AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Eric Reinhardt (799)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Sarah, Susanne et l'écrivain

Dans une émission de radio (laquelle, je ne sais plus), Éric Reinhardt explique qu’il y a quelques années, il a été contacté via Facebook par une femme qui voulait lui raconter ce qui lui était arrivé, une histoire « douloureuse et silencieuse » d’après ses mots. Piqué par la curiosité et très troublé par une scène saisissante décrite par l’inconnue, l’auteur accepte d’échanger avec elle.

S’il a trouvé un sujet d’écriture, il lui manque encore l’essentiel : la forme. Il a alors l’idée de mettre en scène un auteur, un Reinhardt bis, lisant à Sarah, la mystérieuse correspondante, l’histoire qu’il a écrite à partir de ce qu’elle lui a confié : l’auteur modifie les noms et Sarah, présente elle aussi dans l’oeuvre, a dorénavant une espèce de double littéraire : Susanne.

Troublante et intéressante mise en abyme...

Sarah écoute alors l’histoire que nous lisons, l’histoire de Susanne, de son double...

Bien entendu, le créateur est là, troisième personnage : il décide, modifie, tronque, ajoute, mélange, fait sa cuisine, tord le cou au « réel », à l’histoire de Sarah et quand cette dernière (j’allais écrire « la vraie » mais est-elle plus vraie que Susanne dans le fond?) juge que certaines modifications vont trop loin, sont déplacées ou perturbantes, elle intervient : pourquoi ce choix ? demande-t-elle.  L’auteur se justifie. Il a son mot à dire.

Doucement, le roman se construit devant nous et nous en entr’apercevons les coulisses.

Emportés par la fiction, nous, lecteurs, sommes régulièrement (et brutalement) ramenés au « réel » par les interventions de Sarah qui donne des précisions, nuance, s’étonne, demande une correction… Un délice que ces jeux autour du « réel » et de la fiction...

Bref, le lecteur, quant à lui, glisse constamment de Sarah à Susanne et de Susanne à Sarah, en oubliant parfois qu’elles sont deux, dans cette sororité dont elles deviennent le symbole....

Il est intéressant, bien sûr, de voir le travail de l’auteur à l’oeuvre : que modifie-t-il ? Pourquoi ? Comment ? Dans quel but ? Tout ça est évidemment très original mais j’avoue que moi, ce qui m’a complètement transportée dans ce roman, ce sont les scènes. Elles sont incroyables, puissantes, inattendues, déroutantes, minutieusement décrites à tel point que l’on bascule dans l’univers du roman, on perd pied, on devient le personnage, on entre pleinement, vraiment, dans la fiction. C’est extrêmement perturbant et follement excitant. On en ressort épuisé. Ravi mais épuisé. Cela m’est déjà arrivé en littérature mais rarement à ce niveau là. Je pourrais vous donner des exemples précis mais je préfère ne pas divulgâcher l’histoire, cela risquerait de rompre la force du texte. « Je me documente beaucoup, parce qu’il m’est insupportable d’être approximatif, imprécis, invraisemblable. Le pacte que l’on passe avec le lecteur est très fragile. J’aspire à la magie, à pouvoir créer des sortes de petits miracles de lecture. Comme un illusionniste, comme si je créais des machines à sortilèges. » Je suis, pour ma part, complètement tombée dans l’illusion, j’ai été happée, hypnotisée au point de sentir un malaise physique à la lecture de certaines scènes particulièrement éprouvantes.

Je n’avais jamais lu de texte d’Eric Reinhardt et j’avais même à son égard une petite réserve liée à deux trois retours négatifs. Là, je suis conquise. Absolument. J’aime peut-être un peu moins la fin mais les grandes scènes génialissimes me font oublier le reste !

Un sacré bon moment de lecture ! Un portrait de femme(s) inoubliable… (bon, je n’ai rien raconté de l’histoire et c’est très bien comme ça) (ne lisez évidemment pas la 4e de couv’) (quelle chance vous avez de ne pas avoir encore lu ce roman!!!)
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          270
Sarah, Susanne et l'écrivain

Une femme, Sarah, demande à un écrivain en vogue d'écrire un roman sur son histoire dont l'héroïne sera Suzanne.



De ce que j'ai retiré de ce livre est qu'indiscutablement, nos actes ont des conséquences et pas forcément celles que l'on attendait. Sarah, et en miroir Suzanne, vont en faire l'expérience et connaître une lente, douloureuse dégringolade. Il suffit de pas grand chose pour chuter. Mais si c'est pour mieux rebondir, alors, est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?



A travers ces deux personnages féminins, l'écrivain amène une réflexion sur les bouleversements qu'il est parfois nécessaire de supporter pour qu'un individu trouve, ou retrouve, sa juste place, celle où il se sent bien, en accord avec lui-même, et qui apporte un sens à sa vie.



La construction de ce roman est originale, brillante mais d'un autre côté, l'histoire fractionnée, mêlant les voix de Sarah, de Suzanne et de temps en temps de l'écrivain, n'ont pas favorisé l'immersion de la lectrice que je suis. De plus, j'ai trouvé le texte un peu trop bavard, certes très bien écrit, mais je l'aurais préféré un peu plus resserré.



Malgré ces réserves, j'ai globalement aimé cette lecture même si je lui ai préféré l'excellent "L'amour et les forêts" du même auteur.













Commenter  J’apprécie          270
L'Amour et les Forêts

Je crois que la note de 2.5/5 serait pour moi ce qui convient le mieux à l'ouvrage je me suis ennuyée ferme par moment et à certain moment l'envie de lire ce livre devenait plus présente ce qui m'en laisse un souvenir mitigé.



L'auteur nous relate ici la rencontre avec une de ses lectrices Bénédicte dont la lettre l'intrigue et il va la rencontrer à deux reprises.



Celle-ci lui raconte sa vie avec son mari Jean-François qui lui fait vivre l'enfer sur terre surtout depuis que sa femme lui a raconté son incartade avec un jeune homme Christian rencontré sur Meetic avec qui elle a passé une journée et avec lequel elle a couché.



On suit donc le destin de cette femme qui tentera de mettre fin à ces jours et ira en hôpital psychiatrique quelques semaines afin de se "remettre sur pied".



Les phrases de cet auteur ne sont tout de même pas très fluides mais un peu longues pleines de styles ce qui ralentit un peu le récit et effectivement certaines scènes sont ennuyeuses au possible comme la scène de tir à 'arc.



Etrangement ma lecture à été plus fluide à partir du moment ou l'auteur apprend le décès de Bénédicte ou l'a l'envie d'en savoir plus sur ses derniers jours m'ont fait tourner les pages plus rapidement. Cependant à aucun moment je n'ai ressentie d'empathie pour ce personnage ce qui est dommage. Une lecture en demi-teinte donc.
Commenter  J’apprécie          260
L'Amour et les Forêts

"A l'origine , Bénédicte Ombredanne avait voulu le rencontrer pour lui dire combien son dernier livre avait changé sa vie . Une vie sur laquelle elle fit bientôt des confidences à l'écrivain , l'entrainant dans sa détresse."



Ici , Reinhardt explore par le biais de Bénédicte Ombredanne les failles dissimulées , les fêlures enterrées et les âmes disloquées. En pleine conscience des siennes elle évite la violence de celles-ci en fardant son visage d'une poudre illusoire afin de mieux refouler son existence éteinte. Subissant cette farce ambulante , ce vaudeville , elle vit un divorce perpétuel avec sa propre entité , clairvoyante sur le fait d'enterrer sa nature , elle se sait subrepticement emprisonnée dans ses propres renoncements , ses multiples démissions et ses indirects abandons.



