Citations de Emmanuel Carrère (1612)
À la sortie de l’hôpital, j’ai cru que j’allais profiter de la vie à 200%. En fait je suis la moitié de ce que j’étais avant, maximum. La phrase qu’on vous dit toujours : « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort, il y a des gens pour qui elle doit être vraie, pour moi non. Je continue à me battre, mais en fait, j’ai pris perpète.
Il (Salah Abdeslam) a dit quelque chose d’étrange, à la fois sincère je pense et obscène. « Je ne sais pas si les victimes ont de la rancœur à mon égard (de la rancœur !) mais je leur dis : ne laissez pas la rancœur vous étouffer. Il y a beaucoup de noir dans cette histoire mais il y a aussi de la lumière qui jaillit... C’est peut-être maladroit de dire ça devant les victimes, mais c’est ce que j’ai ressenti en écoutant certaines d’entre elles. Elles ont sorties plus fortes de cette épreuve, elles ont devenues meilleures, avec des qualités qu’on ne peut pas trouver au supermarché... » Je ne vais pas le contredire, j’ai pensé ça aussi. Mais je ne suis pas sûr que ce soit une consolation pour les victimes qu’il les félicite de leur force d’âme.
...il ne se passe pas un jour sans que je me dise: j'ai l'amour. Tout le monde court après, moi je ne peux pas courir mais je l'ai.
La vie m'a fait témoin de ces deux malheurs, coup sur coup, et chargé, c'est du moins ainsi que je l'ai compris, d'en rendre compte. Elle me les a épargnés, je prie pour qu'elle continue.
Que serait-ce une amitié qui se laisserait si facilement convaincre de son erreur ?
[...] mais c'était pour elles comme pour mes enfants un sujet de plaisanterie affectueuse, le fait que je tape d'un seul doigt, exactement comme le fait que je conduis très lentement et passe la quatrième, même sur l'autoroute, à peu près aussi souvent que je me sers du siège éjectable.
Personne n'a pu se reposer dans mon amour, je ne me reposerai dans l'amour de personne.
...Et le malade cancéreux, le plus souvent, éprouve doublement cette souffrances. Doublement parce que, malade, il ne peut partager avec son entourage l'angoisse qu'il ressent, et parce que sous cette souffrance en gît une autre, plus ancienne, datant de l'enfance et qui elle non plus n'a jamais été partagée, jamais été vue par personne. Or, c'est cela le pire pour quelqu'un: n'avoir jamais été vu, n'avoir jamais été reconnu.
Tourner la page, reprendre à zéro, vieille et vaine rengaine de tous les aigris de la planète, pensa-t-il
Au comptoir, il demanda à téléphoner, le garçon dit que le téléphone était réservé aux consommateurs.
"Alors, faites-moi un café, le plus dégueulasse possible, et buvez-le à ma santé."
Si un fou se met à nier l'évidence, c'est à lui d'apporter des preuves de ce qu'il soutient et, comme il n'en a pas, de s'attaquer à celles qui le démentent, de faire des caprices.
En prison, Salah Abdeslam jouait aux échecs, mais il y a renoncé lorsqu'il s'est avisé que c'est interdit par le Coran. Tous, sur les bancs de la presse, nous nous sommes précipités sur nos téléphones pour vérifier si c'est vrai: ce n'est pas vrai. Le Prophète n'interdit que les jeux de hasard, ce que les échecs ne sont certainement pas.
Dimanche, deux heures de l'après-midi, grosse chaleur. Les bourgeois déjeunaient chez eux, les pauvres se répandaient sur les pelouses.
à quoi bon nettoyer les instruments du crime quand le cadavre se voit comme le nez au milieu de la figure ?
...y voir une stratégie de survie. A un certain moment, c'est ne penser qu'à soi qui est le plus humain. Se soucier de l'humanité en général quand son enfant est mort, je n'y crois pas...
Sans savoir d'où le premier coup allait venir, il savait que la curée approchait. Ses divers comptes en banque allaient bientôt être à découvert et il n'avait aucun espoir de les renflouer. On parlait de lui, on le prenait à partie. Un type se promenait dans Ferney en menaçant de lui casser la gueule. Des mains feuilletaient des annuaires. Le regard de Florence avait changé. Il avait peur.
J'ai reçu en héritage l'horreur, la folie, et l'interdiction de les dire. Mais je les ai dites. C'est une victoire. (p398)
En le quittant, un des psychiatres a dit à son confrère: "S'il n'était pas en prison, il serait déjà passé chez Mireille Dumas !" (p.185)
...Je ne mentais pas alors, mais je ne confiais jamais le fond de mes émotions, sauf à mon chien... J'étais toujours souriant, et je crois que mes parents n'ont jamais soupçonné ma tristesse... Je n'avais rien d'autre à cacher alors, mais je cachais cela: cette angoisse, cette tristesse...(...) et quand on est pris dans cet engrenage de ne pas vouloir décevoir, le premier mensonge en appelle un autre, et c'est toute une vie...
Tout devait toujours aller bien, sans quoi sa mère irait plus mal et il aurait été un ingrat de la faire aller plus mal pour des broutilles, de petits chagrins d'enfant. Mieux valait les cacher.