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EAN : 9782070761395
188 pages
Gallimard (30/04/2002)
3.5/5   6 notes
Résumé :
«"Un homme vit la moitié de sa vie / la seconde moitié est mémoire." Ainsi Derek Walcott commente-t-il sobrement les raisons qui l'ont incité, aux abords de la quarantaine, à entreprendre le long travail de remémoration dont témoigne l'écriture d'Une autre vie, recueil publié en 1973. Ce livre n'est pas un recueil de poèmes, mais plutôt une narration poétique, divisée en parties et chapitres ou, si l'on veut, en chants, peut-être sur le lointain modèle de l'Odyssée.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Drôle et foisonnante, l'autobiographie en vers d'un immense créateur de mythes.

Publiée en 1973, l'autobiographie en vers de Derek Walcott, le poète de Sainte-Lucie couronné par le prix Nobel de littérature en 1992, est sans doute le meilleur point d'entrée, pour le lecteur francophone, en attendant la traduction de l'immense "Omeros" (1990), que l'on espère de grand coeur pour bientôt, dans l'oeuvre foisonnante de ce singulier créateur de mythes, capable d'agencer dans le même tercet le quoitidien d'un enfant jouant avec les pêcheurs sur la grève et la conquête de quelque imaginaire toison d'or.

À mon humble avis, ces 190 pages sont conçues pour être lues à voix haute et sans reprendre (trop) son souffle, pour se laisser emporter par les redoutables enjambements chers à l'auteur.

"Ajax,
étalon couleur de lion de l'écurie de Sealey,
cheval de trait dans la journée, pur-sang
les jours de course, une fois l'an,
ploie son coup de foudre, et renifle
au-dessus des relents de détritus l'odeur
de la bataille, les clameurs,
"Ah, ah !" fait-il parmi les épluchures ;
animal avili, crevant d'ennui,
son crottin s'empanachant, il rassemble
la foudre de ses flancs et traîne son
char jusqu'à la rue voisine où

Berthilia,
la commère infirme, grosse grenouille,
regagne, bosse sur le dos de son fils,
sa paillasse, son perchoir de la journée,
Cassandre dont se perd la psalmodie.
Son fils, Pierre, transporte les excréments dans des seaux,
elle l'éperonne comme un cavalier,
à dada, à dada sur mon cheval ;"
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"Un homme vit la moitié de sa vie la seconde moitié est mémoire."

J'ai bien aimé ce recueil, car les poèmes racontent en quelque sorte la vie de l'auteur, de façon moderne et vivante. On perçoit son attachement aux paysages de son pays, il parle de ceux qu'il a connus et d'une femme qu'il a aimée. Il présente tout cela sous forme de poèmes, ou de "narration poétique". Parfois, un objet, ou un évènement, attire son attention plus particulièrement, comme lorsqu'il décrit dans un long poème un tableau représentant les Anglais à la bataille de Waterloo, on s'y croirait !

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Hectares de feux synonymes, batteries noires
et terminaux enroulés de trafic s’éteignant d’un coup. Le lever de soleil
rougissait le lac d’acier. En bas, à la fenêtre d’hôtel

d’un automne canadien, une jeune serveuse polonaise, coiffure
garçonne et yeux mouillés comme du charbon nouveau, lui servait
du café, les érables par la vitre aussi jaunes que du jus d’orange.

Son poignet de porcelaine s’inclina, remplissant son regard à ras-bord.
Il espérait que son adoration la troublerait ; les souliers mesurés
rasant les tables nues, ses mains alignant les plats

en de méticuleux entrechoquements. Comme si on lui avait tapé deux fois
sur l’épaule pour ses papiers, elle se retourna avec ce sourire
nerveux de l’immigrante fraîchement débarquée qui erre au bord des larmes.

Un dimanche polonais l’enfermait. Une place Baroque, son âge
patrouillé par de jeunes soldats, le drapeau de leur régime en ruine
jadis vif comme du rouge à lèvres, les consonnes d’une langue

écrasées sous la semelle de leurs bottes. En son sein, le cri
d’une bouilloire quittant la gare, puis les fermes ouatées
chevaux et saules hochant derrière la vitre d’un train,

les queues dans la bruine. Puis, les formulaires
où son nom débordait des marges, puis une photo de passeport
où son visage apeuré attendait, pendant qu’elle en ouvrait la porte.

