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Critiques de Fred Vargas (3993)
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Sur la dalle

Ayant profité des derniers rayons d’un soleil printanier, Adamsberg revenait juste d’une de ses errances en bord de Seine, encore vaseux de quelque idée toujours dans l’œuf, les vêtements froissés et le sourcil froncé.

Sur son passage, Retancourt, inhabituellement soucieuse l’interrogea :

- Tout ne va pas si mal, n’est-ce pas ?

- Je crains que ce ne soit sérieux cette fois.

Adamsberg soupira et saisissant la tasse que lui tendait Estalère, s’assit au fond de la salle du Chapitre.

Un à un les membres de la brigade le rejoignirent à la grande table. La Boule fut portée des genoux de Froissy à la photocopieuse providentiellement allumée. On poussa les coussins que Mercadet avait laissés de son précédent somme. On libéra une chaise de son amas de feuilles éparses et le commissaire commença :

- C’est Fred.

Les têtes se relevèrent. Veyrenc étouffa un gémissement et Froissy se mit à ouvrir frénétiquement les papillotes en chocolat qu’elle avait apportées pour accompagner le café.

Danglard osa :

- Tu ne nous apprends rien. 508 pages de purée de pois.

- Une succession éreintante de modus operandi dialogués, ajouta Mordent

- Modi operandi, corrigea Danglard. Mais il a raison. C’est bien simple, Jean-Baptiste, on croirait que tu organises une colonie de vacances. Tu passes ton temps à indiquer à chacun où il doit aller, ce qu’il doit faire, à quelle heure, quand et quoi il doit manger. Un vrai petit logisticien. Ca te va comme un gant, tu imagines !

- Elle a fait de moi un sumo sans âme ! s’indigna Retancourt pourtant habituellement avare de débordements d’émotions. Je n’interviens que pour courir et sauter de tout mon poids sur le corps d’affreux bandits que je désarme. Alors que mon personnage recelait tant de finesse et de subtilité auparavant !

- Pauvre Violette ! compatit Estalère.

- Et ce déploiement gratuit de forces armées, renchérit Noël. Depuis quand a-t-on besoin d’hélicos, de renforts et de tout ce bordel ? Surtout quand on voit le résultat ! Tout ça pour remplir de la page !

En les écoutant, Adamsberg caressait les stries d’un coquillage qu’il avait exhumé du fond de l’une de ses poches. Il s’attachait à sentir du bout de la pulpe de chacun de ses doigts l’alternance de pleins et de creux que proposait sa convexité.

- Vous avez parfaitement raison, Noël. Et elle ne nous a pas habitués à cela. Je suis inquiet.

Danglard reprit :

- Et voyez comme elle a dilapidé Combourg. Le berceau du romantisme, le charme puissant des vieilles pierres qui abritent leur lot de souffrances et de morts. Le gouffre qui existe entre les bermudas des touristes à glace et l’ambition de qui proclame

Qu’il en est des douleurs comme des patries, chacun a la sienne

- La Rochefoucauld, tenta Veyrenc

- Chateaubriand, le tança Danglard. Et de cette tension potentielle, de cette corne d’abondance débordant de spectres, de machicoulis, de drapés tragiques et de mèches au vent, que fait-elle ? Rien ! Elle nous bâcle trois phrases qui ne campent pas une ambiance. Elle transforme l’aubergiste en druide de pacotille et passe son temps à nous mettre à table.

- Ah ça, c’est sûr, qu’est-ce qu’on mange ! tenta de plaisanter Mordent. Toutes les deux pages ou plus. Des pique-niques raffinés, des encas, des…

- Du brocolis gratiné au roquefort ! Le pauvre ! Et tout de même, placer son enquête en Bretagne et appeler la spécialité du chef « mini-crêpes », c’est suicidaire, s’exclama Froissy. Elle va se mettre à dos tous les brezhonegers !

Suicidaire. Lentement l’œuf de l’idée qu’Adamsberg avait couvé dans ses déambulations en bord de Seine commença à se réchauffer, se fendiller peut-être.

- J’ai discuté avec un ami hier. Phil. Il a un peu côtoyé Fred, ils sont de la même branche. Il a lu lui aussi et, avec ses arguments, il nous rejoint.

- Il nous rejoint sur quoi ?

- Sur la purée de pois

- Et il en pense quoi de cette purée ?

- Qu’elle colmate tout sans rien ouvrir. D’habitude, on patauge dans un incertain nébuleux qui permet d’ouvrir des échappées. On s’enfonce jusqu’à s’envoler. Là, on ne se perd même pas. On enchaîne les péripéties comme un joueur en ligne les niveaux. On accumule des rangs de courses poursuites, des briques de meurtres et on fait des pages et des pages de murs.

