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Citations de François Jullien (142)


On ne peut donc trouver d'autre ancrage à la réalité que dans cette valeur du "neutre" : de ce qui ne penche pas plus dans un sens que dans un autre, de ce qui ne se caractérise pas plus d'une façon que d'une autre, mais garde complète en soi sa capacité d'essor.
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La saveur nous attache, la fadeur nous détache. (...) Elle nous libère des engouements éphémères - fait taire tout ce tapage qui nous épuise.
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Cet acte temporalisant le présent, les Stoiciens le conçoivent à deux échelles. La première est celle de l'agent individuel et relève de l'éthique : dès lors qu'il s'en tient à la "fin" immanente à son acte (que le sage veut et qu'il obtient toujours : telos), en l'en distinguant rigoureusement de sa "visée" (que l'on peut atteindre ou non, et sur laquelle on peut se tromper : skopos), le sujet agissant ne dépasse jamais l'horizon que constitue pour lui l'action engagée : si sa visée nous rend dépendant du futur – réussira-t-elle ou pas ? Il faut attendre – sa fin, en revanche, se suffit entièrement du présent et nous y maintient constamment, c'est-à-dire, à la fois avec fermeté et d'une façon qui ne varie pas ; le sage agit main-tenant : en tenant fermement le présent comme dans sa "main" (manu-tenere) et s'y "tenant". Aussi est-il toujours parfaitement contemporain de ce qu'il est en train de faire, sans en transgresser les limites par l'anticipation, ni non plus le retard, de sa pensée : il actualise du présent pendant qu'il agit, le temps qu'il agit, en l'isolant de son futur aussi bien qu'en le décollant de son passé. L'autre échelle est cosmique et relève de la physique (mais les deux vont "systématiquement" de pair) : l'acte est alors celui de Zeus délimitant dans la durée de l'aiôn, vide parce qu'illimitée, la période actuelle allant de la naissance du monde à sa conflagration. Au regard de Dieu, cette période entière est simultanée, elle coexiste en un même présent ; d'où, dans ce présent total, tota simule, passé et futur sont également dénués de consistance : ils ne sont plus évacués du présent, en ce cas-ci, mais résorbés en lui.
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Mencius ne défend pas la vertu au nom d'un devoir être imaginaire mais à cause de son efficacité dans le monde ( p156)
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Le devoir de l'homme est d'être humain avec les autres (p98)
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La moralité ne souffre plus aucune distance de soi à soi, elle est nécessairement immédiate et sourd de soi spontanément (p 90)
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La pitié est un fait inexplicable par la raison et dont l'expérience ne saurait non plus nous découvrir les causes (p36)
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Dans son choix grec, la philosophie a pensé la vie, mais non pas vivre  ; et le religieux, qui prenait en charge la question du vivre, est aujourd’hui en retrait. De là que vivre soit laissé en friche, abandonné au prêche ou bien au truisme  ; et que prospèrent le Développement Personnel et le marché du Bonheur vendant vivre comme du « tout positif ». Or vivre est paradoxal, s’étendant du vital au vivant. Il est à la fois la condition de toutes les conditions  : être en vie  ; et l’aspiration de toutes nos aspirations : vivre enfin  ! Nous sommes en vie, mais nous n’accédons pas pour autant à vivre. Car la vie d’elle-même rabat la vie. De là que nous puissions être nostalgiques de la vie au sein même de la vie – ou que « la vraie vie est absente ». Or, c’est à travers cette inanité même de « la vie » que nous pourrons voir transparaître à l’envers l’inouï de vivre débordant le déjà vécu et l’ouvrant à de l’« in-vécu », quitte à s’y heurter à de l’Invivable ; et, puisque vivre n’est, au fond, qu’ouvrir des possibles, nous pourrons alors rouvrir des possibles dans nos vies, au lieu de les laisser s’étioler. Car répéter qu’il faut « cueillir le jour », « profiter de la vie », n’a pas prise sur la vie. Traçons donc plutôt, pour nous y repérer, une carte de ces possibles intensifs entre lesquels décider vivre.
Vivre y reparaît alors dans sa ressource, dans son essor, dans son «  matin  », dégagé de ce qui l’enlisait, au fil des jours, et l’emmurait. Telle est la «  transparence du matin  », en amont de tous les enseignements de la morale.
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Aujourd’hui où l’on ne peut plus tracer de plan de la Cité idéale et où les lendemains "ne chantent plus", peut-on faire autre chose que défaire ce qui bloque l’état présent des choses pour y rouvrir des possibles ? Or, qu’est-ce qui bloque si ce n’est des coïncidences idéologiques installées et paralysant la société ? Ne pouvant les renverser (comment en aurait-on la force ? ) et les dénoncer ne s’entendant pas, on ne peut que les fissurer : localement, sur le terrain, chacun en ayant l’initiative là où il est. Mais ces dé-coïncidences se relient et se relaient, elles se répondent et peuvent s’associer. Une Association en est née. Car "c’est quand même avec des fissures que commencent à s’effondrer les cavernes".
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Quand les partis rédigent des programmes on « sait bien » que ce n’est guère pour les appliquer. Car viennent ensuite les « circonstances »… Tout le monde le sait, on n’est pas si sot. Mais à quoi sert alors la modélisation en politique ? Non pas à appliquer, mais à se concerter ; ou, je dirais, à faire de la démocratie. Les programmes sont élaborés, non pas tant en vue d’être appliqués, que pour qu’on puisse en discuter, prendre position et s’opposer ; bref, ils servent à organiser du débat.
(p. 89).