Elle faisait partie de cette fiction sans pitié, si ordinaire aujourd’hui,
qu’elle en avait transporté son hivernale beauté au Canada,
bordant ses cils de l’ombre bleue de la neige,

et faisant étinceler comme les couverts ses pommettes creusées
dans l’espoir d’une vie nouvelle. À la caisse,
elle se dressait droite comme un bouleau sur l’autel, et, tout doucement,

la neige drapait sa dentelle de mariée sur l’aile luisante du corbeau.
Son nom se fondait dans le mien comme des flocons sur une rivière,
ou un étang noir dans lequel le vent aurait secoué des bouteilles de lait.

Dressée devant moi, l’addition à la main, je tentai de lire l’éclat
des lettres de cuivre sur son chemisier. Sa peau, ombrée de soie,
piquetait comme l’hiver dans la campagne avant la première neige.

La neige illuminait les nappes, le poivre, les dômes de sel, les pignons
de la serviette, réduisant Varsovie au silence, plumant sans bruit Cracovie ;
puis, l’aile du corbeau passa à nouveau entre les tables blanches.

Il y a des jours où, aussi simple que soit le futur, nous n’allons pas vers
lui mais quittons plutôt une partie de la vie, dans un hall dont les ascenseurs
nous divisent et nous enferment, boutons illuminés montrant

exactement où nous allons, pendant qu’une jeune serveuse polonaise
vide un cendrier, et nous sommes attirés par cette fenêtre
dont les cordons, si nous les tirons, élargissent un vide.

Nous ouvrons d’un coup sec les rideaux gris métal et les poulies qui crissent
révèlent dans le silence non l’automne à Toronto
mais une ville dont la langue a été saisie par sa police,

cette autre servitude dans laquelle Nina Quelque chose est née,
là où, sous les cheminées-canons, la fumée contient sa voix
jusqu’à ce qu’elle s’élève avec les siennes. Zagajewski. Herbert. Miłosz.
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L’amour après l’amour


Le temps viendra
où, avec allégresse,
tu t’accueilleras toi-même, arrivant
devant ta propre porte, ton propre miroir,
et chacun sourira du bon accueil de l’autre

et diras : assieds-toi. Mange.
Tu aimeras de nouveau l’étranger qui était toi.
Donne du vin. Donne du pain. Redonne ton cœur
à lui-même, à l’étranger qui t’a aimé

toute ta vie, que tu as négligé
pour un autre, et qui te connaît par cœur.
Prends sur l’étagère les lettres d’amour,

les photos, les mots désespérés,
détache ton image du miroir.
Assieds-toi. Régale-toi de ta vie.
(Raisins de mer, 1976)

(Traduit de l’anglais – Sainte-Lucie – par Claire Malroux)
---

Love After Love
The time will come
when, with elation
you will greet yourself arriving
at your own door, in your own mirror
and each will smile at the other’s welcome,

and say, sit here. Eat.
You will love again the stranger who was your self.
Give wine. Give bread. Give back your heart
to itself, to the stranger who has loved you

all your life, whom you ignored
for another, who knows you by heart.
Take down the love letters from the bookshelf,

the photographs, the desperate notes,
peel your own image from the mirror.
Sit. Feast on your life.
(Sea Grapes, 1976)
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La forme de ce corail fait écho à la main
qu'il a creusée. Son

absence immédiate est lourde. Comme pierre ponce,
comme ta poitrine dans ma paume en coupe.

Froid comme la mer, son mamelon râpait comme du sable,
Ses pores, comme les vôtres, brillaient de sueur salée.