- Qui nous enserrent

- Qui ne nous enfoncent dans rien de vif

- Qui ne nous envoleront jamais

- Oui

- Vous croyez que c’est fait exprès, commissaire ?

- Je me demande, Estalère. J’ai le poussin d’une idée qui s’émeut quand j’y songe.

Mercadet faisait défiler les pages de son livre sur son écran.

- Page 187, commissaire, vous « tamponn[ez] doucement les yeux de la jeune femme »

- Sans la connaître ? alors qu’elle est aux prémices d’un deuil cruel ? Comment Fred a-t-elle pu croire que j’aurais osé ?

- Page 256, devant un nième cadavre, vous qualifiez le meurtre de « l’erreur. L’erreur qu’on attendait. »

- Quelle inhumanité ! souffla Veyrenc

- Page 274, Johan se découvre opportunément goûteur dans un passé enfoui ce qui lui permet de délivrer l’information dont vous aviez besoin. Page 317, c’est Josselin qui révèle le véritable motif de ses balades à champignons et, comme de juste, ça tombe à pic pour faire avancer l’enquête. Page 350…

On ne l’arrêtait plus. Les pages défilaient de plus en plus rapidement dans la lueur bleutée de son écran.

- Je crois que l’on a saisi l’esprit de ce que vous avancez, Mercadet, le coupa Danglard. Une telle accumulation de ficelles, une telle nonchalance dans l’improbable ne peut être le fait du seul hasard. Ou de l’amateurisme. C’est un appel.

- De quel mal étrange Fred est-elle atteinte ? Quel monstre furieux

Indomptable taureau, dragon impétueux

a donc pris possession de son être ? demanda Veyrenc

- Quelle obstinée Arachné la retient prisonnière de ses soies ?

- Est-ce le ressac écrasant des piapias médiatiques ? L’éreintement d’un talent qui aura trop puisé à la coupe de nos rêves ?

Noël reposa brutalement sa tasse de café sur la vieille table éraflée.

- C’est bien joli tous vos mots, mais ça ne nous dit pas comment la sauver. Et là, on est tous d’accord, le temps presse.

- Il faut la retrouver

- La ramener à la Brigade

- On lui fait de la place

- A côté de la machine à café

- On la nourrira à la becquée

- La Boule lui ronronnera sa trame

- On la cachera

- Jusqu’à ce que ça aille mieux

- Qu’elle retrouve le fil

- De ses nuées

- Et personne ne viendra la déloger

- Le secret sera bien gardé

- Entre les lecteurs et nous

- En route !

(…)

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Temps glaciaires

Ce que j'aime, chez Vargas, c'est sa façon de tourner en rond, lentement, nonchalamment, par cercles concentriques, comme on griffonne sur un carnet de croquis.



Petit à petit, les cercles se détachent, se distinguent, on continue à tournoyer, mais c'est comme un ciel plein de planètes qui virevoltent chacune sur leur erre: cette fois, il y a des galaxies partout, on est perdus...Puis, insensiblement, les cercles se recoupent, se resserrent, et on touche le centre, le point névralgique. On y est. Enfin. Et c'est la fin, ou presque. On ne l'a pas sentie venir.



Vargas c'est Adamsberg, qui dessine, pour démêler son écheveau d'algues emmêlées. C'est Adamsberg qui gratte le papier de son crayon HB, et qui gratte son idée- pas- finie -qui- le -démange. Et qui arrache les grattons des gratterons accrochés à ses bords de pantalons...



Vargas, c'est Retancourt, la mère qui protège des brumes, la géante qui enlève et soulève... Chez Vargas , les humbles, comme Céleste, les tendres, comme Estalère, comme Amédée, les bêtes comme Marc sont toujours à l'abri d'une épaule, d'une cabane, d'une divinité tutélaire...



Vargas, c'est Danglard, le lettré, l'ésotérique, le fou d'histoire. Dans chacun de ses livres, elle nous ouvre une porte sur un pan inconnu ou méconnu d'histoire, de mythologie, de géographie.Ici, deux: la Terreur et l'Incorruptible, L'Islande et ses afturgangas...



Vargas c'est un monde, ou plutôt un microcosme: celui d'un commissariat où même les brutes sont sympathiques, où les idiots sont gentils, où les intellectuels sont fragiles, les chefs pleins de doutes.



On est heureux de les retrouver,tous, ses personnages familiers, et de plonger à leur suite dans une intrigue jamais banale -même si trame est celle des dix petits nègres, si l'on veut simplifier-



La subtilité des méthodes intuitives d'Adamsberg, l'érudition solide et jamais gratuite de l'intrigue fait que nous nous remettons avec bonheur entre ses pages, comme on se mettrait entre les mains d'un fabuleux acupuncteur, d'un chiropracteur de génie, d'un chiromancien bienveillant parfois...



