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Citations de Franck Venaille (173)


Moi, Venaille, officier de l’armée des morts



J’étais là. Dans l’un de ces quartiers lugubres
Que les vivants semblait-il avaient fui. Mar-
Chant ― seul ― On aurait cru entendre des sandales
De Dieu sur l’asphalte des rues Je frappai sèche-
Ment à la porte de cet appartement que je savais
Semblable aux deux cents autre de la cité lugu-
Bre Au bout d’un moment j’entendis des pas
Traînants de l’autre côté de la porte. « Qui
Me demande ? Que me veut-on ? » fit une voix
D’homme dépossédé aurait-on dit de son hu-
Manité. Il reprit : « D’ailleurs qui parle ? » « Moi,
Venaille, dis-je. Officier de l’Armée des morts. »

p.181
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(...) j'en appelai à ma fatigue ! vous ai-je parlé du froid, du givre, de l'oeil glacé qui dans le ciel, me regardait, me consolait, m'avertissant pourtant que tout destin flotte, tournoie, par l'eau est aspiré et, bientôt : coule.
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"Chaque nuit, une invisible main déversait de la boue sur les berges du fleuve et, impuissant, corps traversé par des spasmes d'angoisse j'assistais à ce lent travail, cet incessant combat d'une matière mauvaise et noire. Je me tenais debout. Préférant l'anxieuse immobilité, cherchant vainement à voir, comprendre, saisir le sens profond de ce geste tellurique. Lorsque, chaque nuit, ces longs doigts invisibles à tous laissaient glisser dans l'eau ce dépôt d'abjections minérales semblant grouiller d'animaux - que dis-je là ! - d'êtres, remplis d'une misère profonde, s'accouplant, forniquant, se repaissant des plus faibles d'entre eux (les plus misérables) et l'eau vibrait, tremblait, tentant de fuir, de s'échapper, d'élargir son domaine vers des terres plus humaines ! Comme je ressentais cette douleur ! Et combien de fois me suis-je surpris à prendre parti, haïr même cette matière noire et mauvaise. Pourquoi ? Et d'où provenait mon incapacité à prononcer ces mots simples
vase et boue ?
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Pour bien la [la mer] nettoyer…


« Pour bien la [la mer] nettoyer, disaient-ils
il faut la retourner comme un gant »
mais allait-elle se laisser capturer ?
il faudrait des siècles entiers pour
peaufiner une réponse qui sonne juste
et je n'ai pas envie de charroyer des
seaux d'eau
n'est-ce pas au-dessus de mes forces ?
les enfants eux-mêmes
s'interrogeaient
s
u
r
notre comportement
si étrange
à leurs yeux !
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mais quand les grands chevaux…


mais quand les grands chevaux s'allongent pour mourir
devant le fleuve Hudson il se produit en nous un choc ‒
chaque chose frissonne ‒ le peu de lumière vibre ‒ toutes
les morts soudain se cristallisent quand les chevaux bien
grands se sont sur la berge, hein ! allongés.
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   CELUI-CI…


   CELUI-CI sur la plage dont j'aimais qu'il ressemblât
tant au portrait que je m'étais fait de Proust et d'Aragon
enfants, fier, détaché et frêle, le voici qui s'avance, aérien,
face à l'océan, sa mère à ses côtés comme un filet sous le
trapéziste.
   Il saccage ma jeunesse triste. Vingt ans après il humilie
encore l'enfant qui n'avait jamais vu la mer.
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Ô joueur de vielle, comme ton chant est triste.
Tu vas le long de la rivière. Tu écoutes en mar-
chant le murmure de l'eau alors que la lune elle-
même fuit les malheurs qui vont s'abattre sur ce
Faubourg. L'enfant a peur. Sensible ô combien
à ce climat social qui le fait vibrer à chaque
défilé du 1er mai. Hé ! Toi ! Modeste écolier,
prends conscience. On décide toujours pour
toi. Même dans la troupe de scouts lorsque
ton inquiétude de vivre, devant tous, apparaît.
Si le caporal Testat paume / c'est à cause de sa
patrouille fantôme / toute le journée nous cava-
lons / c'est la faute à Michel Nouvelon.