Pourtant , un évènement pousse Bénédicte à se reconcilier avec elle-même et à répudier son marasme en tournant le dos aux harcèlements insidieux de son mari ; déglinguée et décousue elle décide d'unir ses failles à ses forces afin d'exister pleinement. Eveil fulgurant , souhaitant jouir dans tous les sens du terme , elle s'inscrit sur un site de rencontres , s'ensuit des échanges épistolaires que Reinhardt transforme en un pur moment de réjouissance tant le grotesque qui l'en ressort est risible et consternant. S'il en résulte une idylle durant laquelle le désir crépite , fend les derniers retranchements et enflamme les pages à l'instar des corps c'est bien la fureur de vivre qui s'embrase , une envie de liberté exaltée... pour autant...



L'amour d'une journée peut t'il bouleverser une vie au point de faire exploser plusieurs années de déconsidérations ? Reinhardt dénonce l'emprise conjugale ,celle qui brise et détruit , il met la lumière sur ce qu'est l'avilissement et l'humiliation quotidienne ; on frémit à la lecture de ses lignes chargées de violence psychologique , de déchainements verbaux malsains et de scènes sexuelles d'une écoeurante perversité ; une effrayante descente aux enfers qui m'a précipitée dans un tourbillon d'indignation , c'est assommée que j'ai lu les dernières pages , ébranlée que j'ai refermé ce livre.



A l'heure où nous commentons toujours et encore les violences physiques faites aux femmes , c'est dans le silence et l'ombre des foyers que des sévices tout aussi insupportables se déroulent inlassablement : l'entreprise de démolition psychologique et la manipulation de grande envergure. L'amour et les forêts est un cri tonitruant silencieux , c'est le masque de la comédie qui cache la tragédie des âmes.



J'ai découvert Eric Reinhardt avec " le système Victoria " qui m'a littéralement charmée , j'ai continué avec " La chambre des époux" qui m' a conquise, aujourd'hui "L'amour et les forêts " m'a chamboulée. Cet auteur n'a certes pas le monopole d'une écriture délicate et minutieuse mais la singularité le définit. Si son style se veut exigeant il en ressort une écriture raffinée et aiguisée ainsi qu'une forme d'intimité qu'il tisse avec le lecteur et c'est sans aucun doute ce qui rend sa lecture captivante et poignante.



Bouleversant et puissant.





Commenter  J’apprécie          256
L'Amour et les Forêts

Je m'étais promis de ne publier que des critiques sur des livres que j'ai aimés ou alors des livres légers comme des bulles d'air. Et là je suis bien ennuyée. Je n'avais pas lu les critiques avant de commencer ni suivi le débat sur ses sources d'inspiration.

Ce fut difficile de 'rentrer' dans ce roman. Le style de l'auteur, sa façon d'écrire un peu précieuse, des phrases que je devais relire, tout ce préambule si long. Jusqu'au moment où j'ai compris ce qu'était la vie de Bénédicte - juste après son escapade avec son archer (je n'en dirai pas plus pour ceux qui veulent lire le roman). Le malaise m'a envahie et le livre m'a brûlé les doigts. Je ne voulais plus souffrir par auteur interposé. Et j'ai même fini par rapidement donner le livre à ma mère sans jamais lui demander ce qu'elle en avait pensé.
Commenter  J’apprécie          256
L'Amour et les Forêts

J'ai seulement lu trente pages, cela m'a suffit.

Je n'ai pas aimé du tout, Éric Reinhardt se met beaucoup trop en avant au début du livre, cela m'a vraiment agacé, en parcourant " en diagonale " le reste du livre, il m'a achevé ...
Commenter  J’apprécie          255
Cendrillon

Je précise tout de suite que je fais un commentaire bien que je n'aie pas fini le livre .



Un écrivain parisien parle .

On va tout savoir. Il s'appelle Eric Reinhardt, il a écrit : Demi-sommeil, Le moral des ménages, et Existence, dont il a eu des critiques élogieuses dans le Monde, Elle , etc., que, quand elles sont élogieuses, il affiche sur ses murs. Il écoute aussi les émissions de radio qui en parlent, dont l'une (dont il nous retranscrit l'intégralité), pas élogieuse du tout, mais suffisamment habilement « écrite » pour qu 'on comprenne que tous ces animateurs de France Culture sont des gros connards. Il travaille dans une mansarde de 12 m2, mais le plus souvent au café Nemours où il commande des cafés serrés et drague vaguement des clientes. Il a deux enfants, Leonardo et Donatien, qui partagent le délicieux rituel du petit déjeuner familial. Il a une femme formidable qui s'appelle Margot qui, tel le prince pour Cendrillon, l'a sorti du bourbier pour en faire un homme qui, certes, reste un pauvre type désespéré, mais s'épanouit chaque automne, où il croit retrouver une certaine plénitude.

C'est narcissique à souhait, mais comme bien souvent ces hommes déchirés où côtoient l'infantile et le désespoir, sont plutôt touchant (quoique sans doute impossibles à vivre).



À côté de ce récit, deux histoires parallèles, des productions de l'écrivain suppose-t'on, des images transformées de lui-même (ou de ce à quoi il a échappé?) suppose-t'on aussi, deux hommes falots (comme lui?) incapables de s'affirmer, professionnellement en perpétuel échec, face à leurs femmes tendrement exaspérées. Leur incapacité au monde a marqué définitivement son empreinte sur leurs fils dont on va ensuite suivre les parcours dissemblables.



Donc c'est assez formidablement écrit, plein d'idées ingénieuses, de digressions surprenantes. J'ai souvent été assez admirative, amusée, voire emportée, mais aussi souvent lassée, voire exaspérée face a cette logorrhée créative qui frise parfois le pédant. On a l'impression qu' Éric Reinhardt a participé à un atelier d'écriture où le maître disait : donnez-vous à fond, allez-y au maximum et même plus, rajoutez-en, montrez votre génie, plus il y en a mieux c'est, et surtout ne coupez rien ! On a l'impression que Reinhardt nous dit : regardez comme j'en rajoute,comme je suis un écrivain inventif, qui ne recule devant rien, aucune hyperbole, comme je me roule dans la médiocrité des autres (entre autre) pour en faire mon écrit quotidien le plus brillant.



Reinhardt ne limite donc ni l'incontinence verbale, ni les redondances volontaires, ni tout un panel de figures de style répétitivement appliquées (phrases nominales enchaînées, allitérations, anaphores, accumulations), ni les pages, les pages, les pages qui courent imbues de leur propre qualité mais n'apportent rien l'une à l'autre.



Ah ! Il y met de l'ironie et un humour alternativement pince-sans rire ou carrément basique, mais avec un tel sérieux... C'est brillant, brillantissime, parfois, mais, même si je me dis que cela cache la faille, (ou la béance ?) j'en arrive vite à trouver que cela s'exhibe de façon hystérique. Tout cela est troublant ! oui, c'est vraiment troublant, ce mélange d'humilité et de suffisance, de désarroi et de légèreté, cette accumulation multiple, déchaînée qui, en tout cas, ne peut laisser indifférent.



