'exister avant le film. Même sans film cela reste un excellent support culturel, un support de l'imaginaire, tandis qu'un scénario c'est la version écrite d'un storyboard, c'est-à-dire une étape embryonnaire dont le stade achevé, le stade ultérieur est la production d'un support audio-visuel. Ce support, n'est pas nécessairement dévolu à promouvoir l'imaginaire du récepteur ou à travailler sur la langue comme l'est le roman et c'est là toute la différence.



Je prends le roman policier, le roman noir, le thriller suffisamment au sérieux pour croire qu'il est possible d'en faire des romans, au sens le plus noble, et pas de simples scenarii, certes magnifiquement ficelés, mais de simples scenarii tout de même.

Bon, je me suis un peu emportée, et après un tel prologue, peut-être me faut-il tout de même dire deux mots du scénario lui-même, puisqu'il est le fer de lance de l'ouvrage.



Trois gamins de Boston, Jimmy Marcus, Sean Devine et Dave Boyle, traînent dans la rue un jour de 1975 quand ils tombent sur deux types bizarres, à l'allure de flics, qui leur font une remontrance. Ils se proposent de reconduire chez eux ces petits voyous, mais les trois garçons ont un mauvais pressentiment sur ces deux hommes. Seul Dave montera finalement dans la voiture.

Les deux hommes s'avèreront être des pédophiles et Dave restera traumatisé par ces quatre jours d'enfer vécu auprès d'eux.



Vingt-cinq ans plus tard, alors que les trois amis se sont plus ou moins perdus de vue depuis bien longtemps et ont suivi des destinées fort différentes, l'assassinat de la fille de Jimmy va les réunir de la façon la plus étrange.



Dennis Lehane nous conduit à merveille sur les sentiers du doute, dans les tréfonds de la psychologie de ses personnages, sur l'irrationnel enfoui en chacun de nous, sur... stop ! Il n'est pas convenable de vous en dire beaucoup plus donc je me contenterai de ce petit avant-goût et en profite pour vous rappeler que tout ce que j'ai exprimé plus haut ne représente que mon minuscule avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Shutter Island

Stupéfaite, perplexe, voilà ce que je dirais de moi-même à la fin de la lecture de ce roman.Je ne vais pas tarder à regarder le film, à ce que l’on dit, fidèle au livre, car la fin surprenante mérite une deuxième lecture .

Je n’en dirai pas plus à ce sujet.

J’ai écouté ce récit (livre audio) avec un ressenti très variable : angoisse : l’ambiance parfois sinistre et inquiétante étant très bien restituée, impatience : vont-ils trouver une âme charitable pour les guider efficacement, interrogation : un personnage surgit de nulle part sans explication, sans présentation,

confusion : j’ai eu l’impression de me retrouver confrontée à des incohérences , des situations qui ne cadrent pas avec la fin , ces incohérences, (à analyser en deuxième lecture) amènent le lecteur à se demander qui est fou, qui est sain d’esprit lors du dénouement spectaculaire que nous offre Dennis Lehane.

Ne passez pas à côté de ce magnifique thriller psychologique. Un conseil de lectrice, ne perdez pas une miette de ce que vous lirez, cela vous sera utile pour comprendre la situation finale.
Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Le Silence

Le silence durait déjà depuis 2017, mais après six ans d’absence revoilà Dennis Lehane aux manettes d’un polar noir bouleversant et intelligent, mêlant intrigue policière, racisme et drame familial sur fond historique.



S’inspirant d’une scène marquante de son enfance, l’auteur dont les ouvrages ont été adaptés par Clint Eastwood (Mystic River), Ben Affleck (Gone Baby Gone) et Martin Scorsese (Shutter Island) nous propulse à Boston en 1974. Dennis Lehane n’avait que neuf ans à l’époque où sa ville natale s’est retrouvé en pleine ébullition suite à la décision d’un juge fédéral qui, afin de favoriser la mixité, venait de décréter la déségrégation des écoles publiques de la région de Boston. Afin de briser les frontières entre des quartiers populaires majoritairement blancs et majoritairement noirs, les autorités ont en effet instauré un système appelé « busing », affrétant des bus pour transporter des élèves afro-américains dans les écoles exclusivement blanches et vice-versa.



