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Critiques de Franck Bouysse (3014)
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Grossir le Ciel

« le diable, il habite pas les enfers, c'est au paradis qu'il habite. »

Une phrase lourde de sens, lancée à la cantonade par le vieil Abel et qui a fortement impressionné le pauvre Gus. Une phrase prémonitoire, annonciatrice du drame futur qui pulvérisera les deux hommes.

Gus et Abel ! Deux paysans viscéralement attachés à leur terre dans ce coin paumé des Cévennes, au lieu-dit appelé Les Doges. Une terre pourtant ingrate, à peine arable. Deux paysans de ces temps révolus que j'ai vaguement côtoyé quand, tout gosse, je passais mes vacances à la campagne chez ma grand-mère. Deux reliques du passé. Deux lignées qui bientôt s'éteindront pour venir grossir le ciel. Deux brutes. Deux taiseux.

Leurs fermes sont mitoyennes : ils ont choisi de s'entraider, de mélanger leur solitude. Ils enfilent leurs journées les unes à la suite des autres, « comme des perles à un collier, la précédente ressemblant à la suivante. » de temps à autre, ils boivent ensemble un bon coup de rouge, aussi âpre, rustique et rugueux qu'eux, mais qui malgré tout parvient à délicieusement engourdir.

La vie a toujours été ingrate avec Gus. C'est « Un poisson qui nage à contre-courant depuis sa naissance ». Ses parents, allez savoir pourquoi, le haïssaient ! Quand il était môme, Gus faisait partie des faibles. Les autres en profitaient pour lui enfoncer la tête. Nabochodinosaure était son surnom. Il n'y avait guère que sa Mémé qui avait de l'affection pour lui. Mais quand elle est partie…

Gus n'a pour lui que ces quelques arpents de terre auxquels il tient comme à la prunelle de ses yeux. Sa vie, il la passe avec Mars, son chien, son fidèle compagnon. Et puis, il y a le vieil Abel ! Mais peut-on se faire un ami de cet homme tout environné d'ombres et de mystères ?

Ce drame que sentait Gus flotter dans les airs eut lieu le jour de la mort de l'Abbé Pierre. C'était l'hiver et un froid rude venait de s'abattre sur les Doges. Face à cette tragédie, Gus et Abel eurent bien quelques velléités de révolte, mais la volonté des hommes ne pèse pas lourd devant leur destin en marche, et c'est bravement que tous deux se sont enfoncés dans la nuit.

Le silence lourd et angoissant des champs, la monotonie du quotidien, les gestes infiniment répétés, la télé qui grésille… Et les mauvais souvenirs qui surgissent au crépuscule sans prendre garde comme « des vols de corneilles sorties du brouillard ». Les femmes enfuies à jamais, mais qui demeurent omniprésentes dans la tête des reclus. Le museau humide du chien qui se pose avec affection sur la cuisse de son maître, et le palais de l'homme qui claque après avoir avalé un bon coup de rouge…

Un livre inspiré, d'une noirceur sidérale qui parle avec tendresse de Gus et d'Abel, deux hommes rudes, tordus par la terre… Deux survivants du passé qui vont rejoindre ces fantômes qui rôdaient tout autour d'eux.





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Glaise

En ce début de 20e siècle, la vie dans les montagnes du Cantal est rude. Elle le devient bien plus encore lorsque la mobilisation de la Grande Guerre vide les fermes des hommes valides. Au village de Chantegril, ceux qui restent s'organisent tant bien que mal : chez les Lary, Joseph, quinze ans, trime aux côtés de sa mère et de sa grand-mère, avec l'aide d'un vieux voisin. Chez les Valette, le père rage de n'avoir pu partir au front en raison de sa main mutilée : redouté de tous pour sa rancoeur et sa méchanceté, il s'adonne violemment à la boisson et à la persécution de son entourage, soudain élargi par sa belle-soeur et sa nièce débarquées de la ville pour trouver refuge à la ferme.





Le décor est planté pour la mise en place d'un drame dont la tension ne va faire que s'amplifier au fil des pages. Bien peu de choses se passent en réalité : les jours se succèdent selon l'immuable rythme des travaux agricoles, dans une atmosphère pesante et orageuse. Hommes et femmes s'épuisent dans un labeur incessant et une succession d'épreuves qui usent les caractères ou les transforment en bêtes enragées. Les douleurs font d'autant plus de ravages qu'elles s'enfouissent dans le silence de ces êtres rudes et taiseux, impitoyablement endurcis par la vie. Les drames, lorsqu'ils explosent, en sont d'autant plus meurtriers.





Ambiances et caractères sont criants de vérité : chaque geste, chaque mot sont restitués avec une précision cinématographique et une justesse d'observation qui leur confèrent un réalisme absolu. Impossible de ne pas se sentir transporté sur cette terre, dont la beauté n'a d'égale que son âpreté, et qui ne pouvait engendrer que des êtres forts, courageux et obstinés, aussi durs et cassants que des cailloux sous le gel.





Servie par une langue ciselée d'une remarquable beauté, cette fresque rurale noire immerge le lecteur dans un récit tellurique oppressant, qui écrase peu à peu ses personnages sous le poids d'une vie misérable où s'usent peu à peu tous les espoirs : rien d'autre que des drames engendrés par l'ordinaire et vécus dans le silence, restitués ici avec un réalisme et une justesse qui forcent l'admiration. Coup de coeur.


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Né d'aucune femme

Comment ne pas succomber au charme de l’écriture quand, dans un roman, elle est si finement ciselée, que les mots chantent à votre oreille et vous remplit la tête de douces sonorités aussi apaisantes que possible. Admirable la syntaxe de Franck Bouysse que je découvre, n’ayant jusqu’alors lu aucun de ses romans. Les mots m’ont semblé respirer conjointement pour créer des ambiances et faire ressentir au lecteur des émotions variées, jamais dans le registre de la gaieté et la joie, cela va de soi, mais dans celui de la colère, de la révolte, de la haine, de la tristesse, du désarroi. Tout cela est fort bien exprimé. L’auteur a su choisir également les mots pour que le lecteur appréhende la psychologie des personnages.