p.12
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02


sans joie vraie
écrire n'est
qu'un leurre

le corps le sait
la douleur n'est
que

on le dit
on le vérifie

lorsque, soudain,
les mots
appellent à l'aide

p.102
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Extrait 6
 
 
Femme fatale voilà un rôle qui me conviendrait parfaitement.
J'y puiserais des forces nouvelles et sentimentales inédites
Ô laissez-moi utiliser ma loge et, devant le grand miroir si violemment
éclairé par six ampoules nues, me faire les cils en chantant : "C'est du
rimmel qu'il nous faut."

Alors, adieu détresse ! Je ne suis plus cet homme qui attend toujours le
pire. Je suis ce que je veux être : pyromane des cœurs d'amour blessés.

    Finalement, il n'existe que la légèreté d'âme comme critère.
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Extrait 1
 
 
C'est nous les Modernes !
On nous reconnaît à la densité du silence que nous dégageons.
Silence !
On se tait. On a l'intention de se rendre dans des lieux hautement
mélancoliques.
Et là, d'y trouver définitivement notre espace.
Silence !
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UN PAYSAGE NON MÉLANCOLIQUE.


Extrait 2

J’aime le ciel gris. Le froid. La pluie incessante et la présence bien réelle de ces cafés qui font face à la mer. Je sais que je me suis créé un paysage mental qui ne coïncide pas avec la réalité du pays (la Belgique, en sa partie flamande) mais qui, toujours, la respecte. Je ne trouve pas qu’il s’agisse là d’un paysage fait de douleur. D’ailleurs, je ne suis pas triste. Il me semble que c’est un sentiment (une sensation ? un état ?) que j’ai pu dépasser. Parfois je pense que, marchant face au vent, je suis semblable à un alphabet qui égare ses lettres. Dès lors il faut que je fasse avec celles qui demeurent à ma portée. C’est peut-être de là que provient mon souci de concision.
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Peut-être devons-nous
1 — 2 — 3
compter les journées de vraie joie
sur les doigts d'une main morte ?

Peut-être nous faut-il transformer
4 — 5 — 6
cri — crac — cri —
les râles en rire de ventriloque ?
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DANS LE SILLAGE DES MOTS


Extrait 1

La sentence tombe de la bouche des morts.

Des barques sous la mer comme autant de filles dénudées,
retournées sur le ventre. Celles qui vont toujours trop vite.
Pour en faire plus !

Des barques sous la mer afin de rejoindre ce qui, depuis
toujours, donne un sens à nos actes.

Mots déchiquetés, ensanglantés mais encore capables
de se battre pourtant.

Il faut parler, parler encore, puisque les mots prennent
leur valeur (leur saveur également) en passant par le
larynx. Parler pour avoir moins peur.
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CE QUE JE SUIS ?...


Ce
que je suis ?
le héros de ma propre vie
ainsi
bien au-dessus de mes rêves
une femme dort dans la maison certaine
sa respiration évoquant des froissements d’ailes
cela crée la vision pudique d’un corps blond re-
Couvert de plumes
le nu est dessous
il faut aller loin, le chercher loin, ce plaisir qui est le frère puîné de la joie
le chercher en-dessous
dans l’espace sonore
de la volupté
en ce lieu sombre & austère
placé
sous la surveillance murale
du
crucifié splendide
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Le marcheur d’eau…


Extrait 2/4

Du vaste paysage autrefois immergé s’
Elève une plainte dont nul ne connaît l’origine

Exprime-t-elle ce que les hommes nomment : la
Douleur ? Dit-elle ce, qu’à eux-mêmes, se cachent

Les peupliers serrés comme autant de frères au-
Tour de la dépouille du père Et qui geignent !

Disant l’angoisse ancestrale des pays plats
devant la montée de l’eau Ah ! Tous ces arbres

Dressés à l’intérieur même du fleuve Que je ne
sais pas voir mais dont je sens la solitude

Tels les grands crucifiés à l’angle des plaines !
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J'ai décidé de mourir avant de naître. Sinon c'est impossible de continuer.

p.11
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J'avance. Je marche dans les ruelles à petits pas, entouré de fruits et
légumes de toutes couleurs de peau.