C’est dans cette ambiance de révolte historique que Dennis Lehane invite à suivre les pas de Mary Pat Fennessy, une Irlandaise pur jus issue de la classe ouvrière du quartier irlandais de South Boston, qui ne voit pas cette nouvelle loi d’un bon œil et qui compte d’ailleurs aller manifester afin d’éviter que sa fille de dix-sept ans se retrouve quotidiennement dans un quartier peuplé de nègres. Et oui, l’héroïne de ce roman est une femme forte, élevée à la dure et affublée d’un caractère bien trempé, mais c’est également une irlandaise bagarreuse, portée sur la boisson et foncièrement raciste…comme la plupart des gens de sa communauté… même si cela n’est pas forcément une excuse valable.



Dennis Lehane nous plonge donc une nouvelle fois au cœur d’une communauté irlandaise de Boston pauvre, raciste, ségrégationniste et pas vraiment étrangère aux violences raciales qui font rage. Bourrée de préjugés transmis au fil des générations par cette communauté bâtie sur des liens familiaux, mafieux et communautaires forts, Mary Pat va progressivement prendre conscience des dangers de cet engrenage destructeur visant à entretenir une haine basée sur la différence, pour finalement incarner ce merveilleux cri de rage qui pousse à crier STOP au racisme !



« Appelez-les niaks, appelez-les nègres, appelez-les youpins, micks, métèques, ritals ou bouffeurs de grenouilles, appelez-les comme vous voulez, pourvu que vous leur colliez un nom quelconque qui enlève une couche d’humanité à leur corps quand vous les évoquez. C’est ça le but recherché. Si vous pouvez faire ça, vous pouvez faire en sorte que des jeunes hommes traversent des océans pour aller tuer d’autres jeunes hommes, ou vous pouvez aussi les faire rester ici chez eux, et leur faire faire la même chose. »



« Le Silence » est donc surtout une prise de conscience, un cri du cœur émanant d’un magnifique portrait de femme, qui invite à réfléchir sur les origines du racisme actuel aux États-Unis, à s’ouvrir au changement, à s’extraire d’un héritage ségrégationniste, à ne plus transmettre bêtement la haine de l’autre à la génération suivante car la misère sociale ne doit pas forcément aller de pair avec la pauvreté intellectuelle.



« Vous avez élevé une enfant qui pensait que haïr des gens parce que Dieu leur a donné une couleur de peau différente était quelque chose de normal. Vous avez autorisé cette haine. Vous l’avez probablement engendrée. Et votre gamine et ses amis racistes tels que vous, ont été lâchés dans le monde pareils à des putains de grenades bourrées de haine et de stupidité… »



Coup de cœur !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Shutter Island

"Shutter Island" est un livre inoubliable. Mais avant d'en commencer la lecture, il ne faut surtout pas : 1) lire les critiques déjà publiées ; 2) avoir vu le film ; 3) céder à la tentation de lire à l'avance quelques pages vers la fin...



Car oui, j'en connais, parmi les plus insatiables d'entre vous, qui ne peuvent résister à se goinfrer et dévorer la chute lorsque le suspense devient trop douloureux (tant pis pour eux). D'autres hérétiques vont voir « le film » avant de lire « le livre ». Bon, il s'agit d'hérétiques, il y a certaines choses qu'ils ne peuvent comprendre. D'autres enfin, lisent quelques critiques postées sur Babelio, avant même de lire le livre, histoire de se faire une petite idée… MAIS NON MALHEUREUX… c'est insensé ! Arrêtez ! STOP !!!

Voilà. Si maintenant vous êtes en train de lire ma critique, alors c'est que a) vous avez déjà lu ce livre ; sinon b) vous appartenez à la catégorie 1, 2 ou 3, vous pouvez même cocher plusieurs cases.



Mais nooooon, mais non, rassurez-vous, je ne dévoilerai pas la fin. On la devine facilement, de toute façon ! (Non ? Mais non, je ne l'ai pas dit !) "Shutter Island" est un livre qui rend fou.



Ce livre est à découvrir de préférence sans que l'on ait eu vent du retournement final, qui est du reste annoncé – mais pas dévoilé – à cor et à cri par plein de monde. Il existe de nombreux autres exemples célèbres de retournement final au cinéma : Usual Suspect, Sixième Sens… ainsi qu'en littérature : le Meurtre de Roger Ackroyd, La Nuit qui ne finit pas, et bien d'autres… C'est tellement délectable qu'Agatha Christie n'hésite pas à remettre le couvert. Donc, oui, on peut finir par être lassé de ce procédé (Hein ? Mais non, je n'ai rien dit !)



