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Critiques de François-Henri Désérable (601)
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Un certain M. Piekielny

Traquer la vie d'un Lituanien anodin du siècle dernier sans avoir de lien tangible avec lui, sur simple évocation de sa personne dans un roman (les promesses de l'aube de Gary), et dont on n'est pas seulement sûr qu'il ait vraiment existé, voilà une inaccessible étoile. Désérable le dit lui même : "... c'est peut-être cela et rien de plus, être écrivain : fermer les yeux pour les garder grands ouverts, n'avoir ni dieu ni maître et nulle autre servitude que la page à écrire, se soustraire au monde pour lui imposer sa propre illusion".

Cette impossible quête est touchante quand on sait pourquoi Gary en a lui-même parlé, de ce petit bonhomme juif à la redingote grise, souvent comparé à une souris, à l'existence si banale et si difficile à retracer. Un (in)certain Piekielny était donc voisin d'enfance à Vilnius du petit Roman Kacew (futur Romain Gary). Il désirait que Roman se souvienne de lui quand il serait célèbre, en évoquant son existence devant les grands de ce monde qu'il ne manquerait pas de rencontrer, sa mère (à Roman) en était certaine. Ça, c'est ce qui est raconté dans les promesses. Un peu mince, non, pour se lancer dans l'écriture d'un récit sur Piekielny ?

Cela donne pourtant un roman riche, qui tourne (surtout) autour :

- d'un fantôme (Piekielny), et Désérable imagine, extrapole ou suppute plus qu'il n'en sait réellement à son sujet

- un écrivain célèbre, Romain Gary, dont les frasques, les excentricités, la bio et les citations assurent la voûte du récit

- un autre écrivain, François-Henry Désérable, noyé sous les piles de livres de Gary ou Gogol entre autres, perdu dans les errements labyrinthiques de son enquête, écartelé dans la recherche de vérité des écrits de Gary, ce caméléon aux identités multiples

- des digressions, des anecdotes aléatoires, de l'humour, une narration débridée et un doux parfum de littérature



J'ai beaucoup aimé.

Voilà un roman qui touche au coeur de l'existence, sa fragilité et son évanescence, surtout si on s'appelle Piekielny, étendard de la tragédie juive en Lituanie.

Mais ce qui est peut-être le plus beau, c'est qu'un siècle plus tard on continue à en entendre parler de ce petit bonhomme gris, dans un monde noyé d'indifférence. Son voeu, qu'il soit fictif ou réel, est finalement exaucé, et pourrait même l'être au-delà de toute espérance si Désérable décroche la timbale (comme son mentor).
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Évariste

Je ne me souviens pas avoir lu un ouvrage qui débute aussi magnifiquement et se désintègre pareillement à partir du chapitre XVI, page 123, pour s’achever piteusement dans les égouts et les fantasmes d’un auteur en pleine crise de puberté.



Voici un portrait dont le décor est superbe et le personnage principal gâché par une main assassine …



Evocation superbe et lyrique des années 1811 à 1831, brossée par une plume talentueuse qui rappelle les meilleures pages de Claude Manceron dans « Les hommes de la liberté » et qui peint la fin de l’Empire, la Restauration, les trois glorieuses, la monarchie de juillet et l’épidémie de Choléra …les quinze premiers chapitres sont inoubliables et mettent en scène Cauchy, Poisson et Dumas, Nerval, Raspail.



Evariste Galois, grandit et évolue dans ce contexte, il rate le concours de Polytechnique mais est admis à Normale Sup sous nos yeux admiratifs, dans un déroulé alternant biographie et fiction romanesque.



Le lecteur arrive alors au chapitre XVI et se voit harcelé par l’auteur, qui, en plein délire, ose le prendre pour une « mademoiselle » et lui intime l’ordre de se déshabiller pour l’emmener dans un abime de débauches avec une plume relâchée, vulgaire, lascive réellement navrante à notre époque de mobilisation Me Too.



De quel droit peut on écrire n’importe quoi sur un personnage illustre ?

Comment peut on oser déboulonner ainsi la statue de l’un de nos plus grands mathématiciens ?

Est il tolérable de laisser un écrivain cracher sur la tombe d’un génie français doublé d’un authentique démocrate ?



Les trente dernières pages ne font pas honneur à leur auteur et coulent ce livre malgré les magnifiques premières pages et l’indéniable talent de l’écrivain … quel gâchis !
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Un certain M. Piekielny

C’est la première fois que je lis un roman de François-Henri Désérable, que je ne connaissais pas du tout, mais le hasard fait bien les choses…



J’ai pris le temps de déguster ce livre en me lissant porter par le style de l’auteur et la manière dont il marche sur les traces de ce M. Piekielny dont j’avais fait la connaissance en lisant « La promesse de l’aube », autobiographie de Romain Gary.



A quoi tient une histoire ? Le narrateur, hockeyeur bloqué par hasard à Vilnius avant de rejoindre Minsk, rate son train et en profite pour visiter un peu la ville. Il tombe sur une plaque à l’entrée d’un immeuble disant en lituanien et en français que Romain Gary a vécu ici et une phrase lui revient :



« Je restai là, stupéfait, ruisselant, et je récitai cette phrase à voix haute : « Au N° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny »



L’auteur se lance à sa recherche, épluchant les listes des personnes déportées et exécutées par les nazis, explorant la rue Grande-Pohulanka qui a été débaptisée depuis, pour se pénétrer de l’atmosphère chargée d’histoire. Une fois qu’il s’est bien imprégné des lieux, il apprend que ce n’est pas le bon numéro…



Faut-il avoir lu « La promesse de l’aube », je pense que oui car on a tous imaginé cet homme au museau de souris qui avait été impressionné par la conviction de Mina : « Mon fils sera ambassadeur, un grand écrivain… » ; quoi qu’il en soit l’auteur nous rappelle comment commence ce fameux chapitre 7 du livre, ainsi que la requête de ce mystérieux homme de parler de lui aux grands personnages que Romain rencontrera plus tard, ce qu’il fit.



