AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Didier Fassin (Autre)
EAN : 9782722605893
138 pages
Collège de France (22/09/2022)
4/5   3 notes
Résumé :
« Comment traite-t-on les vies ? Que fait-on des morts ? Ou plutôt, que dit d'une société la manière dont elle considère certaines vies, vies de travailleurs, vies d'exilés, vies de prisonniers, vies rendues vulnérables, inégales ? Et que révèlent de ses valeurs la façon dont meurent certains de ces travailleurs, certains de ces exilés ou certains de ces prisonniers, la façon dont on les laisse mourir ou dont on les expose à la mort, la façon dont on détourne les ye... >Voir plus
Que lire après Vies invisibles, morts indiciblesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un essai reçu dans le cadre d'une masse critique Babelio (merci !), lu entre deux ou trois romans.
Pas gai, pas très poétique ni amusant ou divertissant : normal, la chère Lucette, c'est un essai.
En réalité, il s'agit ici un ensemble de conférences issues d'un colloque tenu au Collège de France en juin 2021 sur un thème aride : Comment traite-t-on les vies ? Que fait-on des morts ?

Mais c'est négliger que le genre peut être bien passionnant.
Et comme à la fin d'un bon roman de Jon Kalman Stefanson, on se trouve à trimballer encore des morts.
Morts au travail, morts sur la route de l'exil, morts en prison.

Des réalités qui se télescopent : si des enfants pauvres souffrent aujourd'hui de saturnisme c'est parce que, avant eux , des hommes et des femmes ont travaillé les peintures au plomb.
Des corps invisibles.
Un scandale, un crime « conventionnel », selon l'expression propre au sociologue Howard Becker » qui évoque les crimes identifiés comme tels mais qui ne font pas l'objet d'une stigmatisation ou d'une punition.
Et nous suit le cortège des mineurs, des potiers, ds tailleurs, des fabricantes d'allumettes, des enfants battus aux squelettes déformés, des esclaves.

Après les ouvriers, prenons la route de l'exil. Ici nous sommes à la frontière italienne parmi les vivants que l'on ne veut pas voir, les morts (20000 personnes disparues en Méditerranée depuis 2014), les disparus (18 000 enfants non accompagnés dont on a perdu la trace), et les morts vivants…
Ou quand la logique de la fraternité s'oppose à la raison d'Etat… Choisis ton camp, camarade. Deux logiques qui ressortent du traitement des vies.
Avec toute la folie de ce système : ici, on les empêche d'entrer. Quand à Calais, on les empêche de sortir. L'Etat affirme sa souveraineté, moyennant un coût énorme, mais les passages demeurent et demeureront toujours. Ainsi qu'il en est depuis toujours.

Ces morts, sans doute nous faut-il aussi les porter, les inscrire dans une histoire et une humanité retrouvée. Comme Mamadou portant et évoquant le Fantôme du Petit

Passés les chemins de l'exil, il faut entrer en prison. Là où le choc carcéral est trop souvent un choc suicidaire.

Et à la fin c'est « faire savoir le pire » mais aussi « faire savoir le meilleur, l'abondance des actes d'hospitalité privée, par exemple ».
C'est passer « d'un moment de sidération à un mouvement de considération (…) c'est-à-dire d'observation, de prévenance,
d'estime ».
Car « cette conviction d'une égalité des vies porte une charge assez explosive. Si elle était partagée, si elle était réellement éprouvée et tenue pour l'essentiel, ce serait une émotion vertigineuse pour notre ordre social « .

Commenter  J’apprécie          30
Un grand merci aux éditions Collège de France et à Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la masse critique Non Fiction de juin 2023.

Il s'agit d'un essai tiré d'un colloque au Collège de France en juin 2021.
Il regroupe les interventions de plusieurs anthropologues, historiens et sociologues (Didier Fassin, Judith Rainhorn, Pascal Marichalar, Anne-Claire Defossez, Carolina Kobelinsky, Yasmine Bouagga, et Marielle Macé).

Cet essai traite des Vies invisibles et des morts indicibles,
1) ces personnes exerçant des métiers à risque (exposition à des produits dangereux, pénibilité, risques pour la santé mentale et physique),

2) celles qui n'ont d'autre choix que de s'exiler pour fuir leur pays en guerre, et qui vont tout faire pour passer les frontières, au risque de perdre la vie, à cause des politiques migratoires

3) et enfin celles qui sont condamnées à des peines de prison et qui vivent dans une cellule, privés de toute vie sociale et de dignité.

Je dois avouer que j'ai trouvé cette étude intéressante et très documentée, mais j'ai dû faire de longues pauses pendant la lecture pour ne pas être noyée dans les statistiques omniprésentes.
Il montre, arguments et chiffres à l'appui, que l'on n'est pas tous traités de la même façon dans le domaine carcéral si l'on est emprisonné en France ou aux Etats-Unis, si l'on est issu d'une famille modeste ou plus aisée, si l'on est de nationalité européenne ou étrangère, de peau blanche ou noire, etc.
Notre catégorie sociale impacte donc sur notre détention et sur notre possibilité d'obtenir ou non un aménagement de peine.

