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3.43/5 (sur 397 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Courcouronnes , 1985
Biographie :

Emmanuelle Richard est titulaire d'une Maîtrise de Lettres et d'un Master en Management des organisations culturelles.

Elle publie son premier roman à 24 ans, en 2010, aux éditions L'école des loisirs : 'Selon Faustin', un roman pour adolescents, autour des thèmes de la filiation, de la place, de l'amour et du surf.

Son deuxième roman, 'La Légèreté', est édité en 2014 aux éditions de l'Olivier.

Son troisième ouvrage, 'Pour la peau', raconte une passion. Il sort en 2016 et obtient la même année le prix Anaïs-Nin et le prix Marie Claire du roman féminin.

En 2018 paraît 'Désintégration'.

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Bibliographie de Emmanuelle Richard   (8)Voir plus


Entretien avec Emmanuelle Richard à propos de son ouvrage Pour la peau :



13/04/2016

Le roman peint le portrait d’un amour surpuissant mais manqué, entre Emma, une jeune femme et E. , son aîné. Pourquoi connaît-on le prénom de la femme et pas celui de l’homme ?


Ecrire n`est pas un jeu, c`est un acte à la fois engageant et clivant qui a des conséquences. Je n`ai aucun problème à assumer que le « je » écrivant est aussi celui de la narratrice qui est aussi celui de la jeune femme qui a vécu l`histoire. En revanche, il me semblait que l`égard minimal par rapport à cet homme, en l`utilisant comme objet d`écriture, en le convertissant en projet littéraire, était de conserver son anonymat.



Vous reconnaissez à ce roman sa part d’autobiographie. Qu’est ce qui a motivé son écriture ? Comment avez-vous traité la réalité afin de la retranscrire dans cet ouvrage ?


L’apparentez-vous d’ailleurs à un roman ou à un témoignage ? Il m`a toujours semblé que les gens qui produisent un contenu dit « artistique » en associant à ce geste le terme de « nécessité » se prévalaient d`une posture un peu ridicule ; posture qui me paraît confiner à quelque chose de publicitaire. Je ne pensais pas écrire un jour un tel livre, mais je crois aujourd`hui, en l`occurrence, que l`écriture de ce texte m`a sauvée, oui. En revanche, si je ne sais pas bien ce qu`est ce livre, j`espère l`avoir suffisamment réussi pour dépasser le témoignage... aboutir à un « témoignage » reviendrait pour moi à avoir produit un livre raté.



Pour décrire cette passion de plus en plus incontrôlable pour Emma, vous choisissez d’employer à plusieurs reprises le terme de “tomber”. L’amour, pour vous, est-il une chute ayant donc une fin brutale et dure ?


Je ne sais pas ce que c`est que l`amour. Je pense que l`on décide de donner prise à l`autre ou pas. La chute commence à partir de l`instant où l`on a décidé de donner prise. Mais, ça, on le voit très bien venir. On le sent. On n`est pas victime. C`est après ce moment de bascule qu`il devient difficile d`arrêter.



La musique tient une place importante dans le roman, elle rythme la vie des personnages qui l’écoutent ou la citent. Pourquoi lui avoir donné cette place particulière ?


C`est le cœur battant de la vie de cet homme. C`est par la musique qu`il se définit, qu`il s`est construit, c`est autour d`elle qu`il a organisé sa vie. Rien ne compte plus à ses yeux que celle-ci. C`est dans la musique, par la musique qu`elle le voit la première fois. Je ne crois pas qu`elle aurait aimé cet homme, qui est aussi un enfant, sans cet élément clé, fondamental et fondateur entre eux.



La jeune Emma, avant de rencontrer E., s’inscrit sur un site de rencontre extraconjuguale. Le réseau est-il aujourd’hui un incontournable du parcours amoureux ? Quel est votre avis concernant ce type de réseaux ?


