Sarah a vu voler sa vie en éclats. Elle s'est aperçue que, légalement, son mari possédait 75% de leur maison et, par ailleurs, il avait tendance à se retirer en marge de la vie familiale. Sommé de rééquilibrer les choses, il n'a rien fait. Alors Sarah l'a mis au pied du mur en prenant ses distances le temps qu'il réfléchisse. Elle était loin d'imaginer ce qu'il adviendrait. Quelques mois plus tard, en plein tourmente, la quarantenaire confie son histoire à un écrivain qui s'en inspire pour écrire un roman. La protagoniste de ce roman, Susanne, est le miroir de Sarah et traverse des épreuves similaires. Mais évidemment, le récit est romancé…
Lorsque j'ai eu l'occasion de feuilleter ce roman en librairie, j'ai été intriguée par sa forme. Car on ne lit ni le témoignage de Sarah, ni le roman de l'écrivain, mais un échange entre les deux protagonistes à propos du livre en germe où ces deux récits s'entremêlent, se confondent, se prolongent l'un l'autre, divergent parfois pour mieux se fondre. J'ai trouvé cela très original et la question de l'indépendance matérielle et affective d'une femme vis-à-vis de son mari me tient à coeur : je suis repartie avec le livre sous le bras.
Si j'ai été admirative de la construction virtuose du roman et si son premier tiers m'a captivée, j'ai finalement souffert pour le terminer. J'y vois deux raisons principales.
D'abord, Sarah et son double de papier semblent prises dans une véritable spirale qui les voit tomber toujours plus bas. Cela fait beaucoup de tourments pour une seule personne (même double). Sans demander du feel good, j'aurais aimé voir un peu plus de lumière dans ce récit très noir. le roman a le mérite de montrer la vulnérabilité à laquelle nos sociétés patriarcales continuent de livrer de nombreuses femmes et la difficulté – pour ne pas dire l'impossibilité – de s'en extirper. Mais cela donne à l'intrigue une linéarité qui m'a accablée à la longue (le livre fait 415 pages). Les éléments romanesques imaginés par l'écrivain (celui du roman, à moins que…) n'ont pas suffi pour faire contre-poids.
D’autre part, j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire précisément du fait de cette forme qui avait piqué ma curiosité. Je suis admirative de la manière dont Eric Reinhardt orchestre sa partition, glissant du « je » au « elle » voire au « il », un peu comme Lynch dans Mulholland Drive. Toutefois, le fait d'osciller en permanence entre les différents niveaux de récit m'a tenue à l'écart.
Alors j'ai été sensible au souffle féministe, à la manière édifiante dont le roman montre comment la littérature se nourrit des expériences intimes tandis qu'inversement ses pouvoirs permettent d'imaginer de nouveaux horizons. Mais je ne peux pas dire que j'ai passé un bon moment.
Un texte brillant sélectionné dans la première liste du Goncourt, mais qui ne m'a pas emportée.
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