Je ne vous raconterai pas l'histoire...Laissez-vous voyager, de planète en planète, d'ébauche en esquisse, de la Montagne à la Plaine, du Creux à l'île tiède...et relevez patiemment les signes dont Vargas émaille son récit...Cherchez, grattez là où une petite idée a commencé à faire son chemin, creusez, creusez... patient travail.... comme les fourmis de Céleste, ne lâchez pas la piste...
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Quand sort la recluse

Quand sort la recluse, alors s'ouvre une brèche menaçante dans la fine équipe d'Adamsberg...Les nerfs se tendent, les citations volent, les coups aussi - et ce ne sont pas ceux de cette brute de Noël!



Quand sort la recluse, s'ouvre derechef un bestiaire fabuleux : des oiseaux, toutes sortes d'oiseaux : martins-pêcheurs qui pêchent dans les eaux troubles du souvenir, merles moqueurs qui n'attendent pas le temps des cerises mais grappillent des framboises dans la cour du commissariat, pigeons, qui roucoulent, qui pigeonnent, cloîtrés en leur pigeonnier, hors d'atteinte, chats, surtout un, énorme, vautré sur la photocopieuse, chèvres, pauvres petites chèvres de Monsieur Seguin, toujours dévorées par le loup, chiens, le chien fidèle de Saint Roch qui vient secourir son maître perdu dans ses brumes, murènes menaçantes, dentées et agressives, cachées sous leur rocher, mais surtout grouillement d' insectes: des blaps, sales bêtes au vilain nom qui se gavent de crottes de rat et la vomissent en d'immondes crachats, et surtout des araignées: veuves noires, tégénaires, et la terrible recluse, venimeuse et froussarde, dont la morsure nécrose , infecte. Et tue...



Quand sort la recluse, se réactivent les blessures d'autrefois, s'ulcèrent les plaies jamais fermées, suppurent les cicatrices, se réveillent les fantômes et les terreurs endormies. .



Quand sort la recluse,tremblent puis meurent les criminels impunis, les tortionnaires cyniques, les pères incestueux, les mauvais garçons violents, les violeurs impénitents.



Quand sort la recluse, les terres sont remuées, les boules de neige agitées, La Garbure-un restaurant béarnais- très fréquentée...



Quand sort la recluse, Retancourt rencontre Mathias, Louis aux cheveux rouges la belle Estelle, et Adamsberg un Danglard qu'il n'aurait jamais imaginé...



Quand sort la recluse, la mort des victimes est une jouissance et la capture de leur prédateur, une souffrance.



Quand sort la recluse, trottinent des vieilles dames qui se prennent pour Sherlock Holmes.



Quand sort la recluse, Sherlock - Adamsberg est pris en étau entre son flair et son vertige, entre son humanité et son devoir, entre ses anciennes fidélités et ses nouvelles découvertes.



Plus bulleux, vague, poétique, - plus maïeutique, sémantique, psychique et zoomorphique que jamais, Quand sort la recluse est un Vargas grand cru!



A déguster sans modération!
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Pars vite et reviens tard

Soyons honnête, je n'avais jamais lu du Fred Vargas par préjugés (j'ai même longtemps cru que c'était un homme... c'est pour dire...). En effet, ce titre me faisait rire mais ne me donnait aucune envie de lire le contenu. Je me disais "et pourquoi pas Va faire les courses et n'oublie pas les carottes " ? Bref, il m'arrive ainsi de passer à côté de certaines lectures par bêtise (parfois c'est le nom de l'auteur qui me rebute... oui, je sais, c'est grave, Doc !) Heureusement que certaines personnes ne réagissent pas comme moi et qu'elles ont eu raison de mon entêtement. Il faut dire que pour cet opus, le mot magique a été prononcé : "Moyen-Âge". Que voulez-vous, je n'y résiste pas ! Alors c'est quand même avec un certain scepticisme que j'ai ouvert ce roman, me demandant bien comment ma période préférée allait pouvoir intervenir dans un polar moderne... et j'ai tourné les pages à une cadence frénétique. Parce qu'il faut bien le dire, c'est bien fichu, bien ficelé et j'ai vraiment aimé. Oui, oh, je vous vois arriver avec vos grands sabots, vous allez dire que tant qu'il y a du Moyen-Âge, cela ne peut que me plaire. Eh bien non ! Car on a tellement surfé sur la vague des romans historiques que l'on peut lire tout et n'importe quoi. Quant aux polars, je deviens difficile pour en avoir lu une flopée.