Une autre dimension géniale de ce roman réside dans l’action : une intrigue inexistante au tout début, suivie de la présentation de Gabriel, qui reçoit une information et une demande du fond de son confessionnal, qui va aller vers une intrigue contenue dans des cahiers écrits par Rose, personnage principal qui ne parviendra a exister qu’à travers ces cahiers. Il faudra attendre leur lecture par Gabriel pour que se construise progressivement le récit. Si l’on perçoit bien que des événements graves vont survenir, et même si l’on devine de quelle nature, on n’imagine aucunement la suite que je tairais bien entendu !



Chef d’œuvre que ce roman ! même s’il m’a laissée sur ma faim : un épilogue ou quelques chapitres supplémentaires auraient été bienvenus pour connaître le devenir de la quasi-totalité des personnages.



J’ai vécu ce récit exactement de la même façon que le roman de Karine Giebel lu cette année (Toutes blessent, la dernière tue), que et je ne crois pas que j’oublierai ces romans marquants.



Challenge MULTI-DEFIS

Challenge mauvais genre
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Né d'aucune femme

Une pure merveille, un livre absolument bouleversant. On le referme la gorge enserrée dans un étau, le souffle ralentit. On a besoin d’une pause, de silence, d’immobilité pour s’imprégner de ces émotions fortes, pour rester avec eux, avec elle, Rose, petite Rose, magnifique Rose.

Bon sang quelle écriture sublime , quelle vision poétique et romanesque en clair-obscur, quelle lecture addictive, même si le roman est dur, très dur par moment car il a la forme d’un conte cruel à plusieurs voix. On est emporté dès les premières pages par ces personnages mystérieux et énigmatiques, cette intrigue envoûtante au suspens captivant emplie d’interrogations, de silence, de secrets.

On découvre l’histoire de Rose, internée dans un asile psychiatrique, après la découverte par un prêtre de ses carnets judicieusement cachés par une des infirmières de l’établissement afin qu’ils lui parviennent.

Curé qui, arrivé au terme de sa vie, nous conte cette histoire qui l’a hantée durant 44ans nous livrant à la fois le contenu des carnets de Rose et de sa propre enquête.

Arrachée à ses sœurs et sa mère car vendue par son père à un maître de forge, Rose n’a que 14 ans lorsqu’elle se retrouve séquestrée dans la maison du diable. Son maître et la mère de ce dernier sont deux êtres maléfiques et inhumains qui la maltraitent et aux sombres desseins. Dans cette campagne reculée, en lisière de forêt elle vivra plus d’une expérience traumatisante.

Son amour évanescent avec Edmond et ses carnets seront sa seule bulle d’oxygène.

S’éteignant à petits feux ne supportant plus sa condition de vie elle décide d’agir et met un plan en place mais il ne se déroule pas comme prévu…et sa destinée prend une autre voie tortueuse. L’espoir finira cependant par rejaillir.

On sent dans ce roman, sombre et lumineux à la fois, l’ancrage à la terre, une connaissance parfaite de la campagne profonde et des taiseux dont Franck Bouysse dépeint magnifiquement les attitudes et les pensées.

Splendide.Une urgence de lecture.



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Grossir le Ciel

Deux fermes éloignées de quelques centaines de mètres dans ce coin paumé des Cévennes. Au lieu-dit appelé Les Doges. Autour, des grands espaces, des montagnes, des forêts et des prairies. Recouverts de neige une bonne partie de l'année. C'est ici que vivent Gus et son chien, Mars, et Abel. Deux paysans isolés des hommes. Qui s'occupent de la terre et élèvent quelques vaches et veaux. Ils ne demandent rien à personne, vivent et se contentent de peu. Ils se rendent de menus services, à l'occasion, mélangent leurs solitudes en buvant un coup, chez l'un ou chez l'autre. Mais se connaissent très peu finalement, bien qu'ils soient voisins depuis toujours. En ce jour du décès de l'abbé Pierre, la vie de chacun va brutalement être chamboulée...



Franck Bouysse nous plonge au cœur de ces espaces sans fin. Dans les Cévennes, loin de tout, l'on fait ainsi la connaissance de Gus et son chien Mars, et Abel. Deux taiseux qui ne parlent pas pour ne rien dire. Deux âmes solitaires, un lourd passé et des secrets familiaux qui semblent peser. L'auteur dévoile peu à peu la vie de Gus, un homme confronté à la rudesse de la vie, une vie rythmée par le temps et les bêtes. Il prend son temps et s'attarde sur de menus détails de la vie quotidienne et décrit avec précision la nature environnante, les silences et la solitude. L'écriture, élégante, d'une incroyable justesse et précision, sert à merveille ce récit aux personnages forts et complexes. Les dialogues, si rares, sont savoureux et percutants. Ce roman, inquiétant, sauvage, âpre et profondément sombre, est un véritable hymne à la nature, froide et minérale, et aux hommes.
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Plateau

Plateau est un livre rural où l’écriture, imagée et forte à souhait car fiévreuse, infernale, torturée fait tout.

Autant un Zola s’attelle à explorer avec minutie les détails d’une réalité misérable, Bouysse s’attelle à décortiquer l’environnement avec une minutie d’orfèvre.



Quatre personnages gravitent ici sur le Plateau. Le vieux couple dans sa ferme, Virgile qui « a serré si fort son destin de paysan entre ses mains, qu’il a fini par ne plus sentir palpiter son cœur au bout des doigts. » et Judith, atteinte d’une maladie qui ne sera jamais nommée, le chasseur ancien boxeur, Karl perturbé par le sexe et dieu, Georges le neveu élevé par le couple, un homme que « personne n’a préparé à l’émotion, et encore moins au désir. Personne n’est jamais entré dans sa vie. Trop occupé à fouiller la terre ». Seul et perclus dans sa caravane, « une caravane cabossée, une drôle de coquille argentée décollée du sol ». Et enfin Cory, une nièce qui fuit un passé malheureux, une femme qui tente de « devenir une étoile morte. Devenir. Renaître. Enfin. »



Il y a aussi le chien de Virgile, un chien qui « couine comme un demeuré. Comme un damné pris dans les flammes de l’enfer. »



Puis surtout cette nature ténébreuse, obscure, d’une beauté suicidaire qui hypnotise, nous tient en haleine, en équilibre sur le fil ténu de l’intrigue où secrets, non-dits, solitude, honte, peurs se disputent la première place d’une danse macabre.