J'en étais là dans ma lecture et mes réflexions, j’avançais avec l'intention d'aller jusqu'au bout, dans une certaine curiosité qui se partageait entre les personnages du livre et le personnage de l'auteur. Et puis, d'un coup, page 275, j'ai été submergée. Après 10 pages de description du Palais-Royal puis 10 pages d'un dialogue ininterrompu, merveilleusement rendu mais parfaitement inintéressant, j'en ai eu marre, j'ai saturé. Je me suis dit que si ça se trouve, les 300 pages qui me restaient à lire pouvaient n'être que la continuation de ce dialogue, pourquoi pas, encore une trouvaille provocatrice de Reinhardt ? D'un coup, le destin Laurent Dahl et d'Éric Reinardt m'indifférait complètement et je me suis dit que le génie, même torturé, est vain quand il m'ennuie



J'ai fermé le livre. J'ai repris la citation ci-dessous, que j'avais noté page 103, qui montre qu'Eric Reinhardt partage sans doute avec moi un questionnement sur lui-même : est-ce de l'arrogance ou de la sincérité ? Les deux sans doute , beaucoup de questions n'ayant pas de réponse dans la vie.





" - Regarde ! Lis ces phrases ! Du brio ! De l'invention ! Une verve authentique ! Des trouvailles ! De l'humour ! Il parle d'une satire survitaminée ! Et drolatique ! Il écrit que ton livre est drolatique ! Et qu'il est brillant ! Il déplore à chaque ligne que tu brilles ! - Et le truc du marionnettiste trop malin ? - Tu vas pas te plaindre qu'il te trouve malin ! - Et formidablement satisfait ! C'est aimable comme observation ? Marionnettiste formidablement satisfait ? - Mais il souffre ! Tu le surprends en pleine souffrance de gourmet littéraire ! Je crois qu'elle est drôle son existence de gourmet littéraire ? Comment veux-tu qu'il accepte que tu prennes du plaisir ? Mais c'est immoral ! Elle est immorale, ta vie, pour la plupart des gens, c'est immoral ce qu'on vit ! Et en plus les provoques, tu les cherches, tu t'amuses en écrivant ! Tu claques les mots et les trouvailles comme d'autres claqueraient du fric et sortiraient leur carte Gold !"
Commenter  J’apprécie          253
L'Amour et les Forêts

' L"anti-Victoria de Winter" s'appelle Bénédicte Ombredanne, et contrairement à l'héroïne du précédent roman d'Eric Reinhardt, celle-ci ne surfe pas à toute vitesse sur la vague mondialisée de la modernité, et elle n'a aucun pouvoir. A l'inverse, provinciale, même si elle est née en 1970, Bénédicte semble être l'émanation de la littérature du XIXème, voire du XVIIIème, comme issue d'une faille temporelle, dans laquelle elle retombe d'ailleurs à la faveur d'un coma littéraire qui la plonge dans une nouvelle de Villiers de L'Isle-Adam. Ses bottines hautes et marron à lacets compliqués pourraient la résumer: cette femme est une sorte d'anachronisme vivant (et sa liaison avec un antiquaire le confirme!) . Elle nous fait penser tour à tour à Madame Bovary (en plus brillant), à l'héroïne d'Une Vie de Maupassant, ou à La dame aux Camélias.



Cette prof de lettres agrégée dans un lycée, fan d'Eric Reinhardt, mais plus largement passionnée de littérature, se débat contre les murs des prisons qu'elle se crée. Ce roman est à première vue un mélo, l'histoire d'un destin de femme dramatique, puisqu'elle est à la fois admirable et qu'elle considère son existence comme lamentable, et parce que la mort semble la seule façon pour elle de se libérer, la littérature et l'amour se révélant tour à tour des secours insuffisants à son émancipation.



Bénédicte Ombredanne apprend le tir à l'arc avec l'amoureux merveilleux qui surgit dans sa vie le jour où elle décide de se révolter. Eric Reinhardt, le romancier qui se met lui-même en scène dans ce livre - comme il l'avait fait dans Cendrillon- essaie pour sa part d'écrire parallèlement un roman qui serait comme une fléchette tirée en plein cœur de ses lecteurs. Il est donc question à plusieurs niveaux de flèches, de fléchettes... L'amour et la littérature semblent avoir la même fonction, la même cible: ce sont les armes privilégiées que Bénédicte a dans son carquois pour se libérer de ses prisons intérieures.



Comme souvent dans les romans d'Eric Reinhardt, Bénédicte est un personnage ambigu. D'un côté, on peut estimer qu'elle a été la victime d'hommes qui ont voulu la posséder, mais on a aussi envie de lui reprocher ses redditions et de la secouer. Elle a pourtant l'esprit d'aventure, au début du livre, mais elle se crée ensuite ses propres limites avec l'aide de son mari, un micro-dictateur domestique complètement dingue, de la pire espèce des pervers narcissiques, aussi médiocre qu'elle est brillante.



Ce que j'ai préféré dans ce livre, c'est qu'il montre subtilement combien la relation qui existe entre un lecteur et un auteur ressemble beaucoup à celle qui peut exister entre un auteur et un personnage. A la quête initiale de la lectrice qui cherche à dialoguer et à rencontrer l'écrivain, répond la quête de l'auteur ( à la fin du livre) qui cherche son personnage, c'est à dire sa lectrice métamorphosée en personnage. Entre eux, le même rapport de distance et de fascination, de proximité mentale et d'inaccessibilité, un idéal qui les réunit, des obsessions communes, une sorte de fraternité. Lectrice, auteur sont tous les deux devenus des personnages et fusionnent dans le roman, dans la littérature.







On appréciera dans ce roman sa construction qui est à la fois fluide, naturelle (on ne le lâche pas) et composite, subtile, avec l'inclusion d'une nouvelle de Villiers de l'Isle-Adam entière, de chats sur Meetic hilarants, les destins secondaires des pensionnaires d'une clinique, les changements de points de vue imperceptibles (on passe de celui du romancier à la première personne, à celui de Bénédicte à la troisième personne, puis on revient au romancier, et on passe au témoignage de la sœur de Bénédicte, autre superbe personnage féminin). J'ai pour ma part admiré particulièrement l'affrontement entre Bénédicte et sa fille adolescente, un dialogue superbe. Eric Reinhardt montre par ce roman qu'il s'inscrit dans la tradition romanesque du XIXème. A cet égard la nouvelle de Villiers de l'Isle-Adam qu'il choisit d'inclure est très représentative d'un topos, le jeune homme éperdu d'amour face à l'héroïne inaccessible qu'il suit à la sortie de l'opéra, c'est la même situation que Raphaël face à Foedora dans la Peau de Chagrin ou qu’Armand Duval face à Marguerite Gautier dans La dame aux Camélias. Mais Eric Reinhardt renouvelle cette tradition, en y intégrant la peinture de la classe moyenne actuelle, et il pose notamment dans ce roman la question embarrassante de la liberté des mères de famille d’aujourd’hui. Il y mêle son idéal hédoniste, certains aspects de l’autofiction, un métadiscours intéressant autour de ses œuvres précédentes, ou insère des motifs discrets qui relient ses romans les uns aux autres. Le trou, Brigadoon, qui étaient des références essentielles dans Cendrillon sont également ici au centre de l’œuvre, qui raconte un peu la même histoire : celle d’un paradis entrevu au milieu d’une vie grisâtre. C’est un superbe roman qui surprendra, tellement il ressemble peu au Système Victoria. Mais je pense que, comme moi, vous vous y reconnaîtrez un peu : nous sommes tous des Bénédicte Ombredanne qui essayons d’ouvrir des trappes inattendues vers un monde merveilleux…
Commenter  J’apprécie          253
Sarah, Susanne et l'écrivain

Des confidences qui font un roman



Avec Sarah, Susanne et l’écrivain, Éric Reinhardt nous offre de pénétrer dans la fabrique littéraire. Après avoir recueilli les confidences de Sarah un écrivain décide de transposer son récit en créant le personnage de Susanne. Tout au long du roman en train de s’écrire, on suit ce trio. Avec délectation !



