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Citations de Edward Limonov (97)


Il faut reconnaître qu'un zek a théoriquement la possibilité de s'ouvrir les veines, mais qu'on peut davantage s'attendre à un tel geste de la part d'un jeunot que de la part de quelqu'un ayant passé la moitié de sa vie derrière les barreaux comme Arjanoukhine. De plus, ce jour-là il ne devait y avoir ni réquisitoire du procureur avec annonce de la peine réclamée ni à plus forte raison de verdict, ce qui aurait pu théoriquement susciter une réaction émotive chez Arjanoukhine. En outre, arracher une croix avec sa chaîne du cou d'un Russe constitue en soi un spectacle immonde. Cet acte de violence était en général commis par des infidèles haineux, des envahisseurs, des ennemis. Que des flics russes arrachent une croix du cou d'un Russe, c'est le summum de l'ignoble.
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Comme toujours en Russie quelque chose clochait. Ils avaient perdu nos bagages qui arrivaient dans un autre véhicule. Quelqu'un manquait à l'appel. Le tableau sonore de cet épisode aurait pu s'intituler: LE MERDIER, UNE TRADITION RUSSE. Ensuite j'entendis un soldat se plaindre aux autres d'être obligés de trimballer les affaires des révolutionnaires.
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Les fouilles au corps chez nous sont moins complètes et, à l'aller comme au retour des interrogatoires au tribunal, les matons se bornent en général à nous palper, tandis que, dans les autres quartiers, les détenus ont droit à la totale. En fait, le régime carcéral dans notre quartier n'est ni libre ni relâché, mais inexistant. Les résidents du troizio encourent des peines graves, et les pronostics de leurs futurs procès s'annoncent plutôt sombres. C'est pourquoi nous sommes traités avec équité.
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La prison, c'est le domaine du gros plan. Tout y est proche et forcément exagéré. Parce qu'en prison l'espace est aboli, il ne s'y rencontre ni paysage ni panorama ni horizon. Les boules à zéro ou en forme d'œufs hérissés de poils des zeks{2} — les détenus — sont percées de fentes qui sont leurs yeux. Ces fentes sont velues et, comme les marais des roseaux, bordées de cils et de sourcils. Les marais sont troubles et visqueux et les roseaux chétifs. Les orifices des yeux sont entourés de dépressions qui sont les rides du front et de fondrières qui sont les poches sous les yeux.
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Dans les moments où le ciel semblait s'éclaircir, je la conduisais au musée. Ou, plus exactement, nous nous préparions longuement avant d'y aller. L'abondance de lourds tableaux allemands de festins dans leurs cadres dorés, de nudités mythologiques, d'horloges, de meubles, de tapisseries, de porcelaines mettait mal à l'aise l'aventurier sain et endurant que j'étais. J'étais saisi de "satiété muséale". Un mois plus tard, j'éprouverai la même chose en Italie, où je souffrirai d'une intoxication muséale. Depuis, je déteste les musées. Mais à Vienne, tableaux et couverts étaient plus repoussants qu'en Italie, car ils relevaient de l'abjecte et porcine grossièreté germanique. Elena, elle, appréciait ces maisons mortes. Elle pouvait rester penchée, des heures durant, sur les tabatières et les oeufs de porcelaine enchâssés d'argent. Elle s'y connaissait. Sa soeur Larissa était antiquaire à Beyrouth.
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Dans les années quatre-vingt-dix, en Russie, les heurts politiques furent les plus passionnels. J'ai participé à des bagarres de rue avec les OMON à Moscou, le 23 février 1992. J'ai rampé sous le feu des mitrailleuses devant la tour d'Ostankino en 1993. J'ai risqué ma peau aux points chauds de la planète, mais mes stupides confrères se demandent : pourquoi faire ? Ils allaient au restaurant de la Maison des Ecrivains et les plus demandés fréquentaient de lamentables festivals et shows télés. D'instinct, avec ma truffe canine, j'avais compris que, de tous les sujets du monde, les sujets essentiels sont la guerre et les femmes (la pute et le soldat). J'ai compris aussi que le genre le plus moderne est la biographie. C'est ainsi que j'ai suivi mon chemin. Mes livres, c'est ma biographie : dans le genre "vie des hommes illustres".
Mes triviaux confrères n'ont jamais pu comprendre que j'ai un tempérament héroïque. Longtemps, ils m'ont qualifié de personnage sulfureux, m'accusant de calculs subtils, me soupçonnant de faire ma propre publicité, m'intentant des procès en vanité. Une dizaine de livres m'ont été consacrés, plus bêtes et envieux les uns que les autres. Le dernier que j'ai feuilleté a été écrit par une certaine Dachkova et je ne me souviens même pas du titre. C'est dire !
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Ah, ma femme brillamment frivole de l'époque ! A vrai dire, je restais dans le sillage de cette frivolité heureuse. Ma femme aux longues jambes nerveuses (maigres selon les commères montant la garde devant toutes les entrées d'immeuble), avec l'énergie qui émanait de la fente de son sexe titillée par mes soins. Elena avait décidé que nous devions aller à Sotchi. Elle y avait fixé immédiatement rendez-vous à ses amis théâtreux et mondains. Nous partîmes donc pour Sotchi. L'une des qualités que je me reconnais est celle, rare, de ne pas résister au sort, mais de l'accepter. Comme l'a dit Lénine : "Le destin conduit celui qui l'accepte et entraîne celui qui le refuse". Il m'est arrivé de ne pas avoir la moindre idée de la direction dans laquelle il me conduisait, mais j'y allais en toute confiance. Et j'arrivais directement au but.
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Mon couteau avait l’air endormi. Il savait de toute évidence que, dans un futur immédiat, rien d’intéressant ne l’attendait, qu’aucun travail sérieux ne se présenterait et il s’ennuyait.
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Il faut détruire cette civilisation sur la Terre, en Russie comme en Chine et en Amérique. Et pour ce, rassembler tous les mécontents. Ni classes élues, ni dictatures ouvrières, en quoi les prolétaires seraient-ils meilleurs que les autres hommes? C'est idiot, le meilleur est celui qui nourrit la plus grande haine contre la civilisation.
Nous ne répondons pas à la question : "Que construirons-nous sur l'espace ainsi libéré ? ", nous disons : "Notre objectif est de détruire. " . Non point faire table rase, comme dit la chanson, mais plus bas encore, descendre jusqu'aux racines, ne laisser d'autres vestige que la poussière, comme les vainqueurs anéantissaient les villes antiques - et un coup de charrue par-dessus.
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