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EAN : 9782070378838
182 pages
Gallimard (16/06/2005)
3.48/5   896 notes
Résumé :
Ayant vidé la poubelle sur le trottoir, il trouva vite le sac qu'on plaçait dans la salle de bains, en retira des coton-tiges, un vieux tube de dentifrice, un autre de tonique pour la peau, des lames de rasoir usagées. Et les poils étaient là. Pas tout à fait comme il l'avait espéré : nombreux, mais dispersés, alors qu'il imaginait une touffe bien compacte, quelque chose comme une moustache tenant toute seule. Il en ramassa le plus possible, qu'il recueillit dans le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (96) Voir plus Ajouter une critique
3,48

sur 896 notes
Il y a quelque chose d'un peu masochiste à se lancer dans un Carrère dont les oeuvres amènent toujours quelque chose de troublant, de douloureux, de dérangeant.
J'ai retrouvé dans celui-là, pourtant plus ancien, le même sentiment de malaise croissant que dans « l'Adversaire », ce même glissement progressif et inéluctable d'une situation apparemment stable, installée, bourgeoise, vers des recoins obscurs de l'âme, qui se mettent peu à peu à résonner sur nos propres zones de vide et foutent franchement la trouille.
Ainsi de ce personnage archétypal du type à qui rien ne peut arriver, architecte, parisien, bien marié, belle situation, dont la vie va pourtant partir en vrille quand il va se raser la moustache et que personne ne s'en rendra compte. Ni sa femme, qui lui affirme qu'il n'en a jamais porté. Ni ses amis, qu'il n'a peut-être jamais eus.
Le doute, la paranoïa s'installent, il tombe dedans et le lecteur avec. Tout vacille, jusqu'aux fondements de son existence, les solides briques sur lesquelles reposent sa vie se délitent et pire, s'évaporent. Effroi vertigineux quand tout ce qui lui paraissait être disparaît, entraînant son être dans le néant…
Il va me falloir un petit moment à me remettre de ce roman flippant et fascinant.
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Lorsque, comme moi dans ce cas, on a vu le film avant de lire le livre dont ce dernier est tiré, il est difficile d'extraire de son esprit le visage des acteurs superposé à celui des personnages du roman. C'est donc avec Vincent Lindon en tête que j'ai redécouvert avec plaisir cette histoire simple et brillante. le trouble de la lecture était encore accentué par le fait que je n'arrivais pas moi-même à me souvenir du visage de Vincent Lindon avec une moustache, tant on a l'habitude de le voir glabre.

L'idée est donc toute simple et géniale. Un jour, un homme décide de raser sa moustache pour s'amuser et pour surprendre son entourage, sa femme, ses amis. Personne ne remarque rien et ne réagit, ce qu'il prend à son tour pour une blague organisée à ses dépens. La blague tourne court et l'homme s'enfonce dans une forme aiguë de paranoïa. le récit est construit de telle façon qu'on ne sait qui a raison. Les indices s'effacent, on ne sait si c'est l'homme qui les détruits lui-même, si c'est sa femme qui les dissimule et veut ainsi le rendre fou où s'ils n'ont tout simplement jamais existé. Sa vie elle-même a-t-elle existé et ses proches sont-ils des êtres réels ?

Emmanuel Carrère construit son livre un peu comme un roman psychologique, il touche presque à la science-fiction et nous force à réfléchir par l'absurde sur la condition humaine et le principe de réalité. Une réalité tout à fait relative qui peut être déniée par le simple regard des autres.

5 septembre 2012
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« La Moustache » commence et se termine par un coup de rasoir. Tout un programme, n'est-ce-pas ? le présupposé de départ est pourtant très simple, presque amusant dans son absurdité. Un soir, un homme décide de raser la moustache qu'il porte depuis dix ans, espérant ainsi prendre par surprise et amuser son épouse et ses amis. Une petite plaisanterie innocente a priori tout à fait dépourvue de conséquences. Problème : personne ne semble noter la disparition de ladite moustache. Aux questions répétées du personnage principal, tous apportent la même réponse extravagante : il n'a jamais porté de moustache de sa vie. Et la farce tourne à l'aigre… D'abord oscillant entre l'agacement et l'amusement, le personnage principal se laisse progressivement gagner par l'inquiétude. A l'inquiétude succède la peur. A la peur, la paranoïa.