La question qui se pose est : a-t-il existé réellement ou est-il sorti de l’imagination de Romain Gary, le pied de nez d’un écrivain qui n’était pas à une facétie près pour brouiller les pistes.



Se pourrait-il que ce soit symbolique, pour rendre hommage aux Juifs déportés, massacrés ?



Peu à peu, Romain alias Roman ou Romouchka entre dans la vie de l’auteur, s’immisce dans sa pensée comme on se faufile dans un costume et on le suit avec un plaisir non dissimulé, car il ne lui vole jamais la vedette. On note des ressemblances, la mère de Romain voulait qu’il fasse des études pour assurer ses arrières, celle du narrateur aussi qui le pousse vers le droit.



« Mais revenons à Gary. Est-ce que, parlant de moi, ce n’est pas de lui que je parle ? Je crois savoir ce qu’est l’exigence d’une mère : j’avais une Mina Kacew, moi-aussi, seulement celle-là n’empilait pas en esprit des romans comme un marchepied vers la gloire – une thèse pensait-elle, m’y mènerait plus sûrement – mais, l’une comme l’autre coulait nous voir leur rendre au centuple ce dont la vie les avait injustement spoliées. »



François-Henri Désérable est formidable conteur, il sait tenir le lecteur en haleine, en l’entraînant dans sa quête. De plus, il nous offre des illustrations : la photo de la statue de Romain Kacew, enfant, une rose à la main, à Vilnius, ou une lettre des archives de l’état civil, ou encore le registre des résidents du fameux 16 de la rue… Il évoque aussi les rencontres de Romain : de Gaulle, Druon, Kessel, Aron.



« Gary sort du bureau du Général, et sur qui tombe-t-il ? Pierre Mendès-France et Raymond Aron. Il entre dans une taverne, et qui en sort au même moment ? Maurice Druon. Il s’y attable, et qui vient lui parler ? Joseph Kessel. Y avait-il seulement des anonymes pour peupler la terre en ces temps-là ? » P 112



Sans oublier une scène d’anthologie : le passage de Romain Gary à « Apostrophes » où il craint que soit révélée la mystification : Emile Ajar et lui ne font qu’un et l’auteur nous offre un extrait de la partition de Rachmaninov (générique de l’émission) ainsi qu’une photo prise lors de l’émission.



J’aime bien Romain Gary, l’écrivain comme le personnage, donc ce livre avait déjà beaucoup de chance de me plaire mais aussi éveiller mon esprit critique, je ne me lançais pas dans l’aventure béatement.



J’ai beaucoup aimé ce livre et je remercie vivement Babelio et les éditions Gallimard qui me l’ont offert. J’espère avoir été convaincante car, que vous aimiez ou non Romain Gary, vous apprécierez ce livre car il est très bien écrit et le mystère est entretenu jusqu’à la fin.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Mon maître et mon vainqueur

Avec un style très personnel, Mon maître et mon vainqueur est une histoire d’adultère, un trio qui met à mal des sentiments amicaux et fait courir un risque non négligeable à l’un des protagonistes, dès lors que des armes commencent à circuler.



Scénario banal, certes mais élaboré avec des outils de choix. Ainsi, le pistolet acquis pour de funestes raisons n’est pas une pièce ordinaire : il a déjà servi pour une mémorable et célèbre rixe. Et cela prend tout son sens dans ce récit imprégné de poésie, célébrant Verlaine et Rimbaud, sans se priver de mettre en valeur quelques tentatives improbables de versifications issues des esprits embrumés des malheureux amoureux peu transis.



L’amour donne des ailes et fait commettre les pires folies, comme le démontrera un audacieux larcin, pour échapper à la banalité d’un cadeau d’anniversaire ordinaire.



Les lecteurs attentifs reconnaitront peut-être l’un de personnages empruntés au roman d’un autre écrivain célèbre de la scène littéraire française (solution de l’énigme offerte par l’auteur à la dernière page).



Beaucoup d’humour donc dans cette histoire, un art de la formule qui décale le propos, et rend les situations les plus sinistres désopilantes.



Découverte de l’auteur, mais assurance d’ajouter ses précédents opus à une pile déjà bien fournie.


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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L'usure d'un monde

François-Henri Désérable a eu le courage d'entreprendre un voyage en Iran juste après que la jeune Masha Amini en eût adopté une posture bien plus courageuse, celle d'ôter son voile, ce qui lui couta la vie, comme à tant d'autres jeunes et moins jeunes d'Iran. Mais, le voyage de l'auteur exprime trop peu ses perceptions de tout ce qu'il a vu, entendu, senti, analysé au cours de ce périple interrompu par la police iranienne.



Néanmoins, il traduit bien l'atmosphère de ce pays, atmosphère abîmée par un régime qui détruit sa population en fondant ses actions davantage sur l'oppression que sur le respect d'une religion qui pourrait être vécue sans tous ces interdits et asservissements, particulièrement à l'égard des jeunes femmes. En cela, son livre remplit un objectif mais un peu trop du bout des lèvres à mon goût, ce qui pouvait se comprendre tant qu'il était là-bas en danger réel de mort. Il témoigne d'ailleurs parfaitement de toutes les précautions qu'il doit prendre pour transformer, aux yeux du régime, sa démarche en simple voyage touristique. Malgré cela, ses interlocuteurs ne semblent pas dupes.



