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Citations de Edmond de Goncourt (231)


Dans les deux hémisphères, c’est donc la même injustice pour tout talent indépendant du passé ! Voici le peintre, qui a victorieusement enlevé la peinture de son pays aux influences persanes et chinoises, et qui, par une étude, pour ainsi dire, religieuse de la nature, l’a rajeunie, l’a renouvelée, l’a faite vraiment toute japonaise ; voici le peintre universel qui, avec le dessin le plus vivant, a reproduit l’homme, la femme, l’oiseau, le poisson, l’arbre, la fleur, le brin d’herbe ; voici le peintre, qui aurait exécuté 30 000 dessins ou peintures ; voici le peintre, qui est le vrai créateur de l’Oukiyô yé, le fondateur de l’École vulgaire, c’est-à-dire l’homme qui ne se contentant pas, à l’imitation des peintres académiques de l’école de Tosa, de représenter, dans une convention précieuse, les fastes de la cour, la vie officielle des hauts dignitaires, l’artificiel pompeux des existences aristocratiques, a fait entrer, en son œuvre, l’humanité entière de son pays, dans une réalité échappant aux exigences nobles de la peinture de là-bas ; voici enfin le passionné, l’affolé de son art, qui signe ses productions : fou de dessin... Eh bien, ce peintre — en dehors du culte que lui avaient voué ses élèves — a été considéré par ses contemporains, comme un amuseur de la canaille, un bas artiste, aux productions indignes d’être regardées par les sérieux hommes de goût de l’Empire du Lever du Soleil. Et ce mépris, dont m’entretenait encore hier, le peintre américain La Farge, à la suite des conversations qu’il avait eues autrefois au Japon avec les peintres idéalistes du pays, a continué jusqu’à ces derniers jours, où nous les Européens, mais les Français en première ligne, nous avons révélé à la patrie d’Hokousaï, le grand artiste qu’elle a perdu, il y a un demi-siècle.
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À la fin, la vieille demoiselle se laissa tomber à genoux dans la neige, entre deux croix dont l’une portait 9 novembre et l’autre 10 novembre. Ce qui devait rester de Germinie devait être à peu près là. Sa tombe vague était ce terrain vague. Pour prier sur elle, il fallait prier au petit bonheur entre deux, dates, — comme si la destinée de la pauvre fille avait voulu qu’il n’y eût, sur la terre, pas plus de place pour son corps que pour son cœur !

Chapitre LXX
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Edmond de Goncourt
À l’Isle-Adam, M. de Varandeuil avait pris une domestique qui presque aussitôt était devenue sa maîtresse. De cette liaison un enfant était né que le père, dans le cynisme de son insouciance, avait l’impudeur de faire élever sous les yeux de sa fille. Avec les années, cette bonne avait pris pied dans la maison. Elle finissait par gouverner l’intérieur, le père et la fille. Un jour arriva où M. de Varandeuil voulut la faire asseoir à sa table, et la faire servir par Sempronie. C’en était trop, Mlle de Varandeuil se révolta sous l’outrage et se redressa de toute la hauteur de son indignation. Sourdement, silencieusement, dans le malheur, l’isolement, la dureté des choses et des gens autour d’elle, la jeune fille s’était formée une âme droite et forte ; les larmes l’avaient trempée au lieu de l’amollir. Sous la docilité et l’humilité filiales, sous l’obéissance passive, sous une douceur apparente, elle cachait un caractère de fer, une volonté d’homme, un de ces cœurs que rien ne plie et qui ne fléchissent pas. À la bassesse que son père exigeait d’elle, elle se releva sa fille, ramassa toute sa vie, lui en jeta, en un flot de paroles, la honte et le reproche à la face, et finit en lui disant que si cette femme ne sortait pas de la maison le soir même, ce serait elle qui en sortirait, et que, Dieu merci ! elle ne serait pas embarrassée de vivre n’importe où, avec les goûts simples qu’il lui avait donnés
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- Voyons franchement, il ne vous vient jamais de doute quand vous regardez cette file de lits, quand vous pensez à ce qu’il y a sous ces draps ? Ça vous parle d’une Providence, l’hôpital, à vous, ma mère… Mourir, encore, c’est bon… Si ce n’était que mourir ! Mais pourquoi la souffrance ? Pourquoi la maladie ?
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Samedi 9 janvier. - Maupassant est un très remarquable novelliere, un très charmant conteur de nouvelles, mais un styliste, un grand écrivain, non, non !
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- Voilà ! fit-elle.
Et lâchant les coins du morceau de toile, elle répandit ce qui était dedans : il coula sur la table de gras billets de banque recollés par derrière, rattachés avec des épingles, de vieux louis à l'or verdi, des pièces de cent sous toutes noires, des pièces de quarante sous, des pièces de dix sous, de l'argent de pauvre, de l'argent de travail, de l'argent de tirelire, de l'argent sali par des mains sales, fatigué dans le porte-monnaie de cuir -- de l'argent sentant la sueur. Un moment elle regarda tout ce qui était étalé comme pour se convaincre les yeux ; puis avec une voix triste et douce, la voix de son sacrifice, elle dit seulement à Mme Jupillon :
--Ça y est... c'est les deux mille trois cent francs..pour qu'il se rachète...
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Jupillon souriait en dessous, se dandinait, ricanait en dedans. Toute sa personne laissait percer la joie lâche qu’ont les méchants à voir souffrir ceux qui souffrent de les aimer.