Ni thriller, ni policier, ni fantastique, « La Moustache » est un roman à part, un de ceux qui vous prend à la gorge, fait monter dans votre oesophage une angoisse diffuse, indéfinie. Ce malaise est accentué par le style employé par l'auteur, très précis, très détaillé et rapportant chaque action de ses protagonistes avec une méticulosité presque maniaque. Dès le début du roman, on s'identifie facilement au personnage principal, on partage sa peur et sa confusion, le sentiment de trahison grandissant qu'il développe vis-à-vis de ses proches, mais cette identification même devient rapidement source de crainte. le doute s'installe progressivement : que se passe-t-il exactement ? Une farce sinistre ? Un complot ? Une distorsion improbable de la réalité ? Ou l'explication la plus vraisemblable et la plus terrifiante de toutes : la démence, la vraie, celle qui vous coupe des autres, vous ronge de l'intérieur, démence d'autant plus glaçante qu'elle s'appuie sur un comportement et un raisonnement rationnels.

« La Moustache » n'est pas un roman agréable à lire (et, comme l'affirmait une critique précédente, indubitablement pas un livre à terminer en mangeant. Aux trois quarts du bouquin, je caressais vaguement l'idée de regarder l'adaptation filmée avec Vincent Lindon et puis… ben non, peut-être pas, tout compte fait), mais tout de même un excellent roman. Il m'a marquée durablement et le malaise causé par la lecture a perduré longtemps après la dernière page tournée.
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Mais quelle histoire démente !
Un matin, un homme se rase la moustache. Sa femme ne s'aperçoit de rien. A ses questions étonnées, elle répond qu'il n'a jamais porté de moustache.
Qui ment ? Qui est fou ?
Au fil des pages on est emporté dans une spirale hallucinante, obsédante et angoissante où le narrateur craint de sombrer dans la folie (et le lecteur avec). Pour sûr il tombe dans la paranoïa.
Je ne sais pas trop quoi en penser. c‘est fatigant un roman pareil.
L'écriture est belle, descriptive, cinématographique, mais l'histoire vraiment tordue.
De plus,la fin inattendue fait encore plus perdre les pédales et n'apporte pas de réponses.
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Ma première impression a été très bizarre, mal à l'aise dans la lecture de la première partie, et écoeurée par la crudité des dernières lignes. le début m'a beaucoup plu avec une situation banale, bien réaliste et l'irruption d'un grain de sable qui fait basculer le récit vers du fantastique. le lecteur se place du côté du héros, parce qu'Emmanuel Carrère, même s'il écrit à la troisième personne, nous fait tout voir du point de vue de son héros. On pense qu'on est dans un récit du genre du Nez de Gogol. Il faut dire qu'anatomiquement la moustache n'en est pas loin ! Et puis au fur et à mesure que la situation prend de l'ampleur, que le héros se demande alternativement s'il est fou, victime d'une blague, victime d'un complot, on se pose les mêmes questions que lui, et on ressent un certain malaise avec lui, repérant les mêmes failles de raisonnement, dans un sens, puis dans l'autre. le héros se demande si cette histoire ne va pas finir par le rendre fou, il faut dire que, dans une spirale infernale, il perd pied physiquement (manque de sommeil), psychologiquement (relations avec sa femme) et professionnellement (il ne va plus bosser). le lecteur n'est pas encore à la moitié qu'il se demande comment cette histoire peut finir. Mais il n'y a pas trente six solutions, et lorsque le héros fuit Paris, dès la première escale, avec la disparition de l'Espagne de la carte du monde, c'est plié, le personnage est fou. Ensuite j'ai trouvé le récit de son séjour à Hong-Kong un peu longuet, en particulier les passages d'un hôtel à un autre. Par contre les trajets répétés en bac d'une rive à l'autre sont une très bonne idée, remettant un peu d'humour alors que la situation en a de moins en moins. Quand à la chute, elle est décevante, mais surtout d'une rare violence, crue, hard, physiquement écoeurante. Bref, je n'ai pas spécialement aimé, mais quelque part, je trouve qu'Emmanuel Carrère a une sacrée plume, et je regrette qu'il n'écrive plus de fictions !