J’ai rarement lu une écriture aussi riche et impeccable tel un Émile Zola moderne. On en prend plein la figure de ces images qui transcendent et scalpent les ténèbres et la folie.

J’ai avalé des litres d’images scabreuses, griffues, calcifiées sans pour autant parvenir au summum de l’exaltation car tout est sourd ici, les personnages sont mystérieux, silencieux, seule la nature laisse présager le désastre.



Lire Plateau c’est une expérience hors du commun pour qui aime les écritures où les ombres explosent de mille feux, où c’est la nature qui tremble et s’enflamme devant des hommes meurtris et prisonniers dans les aphtes de traumatismes divers.



« Ici, c’est le pays des sources inatteignables, des ruisseaux et des rivières aux allures de mues sinuant entre le clair et l’obscur. Un pays d’argent à trois rochers de gueules, au chef d’azur à trois étoiles d’or.

Ici, c’est le Plateau. »
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Pur sang

Je n'ai jamais été très généreux au niveau des étoiles accordées et des appréciations sur les livres de Franck Bouysse, mais j'ai toujours évoqué dans mes critiques son talent d'écrivain qui m'a régulièrement incité à continuer à le lire.



Et puis, dernièrement, c'est Glaise qui a emporté mon adhésion, un beau roman noir magnifiquement structuré que j'ai vraiment apprécié. Pur sang élève encore le niveau avec un texte que j'ai trouvé plus que réussi, qui peut être une référence de vie sur différents aspects.



J'en retiens d'abord le fait que les différents protagonistes principaux font "ce qui doit être fait". Et s'ils ne l'ont pas forcément fait en temps et heures, ils veulent rattraper le coup et agir s'il en est encore temps. Cette volonté d'agir sur les événements, passés, présents et futurs m'a imprégné comme le message le plus porteur de ce roman.



Et ce n'est pas tout car Franck Bouysse a situé son histoire en deux lieux que tout paraît séparer, le Montana et le Limousin, l'auteur rend son dû à chacun en célébrant tout autant le décor éblouissant des Rocheuses que les fûtaies et les rivières françaises où les truites sont certainement de taille plus modeste que leurs consoeurs américaines, mais tout autant avides lorsqu'une mouche sèche est délicatement posée au-dessus de leurs territoires de chasse.



Franck Bouysse a choisi d'évoquer, en alternance de l'histoire principale du roman, quelques pages relatant le déplacement contraint d'une tribu indienne au 19éme siècle, venant chercher la paix au coeur du Montana. Et cette épopée s'inscrit parfaitement dans le voyage initiatique que va réaliser, au 21ème siècle, le jeune héros du roman, Elias.



Et c'est l'essentiel du roman que cette rencontre réalisée par Elias avec un écossais, installé en France, John Gray. Chacun d'eux porte sa part de mystère, Elias dans une quête identitaire, John avec le poids d'un passé qui le rattrape. Ils vont naturellement partager leurs tourments et faire naître en quelques jours une véritable amitié, chacun attentif à l'autre, en des moments où compréhension, compassion et indulgence se mêlent pour fusionner en de nombreuses expressions de sentiments libérés.



Le style de Franck Bouysse valorise parfaitement ce tête à tête imprévu, les dialogues sont excellents et les pensées de l'un devancent souvent celles de l'autre, toujours dans un respect mutuel absolu.



Cinq femmes aux destinées bien différentes apportent leurs présences nécessaires à ce roman, deux très jeunes, l'américaine Elisa, l'écossaise Suzanne, l'indienne Mama Tulssa, Estelle et Esther deux amantes et mères aux vies fracassées. Toutes occupent un espace important dans l'histoire des deux hommes et c'est tout l'art de l'auteur d'être parvenu à leur accorder à chacune la place qui devait être la sienne.



La première de couverture sert parfaitement ce texte avec une main sanglante à l'intérieur de laquelle les lignes sont tracées par des branches d'arbres, avec une image du voyage d'Elias et les forêts et montagnes des deux pays. Pur sang est un pur bonheur de lecture.









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Glaise

Lecteur, c'est pas un métier facile....

Enfin, lire ça va, mais c'est l'après qui se complique, quand il faut parler de ce qu'on vient de lire. Facile me direz-vous, surtout si l'on a aimé.

Et bien non, moi je vous le dis, quand on a adoré, quand on a été enthousiaste à une lecture, quand, le livre refermé, vos pensées sont encore dans ses paysages et décors, quand ses personnages continuent de vous hanter, quand vous avez envie de crier à la gloire de l'auteur et de son oeuvre, quand on pourrait vous juger fou d'un tel excès, rien n'est simple.

Glaise est un coup de coeur,  oui, un vrai, il ne sera pas le seul de mon année littéraire, mais voilà quoi, il est ...enfin....comment dire.... vous voyez, quoi.... Mais si ! Ce bouquin que tout lecteur espère,  celui qui remue les tripes, celui dans lequel il y a de l'amour, des larmes, des cris, des morts, celui qui contient la vie, les vies. Ce livre qui raconte, un temps, des saisons, des gens, une terre.

Glaise c'est 1914, mobilisation générale. Dans un coin du Cantal, Saint-Paul de Salers, là où coule la Maronne, toutes les familles voient partir leurs hommes. Ne restent, pour s'occuper des fermes que les femmes, les enfants, les vieillards et les invalides. Joseph, 15 ans et de ceux-là, de ceux qui grandieront et relèveront le défi de continuer le travail de leurs aînés. Loin du bruit des canons, de ce conflit qu'on préfère taire et là où l'on évite de parler des absents. En cette période perturbée, c'est la vie de ces quelques exploitations regroupées dans un hameau de cette commune auvergnate, que nous retrace la plume incroyable de Franck Bouysse.