Ce que j'ai trouvé regrettable, c'est le fait qu'il encombre son récit de trop nombreuses citations, particulièrement de Nicolas Bouvier dont il suit les traces un demi-siècle plus tard, mais aussi de Ryszard Kapuściński et d'autres encore. Il le fait à tel point que, si ces extraits suscitent l'envie de lire ces auteurs, elles finissent par occulter une bonne part du ressenti de François-Henri Désérable.



J'ai eu l'opportunité d'aller il y a quelques années dans ces cités iraniennes, comme Téhéran, Ispahan où je rejoins la vision du bleu de l'auteur de ce livre, Kashan, Chiraz, Yazd et j'ai eu plaisir à voir ces lieux sous les yeux d'une autre personne. J'ai été frappé par l'accueil des iraniens, la culture française qui imprègne nombre d'entre eux, les sourires, voire rires éclatants des jeunes filles, avec toujours cette réserve et ce désir exprimé par ces jeunes d'entendre, d'écouter, d'imaginer peut-être, timidement, ce que peut être notre vie de liberté dont nous ne sommes pas suffisamment conscients quelquefois.



Le livre de François-Henri Désérable est une approche réussie du contexte iranien et, même s'il peut laisser le lecteur sur sa faim, il mérite absolument d'être lu pour savoir, comprendre, peut-être aider.
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Mon maître et mon vainqueur

Lorsque j'ai commencé ce livre, j'ignorais qu'il allait obtenir le jour même le Grand prix du roman de l'Académie française -- certes par seulement 10 voix contre 9 pour l'un de ses challengers --, mais je n'ai pas imaginé un instant que cette distinction allait favoriser mon entrée dans ce livre qui me lassait dès ses vingt premières pages.



L'histoire a pour unique originalité d'être contée dans le bureau d'un juge d'instruction, donc le lecteur comprend que l'une des deux histoires d'amour mises en scène va se terminer par du saignant peut-être...



Deux histoires d'amour donc, l'une d'un véritable amour, l'autre de sexe qui deviendra passion amoureuse. Au milieu des ébats et des réflexions métaphysiques, l'auteur distille du Verlaine et du Rimbaud qu'il mélange à du Baudelaire à faire passer pour du Verlaine, prévenant quand même ses lecteurs -- présumés ignorants -- que Les merveilleux nuages sont bien baudelairiens.



Les situations sont presque toutes invraisemblables, depuis le vol du coeur De Voltaire à la BNF jusqu'aux enchères sur le pistolet avec lequel Verlaine tira sur Rimbaud par le plus minable des protagonistes, même pas capable de réussir un suicide de survie.



Les vingt dernières pages m'ont paru plus réussies que l'ensemble dont l'écriture est plutôt bonne, hormis celle des scènes érotiques d'une langueur à décourager la plus quelconque star du X, mais vraiment deux étoiles c'est le grand maximum pour moi, d'ailleurs à l'Académie, il a obtenu le prix en étant juste au-dessus de la moyenne.
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Évariste

Evariste,

Je croyais en avoir définitivement fini avec toi. Tu as pourri mes soirées d'étudiant, tu fus incontestablement un des premiers problèmes que j'ai combattu au coté de la future femme de ma vie. Tes mathématiques sont géniales , révolutionnaires , sans doute trop pour moi. Ta théorie des groupes restera à jamais une vague notion pour mon cerveau étroit et jusqu'à cette semaine , tu restais un souvenir qui dessine aujourd'hui une sourire sur mes lèvres mais qui m'a longtemps renvoyé à ma condition de tocard mathématique.

Je vais être honnête, je ne savais même pas que tu t'appelais Evariste . Tu étais Galois, l'inventeur de la théorie éponyme.

En jetant un oeil à la 4ème de couverture du livre de Désérable , je t'ai retrouvé et me suis empressé de te découvrir .

On s'est réconcilié. Même si c'est ton histoire, l'auteur en profite pour étaler sa science historique, dans une langue aussi sublime que riche , usant d'un ton anachronique qui dynamite le tout. Il nous parle de toi aussi bien sur, de la scoumoune qui t'a collé aux basques les 20 ans de ta vie , de ce tocard de Poisson , qui nous a laissés une pauvre table mathématique que les calculatrice ont balayée, de Cauchy, des rois, De Nerval, de Raspail.

Je te vois différemment Evariste, je t'admire après t'avoir haï.

Merci et surtout bravo monsieur Désérable.
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Un certain M. Piekielny

"Un certain M. Piekielny" est un magnifique hommage à un roman, "La promesse de l'aube", à un auteur insaisissable et pourtant si émouvant, Romain Gary, à l'un des personnages les plus discrets et pourtant l'un des plus ambitieux de l’œuvre de Gary, M. Piekielny, habitant au n° 16 de la rue Grande-Pohulenka, à Wilno (Vilnius) dans un immeuble où vivaient aussi le jeune Roman Kacew (qui allait devenir Romain Gary) et sa maman Mina, et finalement à la littérature et son merveilleux pouvoir de dire la vérité à travers des personnages imaginaires, parfois sortis d'authentiques souvenirs. Ce livre est bien à la hauteur de l'enchanteur Gary et il ne peut que ravir les fans de l'écrivain aux deux prix Goncourt.
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L'usure d'un monde : Une traversée de l'Iran

Mais qu’allait-il donc faire dans cette galère ? Car, oui, il faut être un peu barré, fêlé, piqué, pour se rendre en Iran fin 2022, et ce malgré les mises en garde alarmistes du ministère des Affaires étrangères.

Rappelez-vous : la répression à cette époque était terrifiante car la population osait manifester dans la rue après la mort de Mahsa Amini. Mort absurde après son arrestation pour avoir mal mis son voile islamique.



