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Citations de Emmanuelle Richard (164)


L’homme-fleur me fixe. (…) Il annonce qu’il va me poser des questions, plein, c’est ce qu’il énonce, voilà ce qu’il répète et s’apprête à faire avec moi alors il me prévient. Je déglutis.
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Elle, la professeure, avait choisi un texte différent des autres fois. Elle avait pris une voix haute et belle et basse, vibrante, que les élèves ne lui connaissaient pas. Une mer lointaine s'était dessinée et une vedette était passée dessus. C'est là qu'elle avait "entendu" cette vedette trouer le silence de la mer dans la tension d'un cours de piano, immobile et flottant, ouvert sur une baie de l'autre bout du monde. La fin d'après-midi de leur journée de juin, pas encore l'été, s'était mêlée à l'éclatement du soir du texte. Elle avait pu "voir" les mains de l'enfant de ce cours de piano, avec cette expression de fleur, incroyable et folle, pour les qualifier. Il s'était passé quelque chose de physique qui lui avait donné envie de pleurer. Elle était sortie de cours. Elle avait cherché quelqu'un à qui parler mais il n'y avait personne. Elle avait cherché, quelqu'un, peut-être, dans le collège, dans la cour, dans la rue, mais il n'y avait personne. Personne alentour, personne dans la ville, personne dans aucune de toutes les vies à venir.
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Elle pense au temps rêvé, haï, lointain, en même temps qu'attendu, où elle se trahira. Où elle sera une femme qui n'aura plus l'horreur des robes et qui ne sera plus soumise à aucune autre autorité que la sienne, qui disposera librement de son corps. Et celui encore plus lointain où elle n'aura plus l'angoisse de plaire, la délivrance, cet âge où la beauté n'aura plus aucune importance. Elle aimerait déjà être une vieille femme sortie du jeu pour qui l'angoisse de plaire et l’inquiétude du corps ne signifient plus rien, une femme qui aura cessé de se voir au travers du regard des hommes. Elle voudrait être délivrée (p. 264).
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Je ne veux plus chercher à savoir pourquoi me tenaille la nécessité de fixer ce en quoi il me bouleversait, à son insu et souvent à l'encontre de ce que lui croyait, tout comme les lieux où se sont produites et révélées à moi, progressivement ou subitement, ces aspérités qui me laminaient d'émotion, de désir, me touchaient comme si il était un jumeau. (...)

Je me suis demandé si j'étais folle, si j'avais rêvé le temps commun passé, si j'avais rêvé les gestes, les mots, le trouble, l'émotion réciproques, l'empêchement maladroit, l'évidence, la tendresse des étreintes, la fragilité de certains moments suspendus, la joie, le bien que l'on semblait se faire ensemble, notre envie commune d'avenir, la vie que l'on s'est égarés à rêver et dont jamais nous ne prendront le chemin. (...)
Je ne sais pas si je pourrai un jour revenir habiter dans cette ville où je voulais vivre, d'abord sans toi, avec toi ensuite, ou si les amours nous font perdre des villes en même temps que nous-mêmes, en même temps qu'elles nous fondent, nous déconstruisent, nous précisent, nous accouchent, nous révèlent, nous brisent, nous changent et nous subliment.
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J'aimais jusqu'à ta façon de parler aux gosses et aux animaux comme à des êtres très importants, à notre visiteur du soir qu'était ce grand chat de gouttière sans collier. J'aimais jusqu'à ton strabisme divergent de l’œil gauche quand tu mangeais des huîtres. Je te trouvais très beau puis très détruit puis de nouveau très beau. Je tentais d'imaginer que je puisse me lasser de toi. Je n'y parvenais pas. Je te disais ce que je pensais de toi au début, que tu ne me plaisais pas, que je me méfiais, que j'étais sur mes gardes. Tu avais l'élégance, rigoureuse à un point que je n'avais jamais observé, de ne jamais regarder ni effleurer des yeux les autres femmes. Je ne cherchais plus de justification à la futilité de vivre, je trouvais un plaisir vif dans les choses les plus infimes, tourner mon visage vers le soleil, flâner, se faire un restaurant, essayer des vêtements dans les magasins, dès lors que c'était avec toi. Je respirais mieux. J'avais l'impression d'être enfin moi-même. Tous les moi-même je pouvais les vivre avec toi. Il me semblait que c'était vrai aussi dans l'autre sens. Tout devenait si facile et si gai. Tu étais un accident, une rencontre complètement improbable et encore plus à ce moment, tu étais un accident mais tellement heureux. Je me sentais bien. Je me sentais libre (p. 119).
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Je ne comprenais pas ce que voulait cet homme. Je ne comprenais pas cette tendresse, cette douceur entre nous. Je ne comprenais pas cette intimité évidente, cette sensation de familiarité qui penchait vers le double en même temps que cette impression d'une étrangeté et d'une altérité radicales et nouvelles qui me faisaient perdre tous mes repères. Je comprenais encore moins cette confiance réciproque immédiate. Je ne comprenais pas qu'on veuille s'occuper de moi au bout de quelques jours. Je ne comprenais rien. J'étais terrassée. Il désirait savoir si je mangerais avec lui. En guise d'humour, j'ai émis le souhait d'une salade au chèvre chaud avec du miel et des toasts (p. 101).