Susanne est généalogiste et vit avec son mari et ses enfants Paloma et Luigi à Dijon. Quand elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer, elle décide de revendre ses parts à son associée Delphine pour se consacrer à ses passions, l'art et l'écriture, même si ses manuscrits successifs sont refusés par les éditeurs et si ses œuvres d’art ne sont pas destinées aux grandes galeries. Elle prend aussi davantage de temps pour les musées et s'intéresse à un tableau qu'elle a vu dans la devanture d'un antiquaire. Se décidera-t-elle à l'acheter? Elle ne devra pas compter sur son mari pour l'encourager car ce dernier prend de plus en plus de recul. Il s'est aménagé une pièce à la cave où il a décidé de se remettre à la guitare. Mais plutôt que de gratter l'une de ses Gibson, il boit et fume des joints.

Cette présence-absence va finir par décider Susanne à réagir. Elle prend le large, même si ce n’est pas trop loin de leur bel appartement du centre-ville de Dijon. Elle choisit de louer dans la banlieue industrielle, à Longvic, histoire de faire un break. Et de faire réagir son mari et ses deux enfants.

Mais ce coup de poker n’a pas l’effet escompté. C’est même tout le contraire. Son fils rechigne à partager sa vie et préfère conserver ses habitudes, sa fille la soutient du bout des lèvres et son mari semble parfaitement à l’aise avec cette nouvelle vie. Susanne s’enfonce alors dans une spirale négative.

Ce drame est une fiction qu’écrit un auteur à partir des confidences de Sarah. Cette dernière, qui avait aimé les précédents romans, lui a confié qu’elle vivait «une histoire douloureuse et silencieuse qui lui donnait l’impression d’être dans l’un de ses livres.» Peut-être en mal d’inspiration ou simplement par curiosité, il lui a demandé de lui raconter son histoire afin de pouvoir la transposer dans un roman.

Nous voici donc en train de lire une histoire à tiroirs, celle de la «vraie» Sarah, de Susanne, son double de fiction, celle de l’écrivain transposant l’histoire de la première avec le personnage de la seconde et le tout composé par Éric Reinhardt, démiurge s’amusant à tirer les ficelles de cette vraie-fausse fiction.

Car bien entendu, ce qui fascine ici, c’est la plongée dans le travail d’écriture. Le romancier propose au lecteur de l’accompagner dans la création de son œuvre. Il nous montre comment il crée Susanne à partir de Sarah et comment il s’émancipe de l’une pour mieux cerner l’autre.

Cette explication de texte est aussi une manière de mettre fin à la polémique née après la publication de L’Amour et les forêts. On se souvient qu’une lectrice avec laquelle il avait échangé une correspondance puis retrouvée à Paris et qui lui avait raconté ses problèmes, y compris par écrit, avait porté plainte pour atteinte à la vie privée et contrefaçon. C’est donc avec les armes du romancier qu’Éric Reinhardt répond. Avec un formidable roman-gigogne qui donne ses lettres de noblesse à la création, au style et à l’imagination.




Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          240
Sarah, Susanne et l'écrivain

[Rentrée littéraire 2023 n°9]



Un véritable OVNI ce livre incroyable.

Quelle dextérité, quel talent !

Par contre, ce livre se mérite ; il faut aller au bout du roman, au bout de cette expérience littéraire. Car, pour moi, il s'agit d'une expérience, c'est comme cela que j'ai vécu cette lecture.

Je l'ai commencé avec des a priori nettement négatifs.

Je n'ai lu que ce livre de Reinhardt.

Il m'a littéralement happé, subjugué, je l'ai dévoré comme Susanne qui mange un tableau.

Alors oui, c'est parfois abscons.

Le sujet : une femme Sarah, demande par mail à un écrivain renommé (on peut le deviner puisqu'il est invité à La grande Librairie), de lui écrire un livre sur sa vie quelque peu agitée, avec une femme qui s'appellerait Suzanne Sonneur.

A partir de là, cela devient flou ; on ne sait plus si c'est Sarah ou Suzanne qui parle,ou bien si c'est l'écrivain qui écrit, sans oublier Sarah...

Sarah qui vit de douloureux moments avec son mari et sa fille.

Elle part se réfugier dans une maison épouvantable pour que son mari réfléchisse à ses actes, mais il s'en moque et finalement, tout le monde est content de la situation.

Épisode du tableau ; Susanne, à moins que ce ne soit Sarah (Je me moque mais ce n'est pas méchant cette dextérité de l'auteur de passer de l'une à l'autre...), a un véritable coup de foudre pour un tableau vu dans la vitrine d'un antiquaire, elle l'observe, elle se repaît de lui, et finit par l'acheter après moult atermoiements.

Et puis, d'un seul coup, vers la page 250, tout bascule ; Susanne ou Sarah "pète un cable" comme on dit, elle fait une bouffée délirante, elle fait un épisode psychotique, et là intervient le grand auteur qu'est E.R, la description de cet épisode psychotique est un franc succès. Elle finit par manger son tableau, elle le dévore languette par languette qu'elle arrache et l'ingère donc en elle. Cela m'a fait penser à cette angoisse de dévoration et de morcellement que l'on retrouve chez les psychotiques. Mais elle sera internée en HP et s'en sortira avec de bons neuroleptiques des familles. Et oui, quand le réel est devenu insupportable, on se crée un autre réel : le délire.

Un moment très intense pour moi.



Alors non, ce n'est pas un livre féministe, ce serait réducteur que de le dire, oui le mari est insupportable, oui Sarah-Susanne en devient folle, mais je ne crois pas que ce fut le but initial de l'auteur.

On se perd régulièrement dans ce roman ; un coup on subodore que Susanne est lesbienne, un coup on pense que c'est Sarah, un homme anglais Johnathan, devient ensuite Johanna....

L'auteur nous ballade, pour notre plus grand plaisir.

C'est un livre très intéressant du point de vue de l'écriture mais également du point de vue de la narration. J'ai adoré la description du tableau, j'ai presque aimé l'imaginer...

Je me suis perdue dans ce livre magnifique, puis retrouvée, puis encore perdue, je l'avoue. Mais j'ai adoré être surprise.

Il y a également beaucoup de scènes comiques, elles m'ont fait rire. Certains personnages et certaines situations sont franchement ridicules.

Enfin, ce livre m'a fait penser à Duras, dans certaines de ses oeuvres, limites psychotiques, ou schizophrèniques, je l'ai retrouvé ma Marguerite, comme au temps où je la dévorais. Un petit air toutefois de le Ravissement de lol.v. Stein.

Bref, j'ai été subjuguée de bout en bout, à aucun moment je n'ai voulu arrêter ma lecture.

Ce fut une obsession littéraire pour ma part.

Pour apprécier cette lecture, il faut accepter de ne rien savoir et, parfois, de ne pas comprendre.

Pour les audacieux, les curieux, les explorateurs, ce livre est une merveille.

Quel voyage....

Commenter  J’apprécie          242
La chambre des époux

Comment qualifier ce livre : récit plutôt que roman ...