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
En y réfléchissant, dans l'eau qui refroidissait, il comprenait avec déplaisir ce qui l'avait le plus troublé dans la scène de la veille : pour la première fois, Agnès avait introduit un des numéros de son cirque mondain dans leur sphère protégée. Pire encore, afin de lui donner plus de poids, elle avait exploité pour faire ce numéro le registre de voix, d'intonations, d'attitudes, réservé au domaine tabou où cessait en principe toute comédie.
Violant une convention jamais formulée, elle l'avait traité comme un étranger, inversant les positions en sa défaveur avec toute la virtuosité acquise à force de pratiquer ce sport, et de façon presque haineuse : il se rappelait son visage chaviré d'angoisse, ses larmes.
Elle avait vraiment paru effrayée, elle l'avait vraiment, en toute conviction, accusé de la persécuter, de l'effrayer délibérément, sans raison. Sans raison, justement...Pourquoi avait-elle fait cela? De quoi voulait-elle le punir? Pas d'avoir rasé sa moustache, tout de même. p.41
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Il oscillait entre la colère et un attendrissement nauséeux à l’égard d’Agnès, pauvre Agnès, Agnès sa femme, fragile de partout, fine d’attaches, fine mouche, fine paroi aussi entre l’esprit vivace et la déraison qui commençait à la dévorer. Les signes avant-coureurs devenaient clairs, rétrospectivement : sa mauvaise foi scintillante, son goût outré du paradoxe, les histoires de téléphone, de porte murée, de radiateurs, la double personnalité, si maîtresse d’elle-même le jour, avec des tiers, et sanglotant la nuit dans ses bras, comme une gamine. Il aurait fallu interpréter plus tôt ces signaux de détresse, cet excès d’éclat, et maintenant c’était trop tard, elle sombrait.
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Qu'il dût ou non sortir et paraître à son avantage, ce rite vespéral tenait sa place dans l'équilibre de la journée, tout comme l'unique cigarette qu'il s'accordait, depuis qu'il avait cessé de fumer, après le repas du midi. Le calme paisible qu'il en tirait n'avait pas varié depuis la fin de son adolescence, la vie professionnelle l'avait même accru et lorsqu' Agnès raillait affectueusement le caractère sacré de ses séances de rasage, il répondait qu'en effet c'était son exercice zen, l'unique plage de méditation voué à la connaissance de soi et du monde spirituel qu lui laissaient ses vaines mais absorbantes activités de jeune cadre dynamique. Performant, corrigeait Agnès, tendrement moqueuse.
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« Il s'efforçait, pour situer ce geste anodin, de reconstituer en détail les 24 heures précédant son départ, mais la vanité de son effort ne l'affectait pas, une sorte d'engourdissement privait de tout enjeu des actes qui, doucement, glissaient vers l'irréel, la brume d'une légende dont il n'était plus le héros. Avec la même indolence, il étouffait les projets ou représentation à long terme de son avenir […] : tout devenait indifférent, les questions autrefois coupantes comme des rasoirs s'émoussaient, l'urgence de choisir ou de ne pas choisir retombait. » (p. 167)
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Les fous semblaient paisibles, leurs hôtes pas mécontents de ces revenus locatifs qui avaient l’avantage de tomber tous les mois, à coup sûr, de ne pas risquer de se tarir, car leurs pensionnaires restaient jusqu’à leur mort. Chacun vaquait à ses occupations, un des malades, depuis vingt ans, écrivait sans trêve la même phrase pompeuse et dépourvue de sens, une autre berçait des baigneurs en celluloïd, changeait leurs couches toutes les deux heures, se déclarait heureuse… En voyant le reportage, il avait pensé, c’est horrible, bien sûr, mais comme on trouve horrible la famine en Ethiopie, sans se représenter Agnès assise sur les marches d’un cabanon, au fond du jardin, répétant d’une voix douce que son mari n’avait jamais porté de moustache […]
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