Ou pas…



Nous sommes en 1954. Deux marshals, Teddy Daniels et Chuck Aule, débarquent un beau matin sur un îlot isolé situé au large de Boston, pour enquêter sur une disparition. La patiente d'un hôpital psychiatrique manque à l'appel. Des fous et des criminels dangereux, des déments sans grand espoir de rémission dont la société a voulu se protéger, sont enfermés derrière les murs de cet hôpital qui ressemble davantage à un pénitencier soigneusement gardé. La patiente disparue, Rachel Solando n'a pu quitter sa « cellule » sans la complicité d'un ou plusieurs membres du personnel. Très vite, Teddy et Chuck se rendent compte que le corps médical occulte des informations et les mène en bateau…



Dennis Lehane sait mieux que personne distiller l'angoisse page après page. le mystère ne cesse de s'alourdir au fur et à mesure des progrès de l'enquête, laissant deviner de bien sombres secrets. le lecteur délicieusement au supplice se laisse engluer dans cette atmosphère anxiogène et demande grâce. Comme Teddy, on en arrive à n'avoir qu'une seule idée en tête : quitter cet endroit maléfique tant qu'il est encore temps. Teddy et Chuck parviennent pourtant à conserver leur calme, imaginent des ruses de sioux et tentent de garder la tête froide pour maîtriser le déroulement de leur enquête. Mais réussiront-il à surmonter tous les obstacles ? (Mais non, je ne dévoilerai pas la fin !)



Évidemment, le lecteur ira de surprises en surprises et en redemande.

Je peux maintenant aller voir / me procurer le film / regarder la bande annonce sur le net (elle est excellente).



Dennis Lehane frappe extrêmement fort ! (Non ! Pas taper ! Pas taper ! Je ne…) Franchement, je crois que je vais maintenant être dans l'obligation de me procurer tous les livres de Monsieur Lehane.

Et même, peut-être, je vais changer de pseudo. Ah, non, on me signale dans mon oreillette que celui-là est déjà pris. Dommage !

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Un pays à l'aube

J'ai toujours trouvé que Dennis Lehanne était un incroyable conteur a tel point que se romans peuvent (et ont) servis a en faire des films.



Une fois encore, ce roman est juste exceptionnel. Ses personnages sont travaillés avec une extrême finesse. Rien n'est laissé au hasard.



Bien évidemment le scénario est juste prenant et nous emmène loin , en véritable immersion au début du XXème siècle.

D'ailleurs je crois bien que là ou réside la qualité première de l'auteur c'est de créer une certaine atmosphère qui fait qu'on se sent emporté, que dis-je téléporté, dans l'univers qu'il nous décrit. On y est. On le vit, en tant que spectateur, en somme en live. Quand je regarde un concert sur un DVD , on n'a pas cette atmosphère qui règne dans un vrai concert. Et bien pour moi Lehanne là fait. Il a su tellement bien retranscrire ses idées, les émotions que le lecteur y est réellement.



Et puis la retranscription des grèves est juste magistrale. Et les sujets traités au fond par ce roman sont assez fort. Parce que le racisme, l'immigration, les malversations.. rien n'est oublié.



Ce roman est pour moi un très, très grand roman, très fort et plein d'humanité.
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Shutter Island

C'est THE thriller.

S'il ne fallait en garder qu'un, ce serait celui-là. Fichtrement palpitant, diablement intelligent, extrêmement bien écrit. Dans l'hexagone, ce bouquin aurait gagné le prix de l'Académie, le Goncourt des lycéens, le Goncourt tout court, et le Renaudot. Non seulement sa maison d'édition évitait le redressement judiciaire mais rachetait Gallimard, le Ritz et les biscuits Lu (j'aime bien les pailles d'or. Quand j'allais au zoo, les ouistitis en raffolaient).

Suffisait de lui coller la reproduction d'un tableau de Hopper sur la couverture, laquelle aurait été blanche pour le sortir du ghetto du roman noir où l'on chante le blues. Sur la 4° (de couverture), papa Freud arborerait sa frimousse sérieuse, filant son auguste caution à une histoire inattendue.

