Citations de Erwan Bergot (42)
Au combat, les pertes varient en proportion directe du temps pendant lequel vous êtes exposé au feu de l’ennemi. La rapidité de l’attaque réduira le temps pendant lequel vous y serez exposé : un quart d’heure de sueur économisera cinq litres de sang. (p.40)
[Le commandant] se faisait appeler Leclerc et, dans la nuit, avait fait découdre l’un des galons de sa manche gauche pour l’ajouter à ceux qui ornaient sa manche droite. Ce qui allait l’obliger à conserver son bras gauche dans son dos.
« Colonel, cela fait plus sérieux « , avait il expliqué sans rire. (p.16)
Les paras, c’est une fraternité d’armes, une solidarité sans faille, une volonté de vaincre. C’est aussi une souffrance partagée, une gloire éphémère, un destin tragique.
Les appelés en Algérie ont été les oubliés d’une guerre qui a marqué leur génération, d’une guerre qui a laissé des traces indélébiles dans leur mémoire, dans leur chair.
Il n’y a pas de plus grand honneur que de mourir pour ses frères d’armes.
Diên Biên Phu, c’est le nom d’un lieu, mais c’est aussi le nom d’un destin.
Ils étaient partis pour la gloire, ils ont connu l’enfer.
Espoir idiot, mais réel parce qu’irréfléchi.
Pour conjurer le cafard, souvent, la légion préfère-t-elle que ses hommes boivent.
La poussière, la soif, le cafard, autant de raisons qui ont fait de la légion étrangère l'archétype des unités composées d'ivrognes invétérés, d'éthyliques moroses ou pittoresques, parfois dangereux, souvent irrécupérables. (p.157)
Parler, c'est agir, faire un pas de plus, dénouer le présent, reprendre le fil, se projeter dans l'avenir.
La vieillesse, jeune homme, est la punition la plus terrible que puissent nous infliger les dieux. Elle n'apporte que des regrets, quelques remords et surtout l'envie de la mort...
Je viens d'arriver au Viêtnam, commença Bongrain. Je ne connais rien au pays, mais je sens que je vais m'y plaire. Bien plus en tout cas qu'en Afrique, où l'incompétence des cadres locaux n'a d'égale que leur fatuité. Quant aux personnels, ils ne pensent qu'à en faire le moins possible, avec des ruses qu'un enfant de trois ans aurait honte d'inventer ! Ici, j'ai trouvé un peuple industrieux, dur au travail, avec lequel les rapports sont simples, dès lors que l'on sait ménager leur fierté.
Souvent, la haine ou la peur naissent d'une méconnaissance de l'autre.
D'ailleurs vous dites « le peuple » et pas « les hommes ». Le peuple, çà n'a pas de visage, pas de nom, on en fait n'importe quoi, parce que c'est une notion abstraite. Moi, je ne connais pas « le peuple », je ne connais que des hommes, des femmes qui ont un nom, un âge, une personnalité, qui souffrent, qui mangent, qui travaillent et qui espèrent...
(P. 160)
Moi ? Je suis là pour aider ces gens : avec moi, ils travaillent, vivent, sourient, mangent parlent et commencent à être heureux.
LeVietnamien eut une moue méprisante :
C'est du paternalisme, une façon hypocrite de cacher votre âme de colonialiste !
Le paternalisme, c'est faire semblant de plaindre les pauvres sans rien faire pour les rendre moins pauvres. C'est faire une différence entre soi et les autres. Alors qu'ici je vis et travaille avec les hommes de ce village, je gagne mon argent en même temps et de la même façon qu'eux, et je ne cherche pas mon profit : je suis pour eux, avec eux, chez eux...
(p. 159)
La pluie tiède qui crépitait sur les larges feuilles des fromagers, avant de se répandre en mille points brillants, créait dans cet univers de verdure étouffante, un arc-en-ciel qui ne s'épuisait pas. L'averse, une averse de mousson, lentement préparée en de longues minutes moites, avait commencé une heure plus tôt, et déversait ses cataractes au-dessus de la forêt, sans rafraîchir l'atmosphère, rabattant au ras du sol des nuages grisâtres de moustiques énervés et hargneux mordant les mollets nus des hommes qui avançaient. (p. 87)
1950, L'ANNÉE TERRIBLE
Hanoï, automne 1950
Tout s'effrite, tout se disloque, tout se
délite. Les villes, les hommes, les volontés.
C'est la grande panique. L'« opération de
police » que le Corps expéditionnaire français
menait depuis quatre ans en Indochine vient
brutalement de se transformer en désastre
militaire.
En onze jours, du 1er au 11 octobre, au
cours d'une série de combats d'une férocité
jamais encore égalée, neuf bataillons, parmi
les meilleurs de l'armée française, se sont
engloutis, massacrés par vingt-sept bataillons
viêt-minh, dans un dédale de calcaires et de
jungle, à Dong Khê, sur la Route Coloniale
n° 4, tout au nord du Tonkin, au bord de la
frontière avec la Chine.
Dans les cabinets ministériels, dans les
états-majors, cette révélation de la puissance
ennemie a frappé de stupeur les responsables
politiques et les chefs militaires.
Cette mort qu’il n’en pouvait plus d’attendre, il allait la défier ; ce rendez-vous qui ne se produisait pas, il allait le provoquer. C’était facile, il suffisait de sortir à l’air libre, se promener, à découvert, retenir l’envie de se mettre à l’abri, rester debout et mourir, comme un homme.
Vous savez, mon lieutenant, les légionnaires ne cherchent pas à connaître les bonnes ou les mauvaises raisons pour lesquelles ils meurent. Pour eux, c’est écrit dans le contrat, et la mort fait partie des risques acceptés. Ce que redoute un légionnaire, bien plus que la mort, c’est d’être tué hors de l’accomplissement de leur mission, et c’est peut-être cela que vous appelez « morts inutiles ». Mais je suis certain que pour Plewa, s’il pense à la mort, s’il en accepte l’idée, c’est qu’elle l’escorte quand il va accomplir son travail d’ordonnance en allant au milieu des lignes Viêts, à la recherche d’un peu de ravitaillement.
d’exaspérer le lieutenant. « N’exagérons rien. » Comme si un commandant d’unité avait à cœur de fabuler sur le nombre de ses blessés, de ses tués ! Il n’y avait nul besoin d’exagérer pour trouver le nombre trop élevé ! Bien sûr, il savait bien que cela faisait partie de sa mission, appuyer les amis, aider les unités en difficulté, décourager l’adversaire, étouffer, dans l’œuf, leurs tentatives de prendre d’assaut les ouvrages des parachutistes. Mais il n’aimait pas les morts inutiles.