Cette étude donne froid dans le dos avec son constat sur la souffrance au travail, ces exilés qui meurent dans l'indifférence la plus totale et sans même de sépulture, ce pays des droits de l'homme qui a le taux de suicide en prison le plus important.

Ce livre montre toute la difficulté pour un Etat de mener à la fois une politique sécuritaire et sociale.
Commenter  J’apprécie          50
Ouvrage reçu dans le cadre des Masse Critique Essais.

Je connaissais un peu le travail de Didier Fassin pour avoir écouté son cours de Santé Publique au collège de France et lu Mort d'un voyageur il y a quelques temps. Je suis très admirative de sa démarche scientifique qui s'attache à décrire avec rigueur les mécanismes par lesquels certaines vies sont traitées avec moins d'attention, moins d'égards, voire sont maltraitées ou considérées comme quantité négligeable. J'ai retrouvé cette démarche dans ce recueil de conférence qui, à travers trois réalités sociales (le travail, les parcours de migration, la prison), se penche sur les vies de ceux que l'on néglige car jugés moins importants, moins dignes, trop marginaux, sans valeur. Ce travail est d'autant plus précieux qu'il allie rigueur intellectuel et engagement, sans aucune forme de dogmatisme ou de raccourcis idéologiques. Bien que l'essai semble un peu "aride" à première vue, il est en fait très accessible et se lit plutôt aisément.
Commenter  J’apprécie          52

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
La frontière est ainsi le lieu où s'affrontent deux conceptions de la vie : celle qui fait du respect de la vie et de la dignité des personnes un principe supérieur, un droit inaliénable pour les exilés et un devoir inconditionnel pour les citoyens, et celle qui, au nom de la souveraineté de l'État, autorise à arrêter les personnes exilées pour les contrôler, les trier et, généralement, les renvoyer, au prix des risques vitaux et des pratiques indignes auxquels on les expose.
Commenter  J’apprécie          20
la prison française tue physiquement et la prison états-unienne tue socialement. Plus exactement, on meurt plus dans les établissements pénitentiaires français, mais on perd plus sa vie dans leurs équivalents états-uniens.
[...]
Il y a, d'une part, la mort physique, la plus évidente, dont le suicide représente une modalité singulière, et, d'autre part, une mort sociale, moins visible, que réalisent les formes extrêmes de l'enfermement par la durée ou par les conditions.
Commenter  J’apprécie          20
De même, du point de vue de la recherche en sciences sociales, rendre visible les vies brisées et mutilées ne suffit pas. Il est scientifiquement indispensable de mettre en lumière le scandale moral de ces désastres évitables si l'on veut comprendre par quelle magie sociale il a pu se dissiper à ce point, alors même que la biolégitimité est devenue un étalon majeur d'appréciation des politiques publiques déployées dans d'autres secteurs.
Commenter  J’apprécie          20
les appréciations des situations peuvent favoriser ceux dont la situation moins précaire détonne par rapport à la population carcérale ordinaire et se rapproche davantage des moyennes de la population générale. Les enquêtes révèlent en effet une plus forte représentation de personnes non diplômées et de personnes appartenant aux minorités ethnoraciales. Ce constat traduit l'ampleur des inégalités sociales face au risque d'incarcération et des phénomènes de gestion différentielle des illégalismes dans les pratiques du jugement et de prononcé de peine (sentencing)
Commenter  J’apprécie          10
Dans les établissements pour personnes âgées, les résidents se voyaient privés de tout contact physique avec leurs proches, situation générant des réactions d'anxiété et de dépression [...]. La pandémie produisait ainsi une déconnexion radicale entre la vie comme phenomène biologique qu'il fallait à tout prix épargner et la vie comme phénomène biographique dont les derniers moments étaient vécus dans un isolement presque complet. La société privilégiait la longévité sur la dignité des existences.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Didier Fassin (22) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Didier Fassin
Didier Fassin, professeur du Collège de France sur la chaire Questions morales et enjeux politiques dans les sociétés contemporaines, introduit son cours de l'année 2023-2024 : La faculté de punir
Découvrez la suite du cours : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/cours/la-faculte-de-punir/le-moment-punitif
Abonnez-vous à la chaîne @Sciences-sociales-CdF et retrouvez la playlist de ses enseignements : https://www.youtube.com/playlist?list=PLX_ensLRxEWClggY7gMa8wg1EriToKu_P
Le Collège de France est une institution de recherche fondamentale dans tous les domaines de la connaissance et un lieu de diffusion du « savoir en train de se faire » ouvert à tous. Les cours, séminaires, colloques sont enregistrés puis mis à disposition du public sur le site internet du Collège de France.
Découvrez toutes les ressources du Collège de France : https://www.college-de-france.fr
Soutenir le Collège de France : https://www.fondation-cdf.fr/faire-un-don
Suivez-nous sur : Facebook : https://www.facebook.com/College.de.France Instagram : https://www.instagram.com/collegedefrance X (ex-Twitter) : https://twitter.com/cdf1530 LinkedIn : https://fr.linkedin.com/company/collègedefrance
+ Lire la suite
autres livres classés : incarcérationVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (7) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
851 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}