Parce que quand même.



Et oui, au bout de la nuit frénétique, le lecteur découvre avec stupeur que:

1) c'est le colonel Moutarde qui a zigouillé le poussin Piou dans l'annexe avec le chandelier.

2) Miss Marple a violé Hulk sur un malentendu. Elle avait jeté initialement son dévolu sur Dave Robicheaux lequel a quitté l'ile avec Angela Gennaro.

3) la dame en blanc était un transsexuel

4) Sherlock convole en justes noces avec Mary Poppins

5) Oui-Oui a racheté l'île après avoir empoisonné Potiron avec un chocolat chaud. Le mobile du meurtre étant que Potiron s'acharnait à cuisiner des blettes. Ce en quoi, je défendrai Oui-Oui. Les blettes devraient être éradiquées de la surface terrestre.



Vous avez bien lu! Ce roman enchaîne péripéties et renversements de situations avec Brio, Maestria et Furia, les trois Parques de l'île (pas de Pâques; il n'y a pas pas de Kinder à trouver). C'est aussi brillant qu'Aristide, aussi aliénant qu'une camisole de force.

D'ailleurs, je m'en vais rattacher les liens de la mienne et partir lire un club des cinq pour me punir. Plus jamais je ne dévoilerai l'intrigue d'un livre. Si je n'oublie pas ...

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Un pays à l'aube

Avant j'aimais Lehane. Mais ça c'était avant.

A présent, j'admire davantage. Je place l'écrivain dans le cénacle de ceux, rares, qui racontent l'Amérique entre histoires et Histoire, tissant un récit aussi dense et somptueux qu'une toile de Jouy.



Un pays à l'aube, c'est l'Amérique entre 1917 et la prohibition de 1919. Ce sont sept cent cinquante pages qui annoncent dans leurs spasmes sauvages la modernité naissante d'un XX° siècle américain qui s'étourdira de jazz, dressera ses buildings toujours plus haut, connaitra quelques années prospères, tombera dans le capitalisme pour ne plus s'en relever.

John Edgar Hoover pointe déjà son nez.

Les mouvements politiques balaient les rues de Boston. Il y a des rêves anarchistes dans l'air, des bombes qui s'égarent parfois, des tracts bolchéviques qui viennent titiller ces entreprises mangeuses d'hommes. Il y a les noirs que l'on congédie pour faire place aux soldats rentrés d'Europe dans la grande épidémie de grippe. Il y a ce racisme qui ulcère l'âme, gangrène l'espoir d'une impossible égalité. A ce titre, la partie de base ball inaugurale du roman est un sommet en plus d'un hommage à Outremonde de Don DeLillo.

Il y a ces espoirs syndicaux qui s'embourbent déjà.



Avant, j'aimais Lehane. Mais ça, c'était avant. Maintenant je l'élève toujours plus haut dans mon palmarès personnel. Lui qui redonne vie et parole à ces anonymes engloutis par l'Histoire. Lui qui dénonce par des faits (rien que des faits) ce rêve américain qui, malgré ses désenchantements, ne cessera de renaître comme si le seuil de pauvreté jamais ne touchait une part importante de la population.

Jamais d'envolées lyriques. Juste quelques vols de briques. Jamais de considérations oiseuses sur le bien et le mal. Des histoires qui s'enchevêtrent et racontent des hommes. Aucun aphorisme d'écrivain qui se regarde écrire mais le détail qui succède au détail.



Avant j'aimais Lehane. Mais ça, c'était avant. Aujourd'hui, je ne le réduis pas à un auteur de. Avez-vous remarqué combien est réducteur tout complément du nom écrivain? Être écrivain de romans policiers pose moins qu'être écrivain. Pourtant, sans vouloir être mauvaise langue, je connais moult écrivains-tout-court qui ne valent guère l'usure des yeux même minime que la lecture de leur prose reliée engendre. Mais ceci est une autre littérature.



Avant j'aimais Lehane. Mais ça, c'était avant. Maintenant j'aime Lehane.

Il y a juste qu'après un pays à l'aube je possède la preuve que cet écrivain-là est un grand écrivain. Il a su dresser un portrait politique, social, moral d'une Amérique charnelle, pleine de suie, de mélasse, de fureur, d'espoir et de haine. Et il lui a suffi d'incarner quelques destins pour ce faire.