Oui mais voilà, ce voyage prévu de longue date avait été reporté à cause du Covid et François-Henri Désérable avait des fourmis dans les jambes. Il part donc, à la rencontre des iraniens de la rue et de leur culture. Il marche aussi sur les traces de cet écrivain voyageur qui l’a tant fasciné : Nicolas bouvier. « L’usure d’un monde » vient en écho à « L’usage du monde » que Bouvier avait publié en 1963.

Que de changements depuis cette date, François-Henri Désérable ne cesse de nous les montrer. Si certains paysages restent immuables, la vie n’est plus la même dans ce pays de tous les dangers. Même parler avec ses habitants est risqué, on peut les mettre en danger tant la parole a été bâillonnée.



On ne peut qu’être fasciné par le courage de ce peuple qui, malgré la dureté de la répression, continue de manifester ou d’exprimer sa désapprobation. François-Henri Désérable a su croquer sur le vif ces rencontres, ces portraits de gens courageux qui veulent encore espérer en l’avenir. Quelle leçon de courage ! Car les enlèvements, les emprisonnements arbitraires et la torture, les viols, les condamnations à mort sont monnaie courante dans ce pays livré aux mollahs.

Certains comme Amir, n’hésitent pas à confier à ce français de passage qu’ils n’espèrent qu’une chose : la mort du guide Suprême Ali Khamenei.

Un autre aura sa propre explication : "Le problème, je vais vous dire, c’est que vous avez d’un côté un peuple déterminé à chasser du pouvoir un régime corrompu, et de l’autre un régime corrompu déterminé à s’y maintenir".

Il y a aussi cette culture raffinée, si différente de la nôtre, où la politesse est si importante. Il y a ces pratiques qui nous étonnent comme le sigheh qui est un mariage temporaire, ce que l’on peut trouver étrange dans un pays aussi rigoriste.



C’est un voyage plein d’aléas, car la surveillance est partout, et on peut être arrêté, expulsé à tout moment. Malgré ces risques François-Henri Désérable va sillonner le pays, du Kurdistan au Baloutchistan, pendant cinq semaines, multipliant les rencontres avec les habitants mais aussi les rares étrangers baroudeurs qui continuent de venir en Iran. En début d’ouvrage, une carte permet de se situer dans cet immense pays.

François-Henri Désérable n’hésite pas à se perdre, changer ses plans pour mieux se retrouver dans l’aventure., fidèle aux préceptes de Nicolas Bouvier qui disait :

« En route, le mieux c'est de se perdre. Lorsqu'on s'égare, les projets font place aux surprises et c'est alors, mais alors seulement que le voyage commence. »



Mon seul regret, c’est que l’évocation du grand voyageur Nicolas Bouvier reste assez sommaire. Il aurait pu prendre un peu plus de place dans ce récit qui est, somme toute, assez court.

Reste la tragique évocation d’un peuple opprimé mais qui continue d’espérer. Chapeau bas, l’ami, pour ta folie créatrice qui m’a ravie.

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Mon maître et mon vainqueur

« Elle n’était pas du tout son genre ; il n’avait jamais été le sien. Ils n’avaient rien pour se plaire ; ils se plurent pourtant, s’aimèrent, souffrirent de s’être aimés, se désaimèrent, souffrirent de s’être désaimés, se retrouvèrent et se quittèrent pour de bon – mais n’allons pas trop vite en besogne. »

Ceci, dans les premières pages de « Mon maitre et mon vainqueur », titre extrait d’un poème de Verlaine, est énoncé par le narrateur, témoin d’une histoire d’amour entre Tina, actrice /lectrice éperdue des poèmes de Verlaine et Rimbaud, et son meilleur ami, Vasco, école des Chartres travaillant à la BNF.

Cette histoire, ainsi que les poèmes écrit à sa belle par Vasco, sont étudiés en détail parle le juge, dont le rêve raté est d’être un poète et consignés par le greffier.

Un juge ? je ne veux pas vous expliquer, ce serait trop en dire.



Cette histoire, somme toute banale, ne l’est pas grâce à l’écriture de F H Désérable, maniant l’humour la culture et l’érotisme, et puis les commentaires sur Tina, excessive, impétueuse… et mère de deux jumeaux, prête à se marier avec leur père. Lorsqu’on lui demande comment elle peut réciter les poèmes saturniens « par cœur, elle disait simplement, en se touchant la poitrine : mais je n’y suis pour rien, c’est là qu’ils vont. »

Avec des phrases longues, très longues et admirables, l’auteur analyse l’inquiétude irrationnelle, l’insondable gouffre de solitude de Tina, pour qui la vie parait floue, sans futur enviable, instable, indécise, «et qu’en vérité ce qu’il lui fallait c’était un type comme Edgar, qui l’apaisait, la rassurait, lui offrait de la permanence, un horizon sans quoi la vie n’était qu’un présent perpétuel »

Edgar le futur mari, à qui elle ment, honteuse, déloyale, d’autant plus infidèle qu’il accepte les soirées dehors, ne se doute de rien. Et possédée pourtant par son amour pour Vasco sans espoir ni possibilité d’y mettre fin.

L’histoire importe finalement peu, quant on se délecte à chaque page de l’ironie et des poèmes en prose de « ces deux cœurs qui à ce stade du récit commençaient à tambouriner un peu trop fort, un peu trop vite, un peu trop à l’étroit dans des poitrines tout à coup un peu trop étriquées. On a beau en faire tout un cas, on a beau l’enrober de périphrases et l’embellir de métaphores, qu’est-ce que c’est que l’amour, in fine ? Des valves qui s’ouvrent et se ferment, comme des clapets »

Lorsque je relis ce livre, je le vois souligné page après page, avec des cœurs et des papillons dans la marge, manière pour moi de souligner quand j’aime. Et, oui, F H Désérable a écrit un magnifique livre, mon seul regret est de ne pouvoir recopier tout.