Me voici sur les places  v i d e s.

Une question me hante depuis peu : comment connaître la couleur
des rêves de des pensées réelles de Virginia Wolf durant ces mois qui
précédèrent la mise en chantier de Mrs Dalloway ?

Les horloges des gares sonnent ensemble mais n'est-ce pas simplement
pour me rassurer, m'accompagner jusqu'au bout ? Je marche afin de
pouvoir mieux regarder les hautes fenêtres placées en sentinelles. C'est
ici, en ces grandes salles, que tant et tant viennent pour s'allonger,
s'enrouler dans les draps d'une couleur jaune en tout point suspecte.
Ici le râle l'emporte.

p.15
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Mais voici qu'on installe un nouveau pont sur ce canal. Il ne me cédera
la place qu'à l'issue d'un long combat mené contre les glissades, le ver-
tige, la crainte née d'une eau vive.

Tout cela sous l'œil absent de ceux qui s'enferment pour vivre.

L'eau ! Elle provient bien du ciel. J'en ai la preuve. L'huissier l'a
constaté.

Cette pluie glisse sur ce qui fut autrefois un tronc d'arbre. Bois humide.
L'odeur d'essence. Et la brume sur tout cela jouant sa partition pour
elle seule. D'autres murs effondrés. Des appels au secours. Pour rire.

p.14
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Longeant le trottoir, apercevant là-bas la lumière des réverbères.

Pour moi la réalité c'est une jambe après l'autre. Violemment. Halte.
Respirer. Repartir pour deux mètres. Laissez-moi. Souffler. Avec vio-
lence, c'est cela : violemment.

« Gai vieillard, pourquoi ces plaintes ? » me chuchote la voix de l'ange
à tête de cheval.

Sur un autre pont. Je n'admets rien. Je supporte cette contrainte.
Je le crie. Des passants se retournent. Tout prend fin dans l'indifférence
des généraux. Et moi je demeure dans l'escalier. Assis sur une marche.
À soliloquer. À haute voix. L'eau continue de monter. De jeunes gens
(garçons et filles mêlés) s'amusent, rient en passant sous mon corps. Je
ne vais pas prononcer un discours politique puisque j'ai la bouche
pleine de terre.

de terre — de terres — de terres — de terres — pleine de terres —

La vie est. La vie quoi ! Obstinément !

Échapper à la lourdeur de la pensée. M'habituer. M'entraîner.

Redevenir l'enfant des dunes. Il est bien tard et je n'ai pas terminé mes
devoirs.

p.13
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Laissez-moi vivre dans l'obscurité. Dis-je aux Dames de Compagnie.

L'obscur !

L'ami de la nuit. Notre bien à tous.

L'obscur c'est ce qui me reste lorsque j'ai payé mon Denier du culte. Il pénètre à mes côtés dans la vaste pièce. Il rompt le temps. Il en fait l'atelier de larges tranches de sommeil.

Participa-t-il et sous quelle forme à ce qui m'est arrivé ? Çà ! Je n'en peux plus de mal respirer, mal de respirer mal en respirant.

S'impose dès lors la nécessité de dire toute la vérité. Je vous demande simplement de laisser vos rêves tenir la place qui leur est due dans la pièce obscure.

Mais il est plus que temps de se mettre d'accord sur le sens que nous lui donnons. Je lui demande : Que faites-vous là ? Êtes-vous simple d'esprit ? L'esprit simple :

Celui qui ne craint pas de vivre dans

ce qui est plus sombre que le noir.

Ainsi je vais dans l'obscur, me répétant ces psaumes que, pour vous,
je viens de composer. Éloignez de moi les pensées du petit jour. C’est peut-être grâce à cela que j’ai pu tordre le coup à ce (ceux) que vous savez.

L’obscur est notre pain quotidien.

C’est la nuit, dans la matière même du rêve, que nous mesurons le mieux son poids de détresse.
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