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Shutter Island

J'ai eu l'occasion (la chance ?), de lire le roman avant de voir le film de Scorsese.

J'irai droit au but, j'ai adoré les deux !

Shutter Island,est l'un des rares romans policiers que je n'ai littéralement pas pu lâcher avant de l'avoir terminé, tant le suspense est bien entretenu, et l'intrigue prenante.

J'avoue avoir été bluffé par le dénouement que je n'avais pas vu venir !

Et, le meilleur du plus beau, c'est que quand j'ai vu le film, alors donc, que je connaissais les tenants et les aboutissants de l'histoire, j'ai été aussi surpris par la fin du film, que par celle du livre !

De deux choses l'une; soit, j'ai une mémoire de poisson rouge, et le QI d'une huitre, soit l'adaptation cinématographique est si réussie, qu'une espèce de magie opère autour de ce roman..!

Bon, je préfère tout de même la deuxième explication.

Mais au fait ?

Qu'est ce que j'attends pour lire un autre roman de Dennis Lehane ?

La crainte d'être déçu peut-être ?!
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Shutter Island

Allez, un petit avis sur un livre passé inaperçu d’un auteur peu connu Dennis Lehane adapté par un obscur Martin Scorsese et un débutant un certain Léonardo Di Caprio. Vous le voyez pas de quoi rendre attrayante cette affiche. Ok, j’arrête les conneries !!! Je suis embêté avec « Shutter Island » car beaucoup de mes camarades Babeliophiles vouent une admiration sans borne à ce roman.

Comprenons-nous bien, « Shutter Island » m’a plu, m’a parfois impressionné, m’a aussi estomaqué mais pourtant ni le livre, ni le film n’ont provoqué l’enthousiasme, l’admiration, la révérence sans limite d’un grand nombre pour ce polar. Peut-être trop terre à terre, je préfère de loin « Mystic river », « Un pays à l’aube » ou même « Gone, baby, gone ». Je vois déjà l’incompréhension dans les rangs, les sifflets, les quolibets, les manifestations parfaitement justifiées, mais on ne ce refait pas, « Shutter Island » est pour moi, juste un bon polar. Je me mets à l’abri, voilà les premières tomates pourries qui volent …..

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Gone, Baby, Gone

Allez savoir si les personnages de ce livre sont des héros ou bien des salopards ?

Pas de vérités révélées. Le bien et le mal, le blanc et le noir, ont une tendance fâcheuse à se mélanger pour devenir ce gris plus ou moins foncé.

Hélène, Broussard, Pool, Doyle... De drôles de paroissiens qui naviguent dans cette éternelle grisaille, dans cette tristesse pesante, à la recherche d'un vague pardon, d'une lumière tremblotante là-bas au loin, où bien pour fuir des douleurs intimes...

Tout commence par la disparition d'Amanda, petit bout de femme innocente et fragile d'à peine cinq ans. Ça continue avec celle de la somme rondelette de deux cent mille dollars, produit de ce trafic de drogue qui salit les rues de la grande ville. Pour un petit coin de paradis, beaucoup de personnes bien intentionnées voudraient bien se l'approprier...

Deux histoires qui vont se mêler, s'entremêler, se croiser, dans un scénario complexe et imprévu. Angela Gennaro et Patrick Kenzie, nos deux détectives privés, suivront ces deux pistes avec beaucoup plus d'intuitions et d'hésitations que d'éléments probants. Ils ne maîtriseront rien d'ailleurs ! Ils se contenteront de suivre les évènements, essayant de ne pas se faire tuer, jusqu'au désastre final...

Un livre où l'humour est omniprésent, mais un humour façon thriller : grinçant, amer, et désespéré.

Le pire, dans cette terrible affaire, c'est que la seule personne qui mériterait d'être aidée, parce qu'elle est innocente et n'a rien demandé à personne, ne le sera finalement pas. Ils la rejetteront dans son petit enfer quotidien fait d'indifférence, de désamour et de maltraitance...

Un bien sombre et excellent polar.





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Mystic River

C'est seulement le deuxième roman de cet auteur (après Shutter Island) que je lis et je pressens déjà que dans ma vie de lectrice, il y a un avant-Lehane et un après-Lehane. J'en profite d'ailleurs pour remercier ses fans sur Babelio qui ont ouvert mon horizon littéraire en me le faisant connaitre..