Il y a quelques semaines déjà,  j'ai croisé l'écriture d'un auteur sur un roman assez proche, par certains côtés, de celui-ci, j'avais d'ailleurs fait part, là aussi de mon admiration. Alors moi, je le dis haut et fort, si je trouve la lampe d'Aladin, j'ai un souhait, qu'on me donne le talent de tels écrivains. Je ne sais pas quel genre de plaisir procure l'écriture de tels ouvrages, mais si c'est à la hauteur du plaisir de les lire, c'est jouissif, le bonheur total.

Une amie, quelques jours avant sa parution, a attiré mon attention sur une bande annonce dans laquelle l'auteur parlait de son travail. Merci à elle, merci a l'éditeur,  merci Mr Bouysse, merci à cette libraire, dépitée le jour ou j'ai voulu me le procurer puisque ne l'ayant pas encore reçu, et qui m'a encouragé à lire ce livre qu'elle avait adoré. Bon, j'arrête là avec mes merci, on est pas aux Césars tout de même. ..

J'en entends qui râlent. Non, je n'en dirai pas plus, Glaise est un roman noir, brut comme la terre et les gens qu'elle porte, et le reste c'est à vos yeux de le découvrir et à votre coeur de l'apprécier mais bon sang, si vous l'aimez pas celui-là.... comme dirait Sandrine (qui se reconnaîtra)... je mange mon chapeau.
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Né d'aucune femme

J’aime bien rédiger la plupart de mes critiques sans lire ni relire celles des autres, parfois lues bien avant le livre lui-même. Souvent les étoiles me donnent envie de découvrir un livre, ou des billets qui ne révèlent rien de l’intrigue, et je m’en tiens là.



Je regarde la couverture (celle-ci m’a fortement interpellée), et le titre. C’est tout. Je m’ouvre à la découverte. Je me laisse conduire par l’auteur, page après page, car je déteste connaître la trame à l’avance. Mais en principe je sais au moins dans quelle catégorie je me trouve. Là, pas du tout ! Alors à chaud mon impression est mitigée.



J’ai commencé à lire, et à être subjuguée par le style de cet écrivain que je ne connaissais pas. Les phrases s’enchaînent avec élégance, justesse, rythmes alternés, vocabulaire riche et bien orchestré. L’histoire démarre avec du suspens, puisque je ne sais rien. C’est un roman polyphonique, pas de soucis, j’épouse chaque personnage. Je déroule le premier tiers toujours sous le charme de cette écriture ciselée, puis progressivement je commence à me sentir mal, et réaliser où j’ai mis les pieds. Je n’avais pas forcément envie de cette ambiance violente, de cette angoisse qui prend au fil des pages, même si la psychologie des personnages est détaillée avec soin. Mais j’ai continué, à la fois fascinée par les mots, parce que je voulais connaître l’issue, et que je voulais en finir au plus vite. Je l’ai lu jusqu’à la lie ! Mais maintenant il flotte en moi toute la substance de cette histoire, si proche de la réalité que l’on côtoie que c’est un sentiment de malaise qui surnage.



Vite, un petit Ito Ogawa, j’ai besoin d’une jolie écriture poétique pour apaiser mon âme tourmentée par ce roman noir.



Mettant 5 étoiles pour mes coups de cœur, je reste honnête, même si j’apprécie follement son style, et si l’intrigue est bien menée, je n’ai pas envie d’en lire plus.

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Plateau

Le temps a passé entre ma lecture de Grossir le Ciel et celle-ci, je n'osais pas tenter une éventuelle déception après le choc inouïe, la déflagration dingue ressentie après avoir refermé le premier. Idiote que je suis, la magie ( noire, très noire ) a opéré à nouveau.



Faut dire qu'on retrouve dans Plateau les mêmes ingrédients , les mêmes qualités que dans Grossir le ciel :



- à la rudesse des paysages cévenols répond la rugosité somptueuse de la Corrèze, certaines descriptions sont incroyables pour convoquer les forces de la nature, autant de métaphores à la violence des sentiments qui agitent les personnages.



- le goût pour les personnages forts, il y en a plus ici, certains inoubliables comme Karl, le boxeur fou pathologiquement croyant, irrécupérable définitivement ; Cory, la femme battue venue se réfugier loin de son homme-torture, une femme fatale qui ne le sait pas mais déclenche une avalanche de passions ; Georges, le taiseux qui a tant besoin de dire après des décennies de frustrations à tenter d'ensevelir ses aspirations profondes ; et même un mystérieux Chasseur qui rode, qui rode ...



- des secrets enfouis comme des bombes à retardement qui dont on pressent très vite qu'elles vont exploser à la face de tous : quel art pour distiller une ambiance sourde, angoissante, dramatique dès les premières pages !



La langue est très travaillée, souvent lyrique, presque trop parfois, je me suis un peu perdue dans le recours à un vocabulaire tellement pointue que j'ai du m'armer de mon petit Larousse pour éclairer mes lacunes. Quand on a autant de style, pas la peine de le forcer !



Au final, j'ai été emportée illico dans cette tragédie grecque, comme hypnotisée par la puissance qui se dégage de ces pages et ce talent fou à injecter de la compassion dans une noirceur absolue, le tout dans une approche profondément intimiste. Un auteur très singulier assurément.
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Fenêtre sur terre

♫Il m'aura fallu faucher les blés

Apprendre à manier la fourche

Pour retrouver le vrai

Faire table rase du passé

La discorde qu'on a semé

A la surface des regrets

N'a pas pris

Le souffle coupé

La gorge irritée

Je m'époumonais

Sans broncher

Angora

Montre-moi d'où vient la vie

Où vont les vaisseaux maudits♫

-Alain Bashung-1998-

(Sic - p.113 - Paroles : Jean Fauque et Alain Bashung

Musique : Alain Bashung )

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"Il marche tout le jour et abdique à la nuit.

Dort à la belle étoile, ou dresse un abri."

( Vagabond 1 -p24-)

Vouloir décrocher la lune

Quand on a les étoiles

Tu as fait de tes mains

La pluie et le beau temps

Un salon, un jardin

L'amour, les paravents

Sacrifier ton instinct et tes envies

Pour mettre les âmes à l'abri...

Tu nous ouvres ta porte

Un soleil derrière la Fenêtre

Tirer les rideaux, feuilles mortes

Une ombre, encore Feue naître...