Les sites de rencontres, comme les petites annonces avant, deviennent des incontournables à partir d`un certain âge et/ou selon le style de vie que vous menez. A partir du moment où vos amis sont « casés », se mettent à sortir moins, l`environnement professionnel devient le seul endroit possible de rencontre. Mais ça c`est un truisme, tout le monde le sait. Ces plateformes, a priori, pourraient également être un biais pratique et efficace si vous êtes seulement à la recherche d`une relation sexuelle, d`autant plus lorsque vous êtes une femme et que vous avez incorporé la honte liée à votre propre désir très tôt, dès l`enfance. Cela pourrait être un moyen de contourner en partie cette question de la honte que vous pouvez ressentir en allant seule dans un bar, par exemple. Seulement je dis a priori, parce qu`en réalité, les rendez-vous résultant d`échanges initiés sur ces réseaux ressemblent à des entretiens d`embauche sexuelle. Sans aucune poésie. Sans aucun mystère. Quelque chose d`industriel, presque. Or le désir n`est pas quelque chose que l`on convoque. Ca ne marche pas. Pas dans cet ordre.



Vous qualifiez votre livre de portrait, tout en l’écrivant à la première personne. Pourquoi avoir choisi cette forme particulière de narration ?


Je voulais épuiser le souvenir, de cet homme, en le transformant en motif littéraire. Quoi de mieux que le portrait, par toutes les manières envisageables, pour atteindre à cet état d`épuisement ?



L’amour que vous peignez est fort, mais destructeur et vous en offrez une vision très noire : votre héroïne ne ressent jamais le bonheur, de peur de le voir cesser. Ne croyez-vous pas en l’amour heureux ?


Je crois en l`amour heureux, absolu, qui serait à la fois indépendant et fusionnel. Je crois en l`amour heureux en présence de forces égales, ce qui est le cas entre ces personnes. Cet amour est destructeur parce qu`il s`arrête. C`est un amour qui aurait pu se transformer en grand amour s`il n`y avait ce problème de moment, de timing, de kairos ; c`est un amour qui refonde complètement la vision de l`amour chez cette narratrice, qui ne croyait pas en la possibilité/le souhait de la fidélité avant. Vous vous trompez, cette narratrice est indiciblement heureuse lorsqu`elle est dans l`histoire, dans l`été. D`ailleurs c`est un amour certes destructeur quand il s`arrête, mais qui l`augmente et la précise. C`est une sorte d`accélérateur vers elle-même, sa propre vérité et liberté.



Les sens sont un élément important de votre style. Vous les décrivez avec précision. Pourquoi une telle attention aux sens ? Est-elle intentionnelle ?


Ce que j`essaie de faire quand j`écris, depuis que j`écris, c`est un livre/texte qui serait aussi un animal. Un livre qui parle au ventre. Je veux qu`il se passe quelque chose entre le ventre du lecteur quand il lit et le mien, ce que ça me fait quand j`écris. C`est ça qui m`intéresse, en plus de sauver ce qui ne sera plus jamais, pour reprendre un mot d`Annie Ernaux.



Emmanuelle Richard et ses lectures :



Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?


Je ne sais plus, mais c`était les livres d`Annie Ernaux, en troisième.



Quel est l’auteur qui vous a donné envie d’arrêter d’écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?


Aucun



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?


La première émotion, à neuf ans, avec Le lion de Joseph Kessel ; après il y a eu Sa majesté des mouches, de William Golding, et Marguerite Duras au début du collège. Mais vraiment, Duras. J`avais une professeur de français formidable qui nous avait fait faire une dictée, à la fin de l`année scolaire. C`était le début de Moderato cantabile. On devait être en cinquième. Elle était d`une liberté incroyable. En cinquième, vous vous rendez compte ? Je m`en souviens très précisément, on était en juin. La fenêtre était ouverte. J`avais ressenti une émotion physique complètement folle. J`avais vu les mains de l`enfant. J`avais entendu la vedette trouer le silence de la fin d`après-midi. Et il y avait cette expression de fleur, à peine « écloses », pour qualifier les mains de l`enfant. J`avais couru à la bibliothèque et j`ai tout lu. Et puis après j`ai arrêté de la lire, complètement, parce que j`avais attrapé des tics. Ca a commencé comme ça, pour la lecture.



Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?


Je relis peu, cependant j`ai dû lire plusieurs fois les Onze Histoires de Solitude de Richard Yates.



Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?


Marcel Proust, en revanche je n`ai plus honte de tout ce que je n`ai pas lu. Longtemps j`ai eu honte, maintenant plus du tout.



Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?


Les locataires de l`été, de Charles Simmons, Ethan Frome, d`Edith Wharton, Gordon, d`Edith Templeton... Je ne peux pas dire moins, j`aimerais en citer beaucoup plus.



Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

Plein, mais je ne vois pas l`intérêt de parler de ce que l`on n`aime pas.



Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?


J`aime bien celle de Elmore Leonard, « There is a crack, a crack in everything. That`s how the light gets in. » Seulement elle a déjà été très utilisée pour servir d`exergue entre autres. Pour moi Léonard Cohen c`est de la littérature, tout comme les textes de Pascal Bouaziz, Pierre Bourdieu...



Et en ce moment que lisez-vous ?


Je viens de lire tout Christine Angot, que j`avais essayé de lire beaucoup trop jeune, il y a dix ans, sans comprendre son projet littéraire. Il doit m`en manquer deux, de ses débuts. Sa manière de déconstruire les relations de domination qui s`exercent à tous les niveaux et à tous les endroits, c`est passionnant.



Entretien réalisé par Marie-Delphine

Découvrez Pour la peau de Emmanuelle Richard aux éditions L`Olivier :



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Un texte collectif dirigé par Charlotte Pudlowski avec Emma Becker, Marina Rollman, Joy Majdalani, Wendy Delorme, Laurine Thizy, Emmanuelle Richard Éditions de l'Iconoclaste | septembre 2023

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STÉPHANE: « Je considère que rien n'est normal dans le sexe. Et qu'il ne faut jamais comparer ce que les gens projettent avec sa propre intimité. La situation que je vis me touche de façon personnelle, par rapport à mes désirs à moi, pas par rapport aux désirs que la société voudrait que j'aie.»
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L'été éclatera bientôt. Et avec lui déjà le raccourcissement des jours, déjà la fin de la saison qui s'annonce, avant même d'avoir débuté. Ou si peu. J'ai toujours ce sentiment d'inachevé, d'inaccompli avec l'été. J'ai toujours ce sentiment que quelque chose n'est pas à la hauteur, quelque chose de latent et de grand, sur le point d'advenir sans doute, mais qui reste dans le fossé, sur le côté, et ne se révèle finalement pas. Je n'ai malheureusement jamais su quoi. L'hiver et l'automne me sont indifférents, car ils ne me déçoivent pas. Je les préfère.
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" J'étais hantée par la question professionnelle depuis mes neuf ans.
Elle m'était une angoisse sans nom.....
J'étais obsédée par les rapports de force.
Je ne voulais pas exercer d'autorité ni en subir et je ne voulais pas de pouvoir, j'étais obnubilée par l'idée de trouver une profession qui me positionnerait à la fois ni au - dessus ni au- dessous .
Je croyais que la question de la reconnaissance ne m'était rien, mais quand j'ai vendu le journal dans la rue, les gens s'étaient adressés à moi comme si je faisais la manche et je n'avais pas aimé ça ....."
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Je vivais avec les moyens du bord. Je ne baissais pas les bras (...) Je courais toujours après une vocation professionnelle ou quelque chose à moi et je multipliais les expériences, j'étais chez moi partout sans jamais être à ma vraie place et j'avais l'air instable. En réalité, je continuais de chercher cette chose qui serait rien qu'à moi et me rendrait le monde habitable, cabane portative. (p. 152)
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"Ecrivant ceci, je me pose cette question : comment passe-t-on de l'indifférence au mépris à la curiosité, puis au désir, et enfin au sentiment amoureux ? A quel moment ai-je commencé à regarder E. ? A quel moment E. a-t-il commencé à me plaire ? A quel moment ai-je eu l'impression foudroyante de "le" voir en entier, et d'en être bouleversée ?"
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Je ne veux plus chercher à savoir pourquoi me tenaille la nécessité de fixer ce en quoi il me bouleversait, à son insu et souvent à l'encontre de ce que lui croyait, tout comme les lieux où se sont produites et révélées à moi, progressivement ou subitement, ces aspérités qui me laminaient d'émotion, de désir, me touchaient comme si il était un jumeau. (...)