Tout de même, en pensant à nos dernières conversations sur babelio : Tina explique le rangement de sa bibliothèque , dont les médiocres « « polars chargés de poncifs, feel-good books qui lui donnaient surtout l’envie d’aller se jeter dans la Seine, de petites choses insignifiantes et sans enjeux, des merdes, résumait Tina, et parmi toutes ces merdes qui n’avaient leur place qu’en bas à droite, dans les abîmes de sa bibliothèque, j’étais tombé sur mon premier roman, dédicacé « avec mon amitié la plus vive ». Je n’avais pas pu m’empêcher d’en faire la remarque à Tina, mais Tina ne s’était pas démontée : c’était, m’avait-elle expliqué, l’étagère réservée aux livres écrits par ses amis – « ah, j’avais dit, tu me rassures », feignant de croire qu’elle fût l’amie d’Ernest Hemingway, dont un petit roman pesamment académique coudoyait le mien. Comme Hemingway l’aurait fait, j’avais bu mon whisky d’un seul trait. »

Les « feel-good books qui lui donnaient surtout l’envie d’aller se jeter dans la Seine !!! »

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Mon maître et mon vainqueur

Ce titre mérite six étoiles sur cinq. Le texte m'a permis de revivre de sensations extrêmes oubliés depuis longtemps. Les objets et les poèmes deviennent protagonistes de l'histoire qui avance dans l'allure dramatique. les rencontres des amantes clandestins raccrochent le lecteur, comme la question d'un final surprise. La banalité d'une histoire est ici écrite en manifestant la singularité d'un sentiment absolu.
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L'usure d'un monde : Une traversée de l'Iran

François-Henri Désérable est habitué à poursuivre des personnages dans ses livres, une fois Évariste Galois, une autre fois Mr Piekielny, anodine figure de Romain Gary désormais sortie de l'ombre lituanienne. Mais là où ces derniers l'engageaient surtout dans une voie d'archives et de documentation, celui sur lequel il souhaite ici mettre ses mots va l'inciter à risquer de sa personne, en y mettant aussi ses pas. Comment en effet rendre hommage à Nicolas Bouvier sans partir sur ses traces en devenant soi-même écrivain-voyageur... Voilà donc notre auteur embarqué pour Téhéran, juste au moment où un inconnu de la cellule de crise des Affaires étrangères l'appelle :« Il est formellement déconseillé, vous m'entendez, formellement déconseillé de se rendre en Iran.[...] Ceux (les français) qui y sont encore sont en train de rentrer, et ceux qui ne rentrent pas, c'est qu'ils sont en prison». On est fin 2022, Mahsa Amini est devenue l'étendard de la révolte iranienne dans un pays où l'on tabasse, viole, lapide, massacre, exécute pour des histoires de cheveux.



Il y a un sondage débusqué par des hackers sur un site des Gardiens de la Révolution, que les mollahs au pouvoir se gardent bien de divulguer : « 87% des iraniens sont favorables aux revendications des manifestants ». Autrement dit le peuple n'en peut plus et il y a de quoi, aux évènements connus de l'automne dernier s'ajouteront au fil de ce récit une litanie de petites barbaries en plus de massacres moins médiatisés comme le Friday Bloody, donnant à l'Iran l'image d'un pays en pleine déliquescence. le contexte sera bien sûr omniprésent, l'auteur saura le doser tout comme il nous préviendra de « l'effet de loupe » engendré par la médiatisation de certains évènements quand on les voit de l'extérieur, par le biais de lucarnes à pixels.

Car tout ne sera pas englué dans les soulèvements et les répressions, tout ne sera pas non plus complètement noir à la lecture de ce livre. On risque même d'y être surpris par des éclats de rire empreints de légèreté bienvenue. En prenant le parti d'un tel périple, François-Henri Désérable se met dans une situation pour le moins inconfortable et il saura en jouer sans en abuser. de plus en suivant les traces de Nicolas Bouvier il ira à la rencontre d'un peuple constater son hospitalité, à l'instar de son mentor dont il loue « la faculté inouïe de brosser en trois lignes des portraits qui nous touchent ». Nul doute que Nicolas Bouvier lui aurait retourné le compliment à la lecture de son récit, égrené de rencontres improbables, parfois incongrues ou pittoresques, drôles, tendres, poétiques et touchantes elles aussi. Depuis l'auberge à l'arrivée à Téhéran – « un royaume aux sujets éphémères » – jusqu'au trou de Zahedan au Baloutchistan (là où il ne faut pas aller selon les iraniens) ou à Saqqez au Kurdistan, Désérable croise sur sa route une poignée d'européen(ne)s, des afghans en transit, quantité d'iranien(ne)s dont un seul à « trouver des vertus à la mollahrchie absolue », mais aussi un garagiste-ostéopathe, un médecin opiomane, Niloofar adepte à sa façon de l'écho nocturne à Téhéran, Ali l'illettré avec ses cahiers remplis de mots par les touristes de passage. Sans oublier Firouzeh et ses poèmes appris par coeur tels «la part irréductible de son être », Firouzeh rencontrée dans l'ascension du mont Soffeh pour y réaliser une vidéo :

« – de moi, dit-elle. de moi au sommet du mont Soffeh, dédiant l'ascension à tous ceux qui manifestent contre ce régime corrompu. de moi criant Mort au dictateur ! Et Merde aux mollahs ! Et Femme, Vie, Liberté ! »