Sous une écriture en apparence légère, notre romancière sait parfaitement travailler la psychologie des personnages et jouer sur les nerfs du lecteur. C'est bien écrit, très fluide et agréable à lire. Il ne me reste plus qu'à aller voir ses autres livres maintenant !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Sur la dalle

C’est Fred Vargas qui a écrit Sur la dalle, et c’est l’unique raison pour laquelle je n’ai pas abandonné ce roman avant même d’en avoir atteint la moitié. Je l’ai acheté et attaqué le jour de sa sortie : je l’attendais avec une grande impatience ! Bon, le précédent n’était déjà pas terrible, nettement au-dessous de ce que l’autrice avait fait jusque-là. Mais justement, il y a six ans de ça, et je ne pouvais m’empêcher d’espérer le meilleur de cette pause. D’autant que le début était prometteur : un meurtre prétendument commis par le fantôme d’un boiteux dans un village breton, meurtre dont Adamsberg prendra connaissance dans le journal. Cette histoire attire son attention parce qu’il connaît la région, et même le village : Louviec. Et ça se gâte dès le deuxième chapitre dans un laborieux et difficile retour en arrière…

***

La première intrigue, les meurtres qui ont lieu dans le village, va se doubler d’une autre, qui met en scène, bien mal, une équipe de truands qui ne peuvent pas faire illusion une seconde. C’est grandguignolesque… et ennuyeux. Je n’ai pas retrouvé ici la verve habituelle de Fred Fargas, ni son talent pour les intrigues alambiquées, mais bien ficelées. Les dialogues creux abondent, les développements inutiles aussi et les personnages « secondaires » que j’aime tant jouent les utilités ou ne sont pas reconnaissables tant ils sont transparents ou caricaturaux… Trois critiques seulement sur Babelio aujourd’hui 21 mai 2023, peut-être parce que c’est si difficile d’exprimer une telle déception quand elle vient de quelqu’un qu’on aime et qu’on admire, ou peut-être, tout bêtement, parce que c’est trop tôt. Je vous renvoie à la superbe critique en forme de pastiche que @4bis a publiée : on y trouve toute l’inventivité qui manque à ce roman, beaucoup d’humour et aussi une grande bienveillance, ce qui franchement n’était pas facile à éprouver en l’occurrence !

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Quand sort la recluse

Toujours avant d’ouvrir le dernier Vargas : cette crainte que la magie n'opère plus, cette volonté de ne pas se laisser emporter par cette aura entourant ses livres, capable de nous ôter tout esprit critique, sous prétexte que « c’est du Vargas » ! Faire table rase de toutes les étoiles d’avant. Remettre les compteurs à zéro et se lancer.



Ça y est. J’y suis. Je le tiens entre mes mains. Ce n’est pas que j’hésite à le commencer, mais plutôt que je savoure l’instant. Un Vargas, c’est comme un bon vin. Ça se regarde, ça se hume, ça se rêve, avant d’entamer la première phrase. Les premiers mots…



Il y a une part de féerie dans l’écriture de Vargas, une injonction à ne plus douter, à se laisser porter et accepter son univers : celui où les recluses sortent de leur tanière, où les vieilles dames surfent sur internet avec autant de dextérité qu’un jeune geek, où les chats se portent au pied des gamelles et où les framboises se picorent pour ne pas crever.



"- Raconte-moi cette femme qui t'a offert une araignée morte.

- Les hommes offrent bien des manteaux de fourrure. Quelle idée. Imagine-toi serrer dans te bras une femme qui porte soixante écureuils morts sur le dos.

- Tu vas porter ton araignée sur le dos ?

- Je l'ai déjà sur les épaules. Louis."



La magie opère. Perdue à travers les brumes, je suis les pensées évanescentes d’Adamsberg, les regarde se disperser doucement pour petit à petit laisser affleurer quelques vérités du passé. J’ai envie de botter le cul de Danglard, rajouter quelques ingrédients à la garbure, chercher la cellule et creuser la terre, amusée par ce nouveau visage de la Rétancourt… Je savoure doucement la lecture, me délectant des nouvelles inventions, bizarreries et trouvailles de l’auteure.



Mais ne vous y trompez pas : la noirceur des âmes n’a d’égale que la pesanteur des bulles qui naviguent entre deux eaux neuronales du cerveau de notre cher commissaire.



"C'est souvent, quand on a eu un enfer, qu'on en parle et on en parle, comme s'il fallait le tuer tous les jours. Vous me suivez ? Qu'on en parle même en rigolant, comme si ç'avait été un paradis. Le bon vieux temps, quoi. Et eux, leur enfer, (...) ils l'appelaient 'La Miséricorde'."