Le premier chapitre raconte l'annonce du cancer du sein chez la femme de l'écrivain et en même temps que le lourd traitement qu'elle subit, l'écriture d'un roman que l'auteur a commencé et que sa femme lui demande de terminer pour la fin de son traitement , un combat pour chacun et un aboutissement : comme la fin d'une histoire quand on tourne la dernière page du livre , une maladie dont on guérit quand le traitement est fini ...Ce récit avait été publié dans une revue et il se suffit en soi !



Mais ce n'est pas si simple : Pour Margot, reste suspendue la menace d'une récidive pendant cinq ans , pour l'auteur, l'impression que cet écrit restera unique dans son élan créateur , pour le couple , si leur amour sort renforcé par l'épreuve, il en est également modifié , un changement qui n'est pas apparent de prime abord .



Comment peut-on qualifier l'état d'esprit de l'écrivain , une torpide dépression s'empare de lui, un besoin de sauver les autres femmes , de préférence jeunes et  jolies, atteintes de cancer , l'impossibilité de concevoir leur mort , mais ce sont aussi des pulsions sexuelles que j'ai trouvées morbides , la description de son état mental est maniérée jusqu'à l'agacement pour ma part ...



L'avantage d'un écrivain est qu'il peut habilement  substituer son tourment en créant des personnages , on peut d'ailleurs penser que ceci est la base de l'écriture pour un certain nombre d'auteurs et c'est ce que fait Eric Reinhardt avec le couple Nicolas- Mathilde , lui est compositeur et chef d'orchestre et crée pendant le traitement du cancer de sa femme une pièce musicale exceptionnelle , il joue chaque jour pour sa femme ce qu'il compose .



Nicolas ressent de la compassion qui se confond avec un élan amoureux  pour Marie, une jeune femme atteinte d'un cancer dont elle a miraculeusement guérie mais qui va rechuter deux ans plus tard et il va l'accompagner  jusque dans ces derniers jours .



La réalité (jusqu'où ?) se superpose à la pseudo-fiction, les prénoms féminins s'emmêlent et, pour être honnête, on tourne en rond autour des fantasmes de l'écrivain et de son manque d'inspiration !  Ses rapports avec la création littéraire semblent plus que laborieux , sa fausse modestie quant à ses futurs écrits frise tout de même la manipulation : comment oser parler de retraite quand on pense au nombre d'écrivains âgés toujours aussi prolifiques , je ne citerai que Jean d'Ormesson  ...Certes Eric Reinhardt écrit très bien mais que de préciosité par moment lorsqu'il part dans de longues descriptions .



Les femmes ont plus la place d'objet, principalement objet de désir  et de faire valoir , il y a peu de pages sur ce qu'elles ressentent vis à vis de leur maladie, c'est fort dommage, mais nous ne sommes pas, me direz-vous dans un livre témoignage de patientes. Lorsque l'auteur leur laisse la parole par l'intermédiaire de Mathilde-Margot pour exprimer les changements de leur corps, la transformation lié aux traitements, on touche à quelque chose de plus intime, plus humain et  émouvant : les années perdues de ces femmes encore jeunes qui basculent d'un coup vers un état crépusculaire , mais, comme je l'ai déjà dit, là n'est pas le propos du livre .



Premier livre lu de cet auteur, ce n'est peut-être pas celui par lequel aborder ses oeuvres ...







Je remercie les Editions Gallimard et Babelio de leur confiance pour cette lecture en avant première .





Commenter  J’apprécie          243
Sarah, Susanne et l'écrivain

Plan d’action mis en place pour lire ce roman jusqu’à la fin :

- s’imposer des plages de lecture en soirée (ce qui en général est mon petit plaisir de la journée et se fait naturellement … j’ai du clouer mes fesses au canapé et greffer ma liseuse dans mes mains pour avancer page après page… );

- détourner les yeux de ma bibliothèque remplie de romans attirants;

- contourner les librairies;

- me promettre de lire un livre cool vraiment cool sans prise de tête une fois le calvaire terminé;

- tablette de chocolat noir 70% de cacao avec une pointe de sel;

- soupirer, bailler, lever les yeux en l’air, regarder mon mec et lui dire au beau milieu de rien du tout (il pouvait être en train de peindre comme de scroller son téléphone) : « C’est long, mais qu’est ce que c’est long !! »



Bref j’ai souffert mais j’ai tenu bon.

Pourquoi ?

Déjà parce que ce roman est dans les derniers finalistes du Goncourt donc je voulais comprendre ce qu’il avait de spécial (spoil alerte : RIEN); puis parce que c’est réellement un échec d’arrêter un livre en plein milieu. Je le vis comme ça en tout cas même si celui ci j’avais vraiment envie de le laisser en plan et l’oublier à jamais.



Alors le pitch : Sarah était heureuse mais pas assez. Elle a donc décidé de partir de chez elle pour que son mari y réfléchisse à deux fois. Résultat, ben cocotte s’est faite prendre à son propre piège et s’est retrouvé toute seule.

Elle confie ses déboires à un écrivain qui trouve son histoire inspirante (première incohérence, car l’histoire de Sarah est d’un banal absolu) et décide de se l’approprier pour son prochain roman. Il inventera Susanne, une Sarah fictive qui vivra les mêmes péripéties en plus romancée évidemment.



Les scènes descriptives interminables et redondantes sur les œuvres de Sarah et le tableau de Susanne, l’absence de personnage auxquels se raccrocher (ils sont tous fades, éloignés), la galère pour savoir de qui on parle à l’instant T (Susanne ou Sarah ? L’auteur en joue et c’est franchement désagréable de relire des passages pour savoir où on en est) et le manque d’action ou de rebondissement me poussent à m’interroger sur ce qu’on bien pu trouver des académiciens ou éminents jurés à ce roman ?

Est-ce l’imbroglio entre les vies de Sarah et celle de l’auteur, qui se croisent et se mélangent pour créer celle de Susanne qui les séduit ?

Ce récit sur la violence du silence (ça, c’est interessant!) que l’on oppose à quelqu’un qui souhaite dialoguer ?



Je n’en sais rien et je n’ai pas envie de m’interroger plus longuement là dessus.

Au suivant !
Commenter  J’apprécie          234
Existence

J'ai découvert Eric Reinhardt il y a deux mois, lors de la rentrée littéraire 2014, avec son livre ''l'amour et les forêts". Peu après, j'ai lu "le moral des ménages". J'ai été impressionné par la puissance de ces deux romans qui traitent de thèmes actuels et qui sont très bien écrits. J'ai choisi de continuer avec "Existence", 3ème opus de Reinhardt, édité en 2004, avant d’attaquer ensuite ses deux succès : "Cendrillon" et "le Système Victoria".



J’ai trouvé très peu d’ informations sur ce titre sur internet. Quand j’en ai débuté la lecture, le roman ne bénéficiait sur Babelio que de 20 notes, 2 critiques et aucune citation. Je suppose donc qu’il a eu une audience assez limitée lors de sa sortie et que la popularité de Reinhardt n’a commencé à s’amplifier que trois ans plus tard, à la sortie de « Cendrillon ».

Je vais tenter de réparer cette injustice avec mes petits moyens : une critique sur ce site qui convaincra peut-être des contributeurs plus influents. Le roman est formidablement bien construit (alambiqué et intelligent) et écrit. Et je vais tenter de vous démontrer que par certains aspects, il peut-être comparé à d’autres ouvrages d’auteurs comme Houellebecq, Simenon ou même, j’ose l’écrire, Sartre.