Chapitre XVI
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Des morts et de la Mort, elle avait un culte presque antique. La tombe lui était sacrée, chère, et amie. Elle aimait, pour l’attendre et être prête à son corps, la terre d’espérance et de délivrance où dormaient les siens.
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Cet homme, je ne sais pas si je l'aime, mais il me dirait: ta peau, je la veux pour m'en faire une paire de bottes, que je lui crierais: Prends-la!
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Le sentimentalisme, c'était par là que le larmoyeur des tendresses de la femme essayait de rajeunir, de renouveler et de passionner le spiritualisme de l'art.

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[...] ... [L'abbé Blampoix] confessait les salons, il dirigeait les consciences bien nées, il consolait les âmes qui en valaient la peine. Il mettait Jésus-Christ à la portée des gens éclairés, et le paradis à la portée des gens riches. "Chacun a son lot dans la vigne du Seigneur," disait-il souvent, en paraissant gémir et plier sous la charge de sauver le faubourg Saint-Germain, le faubourg Saint-Honoré et la Chaussée-d'Antin.

C'était un homme de sens et d'esprit, un prêtre facile et qui accommodait tout au précepte : La lettre tue et l'esprit vivifie. Il était tolérant et intelligent. Il savait comprendre et sourire. Il mesurait la foi au tempérament des gens, et ne la donnait qu'à petite dose. Il adoucissait la pénitence, il ôtait les noeuds de la croix, il sablait le chemin du salut. De la religion dure, laide, rigoureuse des pauvres, il dégageait comme une aimable religion des riches, légère, charmante, élastique, se pliant aux choses et aux personnes, à toutes les convenances de la société, à ses moeurs, à ses habitudes, à ses préjugés même. De l'idée de Dieu, il faisait quelque chose de confortable et d'élégant. ... [...]
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Edmond de Goncourt
En vérité, mon cher Bonnières, vous avez un courage qui me passe et je ne vous l’envie pas. Après avoir reproché à M. de Goncourt la mort de son frère, après l’avoir raillé de la détresse morale où le jeta cette mort de la moitié de son âme, de la moitié de son cerveau, de la moitié de sa vie, vous lui faites aussi le curieux et loyal reproche que le succès lui soit arrivé plus tardivement qu’à ses amis. À cela il y a une raison dont vous ne comprendriez sans doute pas l’héroïsme, c’est que M. de Goncourt ait été fidèle à son idéal et qu’il ait toujours refusé d’assouplir sa probité littéraire aux concessions faciles, d’accepter les reniements de conscience, de se livrer à ces petits travaux obscurs qui font que, pour monter dans l’estime du monde et l’admiration du public, il faut se baisser au niveau de la malpropreté de l’un et de la bêtise de l’autre.

Tenez, j’ouvre son dernier volume et je tombe sur ceci : « Vendredi 25 juillet — Aujourd’hui j’ai écrit en grosses lettres, sur la première feuille d’un cahier blanc : La Fille Élisa. Puis, ce titre écrit, j’ai été pris d’une anxiété douloureuse ; je me suis mis à douter de moi-même. Il m’a semblé, en interrogeant mon triste cerveau, que je n’avais plus en moi la puissance, le talent de faire un livre d’imagination et j’ai peur… d’une œuvre que je ne commence pas avec la confiance que j’avais quand lui, il travaillait avec moi ! »

Ces quelques lignes, d’un accent si désolé, d’une piété si tendre, reportent mon souvenir aux pages de cette mort que vous raillez si allègrement, pages inoubliables et déchirantes, où les mots ne sont plus des mots et semblent des fibres saignantes recueillies une à une, à l’inguérissable blessure. C’est peut-être cela, qui fait pleurer, que vous appelez de l’impuissance.

Quant à vous, je vous souhaite de ne jamais connaître de telles douleurs et de ne pas rencontrer, au coin d’un article de journal, le Bonnières qui vous les reprochera.