Alors oui ! Vargas fait du Vargas. Mais c’est tellement bon, qu’on laisse le livre à porter de main, pour mieux rêver du prochain…
Lien : http://page39.eklablog.com/q..
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Sur la dalle

Que dalle !

Je l’avais pourtant moi, la dalle, après 6 ans d’attente pour découvrir la nouvelle enquête d’Adamsberg, commissaire lunaire aux intuitions improbables de polars animaliers.

Ce flic contemplatif, allergique à la raison, qui cherche la vérité dans l’anodin, qui n’a pour seule méthode que de « pelleter les nuages », me manquait dans une société pressée qui ne jure que par des process innovants et agiles. J’aimais aussi la rébellion sous-jacente dans sa brigade qui opposait les positivistes ulcérés par l’absence de cadre et de méthode et les adeptes, focus sur les résultats qui acceptaient que dans l’esprit d’équipe, il y avait surtout un esprit… libre.

Les romans de Fred Vargas n’ont jamais brillé par leur réalisme. Les scénarios sont aussi bancals qu’une table de jardin et les dénouements tirés par la tignasse. Les récits précédents tenaient selon moi grâce à ces personnages décalés et aux intrigues originales qui mêlaient superstitions en sabots et curiosités de la nature.

Hélas, plus Fred Vargas s’engage pour la planète, moins elle semble s’intéresser à ses personnages et cette enquête chouchen se boit comme un verre d’eau tiède. Un manque d’humeurs, une pénurie de tensions, une grève d’âmes tourmentées qui ne camouflent plus les invraisemblances de l’histoire.

Pourtant, tous les ingrédients qui ont fait le succès des précédents romans figurent bien dans la recette.

Au Zoo Vargas, après les pigeons, les loups plus ou moins garou, les cerfs, les araignées, les chauves-souris sous perfusion, les bovidés sacrifiés, place aux puces trop savantes pour rester sur des chiens stupides et qui préfèrent piquer des cadavres. Ce n’est pas Beauval, Pandi-Panda, mais Fred Vargas affectionne les bestioles.

Au rayon folklorique, la Bretagne ça vous gagne, et nous avons droit à une légende locale de boiteux, à des rumeurs qui fleurent bon le lisier des petits patelins, à des clubs tupperware de sorcières et à une dalle qui fait office de tapis de yoga pour le commissaire méditatif.

Au stand des bizarreries, un descendant cloné de Chateaubriand qui semble s’être échappé de son outre-tombe pour l’occasion, un bossu qui ne l’est plus et un aubergiste aux menus pantagruéliques.

Hélas, comme si l’intrigue ressemblait trop à un téléfilm de France 3 du samedi soir, genre « Meurtre à Triffouilly-les-Oies » financé par un office du tourisme et un conseil régional en mal de bus de clubs de troisième âge, le récit bifurque à mi-parcours des chemins vicinaux bucoliques pour des sentiers rabattus... d’une battue à tueurs à gages kamikazes.

C’est cette sur-intrigue clownesque qui gâche pour moi la seconde partie du roman et qui frise la parodie avec ces bataillons de gendarmes ridicules qui arrivent et qui repartent sans cesse pour sécuriser un village de quelques âmes.

Présomption de remplissage, Fred Vargas ne semble pas croire davantage à l'histoire qu'elle raconte qu'à l'avenir de l'humanité à qui elle promet l'apocalypse climatique.

Est-il possible à un personnage attachant d'échapper à son créateur quand ils n'ont plus rien à se dire ?



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Pars vite et reviens tard

Qu’est-ce que je fiche ici moi ?

Je décide enfin d’écrire mon avis sur un polar lu pendant les vacances et me voilà catapulté dans une brasserie tonitruante, assis à une table en compagnie d’une bande d’énergumènes qui me scannent du regard.

« Content que vous ayez pu venir, me dit le gars assis en face de moi. Je suis le commissaire Adamsberg ».

J’ai un petit vertige évidemment. Un verre est placé devant moi. Je le vide cul-sec ; manque de m’étouffer. Le grand type assis à ma gauche me flanque des coups de battoir dans le dos. Je récupère.

Je zieute autour de moi. Je dois être au Viking, le bar qui sert de QG à Adamsberg dans le polar. Celui-ci ressemble tout à fait à l’image que je m’en étais fait (normal, c’est moi qui raconte). A sa droite le type gras et collet monté à sa droite doit être l’adjoint Danglard, le vieil érudit qui a amené une douzaine de vieux bouquins correspond à Décambrais et le gars aux battoirs est évidemment Le Guern.