L’existence en question, c’est celle de Jean-Jacques Carton-Mercier. Il s’est vengé d’une adolescence minée par les complexes par une réussite scolaire puis professionnelle brillante. Après avoir intégré Polytechnique, il est devenu cadre supérieur. Il a choisi son épouse comme il choisira plus tard son appartement parisien, en vertu d’une notation et de critères complexes, lesquels ne prennent en compte ni le charme, ni la séduction. Mais un fait anodin – l’achat d’un bounty dans une boulangerie lors de sa pause déjeuner– va faire voler en éclats la trajectoire rectiligne de cette destinée. Pressé, horriblement stressé, il doit attendre un long moment dans la boulangerie quand soudain, un banlieusard le prend à partie et se moque de lui provoquant l’hilarité de la boulangère et des clients de la file d’attente. Carton-Mercier, si sûr de sa supériorité, est totalement déstabilisé par cette humiliation. Il va ensuite chercher par tous les moyens – enquête et imagination - à connaître la série de petits accidents, imprévus et hasards qui l'ont conduit en ce lieu et à cet instant, qui ont provoqué cet évènement aux conséquences si fâcheuses.



Carton-Mercier a perdu tous ses repères. Le récit se déroule sur vingt-quatre heure mais il n’a aucune conscience du temps. Il vit reclus dans son appartement et ne quittera jamais son immeuble, si ce n’est par ses « flash-back » et ses divagations. Il est en pleine confusion. Il avoue que « depuis maintenant plusieurs jours, j'ignore pourquoi, je suis le lieu d'une insurrection cérébrale affolante. » Et le roman va suivre le rythme effarant de cette «insurrection ». Les conjectures, les fantasmes, les souvenirs vont s’enchevêtrer, et souvent se confondre. Le lecteur peine parfois à démêler la véritable trame du récit car ce sont l’angoisse et la névrose qui la guident, et non plus la raison si chère à cet admirateur de Wittgenstein.



Carton-Mercier hait les femmes en général, son épouse en particulier. Il l’humilie en permanence. Elle se nomme Catherine, il l’appelle Francine. Il rejette tous ses désirs : choix d’un appartement, d’une nouvelle décoration, d’une destination de vacances. Même leurs ébats sont dégradants. C’est la frustration qui explique cette haine. Cet homme qui se sent supérieur et qui cherche à tout maîtriser ne parvient pas à faire jouir son épouse, il est impuissant face au plaisir féminin, alors que d’autres qui n’ont pas son intelligence, y parviennent sans effort. Cette épouse qu’il rabaisse a pourtant pris la suite de sa mère puisque c’est elle qui régit toute sa vie, décide ce qu’il mange, comment il doit s’habiller.



Je me permets de rapprocher l’« Existence » de l’existentialisme même si je n’ai qu’une connaissance relative de ce courant de pensée. Carton-Mercier est abattu par une découverte : il n’est pas que celui qu’il pense être, qu’il a choisi d’être, un Polytechnicien admiré et respecté ; il est aussi l’objet de la perception des autres, esclave de leurs jugements, et l’image que ces gens ont de lui semble bien différente de la sienne, puisqu’ils peuvent aussi bien l’estimer que se moquer de lui. Il a construit ses propres illusions pour parvenir à croire qu’il est au-dessus de ces autres qu’il déteste depuis son enfance et contre lesquels il s’est toujours promis de réussir. Il a maîtrisé ses névroses pendant de longues années en se construisant un univers où la logique et l’harmonie dominent. Ses illusions, ses chimères sont fragiles et ne résisteront pas à un évènement fortuit.



Carton-Mercier vit dans la peur des autres : son généraliste, ses collègues, les retraités de son immeuble. Il semble être en plein délire paranoïaque, notamment lorsqu’il déclare : « je suis une île que l'on bombarde, une île que l'on insulte, que l'on éventre, que l'on retourne, que l'on saccage, que l'on démonte pièce par pièce sans ménagement ni scrupule. » Et il a le sentiment que la société entière lui en veut, qu’elle lui brûle l’âme par sa violence et son agressivité.

Deux voisins vont entrer sans raison apparente dans son appartement : un retraité du Fisc et son médecin généraliste. Le premier va lui ouvrir les yeux sur son état de délabrement, le second va être un appui qui lui permettra de mieux cerner l'origine deses névroses.



Le récit échappe à toute logique. Tout est absurde. Carton-Mercier est en plein désarroi, il ne parvient plus à comprendre le monde dans lequel il vit. Certaines scènes sont abracadabrantesques. Cela donne des situations insensées, très comiques, notamment dans le dénouement !



Je me suis permis de faire des parallèles avec Houellebecq (narrateur névrosé, frustration sexuelle, société de domination et de violence), Simenon (un être en crise dont la vie bascule après un fait anodin) et Sartre (crise existentielle, 'l'enfer, c'est les autres').



Je vous conseille fortement la lecture de ce roman remarquable. J’ai hâte de lire d’autres interprétations du texte.

Il me reste d'autres romans de cet auteur à découvrir et à critiquer, à bientôt !
Commenter  J’apprécie          233
Sarah, Susanne et l'écrivain

Éric Reinhardt est un usurpateur de talent. Son nouveau roman s’ouvre sur un dialogue entre un écrivain et son sujet d’inspiration, Sarah, la quarantaine bien tassée. Cette dernière lui a confié son histoire. Un cancer du sein en rémission la pousse à s’interroger sur sa vie et à demander à son conjoint de faire un breack dans leur vie commune. Mais, c’est l’image racontée de Sarah assise sur un banc pour regarder les fenêtres de son ancien appartement et regarder son univers, où elle est dorénavant absente, passé devant elle qui inspire Eric Reinhardt à écrire Sarah, Suzanne et l’écrivain.



Alors, l’écrivain invente un double de papier, Suzanne, proche de l’histoire de Sarah complété, au fil des pages, de ses propres projections jusqu’à influencer l’évolution de Sarah, mère de deux enfants proches de devenir adultes.

Roman du double





Écrivain des images porteuses d’émotions, Éric Reinhardt créé un triumvirat entre une femme et son double de fiction où l’écrivain joue un rôle d’arbitre entre réel, imagination et symbolique. Des longs dialogues entre Sarah et l’écrivain, il s’ensuit un roman qui se construit petit à petit entre double et identification, déjà évoqué dans L’amour et les forêts (Prix Renaudot des lycéens en 2014).



En reprenant le même thème, Eric Reinhardt apporte une réponse étayée à l’accusation dont il a été victime à la sortie de son roman. En effet, une mise en demeure déposée auprès de Gallimard pour atteinte à la vie privée et contrefaçon était menacée d’être déposée par l’avocate de la protagoniste lors de la sortie de L’amour et les forêts. Dans cette affaire, l’inspiration semblait s’éteindre par la production de certaines parties d’un texte, de moins de cinquante pages, adressées par la plaignante à l’écrivain, avant sa parution.



Néanmoins, le roman, Sarah, Suzanne et l’écrivain, semble de plus en plus étrange. Au départ, l’attirance pour un tableau fait perdre la mesure à Suzanne, premier événement d’une longue série qui devrait permettre à Sarah d’ouvrir les yeux sur son vécu.