Madame Rêve, chacun vaque à son destin

Seul le chien se souvient

Seul le chien nous attend

Dommage qu'il vive si peu de temps

Chez toi, sur le mur y avait des glycines

Rosée, j'osais rosée fine

Chez toi, les tigres sont morts, y a un chat qui dort, un chien pas méchant

Chez toi, on aura le choix entre aimer un roi ou bien un mendiant...

Comme du miel, coule ton soleil

comme un insecte mais sur le dos

Coller aux Terres ou gaie pierre d'abeille

Ouvrir la fenêtre, garder les volets clos

Cani cul ou chien de faïence

Retrouver la Corrèzepondance

Grand MERCI en lettres Majuscules

Heureux celui qui jamais ne qu'Happy Tulle .



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Né d'aucune femme

Ouah quel roman, mes aïeux ! Impossible de le lâcher mentalement jusqu’à la dernière page. Et le lendemain, attaquer n’importe quel autre roman ne fut pas envisageable pour cause d’obsession. Un curé, lors d’un décès à l’asile psychiatrique, prendra comme demandé, le journal caché entre ses cuisses. La vie de Rose nous sera alors racontée du début, quand son père la vend, jusqu’à la mort de Rose. Je réécris volontairement le même prénom, vous comprendrez pourquoi si vous le lisez. Et ce n’est pas un bouquet ! L’histoire se dévoile peu à peu, donc compliqué d’en parler. Faisons-en plutôt l’analyse vite fait à la façon de Franck Bouysse. Vous voyez une goutte d’huile dans un verre d’eau ? L’huile ce sont les nés riches, l’eau ce sont les autres, parce que dès la naissance les dés sont jetés. Le plus abouti des romans de l’auteur. Et cette couverture de livre, fascinante…
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Né d'aucune femme

Je crois qu'il est urgent de lancer un avis de recherche ! Où sont donc passés les lecteurs qui n'ont pas aimé ce roman ? Je sais qu'il y en a, et plus d'un, un simple sondage auprès de mon entourage m'en ayant donné la certitude. Où êtes-vous, lecteurs qui ne vous êtes pas enthousiasmés pour l'histoire navrante de Rose ? Craindriez-vous vraiment de publier un avis à contre-courant ?



Deux mois entiers pour venir à bout de ce roman qui compte pourtant moins de 350 pages... Quel chemin de croix ! Quel ennui ! Quel pensum ! Oh, et les retours en arrière narratifs incessants pour rejouer la scène à travers le regard d'un autre personnage témoin de ladite scène ! Quoi de plus lourdingue ?



Mais, au juste, à quoi ça sert un tel roman ? Ce n'est ni divertissant ni angoissant, ça n'apporte aucun élément sur une époque, un événement, un mode de pensée... On ne peut situer ni le lieu ni l'espace ; aucune description de traits ou de particularités, ce qui donne inévitablement des personnages sans consistance dont la moitié est parfaitement inutile si ce n'est pour permettre à l'auteur de noircir quelques chapitres supplémentaires.



L'héroïne elle-même n'est pas crédible pour un sou : jeune campagnarde vivant dans la misère noire mais pourtant lettrée, suffisamment en tout cas pour écrire son histoire dans des cahiers, pas assez lettrée toutefois pour avoir un langage écrit correct, mais quand même assez lettrée pour sortir un aphorisme toutes les trois lignes. C'est la cata quand un auteur prétend faire s'exprimer un personnage aussi ambigu sans véritable statut. On peut légitimement supposer que le récit se déroule quelque part entre la moitié du XIXème siècle et le premier tiers du XXème siècle et ça parle comme dans la cour de votre immeuble : "Ce putain de vide et ce putain de rêve qui avaient pas voulu se mélanger à moi."



Et même quand c'est un narrateur impersonnel aux manettes, on n'échappe pas à un style bancal ("Edmond ne me quittait pas de ses yeux réduits à deux rondelles claires évidées en leur centre."). Parlons-en d'Edmond, le personnage masculin dont la virilité (quelles épaules ! quel cou de taureau !) est bien mise à mal par une couardise qui ferait pâlir d'envie Joseph Bruce Ismay en personne !



Franck Bouysse m'a donné la désagréable impression de constamment chercher à dorer son blason d'écrivain en servant au lecteur un lexique un brin atypique pour l'étonner et le convaincre qu'il maîtrisait avec agilité la langue de Molière. Au final, cette technique aura été sans effet sur moi, je ressors exténuée par cette lecture et, cerise sur le gâteau, pas émue une seconde par le destin improbable des personnages. Le puzzle est gros, les sabots sont gros, les ficelles sont grosses ; trop de tiroirs finalement vides pour une histoire sans finalité et au dénouement lapidaire qui n'apporte aucune réflexion, aucun enseignement et ne contient aucune profondeur.



Enfin, je m'étrangle en apprenant que ce roman a reçu un prix des lecteurs dans la catégorie "Policiers" ; si "Né d'aucune femme" est un roman policier, alors moi je suis la femme cachée de Theo James !





Challenge MULTI-DEFIS 2021

Challenge ATOUT PRIX 2021
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L'homme peuplé

Dans l’espoir de renouer avec l’inspiration loin de son existence parasitée de primo-romancier à succès, le narrateur Harry se rend acquéreur, sans même l’avoir visité, d’un corps de ferme isolé, à proximité d’un village perdu du centre de la France. Mais sa retraite en ces lieux aux contours effacés par la neige et le brouillard est bien vite troublée par un malaise de plus en plus envahissant, alors qu’accueilli avec défiance par les quelques gens du cru, il se sent épié par son plus proche voisin, un marginal que tous semblent craindre et qui, sans qu’il l’ait jamais rencontré, fait planer l’ombre d’une présence inquiétante jusqu’au plus secret de sa vieille maison.





Poursuivant son investissement des thèmes qui lui sont chers et reflètent ses obsessions profondes, Franck Bouysse nous livre sans doute ici l’un de ses romans les plus aboutis, fruit d’une maturité littéraire en tout point éblouissante. D’une plume plus que jamais au sommet de sa splendeur stylistique, renouvelant à chaque phrase le bonheur extatique du lecteur, il nous entraîne dans un jeu de miroirs, un caléidoscope où se fondent les composantes de toujours de son œuvre pour, en un complexe et délicat cheminement, finir par s’agencer en une nouvelle création qui laisse béat d’admiration.