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"Ce revêtement de l'image ne manque pas d'être ambigu. Car il cache mais pour mieux laisser voir ; et le voile n'est là que pour être soulevé. Il faut à la fois passer par lui et s'en détacher, son écran est à traverser. En même temps qu'il nous attire par son caractère imagé, il nous enjoint de tourner le regard au-delà de lui. La réalité est derrière, accessible à d'autres yeux. D'autant plus que cet autre que tend à signifier l’"allégorie" devient ici l'Autre par excellence – l'autre monde et l'autre vie. L'enveloppe de la figuration concrète est à délaisser comme doit l'être celle du corps pour atteindre l'âme : traverser l'enveloppe du sensible – imagé ou charnel – et convertir notre regard seront les conditions requises pour atteindre à la vérité."
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Si rencontrer, c’est se laisser déborder et déporter par l’Autre, commencer de lever la barrière d’avec lui, par suite laisser entamer en retour son moi solide, ébrécher la frontière sous laquelle le moi se tient ordinairement à l’abri, on comprend que le fruit existentiel de la rencontre soit d’introduire à l’intime.
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Un corps humain sans un souffle d’énergie est une ossature morte
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(...) cette conception de la manipulation stratégique, dont on nous promet qu'elle aboutit inéluctablement au succès, jusqu'où l'avons nous développée de notre côté (le "côté" européen) - ou méconnue, ou rejetée, ou cachée? (Et, si nous ne l'avons pas autant développée, qu'est-ce qui nous a retenu de la faire? Et pourquoi?)
Car il est indéniable que, côté européen, nous n'avons cessé de faire la part belle aux hasards de la guerre, de faire appel aux dieux ou à la chance, d'invoquer le génie. Il est vrai que nous insistons aussi sur l'effet de surprise, que nous louons la ruse, que nous recommandons le secret ; mais, au regard de l'élaboration chinoise, on a l'impression qu'il s'agit plutôt là de concessions faites à l'expérience, ou d'apartés dans la réflexion, sans que ces divers éléments soient suffisamment reliés entre eux pour donner corps à une conception d'ensemble et s'organiser en théorie. Entre la Chine et l'Europe, la différence n'est pas qu'on aurait méconnu ici ce qu'on aurait mieux connu là (ou inversement), mais plutôt que les outillages théoriques mis en œuvre ici et là, en fonction des partis pris développés, ont été mieux en mesure d'exploiter telle ou telle ressource possible d'intelligibilité - etqui sont plus ou moins écartées entre elles ; et, par conséquent, de rendre plus lisible sous ce biais ci ce qui le demeurait moins sous celui-là. Le voyage en Chine n'a donc pas pour but d'imaginer - encore moins de contrefaire - d'autres "mentalités" (le plaisir toujours un peu trouble de l'exotisme), mais simplement de tirer parti d'autres ressources éventuelles d'intelligibilité (qui, comme telles, sont à la fois plus globales et plus radicales que toutes les inventions particulières de la philosophie, celle-ci ne faisant que les expliciter). Question de commodité, en somme : s'il s'avère que l'idée d'une manipulation stratégique se trouve mieux correspondre au cadre notionnel de la pensée chinoise, et qu'elle s'éclaire sous son optique, il valait la peine de passer par la Chine pour la développer.
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Quel bénéfice trouvons-nous à parler indirectement des choses ?
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On voudrait croire que, quand les choses en viennent enfin à s'accorder, c'est là le bonheur… Or, c'est précisément quand les choses se recoupent complètement et coïncident que cette adéquation, en se stabilisant, se stérilise. La coïncidence est la mort. C'est par dé-coïncidence qu'advient l'essor.
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Ce qu’on nommera la « vraie vie », dès lors, n’est pas la vie telle qu’elle « devrait être », mais n’est pas, et qu’on n’a cessé de la célébrer pour s’en lamenter. Elle est au contraire la vie qui est effectivement la vie, telle qu’elle ne se serait pas laissé falsifier, et d’abord au point de dissimuler cette désertification dont elle est affectée. D’où vient que, alors même que nous sommes en vie, subsiste comme une nostalgie de la vie dans la vie – qui n’a pas un jour éprouvé celle-ci ? Ou bien ne s’agirait-il là que d’une pensée hantant la modernité ?
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Que la vie redevienne « comme elle est », dit-on de façon facile pour retrouver sa tranquillité. Cet ébranlement qui laissait entrevoir, un matin, qu’une autre vie serait possible, on peut attendre que lui-même se tasse, de même que la vie « se tasse ». De ce que la vie vécue soit une vie rabattue, on peut toujours vouloir s’accommoder… Qui ne fait d’ailleurs, plus ou moins, comme si ce soupçon quant à la vie même, quant à ce qui serait comme une fausseté de la vie dans laquelle a sombré la vie, il ne l’avait pas vraiment éprouvé ? Il y a comme une entente tacite à se le dissimuler.
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Le roman lui-même, lui dont on dit qu’il décrit la vie, l’a-t-il assez réfléchi : que cette vie-ci, celle qu’on s’entend à nommer « la vie », n’est plus peut-être qu’une apparence ou qu’un semblant de vie ? N’est plus peut-être, s’étant vidée d’elle-même, à notre insu, que son simulacre ou sa parodie. Que nous sommes peut-être en train de passer, sans même nous en apercevoir, à côté de la « vraie vie », à côté de la vie qui vit. Ou du moins commençons de le dire ainsi, dans ces mots les plus ordinaires qui sont comme un premier coup de filet lancé sur ce que, peut-être, on voudrait le moins savoir : que nos vies peut-être ne sont que des pseudo-vies.
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La vie se tasse, tout comme la terre se tasse. Elle s’entasse de jour en jour sous une lourdeur invisible. Sous une pesanteur qui s’est sécrétée d’elle-même et s’accumule : des possibles se sont rétractés qu’on ne peut même plus imaginer.
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