Octave Mirbeau, l’Echo de Paris, 17 mars 1891
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L'âme des enfants ne croît pas sur les genoux des mères.
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La grâce de Watteau est la grâce. Elle est le rien qui habille la femme d'un agrément, d'une coquetterie, d'un beau au-delà du beau physique. Elle est cette chose subtile qui semble le sourire de la ligne, l'âme de la forme, la physionomie spirituelle de la matière.
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C’était un homme élevé par la rue. La rue avait été sa mère, sa nourrice et son école. La rue lui avait donné son assurance, sa langue et son esprit. Tout ce qu’une intelligence de peuple ramasse sur le pavé de Paris, il l’avait ramassé. Ce qui tombe du haut d’une grande ville en bas, les filtrations, les dégagements, les miettes d’idées et de connaissances, ce que roule l’air subtil et le ruisseau chargé d’une capitale, le frottement à l’imprimé, des bouts de feuilletons avalés entre deux chopes, des morceaux de drames entendus au boulevard, avait mis en lui cette intelligence de raccroc qui, sans éducation, s’apprend tout.

Chapitre XLIX
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Tous les soirs, la petite allait écouter par une lucarne grillée les condamnations du jour, la "liste des gagnants à la loterie de sainte Guillotine".
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Une religion sans surnaturel ! Cela m'a fait songer à une annonce que j'ai lue, ces années-ci, dans les grands journaux : vin sans raisin.
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[...] ... - "Louis !" dit Mme Mauperin.

- "Quoi ?" dit M. Mauperin, avec l'accent d'indifférence, de regret, d'ennui de l'homme qui, les yeux encore ouverts, commence à goûter les douceurs de la pose horizontale.

- "Oh ! si vous dormez !

- Je ne dors pas du tout. Voyons, quoi ?

- Oh ! mon Dieu, rien. Je trouve que Renée a été ce soir d'une inconvenance ... voilà tout. As-tu remarqué ?

- Non. Je n'ai pas fait attention.

- Une lubie ! ... C'est qu'il n'y a pas la moindre raison ... Elle ne t'a rien dit, voyons ? Tu ne sais rien ? Car voilà où j'en suis avec vos cachotteries [Renée se confie plus à son père] ... vos secrets : je suis toujours la dernière à savoir les choses. Mais toi, oh ! toi, on te raconte tout ... Je suis bien heureuse de n'être pas née jalouse, sais-tu ?"

M. Mauperin remonta, sans répondre, son drap sur son épaule.

- "Tu dors, décidément," reprit Mme Mauperin avec ce ton aigre et désappointé de la femme qui attend une riposte sur son attaque.

- "Je t'ai déjà dit que je ne dors pas.

- Mais vous ne comprenez donc pas, monsieur Mauperin ? Oh! ces hommes intelligents ... c'est curieux ! Ca vous touche assez pourtant, ce sont vos affaires comme les miennes. Voilà encore un mariage manqué, comprenez-vous ? ... [...]"
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Edmond de Goncourt
C’est que, voyez-vous, mon cher Bonnières, quoi que l’on puisse penser de son Journal — et je n’en pense pas toujours du bien, et, dans l’avant-dernier volume, par exemple, j’y trouve beaucoup de choses qui me heurtent dans mes idées et ma façon de sentir la vie, et je l’eusse discuté, ce livre, si j’avais été chargé d’en rendre compte —, le cas de M. de Goncourt est assez rare, dans la littérature, et je vous souhaiterais d’en être atteint. Et je souhaiterais aussi, pour la beauté morale de votre profession et de la mienne, que des écrivain illustres, avilis par les caresses du monde et par les agenouillements d’une presse civilisée qui estime les talents au nombre des maisons où ils dînent, puissent montrer une existence aussi noble que celle de M. de Goncourt. Le cas de M. de Goncourt, comme vous dites, c’est le cas d’un homme qui a beaucoup aimé son art, qui en a durement, douloureusement souffert, qui, à travers les injustices, les insultes, et les découragements qu’elles entraînent, a toujours lutté, sans une défaillance. Cette vieillesse solitaire et abandonnée un peu, cette vieillesse, après tant d’orages, tant de déceptions supportées, tant d’amertumes hautement endurées, cette vieillesse toute vibrante encore des ardeurs d’une jeunesse passionnée de Beau, est une des choses qui me sont les plus émouvantes. et je l’ai admirée, cette vieillesse, avec des tressautements au cœur, quand, au Théâtre Libre, affrontant crânement le flot d’ordures dont elle allait être couverte, elle signait de son aristocratique honorabilité ce que, dans La Fille Élisa, il y a de révolte sociale et de pitié humaine

Octave Mirbeau. L’Echo de Paris, 17 mars 1891
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C'était la plage de Trouville par un beau jour d'août, vers les six heures du soir. Sous le rose tendre et doux des ombrelles étaient assises les baigneuses. et là encore, des fillettes déchaussées, leurs pieds et orteils, halés sous leur robe. Et au bout de la plage, tout seul, un vieux petit curé, lisant son bréviaire en longeant l'immensité.
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