Ainsi, au fil d’une tension mêlée de doutes, d’inquiétudes et d’interrogations qui tiennent le lecteur en haleine dans ce qui ressemble à un thriller rural, réalité et fiction, passé et présent, fusionnent peu à peu en un nouvel alliage pour laisser éclore... un roman, dans un tourbillon que l’on comprend né du plus profond de l’être, du vécu et des émotions de l’écrivain. Car Harry, confiné dans cette maison encore suintante de la vie de ses anciens propriétaires, prenant pour lui l’hostilité qu’il perçoit au village sans réaliser qu’elle renvoie en fait à une histoire qui lui est étrangère mais qui soulève en lui des échos inattendus, sent sourdre d’irrépressibles images et émotions qui s’incarnent en l’on ne sait plus s’ils sont de vrais fantômes ou la projection de son imagination. Le fait est que par une subtile alchimie, tout s’entremêle pour donner naissance à l’oeuvre littéraire, celle d’Harry en même temps que celle de Franck Bouysse.





L’on reste sans voix devant tant de maîtrise et de virtuosité, alors que l’auteur mène la noirceur rurale qui fait son thème de prédilection jusqu’aux frontières du fantastique pour, au final, nous tendre un miroir de son œuvre et de son travail d’écrivain. Si Harry n’est pas un double de l’auteur, il est une créature de ses éternelles obsessions, celles qui, comme l’ont ressenti Proust ou Cendrars, vous font toujours réinventer le même livre. Après son précédent ouvrage Fenêtre sur terre, dont la poésie venait offrir quelques échappées sur cette intimité profonde reflétée notamment par la maison corrézienne de l’écrivain dont l’acquisition d’Harry semble aussi une émanation plus ou moins distordue, les réflexions, qu’au-delà de sa portée romanesque ce dernier ouvrage propose, élargissent avec intelligence la portée d’une écriture où l’artiste cherche inlassablement son essentiel. Déjà, son roman Vagabond explorait lui aussi cette puissante alchimie de la création, alors qu’un musicien blessé au plus profond de lui-même peuplait son désespoir d’on ne sait plus si c’était une femme devenue musique ou une musique devenue femme.





Ce livre peuplé des fantômes de Franck Bouysse n’a pas fini de vous habiter longtemps après sa lecture, vous éblouissant bien au-delà du coup de coeur.


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L'homme peuplé

« Les mots seuls ne fabriquent pas d'émotion sincère, c'est l'émotion qui doit précéder l'apparition des mots ».



Qu'a donc vécu Franck Bouysse pour, dans chacun de ses livres, de manière presque obsessionnelle, nous emporter ainsi et nous faire frémir sur les territoires sauvages d'une ruralité particulièrement âpre ?

La plume de l'auteur est une plume d'oiseau survolant cette étendue, effleurant les bas instincts des hommes dans leurs fatalités familiales, emportant leurs râles, leurs secrets et leurs souffrances. Caressant leur agonie solitaire. Une plume de corbeau, nuit noire, non pas brillante mais mat, voire terne, pensons-nous de prime abord. Elle nous entraine en effet dans un récit sombre et envoutant, mélancolique, mystérieux, une plume angoissante qui pactise avec la crainte, avec le diable semble-t-il par moment. Une plume engourdie de neige et de silence au poids suffocant. Une plume qui cherche son chemin à travers la brume, espérant des trouées de compréhension sur une page vaporeuse aux dimensions sans repères connus, au temps suspendu, une plume qui cherche son fil jusqu'au Minotaure pour en percer les secrets. Et nous de frissonner en entendant la plume croasser sur le papier que l'on devine jauni, humide, peut-être déjà ensemencé de moisissures. Un roman d'atmosphère assurément frôlant le fantastique.



« le silence revient. L'inquiétude se diffuse dans son corps, tenace. Avec le brouillard qui l'enveloppe, le paysage tout entier semble se replier autour de lui, comme pour isoler un parasite, l'enfermer dans une gangue».



C'est une plume de mésange bleue en réalité, comprenons-nous peu à peu, la noirceur annonciatrice d'une forme de printemps. Un printemps poétique. Qui chante l'amour malgré tout. Qui transforme en poésie les sortilèges de ces espaces inquiétants. C'est une plume d'une beauté sidérante ciselant chaque ligne, chaque mot, chaque image offerte. Qui met du coeur à l'ouvrage à magnifier les petites gens, à honorer les invisibles, à rendre une certaine dignité à ces personnes que nous considérons comme étant différentes. Quelques lignes suffisent pour reconnaitre la plume de Franck Buysse. Il y a du bleu dans son regard noir.



« Au printemps, les fleurs d'aubépine ennuageaient la combe et les inflorescences de pissenlit formaient des étoiles dans un ciel de verdure ».



« La lune apparait comme une énorme orbite évidée et de minuscules paillettes scintillent sur la peau métissée de la nuit ».





Harry est un écrivain ayant rencontré un grand succès après la parution de son premier livre, « L'aube noire ». Depuis quelques années, comme cela arrive lorsque le public et la critique attendent le fameux deuxième livre, il est en panne d'inspiration et décide, sur un coup de tête, d'acheter une ferme à l'écart dans un village paumé ayant pour seul commerce une petite épicerie tenue par la belle Sofia. La maison, qui a été vidée très rapidement, dont il reste encore tous les meubles, est remplie de souvenirs, d'odeurs rances. Il semble à l'écrivain que c'est le seul moyen de couper, de se retrouver et d'écrire.

Nous sommes en hiver, il fait très froid, la neige et le silence recouvrent tout. Harry se sent cependant épié, voire visité quand il s'absente, et entend constamment du bruit provenant de la ferme voisine habitée par un certain Caleb.