Comme dans un tableau de Hopper, Eric Reinhardt nous rend témoin de l’immense solitude de Sarah. Ayant voulu exprimer son désir, suite à sa rémission, elle se trouve exclue de sa propre vie. Cette violence silencieuse que Sarah subit, sans jamais accabler son mari, ne prend toute son intensité dramatique que par le récit qu’en fait l’écrivain par le vécu de Suzanne qu’il lui propose. Sarah précise et questionne en donnant son avis sur le déroulé du roman. Suzanne se construit au fil de leurs échanges. Sarah et Suzanne, les prénoms s’emmêlent, se confondent obligeant le lecteur à s’attacher aux signes plutôt qu’au sens.

Roman féminin



C’est au cœur d’une machination diabolique que nous convie Eric Reinhardt ! Et, il faudra attendre la scène avec Momo (presque à la fin) pour que le fou rire de Suzanne réveille la torpeur dépressive de Sarah, la même que celle où l’écrivain a plongé son lecteur !



Car, ici, le couple est synonyme de domination. Celle d’un homme, ayant perdu l’objet de son amour, qui n’a de cesse que de la “tuer” symboliquement. C’est une violence insidieuse décrite par le menu jusqu’à la folie pour l’une et l’accident pour l’autre.



Eric Reinhardt confirme son désir de créer des personnages féminins, qualifiées de naïves par d’autres, mais qu’il décrit comme dénuée de duplicité, éprise de liberté et d’absolu, et surtout, d’une confiance à toute épreuve en ceux qu’elles aiment. Le personnage de Sarah en est encore une incarnation.

Roman spécial prix littéraire



Eric Reinhardt détaille la position de l’écrivain et la relation tenue avec son sujet. En revenant sur un sujet déjà entrevu, il complète sa réflexion autant avec le milieu littéraire, qu’avec les critiques et même les distinctions. Franchement, le roman, Sarah, Suzanne et l’écrivain, répond parfaitement aux attentes d’un Goncourt : une œuvre littéraire parfaitement ancrée dans une actualité reconnue (la place des femmes) jouant sur un procédé littéraire (le double) et détaillant la position de l’écrivain ! Alors ! Réponse le 7 novembre 2023…
Lien : https://vagabondageautourdes..
Commenter  J’apprécie          221
Sarah, Susanne et l'écrivain

Sarah a raconté sa vie à un écrivain qui s'en est inspiré pour son nouveau roman, tout en procédant à quelques nécessaires modifications, avec une héroïne rebaptisée Susanne. C'est cela, le livre, un dialogue entre l'auteur et Sarah et les réactions de cette dernière, en découvrant au fur et à mesure ce que son histoire est devenue, avec le visage imaginaire de Susanne. Une mise en abyme que Eric Reinhardt réalise non sans virtuosité, même si parfois, en étant un peu moins concentré dans certains passages, le lecteur se demande si ce qu'il est entrain de lire concerne l'une ou de l'autre. Pour autant, le livre n'est pas vraiment consacré au rapport qui peut exister entre un écrivain et le réel ou encore plus largement sur la mécanique de la création romanesque. Une fois de plus, Reinhardt s'attache à une relation de couple, sa sympathie allant nettement vers la femme, victime d'un certain manque de lucidité et de naïveté dans l'aveuglement amoureux, tandis que l'homme apparaît, sinon manipulateur, tout du moins hypocrite, cruel et égocentré. Si la descente aux enfers de l'une est crédible, le changement radical de tempérament de l'autre, à partir d'une décision étonnante qui fait tout basculer, le semble beaucoup moins, mais c'est à chacun de juger en la matière, sachant bien entendu qu'on ne connaît jamais complètement celui ou celle avec lequel/laquelle on partage l'existence depuis de nombreuses années. Si le roman n'est pas constamment prenant, avoir un personnage principal double n'aide pas à s'y attacher, il contient de vraies trouvailles dans plusieurs scènes et un humour qui contrecarre une intrigue qui est loin d'être drôle. A bien y réfléchir, la forme sophistiquée (artificielle ?) de Sarah, Susanne et l'écrivain a tout de même tendance à prendre le pas sur le fond, ce qui n'est pas nécessairement une bonne nouvelle pour les amateurs de fiction pure et dure.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
Commenter  J’apprécie          220
L'Amour et les Forêts

Le voilà enfin sorti de ma PAL après 4 ans grâce à Zazy qui a pioché dans ma PAL. C'est un cadeau et il me donnait pas trop envie ! Je sors finalement de cette lecture plutôt satisfaite . Alors certes ce n'est pas un livre joyeux du tout et il a quelques défauts ,notamment la façon d'écrire de l'auteur et son profond narcissisme ...mais l'histoire de Bénédicte (pourquoi écrire constamment son nom de famille d'ailleurs ? ) est tout de même intéressante. Malheureuse, harcelée moralement par son mari ,je voulais savoir si après le pas qu'elle a fait ,le reste allait suivre...est-ce qu'elle allait réussir à retrouver sa liberté et se sortir de cette prison ? Pleins de fois je me suis dit mais pourquoi reste-t-elle ? Mais bon c'est facile de juger une situation de l'extérieure,c'est plus dure de la comprendre vraiment. Disons qu'en lisant ce livre on aime d'autant plus son copain ^^ C'est d'une tristesse en tout cas ...mais je suis contente de l'avoir lu, c'est le genre d'histoire qui reste bien présente .
Commenter  J’apprécie          223
L'Amour et les Forêts

Agacée sans aucun doute par cette écriture lourde et pédante, de longues phrases verbeuses, de multiples ressentis, parfois contradictoires, des procédés narratifs qui s’enchaînent mal et finissent par lasser. Le sentiment d’une écriture narcissique de la part d’un auteur capable pourtant de poésie et de sensibilité. La violence faite aux femmes n'est pas une fiction, il est important de le rappeler. C’est un sujet dérangeant et hélas bien présent, à traiter avec pudeur et humilité. Dans « l’amour et les forêts » je n’ai rien trouvé qui puisse aller dans ce sens.

Au fil des pages, j'ai tenté d’éprouver un minimum d’empathie pour cette jeune femme, regrettant qu'elle ne parvienne à quitter enfin ce mari cruel. Mais, j'ai fini par l’abandonner dans cette attitude de soumission qui évoquait davantage une description clinique. Ce texte laisse comme un goût d'inachevé, un sentiment d'étouffement, probablement voulu par l’auteur.

Le sujet est bouleversant, pas le roman.
Commenter  J’apprécie          221
L'Amour et les Forêts

QUELLE DÉCEPTION !



Même si je ne voyais pas le rapport entre le titre et le sujet alors que la presse n'en avait fait que des éloges, je n'allais pas m' arrêter sur un titre qui ne me plaisait pas ! Le sujet était engageant et prometteur : comment comprendre le processus insinieux, sournois et indécelable de la manipulation, de la dévalorisation habile pour en arriver à la soumission totale d'un individu.



Tout part très mal !

L'auteur commence par se congratuler sur ses publications en se servant de son héroïne, Bénédicte OMBREDANNE. Quelle modestie ! Je ne vous passe pas l'horreur de voir son nom (ombre d'âne, fallait le faire !) répété sans cesse qui deviendra « ma jumelle » pour sa sœur, comme s'il voulait que nous ne l'aimions pas. Que l'on ne s’y attache pas (la preuve : je n'ai pas versé une larme). Même ses enfants ne l'aiment pas !

Il parle d'elle de façon administrative en utilisant son nom a chaque fois. Tout cela n'est pas anodin. Pourquoi Eric Reinhart a t il voulu prendre autant de distance avec Bénédicte ?