Ce récit de voyage pourrait ainsi se lire comme une chaîne humaine de révolte et de solidarité, une galerie foisonnante de personnages touchants qu'il m'a été difficile de quitter sans avoir de nouvelles dans un tel contexte, comme il m'a été difficile de descendre de cette lecture embarquée dans la prose sensible, instructive et teintée d'humour de son auteur.
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Mon maître et mon vainqueur

Comment sublimer le récit d' une passion amoureuse à travers la poésie et l'amour tragique de deux grands poètes. Avec ce qu'il faut d'humour et de distance pour le disséquer sans ennui et le remettre dans les codes actuels. Une lecture joyeuse, grave, pleine de peps !
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L'usure d'un monde : Une traversée de l'Iran

La cellule de crise du ministère des Affaires Étrangères appelle monsieur Désérable : impossible de concrétiser votre projet d'aller en Iran, ce pays est sur liste rouge, les seuls français qui y résident et n'ont pas fui devant les dangers d'arrestation et de détention arbitraire, sont en prison. Renoncez.

Au même moment, le vol à destination où se trouve notre héros va décoller.

Dès les premières pages, voici l'humour de l'auteur, le long de son « l'usure d'un monde », pastiche et hommage à Nicolas Bouvier, « l'usage du monde, » qu'il cite en exergue: « Ici, où tout va de travers, nous avons trouvé plus d'hospitalité, de bienveillance, de délicatesse et de concours que deux Persans en voyage n'en pourraient attendre de ma ville où pourtant tout marche bien », et dont il déclare qu'elle est sa Bible.

Plus que ça, il est ensorcelé.

Lire Nicolas Bouvier, c'était prendre la vraie mesure du monde, et prendre la route devient une expérience unique, répétée au fil des années et des pays.

Donc, Désérable voyage jusqu'à Téhéran, en 2022, chose interdite par les Affaires Étrangères, et donc pas couverte par l'Ambassade de France si les choses se gâtent.

Voilà pourquoi : le Covid a assigné à résidence les jeunes qui voulaient justement bouger, et, lorsqu'ils émergent, fin 2021 en Iran, une étudiante iranienne, Mahsa Amini, accusée d'avoir mal ajusté son voile dont personne ne peut discuter l'utilité (car voir un cheveu de femme peut réveiller le désir de l'Homme, qui, lui, est sacré, mais pas la peine d'en rajouter), bref, cette étudiante se fait tabasser, torturer et … tuer.

D'où l'urgent besoin, au-delà de l'inconscience de l'auteur, d'aller voir de plus près.



Pourtant, la peur paralyse et notre voyageur se rend compte de l'audace de celles et ceux qui se sont, à propos d'un voile, affrontées au pouvoir de Khameini.

Oui, oui, j'ai bien dit Khameini, et pas avec un o. Une lettre a changé, mais la dictature religieuse reste inchangée, même les deux barbus paraissent identiques.

Soulèvements inattendus du peuple iranien qui hait le dictateur/ religieux, la peur avec le goût du sable dans la bouche est avalée pour faire place au courage. Car les femmes ont arrêté de porter le voile, elles qui ne connaissent pas vraiment leur ennemi, «  le boulanger qui chaque matin vous vendait une galette de pain, le serveur du restaurant où vous aviez vos habitudes, le chauffeur de taxi, l'épicier, l'employé de banque, votre voisin de palier, et même le jeune gars sympathique », et d'autres, avec une vraie tête «  à vous donner un baiser au jardin des Oliviers. » 

Derrière ces ennemis déguisés, s'agitent les pasdarans, la garde prétorienne du régime musclé des mollahs, car en Iran le religieux règne sur le politique.

Les femmes pourtant tiennent tête sans voile.

La torture y est une tradition depuis le père du Shah et de son père : nous pouvons allègrement remonter jusqu'en 1387, nous dit l'auteur, « quand Tamerlan fit couper quarante mille têtes pour célébrer la prise d'Ispahan ». La torture, au départ pour un prétexte futile, est suivie de comparution devant un tribunal révolutionnaire qui conclue imperturbablement « inimitié à l'égard de Dieu » ou autre, et c'est la mort. Procès, révision du procès, et toujours la même issue : la mort.

C'est dans ce contexte que François Henri Désérable voyage, sans se faire d'illusion. Et produit à son retour un merveilleux petit livre, récit de voyage autant qu'analyse politique, mettant en avant la force de ces femmes et de ces hommes qui osent, au péril de leur vie, s'opposer clairement au pouvoir des mollahs (« prêtres de l'islam chiite, l'équivalent des imams ou des oulémas dans le monde arabe. Des érudits capables d'interpréter la charia ».

Le tout avec un humour se plaçant au-dessus, et une manière rapide de présenter la situation.

Et puis, il y a la beauté de la place immense d'Ispahan, et puis il y a les jardins, lorsque l'on sait que le mot perse veut dire «  paradis ». Et puis il y a les bazars. Et les mausolées, et les nombreux édifices, dont Persépolis, la cité de Darius, mise à feu par Alexandre, et dont les restes de pierre peuvent encore nous émouvoir, ainsi que les pages de Pierre Loti sur le sujet. Et puis la gentillesse de ce peuple martyrisé.

Parmi le noir des tchadors, une poésie s'insinue, à la pensée du courage des iraniens, et aussi, une réflexion sur le fait de voyager : touriste, doux dingue, inconscient, rencontrant sur son chemin plus déterminés que soi ? cherchant une autre culture? ou se cherchant soi ?