Des événements étranges se produisent. Si Harry les redoute dans un premier temps, il va comprendre peu à peu que les accepter peut être une source d'inspiration précisément. le récit est polyphonique et donne la parole tout à tour à Harry puis à ce fameux voisin, Caleb, jeune homme misanthrope qui a été élevé par une mère particulièrement austère, rigide, qui lui a inculqué le dégout des autres et surtout celle des femmes. La mère et le fils ont des pouvoirs : ils trouvent l'eau, guérissent les animaux…



C'est une histoire vraiment haletante, une trame qui se construit peu à peu, qui interroge également de façon passionnante sur le processus de création littéraire. En revanche, je suis assez étonnée : pourtant peu habituée aux intrigues de thriller ou aux enquêtes policières, je n'ai pas eu l'effet surprise escompté tout à la fin, ayant deviné avant, plus ou moins, la chute finale, chute devinée mais dont il me reste pourtant des zones d'ombre…Comme si quelque chose m'échappait dans l'imbrication des pièces du puzzle. Il m'est d'avis que je suis passée à côté de quelques éléments, il me faudra sans doute revenir un jour sur cette fin, relire sans doute le livre…Franck Bouysse le dit lui-même :



« Les grands livres ont ce pouvoir-là, de modifier la trajectoire du lecteur à chaque lecture, de maitriser le temps en déployant l'espace, de faire en sorte que rien ne s'est véritablement produit, qu'à tout moment peuvent surgir de nouvelles montagnes et de nouveaux abysses. le temps révolu n'est dès lors plus une succession de moments déjà vécus, mais une suite insoupçonné de rapports au monde ».





Cette réserve ne nuit aucunement à l'aura de ce livre, à l'ambiance distillée, à la gageure d'écriture, à la poésie extatique, à la symbolique de cette image d'homme peuplé, merveilleusement bien trouvée… Ce livre est une aube noire, sombre certes mais chargé de la promesse du jour à venir…

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Buveurs de vent

Très honnêtement, on peut aimer ou non les romans de Bouysse , chacun et chacune d'entre nous ayant sa sensibilité et ses attentes , force est de reconnaître que le voilà bien installé parmi les " valeurs sûres " de la littérature contemporaine, celle qui fédère chaque année un important nombre de fans autour du " dernier roman " , celui qu'on découvre en septembre au moment de ...la chute des feuilles .Tiens , la voilà ma transition : Bouysse , c'est " un rural " , attention , pas " un bouseux " comme s'exclame l'un des vigiles vers la fin du roman . Non , je dis bien , un " rural " au sens noble , un écrivain qui " vit " dans la nature , l'aime , la respecte , s'en sert pour cadre . Dans ce roman , il y a tout , les couleurs , les odeurs , le chaud , le froid , la violence des flots , les oiseaux , les cerfs et , c'est magnifiquement "rendu " , avec cet " art " qui peut irriter certains , basé sur l'ondoiement ou les mouvements reptiliens de phrases qui se succèdent comme celles que pourrait sussurer un amoureux transi aux oreilles de sa belle . . Oui , je crois qu'il y a de l'amour dans le regard du Corrézien ,de la jalousie aussi , il faut bien l'avouer , car ces lieux , bien malin qui pourrait les approcher et se les approprier tant il les place " au milieu de nulle part " , un Eden préservé et dissimulé aux regards envieux ...Celui de Joyce , par exemple , cet homme qui s'est tout approprié, la nature , la ville , les hommes , les âmes. Pas tendre , Bouysse , avec tous ces tyrans qui règnent en maître, s'octroyant tous les droits sur la vie de sujets soumis à leur bon vouloir , et il y en a dans ce récit. Et puis , il y a Martin , le faible , et Martha , la bigote , un couple mal assorti , désabusé, qui traîne avec lui " toute la misère du monde " , ce Martin dont la " pédagogie " se dispense à coups de ceinturons . El la vie avec les quatre enfants de la maisonnée, Mabel , la belle révoltée et les trois garçons si magnifiquement soudés , Luc , " l'idiot (!) du village" , Matthieu et Marc , qui lit en cachette , lancé perpétuellement à la poursuite du " Graal " .Des enfants attachants au destin tracé....Et puis , dans tout ce " melting pot " de destins sans grande perspective . deux êtres tutélaires, Elie , le grand- père dont la bonté n'a d'égale que la sagesse , un homme " au grand coeur " qui ne cessera de nous émouvoir et l'étrange marin aventurier Gobbo...Tous ces personnages vont nous être présentés sans concession, s'affronter sournoisement ou non , feront preuve d'humanité ou de violence , des personnages façonnés " à la Bouysse " ....Des hommes et femmes au Paradis ..ou en enfer ...

En plus de savoir décrire , Bouysse sait traduire les atmosphères campagnardes , la chaleur et la simplicité d'un intérieur paysan , nous donner à humer l'odeur du civet de lapin jusqu'à en saliver et , comme le petit Luc , s'écrier " j'ai faim ...j'ai faim " ou encore nous invitant à suivre la main d'Elie "caressant" l'eau de la fontaine du village .

C'est dans ce registre d'ambiance que l'auteur excelle et se complaît. C'est parfois un peu lent , certes , mais c'est tellement beau . Lorsque la poésie s'en mêle ...

Pour moi , mais , encore une fois , pour moi , c'est un très bon Bouysse .Cependant , si j'en crois vos critiques , il ne vous a pas vraiment déplu , non ?. Merci à mon deuxième Père Noël , ma fille , cette fois .
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Grossir le Ciel

Gus, la cinquantaine, a passé sa vie à trimer pour maintenir seul l’activité de sa ferme, isolée aux marges d’un village perdu des Cévennes. Grand solitaire, il ne fréquente guère que son voisin Abel, septuagénaire, lui aussi seul à la tête de son exploitation agricole, avec qui il échange coups de mains et coups de rouge. L’immuable quotidien des deux hommes va soudain connaître d’indésirables et inquiétantes perturbations, au fil d’événements et de visites qui vont bientôt tout faire basculer.





Franck Bouysse est une valeur sûre, dont je ne me lasse décidément pas. Sa marque de fabrique, c’est d’abord une histoire noire et terrible, aux personnages farouches et taiseux, cabossés par la vie et les épreuves, vivant dans un décor de nature aussi âpre que somptueux. C’est aussi le plaisir de la langue et du juste choix des mots, au fil de dialogues saisissants de vérité et d’images admirablement restituées.