L'histoire commence vraiment par une inscription de Bénédicte sur Meetic. Et là, femme humiliée sous l'emprise d'un mari pervers, elle nage comme un poisson dans l'eau avec la repartie qu'il faut face aux obsédés sexuels et parmi toute cette boue se trouve le « prince charmant » en seulement deux heures ! (super la pub pour Meetic ! )

Non mais je rêve !

Chapeau l'auteur : il n'a vraiment aucune idée de son sujet !



La voilà donc femme infidèle et menteuse. C'est TOP pour débuter l'histoire d'une femme mal traitée. On comprend que son mari soit furax !

L'auteur va donc continuer son histoire en partant de là.

Vous voyez le problème. Il la désigne responsable de ce qui lui arrive dès le départ.

Je vous passe le vocabulaire quand elle finie par avouer à son mari son infidélité ! Même pour faire vrai ça ne passe pas.



Et puis qu'est ce que le personnage de l'auteur vient faire dans le roman ? Surtout quand il se masturbe dans les toilettes du TGV !!!!!!!



A la fin du livre on n'en sait pas plus sur le processus destructeur qu'exerce un (ou une) pervers narcissique sur son conjoint.

Rien de rien ! Et cette pauvre Bénédicte à l'air bien minable.



Il vaut mieux que j'arrête là car malgré quelques bons passages sur la situation de la femme-mère-épouse-salariée, la peur de la solitude, et sur l'abjecte attitude du mari face à sa femme en fin de vie, je suis terriblement déçue et carrément fâchée avec l'auteur.

.
Commenter  J’apprécie          223
La chambre des époux

La chambre des époux d'Éric Reinhardt est ma quatrième plongée dans son

univers littéraire .

Autant j'ai apprécié Le système Victoria, L'amour et les forêts, Comédies françaises,  autant je reste dubitatif après la lecture de La chambre des époux.

D'abord ce roman gigogne passant d'un couple à  l'autre jusqu à fondre les identités, que ce soit celle de l'auteur et de son double en écriture Nicolas ou qu' il s'agisse de Margaux femme de l'auteur  et de ses doubles Mathilde et Marie.

Puis le traitement par l'auteur d'une maladie , un grave cancer du sein. Je peux comprendre qu'Eric Reinhardt  fasse part de son expérience personnelle,  et de la maladie qu'a vaincu sa femme. Et qu'il s'était donné un objectif commun  : En huit mois vaincre le cancer pour sa femme et pour lui, terminer son roman Cendrillon. Je peux comprendre qu'il associe à  ce combat l'art et la beauté et que cet art et cette beauté aient pu  sauver leur couple et leur amour.

Mais pourquoi vouloir avec des poupées gigognes, réécrire de nouvelles histoires reprenant les mêmes thèmes : maladie grave, monde de l'art , de la musique. Et l'art ou la beauté qui magnifient d'une certaine façon la maladie .

Un cancer avec ses chimiothérapies , ses rémissions, ses rechutes peut être loin de la beauté et de l'art.  C'est un combat de tous les jours et cette façon " hors sol " de le traiter est dérangeante.

Tout comme ces scènes d'amour,  où à l'impudeur s'ajoute  des moments dégradants.

J'avais lu à plusieurs reprises que certains étaient agacés par le nombrilisme et un certain élitisme d' Eric Reinhardt.

C'est ce que j'ai ressenti à la lecture de La chambre des époux .

Pour de nombreuses personnes encore, le combat contre le cancer n'est pas gagné. L'expérience qu'ont vécu " les époux Reinhardt " est très belle en soi mais valait elle en plus un roman gigogne plus egocentré que recherche personnelle.



Commenter  J’apprécie          202
Comédies françaises

Le dernier roman d'Éric  Reinhardt, Comédies françaises, est un roman multiforme avec une ligne directrice et quelques digressions.

Depuis 2013 et une rencontre avec Louis Pouzin,  Eric Reinhardt à été marqué  par l'abandon, par la France dans les années 1970 d'un projet de création d'Internet.

Qui est Louis Pouzin ? Il s'agit d'un chercheur français qui découvrit le datagramme qui est à la base d'Internet. En 1974 le président Valéry Giscard d'Estaing  renonça à se projet au profit du  Transpac qui est à  la base du Minitel. Cet abandon avait une raison : le lobbyisme. Et plus particulièrement celui d'Ambroise Roux, président de l'imposante CGE, leader entr'autre dans la productions de commutateurs téléphoniques.

Le roman d'Éric Reinhardt va donc nous entraîner dans les arcanes de la politique industrielle française des années 1970, ainsi que dans le lobbyisme invétéré d'Ambroise Roux.

Pour nous faire découvrir ces arcanes, Eric Reinhardt nous adjoint un narrateur : Dimitri jeune homme de 27 ans.

Dès la première page du roman nous attends un avis de décès, celui de Dimitri.

Dès la deuxième nous connaissons les raisons du décès.  Un banal accident de la route qu'un article de journal nous détaille.

Cela posé , le roman d'Éric Reinhardt se lit avec plaisir et délectation.

A l'enquête concernant les raisons de l'abandon du datagramme et des joies du lobbyisme se superpose la découverte de la vie de Dimitri, jeune homme bisexuel, recherchant toute aventure possible ,bien dans son époque, ayant lui même fait du lobbying avant de devenir reporter à l'AFP. Il est évidemment tentant d'en faire un double d'Eric Reinhardt.( à tort ? )

Et la vie de Dimitri est une double enquête ; d'un coté l'enquête sur le pourquoi de l'abandon du datagramme, de l'autre côté,  qu'elle est cette jeune femme entrevue à  Madrid, puis deux fois à Paris.

Ces deux enquêtes  permettent de passer allègrement des années 70 aux années 2015.

Le spectre politique et social est très large et nous montre combien la société a changé .

Eric Reinhardt se permet quelques digressions pour nous entretenir de Max Ernst ou encore de Pollock. Cela ne nuit pas.

Quand aux pages sur Ambroise Roux, elles sont autant mordantes que sont iconoclastes les courriers envoyés au fils d'Ambroise Roux et à Valéry Giscard d'Estaing.



Ce roman a un côté jubilatoire, un côté pot de terre contre pot de fer.

Dimitri par sa singularité,  son ton décalé nous entraîne avec lui dans ses enquêtes et dans  sa vie un peu dissolue mais diablement enlevée,  poétique et théâtrale.

Enfin comment ignorer Louis Pouzin, ce chercheur que l'on a laissé au bord du chemin.

Il a gardé douceur, empathie et bienveillance.

Et les mots d'Éric Reinhardt sont magnifiques

" Ses rides témoignaient  de la fréquence  de ses sourires, les plus marquées chez lui n'étant pas celles de l'inquiétude,  du doute ou de l'angoisse, mais de la joie, de la vitesse : ces rides là étaient de  celles qui soulignant ce qui est vif chez une personne en exacerbent la beauté  plutôt qu'elle ne la fletrissent."



Comédies Françaises porte bien le nom d'une certaine France , que ce soit en 1970 ou dans les années 2020.





Commenter  J’apprécie          200




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Eric Reinhardt Voir plus

Quiz Voir plus

Drôles de bestioles !! 🐊 🐱

Dans ma ferme, j'avions des robins.

des commis durs à l'ouvrage
des vêtements plus ou moins rapiécés
des moutons à poil laineux

12 questions
234 lecteurs ont répondu
Thèmes : ancien français , animaux , bestiaire , vocabulaire , baba yagaCréer un quiz sur cet auteur

{* *}