« Je suis content de vous voir, leur dis-je. Mais vous avouerez que la situation est cocasse. »

Adamsberg m’arrête d’un geste de la main. « Il a été porté à notre attention que vous pourriez détenir des informations sur une affaire sérieuse dont je m’occupe.

-- Vous voulez parler des étranges citations que monsieur Le Guern ici présent déclame tous les jours au carrefour Edgard Quinet et des quatre inversés que l’on peint partout sur les portes de Paris ? »

Là j’avais fait mon effet. C’est eux qui manquèrent s’étouffer, mais je n’avais pas de battoir sous la main pour les soulager.

« Bien sûr que j’ai des renseignements, continuai-je, je sais tout. Je sais même comment ça va se terminer puisque j’ai lu le bouquin.

-- Le bouquin ? demanda Décambrais.

-- Eh bien oui, le bouquin dont vous êtes tous les héros. »

Là je viens de faire mon second effet : passer pour un cinglé. Mais ça n’avait pas l’air d’étonner Adamsberg qui paraissait regarder ses propres pensées en transparence à travers moi.

« Donc pour vous l’histoire qui nous occupe est écrite, et vous savez comment elle se termine. C’est cela ?

-- C’est cela.

-- Donc on ne nous a pas menti. Vous êtes une source d’information primordiale.

-- Mais je ne peux rien vous dire.

-- Pourquoi ?

-- Parce qu’on ne raconte pas la fin d’un livre.

-- C’est une affaire sérieuse, s’énerve Décambrais. Des vies sont peut-être en jeu.

-- Des vies de papier, réponds-je.

-- Et alors ? Ne méritent-elles pas de vivre aussi ? »

En fait je meurs d’envie de déballer l’histoire. La coque du navire prend l’eau et il va y avoir des fuites. Il faut que je lâche quelque chose.

« Si vous voulez je peux vous donner mon sentiment général sur cette histoire. Je suis un peu critique littéraire amateur (là je me vante un max). Je lis peu de polars. C’est un collègue qui m’a dit « si tu aimes les romans où les faits historiques ont une place importante, lis-ça ». Eh bien il avait raison; j’ai passé un bon moment. D’abord parce que c’est original pour moi, ce mélange de serial killer et d’érudition médiévale. La touche historique s’insère bien dans l’aventure et on n’a jamais l’impression que l’auteur cherche seulement à montrer à quel point elle est savante. Et vous autres personnages êtes sacrément hauts en couleur. Si, si ! Il y a presque une facette fantastique du quotidien en chacun de vous. Vous me faites penser aux personnages de Jean-Pierre Jeunet dans « Amélie Poulain » ou « Micmacs à tire-larigot », vous connaissez ?

C’est vous, Le Guern, qui êtes mon personnage préféré, dis-je en me tournant vers mon voisin qui me regardait comme si j’étais Moby Dick, vous et votre aïeul fantôme qui vous accompagne, vous et la marée bretonne qui ne vous quitte jamais. Dommage que votre rôle s’amenuise au fil de l’histoire. J’aurais aimé que vous soyez plus… fondamental, plus intrinsèque à l’énigme

-- Je ne sais pas si être « intrinsèque » est une bonne chose… répond-il. Mais c’est gentil… je crois.

-- Et vous commissaire, vous avez vraiment une façon particulière de penser. Danglard ici présent pense probablement que ça tient de la magie. Moi je suis persuadé que votre « intuition » n’est qu’une façon instinctive et particulièrement efficace de manier la logique. Votre algorithme est profondément implanté dans votre subconscient et se passe du formalisme du langage. Vous me faites penser à ces gens qui peuvent effectuer de tête une division de nombres à vingt-sept chiffres en deux demi-secondes. En revanche, je n’apprécie pas tellement votre absence de considération pour vos contemporains. Vous leur faites parfois du mal vous savez, comme à Camille votre amoureuse, et ça ne vous touche jamais. Triste !

-- Cela ne nous aide pas beaucoup, répond l’intéressé avec un froncement de sourcil sévère.

-- Vous vous attendiez à une révélation comme celle que Saint Paul a reçue sur son chemin ? Je vous l’ai dit. Je n’ai pas le droit de jouer à Dieu en vous révélant les aboutissants de votre affaire. Je vous avouerai quand même que la mayonnaise n’a pas entièrement pris. Je ne sais pas trop pourquoi. Probablement parce qu’on reste trop dans le concret contemporain. On ne voyage pas assez dans l’Histoire ou l’Imaginaire qui aident mon sang à circuler. Probablement que cela a aussi un rapport avec le moment et l’endroit où j’ai lu le livre. Bref, je ne sais pas si j’essaierai de vous croiser à nouveau, commissaire. »

Je me lève.