Un mot pour décrire ce roman : magnifique, précis, déroutant, sombre et c'est là que le m'aperçois qu'il est impossible de le résumer en un seul adjectif. Bref, dés les premiers chapitres, je me suis laissée emporter par la "Mystic River" et ses eaux boueuses m'ont ballottée tel un fétu de paille jusqu'à la dernière page qui m'a déposée, complétement anéantie sur le rivage.



Dennis Lehane ne se contente pas de nous écrire un simple polar ; à l'intrigue policière, non seulement il a ajouté une étude psychologique minutieuse mais son roman est une véritable peinture sociale des quartiers ouvriers américains des années 70 à 2000 et de leur évolution. Quand la violence sous-jacente qui règne peut exploser à chaque coin de rue, surtout lorsque les fantômes du passé si difficiles à exorciser refont surface, alors la loi ne pèse pas lourd dans la balance face à la vengeance.

Une étude de mœurs très détaillée où les femmes aussi ont leur rôle à jouer, trois personnages principaux auxquels on s'attache malgré leurs fêlures, des sentiments exacerbés (notamment la douleur de perdre un enfant, le désir de se faire justice, la peur de ses propres démons) ont fait de ce livre mon véritable coup de cœur.
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Mystic River

Mon premier Lehane.

Même pas honte.

Ça m'évoque le temps des premières découvertes, mon initiation aux Playmobil, ma première Sophie la girafe tout ça.



Et cette première fois-là valait bien le détour, fut-ce en retardataire. Lehane arrime une prose élégante à son intrigue parfaitement construite et moi du coup j'ai plongé en apnée.



Point ici de grosse cavalerie ou de manichéisme primaire, juste une subtile dissection de la nature humaine à travers une tragédie au présent cristallisée sur un drame du passé. Personnages complexes et menus désastres en cascade à prévoir – enfile bien ton gilet – car troubles sont les eaux de la mythique rivière, noirs sont les secrets qu'elle charrie, sombre est ce puissant polar aux admirables nuances anthracite.



Un polar oui, mais pas que.

Un vrai classique.




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Quand vient la nuit

"Quand vient la nuit" est l'un de mes films préférés pour différentes raisons, une atmosphère très réussie un thème assez original et les acteurs y sont remarquables notamment Tom Hardy.

C'est en regardant les bonus du DVD que j'ai appris qu'il s'agissait en fait d'une adaptation d'une "grosse" nouvelle de Dennis Lehane, auteur que j'apprécie beaucoup, du coup mon envie de lecture et ma curiosité étaient légitimes.

"Bob, personnage renfermé et solitaire, tient le bar de son cousin Marv à Boston. Lorsqu'il recueille un chiot abandonné dans une poubelle, il est loin d'imaginer que l'animal va l'amener à croiser la route d'une fille et d'un psychopathe..."

On peut parler d'une adaptation fidèle, à 70% au moins. C'est une expérience de lecture assez fabuleuse de retrouver des scènes entières identiques au film et des dialogues reproduits à "la virgule près", j'y ai pris un énorme plaisir.

Mon autre satisfaction a été de découvrir ce que je ne connaissais pas de l'histoire comme les débats intérieurs des personnages qui ne sont pas présents dans le film, disons la partie "off" et qui m'ont beaucoup apportés.

Mais surtout j'ai pu évaluer le parti pris du réalisateur de focaliser sur Bob et son chien au détriment des autres personnages qui sont pourtant bien développés ici, notamment Torres (le flic) et Eric Deeds (le méchant), ou encore celui de donner plus d'envergure à Nadia qu'elle n'en a dans le livre.

Et pourtant je peux dire que le film est fidèle et dans la forme et dans l'esprit, le Boston des truands est sombre et inquiétant à souhait, l'ambiance crépusculaire est remarquablement rendue.

Cet avis manque forcément d'objectivité car j'aime trop le film qui a été adapté de cette histoire, il est même assez décalé puisque ne tenant compte que d'un ressenti personnel.

Cela-dit il s'agit d'un très bon thriller qui se démarque avant tout par son ambiance assez intimiste, si vous êtes fan de Dennis Lehane n'hésitez pas !
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Mystic River

Un roman noir d'une qualité exceptionnelle !