Grossir le ciel réunit tous ces ingrédients pour nous surprendre une nouvelle fois : tout de suite intrigant et installant une tension qui ne fera que croître dans un enchaînement que rien ne laissait présager, ce récit au réalisme époustouflant nous entraîne aux côtés de personnages campés avec une grande finesse d’observation et d’analyse psychologique, dans un huis-clos rural angoissant où méfiance et soupçons s’exacerbent jusqu’à l’implosion.





L’écriture est quand à elle impressionnante de maîtrise, sobre, juste, magnifique. Alors, quand la puissance du style rejoint celle de l’histoire et de ses personnages, cela ne peut résulter qu’en un moment fort et incontournable, un immense coup de coeur.

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Né d'aucune femme

Il semble écrit de tout temps, le destin de Rose, qui a eu la malchance de naître fille, et de n’avoir pas eu de frère, scellant ainsi à son insu le sort de sa famille.

Vendue par son père pour une bourse maudite, la jeune fille devient l’esclave d’un couple machiavélique, animé par des intentions inavouables qu’elle découvrira peu à peu.

Le drame se construit autour de personnages sombres et taiseux (même si le cadre et le scénario sont différent, on pense malgré tout à l’atmosphère des romans des soeurs Bronte) qui accentuent le contraste avec la fraicheur éphémère de Rose, avant que ses hôtes ne contribuent à faire disparaître toutes ses illusions.



Construit comme un thriller, et donnant le tour aux différents personnages, le roman se lit avec avidité, car les secrets sont dévoilés progressivement, et les révélations confirment tout ce que l’on imaginait de pire.



Le récit est se décline à partir du l journal de Rose, confié à un prêtre par une mystérieuse femme qui lors d’une confession déclare ne plus vouloir être seule à savoir. Les cahiers sont les briques d’un mur que les autres personnages édifieront en choeur.



L’écriture est superbe, et c’est peut-être le bémol : les confidences de Rose, qui n’a jamais eu la chance de fréquenter les bancs de l’école, et ignore les bases de la grammaire, semblent bien élaborées. Même si le prêtre signale avoir corrigé quelques fautes d’orthographe, les envolées lyriques et les sublimes descriptions sont peu crédibles sous la plume dune toute jeune fille illettrée.



Il n’en reste pas moins que c’est un excellent moment de lecture, que l’on parcourt avec angoisse et impatience, jusqu’au dénouement de l’affaire.


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Né d'aucune femme

Voilà, ça y est , je viens de tourner la dernière page et , déjà, je réfléchis à ce que je vais bien pouvoir commencer ce soir . Enfin , j'ai tout de même un critère de choix , un peu de légèreté...Je vais bien trouver ça dans ma PAL .Oui , c'est ça , un roman léger parce que , Bouysse , c'est Bouysse et à chacune de ses productions , on s'attend à en prendre plein " la tronche " et , pire , à n'avoir aucune envie d'abandonner . A croire que la perversité de certains ou certaines , la soumission et la souffrance des autres nourrissent notre " moi profond " comme une addiction . Pour moi , il y a dans ce roman un je ne sais quoi des ambiances rencontrées dans " le nom de la rose " d' Eco, ou encore dans certaines nouvelles de Maupassant .Pas de quoi nager dans la félicité dans ce monde fermé et mystérieux, angoissant , anxiogène. Le cadre " posé " , il faut des personnages en osmose avec le décor....Et là, sans être nombreux , ils vont se montrer " à la hauteur " , chacun d'entre eux avec sa personnalité. Les pages des cahiers mystérieux de Rose vont tout au long du récit, nous cracher à la face , par l'intermédiaire d'un prêtre , l'abject , le révoltant, l'incroyable force de malfaisance des êtres humains envers leurs semblables , à des fins plus que contestables .Certains amies et amis babeliotes ont été choqués au point , sans doute , de renoncer à vie à lire Bouysse qui , il faut le reconnaître, possède une lecture sans concession de l'âme humaine . Dans son genre , il excelle , je ne trouve pas grand chose de plus original à dire . Autre atout , et non le moindre , son écriture. Un " maître " qui sait s'affranchir de certaines règles conventionnelles d'écriture sans que son expression n'en soit tant soit peu altérée. Ce roman est une réussite avec toutes les réserves émises plus haut pour certains . Toutes les opinions sont , et c'est tant mieux , fort respectables . Pour moi qui suis un lecteur " fidèle " , je crois que Bouysse vient d'écrire là son meilleur bouquin .Je ne doute pas que le dernier , " Buveurs de vent " soit à la hauteur. De nombreuses et superbes critiques ont concerné ce roman , il me reste à les lire avec délectation, car , pour le roman , c'est fait .Après...Ben après , je reprendrai mon souffle , à mon âge, on ne récupère pas au même rythme ...

Je vais " piquer " un Tchoupi ou un Thimoté à mon petit - fils , tiens ....
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Grossir le Ciel

Au commencement , il y a eu les formidables critiques unanimes de mes amis Babélio, puis il y a eu cette couverture âpre et boueuse , digne d'un tableau de Morandi, et je ne regrette rien ...

Un roman noir rural et lancinant ,formidablement bien écrit ...

Gus, la cinquantaine taiseuse vit dans une ferme au fin fond des Cevennes , son plus proche voisin , le vieux Abel, est tout aussi solitaire . De menus travaux en soins pour les bêtes , ils partagent des fois leur quotidien s'aidant mutuellement et buvant un coup aussi parfois pour tenir, dans ce morne futur . La vie aurait pu s'écouler tranquillement s'il n'y avait eu tout un tas de signes bizarres : des coups de feu, des visiteurs, le comportement d'Abel , un chien terrorisé ...

Oui, jusqu'au jour où tout bascule , et là il est capital de rappeler que tout a commencé avec la mort de l'Abbé Pierre annoncée au JT du soir ...



Franck Bouysse réussit a créer une ambiance ultra forte , un roman noir et rural au suspens poétique et silencieux . Il y a un petit quelque chose de Pagnol , aussi dans ces lignes ...

Des amis qui ont bon goût , un auteur à suivre et "Grossir" ta PAL ....
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