« Malaxez tout ça commissaire. Peut-être que cela vous aidera. Mais en toute sincérité vous n’avez pas besoin de moi pour résoudre cette histoire. »

Tout disparaît. Je me retrouve face à mon ordi.

Pourquoi ne pas taper ce que je viens de rêver ?

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Pars vite et reviens tard

Joss Le Guern, ex marin breton est crieur public sur une une petite place

parisienne; les gens déposent des messages accompagnés de quelques francs que le crieur clamera trois fois par jour tout en récitant la méteo marine ainsi qu'une bréve historique racontant le naufrage d'un bateau. Mais il est déboussolé quand il doit lire des messages abscons, vaguement inquiétants, écrits en vieux français et en latin. Son logeur, habitué fidèle et vieil érudit, se met à chercher l'origine de ces missives.

Le commissaire Adamsberg, en train de s'installer comme nouveau chef d'une brigade d'homicide, est intrigué par des symboles peints en noir dans plusieurs immeubles parisiens

Puis des cadavres sont retrouvés nus, étranglés, et couverts de suie de charbon à proximité ou dans ces immeubles tagués



L'homme pressé, cher à Paul Morand, achetant vite fait au kiosque Hachette de la gare ce bouquin,,faute d'avoir trouvé un Corben ou un Ludlum sera trés vite désapointé: lenteur, tergiversation, discussion de comptoir,description historique, invraisemblance( un crieur en l'an 2000 !) porteront gravement atteinte à sa sérénité et la sentence,inéluctable, tombera " y a pas à dire , mais y a que les amerloques qui font des bons polars"



En effet, içi, nous avons un roman français.Notre histoire, notre géographie, nos coutumes constituent le socle du roman. de Paris à Marseille, de la Bretagne à la Normandie, du xi eme siecle au début du 20eme, le commissaire adamsberg est balloté.

Car, paradoxalement, Fred Vargas semble abandonné notre cher esprit cartésien au profit d'un vagabondage intellectuel et poétique( c'est le reflet du soleil sur une bague qui mettra le commissaire sur la bonne piste)



Mais que les amateurs de polar soient rassurés: l'intrigue est forte, fourmille de fausses pistes, le suspens est total jusqu'à la dernière page



Adamsberg: ne pars pas et revient tot



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Quand sort la recluse

❤️Loxosceles rufescens 🕷



« Qui a vécu par la recluse périra par la recluse » .

Une fois de plus l’inventive Fred Vargas frappe fort avec son imagination créatrice et nous entraîne dans une enquête certes un peu surréaliste mais dans laquelle, et c’est là tout son talent, l’improbable devient vraisemblable, l’excessif passionnant.

Interpellé par les recherches internet clandestines d’un de ses officiers portant sur des décès de vieillards dans le Sud-Est par morsure de recluse, les « brumes » cérébrales du commissaire Adamsberg reprennent instantanément du service. Il faut dire que cette arachnide n’est pas agressive et sa morsure non-mortelle, son venin n’étant pas neurotoxique mais nécrotique.

Il flaire que « quelque chose cloche », ne croit pas à une coïncidence.

Au sein de sa brigade l’enquête débute dans la confidentialité entre conciliabules et tensions car les membres de son équipe sont sceptiques, oscillant entre réticence et obéissance.

Ils remontent néanmoins la piste d’un orphelinat dans lequel sévissait « la Bande des recluses » composée de pensionnaires peu scrupuleux et machiavéliques, des « Blaps » impliqués dans ce que l’on appelait alors « le cauchemar des recluses ». Cette dernière est de retour pour les décimer.

On brûle de savoir par qui, pourquoi et comment l’arachnide est devenue instrument d’attaques sadiques avant de devenir celui de furies vengeresses.

Dans cette enquête sinueuse et riche on sera également confronté à une femme Recluse contemporaine emblématique de l’araignée mais aussi à un monde de brutalité.

Cette énigme palpitante est pimentée par les sensations de malaise du flegmatique mais perspicace Adamsberg (la recluse fait resurgir un trauma de l’enfance), par ses notes décousues, ses « Proto-pensées » ou « bulles gazeuses » qui embrouillent son raisonnement mais finiront par « danser ensemble » et l’aider à élucider le mystère.

La force de ses dialogues percutants, ses personnages décalés et attachants, les intrigues secondaires, les procédures d’enquête judiciaire peu orthodoxes, les références culturelles singulières participent également à créer une atmosphère ensorcelante.

Génial et addictif❤️
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Quand sort la recluse

Quand sort la recluse...Adamsberg revient !

Mais que l'attente fut longue et dès le retour annoncé du commissaire et de sa fine équipe ,j'ai délaissé mes autres héros de papier sans état d'âme.