Dennis Lehane est définitivement doué, la façon dont il construit cette intrigue est tout bonnement bluffante de précision et d'intensité, la densité psychologique des personnages est impressionnante, j'ai été aspiré d'entrée et pratiquement en apnée dès la deuxième partie et jusqu'à la fin.

L'auteur nous offre une peinture d'une certaine Amérique, celle d'un quartier chaud de Boston et de ses habitants, c'est vivant et documenté, je ne peux m'empêcher de penser qu'il nous montre là un reflet persistant de la société et de son état d'esprit.

La vision de l'Amérique de Dennis Lehane est sombre et désenchantée, j'ai la nette impression que tous les bisounours ont été éradiqués de ce côté de l'Atlantique où tous les personnages sont naturellement méfiants et potentiellement violents, toujours dangereux à des degrés divers.

Toute proportion gardée, cette histoire m'a évoqué le film "il était une fois en Amérique", pour l'ambiance et surtout pour les rapports ambigus entre les différents acteurs.

Les ingrédients de l'histoire ne sont pas particulièrement originaux mais le scénario est maîtrisé et habilement décliné, la montée en puissance est un modèle du genre avec un final d'une belle intensité dramatique. Je pense que les habitués du genre pourront pressentir le dénouement avant la fin, personnellement cela ne m'a pas gêné.

Le résumé introductif étant suffisamment explicite et (trop) complet, je ne ferai pas de redite.

C'est mon premier Lehane en dehors de la série "Kenzie et Gennaro" et j'ai trouvé que c'était encore plus fort, c'est dire !
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Mystic River

Avec « Mistic River » Lehane signe une nouvelle fois un roman noir d’une grande envergure.

Jimmy Marcus, Dave Boyle et Sean Devine, sont trois amis que deux drames à vingt cinq années de différences vont liés à jamais. Lehane donne toute la mesure de son talent dans ce polar à la noirceur poisseuse. Chaque personnage suit une logique implacable, le malheur est tombé dans leur vie depuis trop longtemps pour que l’espoir demeure. La violence est là, latente, on la ressent prête à jaillir à tout moment, comme si elle pouvait cautériser les souffrances. Le récit prend aux tripes, avec une puissance incroyable, rarement récit vous attrape avec une telle force, une telle émotion. Plus qu’un polar, une plongée dans l’âme humaine obsédante et crépusculaire.

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Gone, Baby, Gone

Si j'aime les thrillers, j'apprécie particulièrement les histoires de détectives américains. Avec ce quatrième opus consacré au duo Gennaro/Kenzie ou Angie et Pat si vous préférez, Dennis Lehane frappe très fort.

Contactés pour enquêter sur la disparition d'une petite fille de quatre ans, ils vont être confrontés à des épreuves auxquelles ils n'étaient pas préparés et ce d'autant plus que leur investissement personnel sera à la hauteur de leurs valeurs et de leur empathie.

Ce scénario va se révéler brillant, intelligent et d'une efficacité remarquable, même en ayant vu le film inspiré du roman je vous garantis de belles émotions de lecture et de belles cogitations.

Avec Dennis Lehane nous avons l'assurance de suivre des personnages d'une belle épaisseur, de lire des dialogues intéressants à l'humour omniprésent et souvent décalé et aussi et peut-être surtout de réfléchir sur le sens de la vie.

Nous aurons aussi, spécialité de l'auteur, des anecdotes sur Boston tantôt historiques et tantôt urbaines ou architecturales permettant de s'imprégner d'une certaine ambiance ou atmosphère.

Les relations flics/truands, flics/détectives ou détectives/truands sont particulièrement tordues et proposent de bons moments de lecture très imagés, en passant j'apprécie toujours autant le personnage de "Bubba" et sa présence récurrente depuis les premiers épisodes.

Ici et plus que d'habitude, l'auteur va nous donner matière à réflexion avec une thématique particulièrement sensible et l'évocation d'une certaine forme de misère sociétale dans le pays le plus riche qui soit, ce qui nous donne à l'arrivée beaucoup plus qu'un simple polar bien ficelé.

Pour ce qui me concerne et à ce jour, il s'agit de mon opus préféré.
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Ténèbres, prenez-moi la main

Les romans noirs "made in USA" sont vraiment un genre à part, je referme ce livre avec une sensation de contentement qui traduit parfaitement le plaisir que j'ai pris à cette lecture.