Je me suis demandé si j'étais folle, si j'avais rêvé le temps commun passé, si j'avais rêvé les gestes, les mots, le trouble, l'émotion réciproques, l'empêchement maladroit, l'évidence, la tendresse des étreintes, la fragilité de certains moments suspendus, la joie, le bien que l'on semblait se faire ensemble, notre envie commune d'avenir, la vie que l'on s'est égarés à rêver et dont jamais nous ne prendront le chemin. (...)
Je ne sais pas si je pourrai un jour revenir habiter dans cette ville où je voulais vivre, d'abord sans toi, avec toi ensuite, ou si les amours nous font perdre des villes en même temps que nous-mêmes, en même temps qu'elles nous fondent, nous déconstruisent, nous précisent, nous accouchent, nous révèlent, nous brisent, nous changent et nous subliment.
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Des gens passaient à l'appartement. Leur langage m'était autant étranger qu'abscons. (...) Ils disaient des phrases dans lesquelles ils conjuguaient " je ne pourrais" à tous les temps et à tous les modes, affirmaient que l'on a toujours le choix; tout ce qui n'était pas la grande ville leur était la province profonde ; à propos de n'importe quel sujet ils avaient les mots pour le dire ; le RER était pour les gens moches. Ils riaient fort, s'accompagnaient de gestes amples. Ils semblaient n'avoir jamais peur d'occuper l'espace ou le temps. Ils ne paraissaient pas non plus connaître la honte, l'indignité, l'inquiétude ou pour le moins le doute. (p. 72)
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Je rêvais à un avenir où je trouverais enfin une place à laquelle je me sentirais bien, autorisée à être, plus séparée des autres ou moins. Je ne sais pas ce que je veux mais je veux pas les mêmes choses qu'eux. (p. 32)
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Quand elle était petite, elle ne pensait pas à son corps. Il n'existait tout simplement pas. Quand elle était petite, il était là, efficace et suffisant, huilé et confortable, et ça roulait, tout roulait, il n'y avait pas besoin d'y penser ou de réfléchir à ce que l'on portait, de se surveiller et de se regarder faire, de s'observer et de contrôler son image en permanence. Elle était un tout et non pas une dissociation, pas encore une séparation consommée de son esprit avec son corps, l'un passant son temps à scruter l'autre pour le juger. ..... Avant c'était avant. Tout à coup elle a un corps qui ne fait plus un avec ce qu'il y a dans sa tête, un corps dont elle a conscience et qui ne la représente plus, un corps encombré dont tout le monde se met à parler et que tout le monde se permet de jauger, d'évaluer, mesurer et elle ne peut rien y faire, il est là et elle doit se mouvoir avec ça, avec tout ce qu'on en dit et qui ne lui plaît pas.
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Arriver en retard est le signe de soumission le plus crasse au cliché voulant que la femme se fasse désirer, donc attendre. Afficher un retard délibéré au départ est un gage de sujétion aux codes les plus éculés de l'hétérosexualité. Je suis contre la stratégie du désir. Celle-là en tous cas. Je la trouve idiote.
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