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Mon maître et mon vainqueur

Dans le cabinet d’un juge, le narrateur témoigne de l’amour passionnel entre Vasco et Tina. Ils se connaissent depuis deux mois et il est devenu le confident de l’un et le confesseur de l’autre, l’historiographe de leur amour. Tina, une actrice qui n’aime que la poésie de Verlaine et Rimbaud, a une famille, deux enfants, dont le père, Edgar, sera bientôt son mari. Vasco a reçu des menaces sérieuses, Edgar a écrit dans son mail : "je vais te défoncer à coups de batte de base-ball”. Voilà ce qu’on a retrouvé sur Vasco ; un revolver, une vingtaine de poèmes et des résidus de traces de poudre sur ses mains. Voilà ce qu’il reste de son histoire d’amour.



Ce roman a été récompensé justement par le Grand prix du roman de l’Académie Française, ce qui est un gage de la qualité de l’écriture. Cette histoire d’amour et de passion n’est pas conventionnelle, bien au contraire, sous la plume brillante de François-Henri Désérable. Le récit est parsemé de poèmes et de haïku qui nous racontent à mots cachés les tourments de Vasco, c’est drôle et savoureux, un vrai régal. Cet élan amoureux que les deux amants ne peuvent retenir n’a rien de mièvre, bien au contraire certains passages sont même jubilatoires quand Vasco va jusqu’à dérober le cœur de voltaire enfermé dans le socle en bois de sa statue à la BNF ou acheter aux enchères le pistolet avec lequel Paul Verlaine avait failli tuer Arthur Rimbaud.



Quand littérature et humour font bon ménage, cela donne l’histoire d’une passion dévorante que le lecteur déguste avec plaisir.

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Mon maître et mon vainqueur

Le narrateur, en tant qu’ami du couple, se retrouve chez le juge d’instruction pour éclairer de ses connaissances amicales la procédure judiciaire en cours mais surtout pour décoder le petit cahier de Vasco dont le contenu tout en poèmes laisse bien perplexe monsieur le juge. Que s’est-il vraiment passé entre Vasco et Tina et pourquoi ?

C’est donc au travers des poèmes de Vasco et du discours du narrateur que peu à peu le lecteur se rapproche de la vérité.



Une histoire d’amour-passion.

Les mots de François-Henri Désérable « volcanisent » le récit. Des scories brûlantes retombent sur ce couple heureux-malheureux. La passion n’est pas terre gelée.

La mise en abîme de la relation Verlaine-Rimbaud, leurs poèmes, leurs mots agrémentent le récit : il est vibrant, intime, sensuel et le tout saupoudré d’un humour omniprésent mais discret.

J’aime l’écriture de cet auteur qui n’hésite pas à faire appel à la littérature, aux poètes et même au coeur de Voltaire pour parler de l’amour, de la passion et des tourments qu’elle engendre. C’est beau, lyrique et pourtant d’une grande simplicité et justesse.

C’est un vrai plaisir de lecture !



« Car l’amour, mon amour, est comme un palimpseste, On écrit là-dessus, puis on efface tout. »

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Un certain M. Piekielny

Qui est M. Piekielny ?



Un personnage qui apparaît dans la biographie romancée de Romain Gary au Chapitre VII de la Promesse.



Un jour, les circonstances amènent l’auteur F.-H. Désérable sur les traces de Gary, à Vilnius, devant l’appartement où il a passé son enfance. Son voisin, M. Pielielny, à priori insignifiant, va pourtant grandir à travers la promesse de Gary enfant. Lorsqu’il sera célèbre, il prononcera son nom devant les plus grands hommes du monde.



« Au 16è de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny... »



Ce personnage a-t-il réellement existé, peut-on imaginer sa vie son métier, ses passions, sa mort.



Son nom ne sert-il qu’à désigner tous les Juifs de Lituanie ?



M. Piekielny donnerait alors le pouvoir de la parole à ceux qui ont subi la barbarie, dans le ghetto de Vilnius en 1941.



Quelle est la part de fiction dans la Promesse de l’aube ?



Gary a-t-il été marqué par ses lectures de Gogol, tout comme F.-H. Désérable l’a été par celles de Gary ?



Comment un auteur trouve-t-il le sujet de son roman ?



Roman sur le travail de l’écrivain, sur les pas qui le mènent vers l’inspiration, roman sur Gary et son M. Piekielny. Ceux qui ont lu Romain Gary s’y retrouveront sans doute mieux. Sinon, Un certain M. Piekielny les invitera à le découvrir.



J’aimerais un jour que J.-H. nous raconte l’histoire romancée de ce personnage à peine dessiné dans la Promesse de l’aube, et dont l’auteur nous offre ici quelques pistes, pour lui donner toutes les couleurs qu’il mérite. L’homme au violon silencieux m’a plu.



Je remercie Babelio et les Éditions Gallimard de m’avoir permis de lire ce roman en avant-première.
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Mon maître et mon vainqueur

C'est léger et profond à la fois . Ce livre se dévoile progressivement c'est appréciable . ( merci de ne pas trop décrire les intrigues des livres on perd une partie du plaisir de la découverte ). on navigue entre les bibliothèques , les théâtres , on se demande non pas si Rodrigue a du coeur , mais où est le coeur de Voltaire ? . C'est aussi une histoire d'amour impossible ( pléonasme ? ) . C'est un régal. A lire.
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Un certain M. Piekielny