On retrouve dans ce deuxième volume Patrick Kenzie et Angela Gennaro, un tandem qui fonctionne parfaitement et qui à lui seul nous promet déjà un bon moment de lecture.

Si l'on ajoute les quelques personnages particulièrement réussis qui gravitent auteur d'eux et en prime un bon scénario alors que demander de plus ?

Le rythme du récit est idéal, les dialogues sont diablement vivants et captivants, nos deux héros sont avant tout des êtres humains et cela nous permet de rester en permanence dans le crédible mais surtout de ressentir une forme d'empathie sur des émotions que nous sommes en mesure de partager et comprendre.

Plus je lis de thrillers américains qui nous décrivent un certain quotidien et plus je me dis que les américains évoluent sur une autre planète que la nôtre, je me demande même simplement comment on pourrait y vivre ou même envisager un avenir au delà de demain...

Une enquête qui débute de façon "classique" et qui va très vite se révéler d'une complexité extrême, si vous aimez les scénarios machiavéliques et les rebondissements, si vous aimez les ambiances sombres alors vous devriez y trouver votre compte.

Pour conclure je dirais que souvent dans cette lecture j'ai eu la sensation d'être un peu comme dans un film avec certaines scènes particulièrement "vivantes", des situations familières, comme déjà vues ou entendues, un petit peu de "Silence des agneaux" parfois, mais je n'en dirai pas plus.
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Un dernier verre avant la guerre

Comment dire quoi que ce soit d’original sur ce bouquin, après les rafales de critiques élogieuses ? C’est désespérant… Que dire, sinon qu’à mon tour je suis victime du sortilège Lehane, que j’ai succombé à ses attributs littéraires sitôt franchies les limites de Dorchester, conquise dès les premières pages comme pourrait l’être mon cœur d’artichaut par un seul regard appuyé d’un quelconque beau ténébreux. Mais foin de quelconque ici, il n’aura pas fallu deux chapitres pour que je devienne une inconditionnelle, sans pourtant savoir dans quoi je plongeais vraiment. Une première fois inoubliable, comme hélas elles ne le sont pas toutes. Mais ça c’est une autre histoire.

Séduite d’autant plus aisément que je sortais traumatisée d’un Patricia Cornwell. Et passer de Scarpetta au tandem Kenzie-Gennaro, c’est presque (tré-)passer du pays des Teletubbies à celui du Mordor. Du noir, à haute teneur en adrénaline, café bien serré, chocolat estampillé 95% cacao, qui laisse un goût amer en bouche et le marchand de sable accroché par les pieds au portemanteau.

Boston, ses bas-fonds vraiment bas, ses politiciens louches vraiment pas clairs, ses gangs ultraviolents vraiment impitoyables. Chargés par un sénateur (Blanc) de retrouver sa femme de ménage (Noire), Kenzie et Gennaro mettent les doigts (jusqu’à l’épaule) dans un engrenage infernal où il est question de racisme, de pédophilie et de maltraitance.

Mais laissez-moi vous les présenter, ces deux-là, puisque si tout va bien, on devrait les revoir dans d’autres épisodes : Patrick Kenzie, anti-héros par principe, qui n’a jamais réussi à « tuer le père » boulonné depuis un bail sur son piédestal de Héros des pompiers de la ville. Signe particulier : amoureux transi de sa partenaire Angela Gennaro. Angie (aah, si j’étais un homme…), superwoman, ou presque, puisqu’affublée d’un mari surnommé « le Connard » en raison de son affection prononcée pour les châtaignes qu’il balance généreusement à sa femme.

Personne n’est lisse dans cette histoire, même si on repère quand même les Gentils et les Méchants. Mais comme les Méchants le sont vraiment, parfois les Gentils sont obligés de l’être un peu aussi (càd méchants, vous suivez ?). Au milieu de 17 fusillades et 23 castagnes (OK, j’exagère peut-être un peu), on assiste à un feu d’artifice de violence et de connerie humaine.

Heureusement il y a l’humour, noir (évidemment), cynique, pour survivre à tout ça. Et le style, que dis-je : la classe, d’un grand auteur.

L’humour, le talent, et l’alcool. Moi qui ne buvais que du lait de fraise, je vais me mettre à la vodka.

Allez hop, cul sec.

Et cinq étoiles.

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