Les corps en l'absence déplacent leur poids,
Et ton corps lisse, comme aucun autre,

Crée une absence exacte comme cette pierre Posée sur une table avec un support blanchissant

De souvenirs. Il ose ma main
Pour revendiquer ce que les mains des amants n'ont jamais connu :

La nature du corps d'un autre.
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Novembre. Mois sobre. Le flirt des feuilles est fini.
Saules rabâchés sur la Charles, leurs branches allant s’ombrer.
Crachins soufflant sur les ponts, lumières plus tôt allumées,

nuages pris en griffes de branchages, haies devenues fougères pennées,
le ciel filant tel un loup hirsute, un lapin coincé
entre ses dents, sa fourrure volant avec la première neige,

puis, rongeant le crépuscule de ses incisives écorchées :
lumière en sang, nuage de farine volant par-delà la fenêtre cendrée.
Je vis Catherine Weldon courir dans le vent enchâlé.
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La danse des esprits de l’hiver s’apprêtait.
Les flocons pressaient leurs motifs sur la croûte des vitres,
les lacs durcissaient de gel, une lanterne alluma le cœur du loup ;

l’herbe hibernait au pied de pins obstinés,
la lumière sombra dans la terre devant l’orage amoncelé
dans sa couverture de l’armée, il traversait les Grandes Plaines,

sa lance éclair, visage farine, bonnet corneille,
mais portant en son for intérieur sa propre mort, las.
Dieu rouge dissipé dans l’automne et hiver ivoire précipité.
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Videos de Derek Walcott (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Derek Walcott
INTRODUCTION : « […] Forte d'une longue expérience conradienne, la Grande-Bretagne d'aujourd'hui emporte sur ses ponts et passerelles une multiplicité d'ethnies et de communautés de toute allégeance, sans renier pour autant la fermeté monarchique de son cap, la démocratie relative de se hiérarchie, la plasticité absolue de sa langue maritime. Comme elle nous le laisse supposer, il semble qu'elle essaie de tenir pour elle-même la difficile synthèse entre accepter le changement à doses progressives tout en s'ouvrant à la complexité de la grande famille humaine, sans cesser d'explorer par le poème l'énigme de notre présence dans l'Univers. » (Jacques Darras.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Charles Tomlinson 1:28 - Ursula Askham Fanthorpe 4:15 - Derek Walcott 5:28 - Fleur Adcock 6:55 - Geoffrey Hill
7:32 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : L'île rebelle, anthologie de poésie britannique au tournant du XXIe siècle, choix de Martine de Clercq, préface de Jacques Darras, traduction de Martine de Clercq et Jacques Darras, Paris, Gallimard, 2022.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Charles Tomlinson : https://www.britannica.com/biography/Charles-Tomlinson Ursula Askham Fanthorpe : https://www.queerbible.com/queerbible/2019/1/30/ua-fanthorpe-by-rosalind-jana Derek Walcott : https://www.nytimes.com/2017/03/17/books/derek-walcott-dead-nobel-prize-literature.html Fleur Adcock : https://www.anzliterature.com/wp-content/uploads/2017/12/Fleur-Adcock-credit-to-Jemimah-Kuhfeld.jpg Geoffrey Hill : https://www.thetimes.co.uk/article/sir-geoffrey-hill-ptwgtkxcp
BANDE SONORE ORIGINALE : Scott Buckley - A Kind Of Hope A Kind Of Hope by Scott Buckley is licensed under an Attribution 4.0 International (CC BY 4.0) license. https://www.free-stock-music.com/scott-buckley-a-kind-of-hope.html
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CONTENU SUGGÉRÉ : #4 : https://youtu.be/lx1XBpgpQtY #3 : https://youtu.be/tYJ1VW6DTDI #2 : https://youtu.be/ICSodYrx4VU https://www.youtube.com/playlist?list=PLQQhGn9_3w8rtiqkMjM0D1L-33¤££¤45LE VEILLEUR DES LIVRES46¤££¤ https://youtu.be/uyu5YAAkVqw https://youtu.be/1nl¤££¤41IMAGES D'ILLUSTRATION44¤££¤ https://youtu.be/0_7B4skPN8g https://youtu.be/i3cPIcz3fuY
#JacquesDarras #LÎleRebelle #PoésieAnglaise
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