La promesse de l’aube, découvert sur le tard, m’avait enthousiasmé et donné envie de plonger plus profondément dans l’œuvre de son auteur, Romain Gary, en attendant que l’adaptation cinématographique achevée et diffusée me fournisse l’occasion de revivre cette belle parenthèse en confrontant mon imaginaire à l’incarnation des personnages, voulue et dirigée par le réalisateur. Quand Un certain M. Piekielny de François-Henri Désérable a atterri sur ma pile à lire, je me suis réjoui du moment où il arriverait en haut, parce que le saisir signifierait peut-être une nouvelle promesse, la poursuite du chemin entamé en compagnie de Romain Gary, la rencontre d’un écrivain, qui m’était inconnu jusque-là et que sa biographie situe à l’aube de sa carrière littéraire. Ma préhension fut ferme, goulue, j’ai croqué à pleines dents les premières lignes de ce livre comme dans une pomme bien verte, espérant de son jus qu’il contienne les saveurs et l’émotion du chef-d’œuvre, que la prise d’importance de ce personnage secondaire, qui s’échappait des quelques pages de La promesse de l’aube révélerait le mystère qui le fit côtoyer les grands de ce monde, en fidèle et intangible compagnon de Romain Gary. J’apprécie rarement les séries dérivées, qui cherchent à capitaliser sur le succès d’un opus original et qui trop souvent n’apportent rien d’autre que de la rentabilité au producteur. En littérature, le roman-feuilleton du 19e fut en quelque sorte le précurseur du genre, l’exploitation grandiose qu’en fit Balzac dans La Comédie Humaine demeure à ce jour inégalée sans que cela décourage les auteurs contemporains de renoncer au procédé. Dans sa catégorie, JK Rowling a gratifié les fans de sa saga Harry Potter d’un essaimage d’animaux fantastiques qui tient en 54 pages, mais accouche d’une trilogie sur grand écran ; la poule aux œufs d’or participe sûrement de cette ménagerie chimérique…

Ce roman ne m’a pas déçu ! Cette recherche d’un temps perdu, celui de Vilnius quand la ville lituanienne s’appelait encore Wilno et que Romain Gary vivait au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka m’a procuré énormément de plaisir. L’amateur d’Histoire guidé par la plume de François-Henri Désérable, souvent brillante même si elle s’égare parfois, formant des hypothèses supputant de la destinée de M. Piekielny après le départ de Roman Kacew de l’immeuble a enrichi ses connaissances des ravages de la peste brune, puis rouge qui réduisirent "la Jérusalem de Lituanie" à des ghettos, des traces sur les murs, des sépultures et des souvenirs de survivants ou de descendants. Ces évènements tragiques du passé lituanien, les exécutions massives d’une balle derrière la nuque et les horreurs qui se déroulèrent en ces lieux ne subsistaient que de manière parcellaire dans un recoin de mon cerveau, et, tandis que les bras se tendent à nouveau dans certaines parties de la planète, l’évocation de cette noirceur oubliée a agi comme un aiguillon rappelant l’importance du devoir de mémoire.

Mais, ce que j’ai le plus apprécié, c’est qu’en embarquant dans sa quête, François-Henri Désérable emmène en réalité le lecteur sur les traces de Romain Gary, de son œuvre, de sa vie, de ses amours, de sa carrière de diplomate, des rencontres avec les personnages qui forgèrent le destin de l’après-guerre, de ses interventions publiques fameuses, de tous ces moments durant lesquels il s’acquitta de la promesse faite à un être humain, notre voisin de palier, un monsieur tout le monde s’élevant de sa condition ordinaire pour atteindre une dimension spirituelle et frôler l’éternité grâce à une seule phrase : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka à Wilno habitait un certain M. Piekielny.

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Mon maître et mon vainqueur

Il m’a fallu quelques chapitres pour me mettre dans le bain... D’ailleurs, en parlant de bain, je trouve cette photo de couverture en parfaite cohérence avec ce roman, on appâte le client avec une couverture aguicheuse misant sur une jolie blonde rêveuse dans une baignoire (pour faire fantasmer Monsieur) et pour les acheteuses, un barbu en marcel fort avenant à la musculature avantageuse (comme ça tout le monde est content), cliché quand tu nous tiens … Mais derrière cette couverture, que trouve-t-on ? Pas tout à fait de quoi faire mon bonheur, en ce qui me concerne …

Comme je le mentionnais, J’ai eu du mal à me repérer au démarrage parmi les personnages, pourtant il n’y en a que quatre … Après ce départ laborieux et brouillon, j’ai fini par être embarquée, les pages se tournent ensuite facilement. L’auteur a du style, de l’humour, certains passages sont savoureux car drôles et inattendus (le vol à la BNF, la visite de l’appartement, la chute finale).

D’autres scènes, en revanche, ne m’ont pas du tout convaincue, la première scène d’amour entre Tina et Vasco m’a semblé complètement invraisemblable, tirée d’un mauvais film X d’un genre pseudo-intello assez ridicule … La vision de la femme de François-Henri Désérable, pour un type né en 1987, est assez affligeante : la femme adultère est qualifiée de petite putain, une menteuse éhontée qui n’est pas comédienne pour rien, … Je n’ai pas complètement adhéré…

Son « héroïne » adultère, Tina, m’a semblé être le fantasme de l’auteur, et un personnage complètement déconnecté de la réalité. En tout cas, je ne lui accorde pas une once de crédibilité, et je ne pense pas que beaucoup de mamans de jumeaux de moins de 3 ans aient pour principale préoccupation de s’envoyer en l’air pendant plusieurs jours dans une chambre d’hôtel. Je dois avoir une vision rétrograde moi aussi …

Je n’ai ressenti aucune empathie pour les personnages, aucune émotion, rien de neuf dans cette histoire d’adultère très convenue. La seule chose que j’en ai retiré, c’est qu’il ne faut pas se fier au prix de l’Académie française !

L’auteur a du talent, mais ce livre va être aussi vite oublié qu’il a été lu, pas beaucoup de relief dans ce morne paysage… Dommage, M. Désérable me fait l’effet d’un auteur qui n’a pas bien travaillé sa copie et aurait pu beaucoup mieux faire …

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