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L'été éclatera bientôt. Et avec lui déjà le raccourcissement des jours, déjà la fin de la saison qui s'annonce, avant même d'avoir débuté. Ou si peu. J'ai toujours ce sentiment d'inachevé, d'inaccompli avec l'été. J'ai toujours ce sentiment que quelque chose n'est pas à la hauteur, quelque chose de latent et de grand, sur le point d'advenir sans doute, mais qui reste dans le fossé, sur le côté, et ne se révèle finalement pas. Je n'ai malheureusement jamais su quoi. L'hiver et l'automne me sont indifférents, car ils ne me déçoivent pas. Je les préfère.
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Car je n'ai aucune envie de parler au préalable. Ni de parler, ni de badiner. Je n'ai pas envie de parler tout court, ni de faire des efforts. Encore moins d'entrer dans un jeu de séduction dont je connais pas avance le tempo, le phrasé, les langueurs, les silences et les hésitations, après l'avoir trop souvent joué à la fac et dans mes petits boulots de caissière, de vendeuse, d'ouvreuse ou d'hôtesse - j'en venais parfois à me demander s'il était seulement possible de survivre en société en quittant cet état de flirt permanent - est-ce seulement possible ? Non pas de survivre, mais de se comporter autrement ? Y a-t-il la place pour ça ?, les hommes laissent-ils la place aux femmes pour ça ?, ou est-ce leur faute à elles ?, qui est responsable ?, tout ce petit théâtre mesquin, usé et prévisible, qui allait inévitablement me donner envie de me jeter par la fenêtre ou sur les rails du tramway - ce dernier avait provoqué la mort d'une vieille dame imprudente qui promenait son chien sur le gazon entre les voies, une seule victime, la ville était satisfaite de ce chiffre (p. 47).
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Dans les relations humaines, il faut toujours se montrer inaccessible. Dans les relations humaines, il faut toujours se parer d'un air lointain au premier abord pour se donner un prix valable, faire monter les enchères et sortir du discount.
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C'est juste logique - c'est que juste que moi je ne supporte pas d'attendre. Attendre pour moi c'est l'abandon. Je peux supporter beaucoup de choses mais ça, non, je ne peux pas. Faire attendre pour moi c'est un manque de considération, la négation de l'autre et de son existence. Je sais que j'ai un rapport à l'attendre pas tout à fait normal, pas tout à fait raisonnable, parce que pour moi attendre encore une fois c'est l'abandon, l'absence d'amour, c'est d'être un fardeau ou une obligation, c'est de redevenir cette personne dont on ne veut pas vraiment, qu'on ne choisit jamais vraiment, une quantité négligeable ou invisible, un poids mort qu'on n'a pas réellement envie d'être. Attendre c'est mendier l'autre. Le fait que je parle et qu'on ne m'écoute pas, qu'on me parle mal ou qu'on me réponde pas, et attendre, attendre au delà des dix minutes de politesse après l'heure convenue c'est revivre le bannissement, l'exclusion, le rejet, la honte et l'humiliation que je connais si bien.
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Comme tout un chacun, je voudrais être idéalement être aimée pour moi et non pour une image, qui est une construction ; ce qui est absurde et n'existe pas.
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C'est une image pailletée d'une intimité très douce, très neuve et très incongrue : c'est pour ça que je l'aime. Une boule à neige en plein été.
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Si tu savais tout ce que j'aurais donné - vingt ans de ma vie pour six mois avec toi - n'importe quoi pour espérer être avec toi, que tu me prennes dans ta vie et que tu me gardes. Tu m'as quittée trois fois, tu m'as quittée tout le temps.
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Parfois je ne sais plus rien, hormis cette chose: si tout peut s'oublier comme le début quand j'aurai fini d'écrire je ne me rappelerai plus rien. Si tout s'oublie comme la chronologie, alors, quand j'aurai fini d'écrire, je ne souffrirai plus.
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J'accepte pour la première fois de ma vie d'aimer plus qu'on ne m'aime. Je suis tellement sûre de nous et de la manière dont nos gouffres ajoutés s'annulent, dont ceux-ci combinés produisent au contraire une improbable clarté, que j'accepte d'avoir de l'avance dans cette histoire.
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Je suis sans désir mais je voudrais étreindre un corps.
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Je ne sais pas non plus que ces souvenirs réduits que je suis en train d'accumuler dans la plus grande indifférence deviendront plus tard des bijoux à faire jouer entre mes doigts quand je repenserai à lui, à nous.
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Si tout peut s'oublier comme le début quand j'aurai fini d'écrire je ne me rappellerai plus rien. Si tout s'oublie comme la chronologie, alors, quand j'aurai fini d'écrire, je ne souffrirai plus.
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Je sais qu'on ne pardonne pas aux femmes d'avoir du désir, de ne pas le cacher, de partir en quête de sa satisfaction à travers la ville.
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Arriver en retard est le signe de soumission le plus crasse au cliché voulant que la femme se fasse désirer, donc attendre. Afficher un retard délibéré au départ est un gage de sujétion aux codes les plus éculés de l'hétérosexualité.
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