Et là, jubilation totale ou immersion dans les brumes, dans les "bulles" .

Une belle évasion.



Comme dans tout polar, le but est bien sûr de résoudre l'énigme mais ce qui différencie les ouvrages de ce genre littéraire c'est sans nul doute le charisme des personnages bien sûr mais aussi l'environnement plus ou moins riche qu'il soit culturel, scientifique, historique, ethnique ...

Et , Fred Vargas nous offre plus qu'un environnement : elle entraîne le lecteur dans son univers et, au fil des lectures, je me suis sentie happée !

Pour chaque livre, on perçoit le travail de recherche intense, un travail de fourmi ou chaque détail est traité avec une précision d'orfèvre.

On peut aussi y voir le partage d'une érudition certaine de la manière la plus ludique qui soit.

A ce propos, j'ai un peu regretté le sort réservé cette fois au "pauvre " Danglard !

Mais, je rassure ceux qui ne connaissent pas encore l'oeuvre ,tous les personnages sont bien présentés et pour le plus grand plaisir des habitués, on revoit en détail les personnalités et leurs particularités sans oublier le chat !



Le retour au quotidien sans altération du jugement est un peu laborieux ... d'ailleurs, même la quatrième de couverture est bizarre ,brumeuse , énigmatique... c'est sans doute Adamsberg qui l'a rédigée ...



Pour lire ce dernier Vargas, j'ai pris mon temps, je m'en suis délectée d'autant que j'ai désormais tout lu de cette auteure . Et, à nouveau débute l'attente du prochain !

Cette attente gourmande n'est pas sans m 'en rappeler une autre, bien plus ancienne , dans l'enfance, quand j'attendais avec impatience le nouveau "Club des Cinq" !



Toute l'oeuvre de Fred Vargas m'a plu mais, il me semble percevoir encore une belle évolution dans les derniers ouvrages ,encore plus étoffés, plus travaillés , mais ce n'est qu'un ressenti personnel ...



Et, ce dernier livre alors ?

" Un grand cru " disent d'autres lecteurs ...

Moi ,je dirais même plus ...

c'est :... "un grand cru " !









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Temps glaciaires

Mais quel plaisir de lire à nouveau Fred Vargas ! Encore un roman de « la reine du rompol » qu’on ne lâche pas.

Et pourtant une fois de plus si l’on énonce les éléments apparemment saugrenus et disparates de l’histoire il est plus sûr de faire fuir les lecteurs que de les intéresser, jugez plutôt : une société secrète de Robespierristes costumés et grimés qui rejouent des moments de la Révolution française à Paris, une île sauvage d’Islande hantée par un démon et envahie de brumes maléfiques, une auberge aux tenanciers énigmatiques au fin fond de la vallée de Chevreuse où déambule un sanglier prénommé Marc, des meurtres anciens et des plus récents maquillés en suicides … d’emblée les ingrédients de cette nouvelle enquête semblent totalement loufoques et peu crédibles. C’est sans compter sur le talent hors pair de l’autrice, son imagination et son érudition. Avec son art incontestable de la narration, son humour, sa capacité à planter une ambiance mystérieuse, à livrer de savoureux dialogues, encore une fois elle parvient à construire une enquête originale et captivante en bonne spécialiste des intrigues ramifiées sans liens apparents qui finissent par faire corps et sens.

Quelle joie de retrouver le commissaire Adamsberg ses rêverie, son infaillible intuition, ses dessins supports de réflexion, ses phrases et raisonnements énigmatiques, ses pensées confuses, qui a un don pour sympathiser avec les gens de contrées particulières et de se fondre habilement dans le milieu.

Des meurtres ont eu lieu en France et sur chaque scène de crime on retrouve un mystérieux signe représentant une guillotine. Le lien est vite établi avec l’association de Robespierristes spécialisée dans l’étude des textes de Robespierre qu’ils théâtralisent. Y siègent entre autres des descendants de guillotinés mais aussi de guillotineurs. Les enquêteurs s’y infiltreront et participeront à ce

simulacres par stratégie. Ces meurtres s’avéreront liés à un étrange séjour d’un groupe en Islande où des assassinats furent perpétrés des années auparavant. Nombreux sont les suspects mais le vrai coupable est indécelable. L’enquête patauge et prend la forme d’une « énorme pelote d’algues desséchées » menant notre cher commissaire sur une île islandaise où un esprit démoniaque « l’afturganga » œuvre dans une brume mortifère envahissant à grande vitesse le territoire dans un climat quasi irréel. Il suffira d’un bruit de canne frappant le sol pour que tout à coup « l’infernale entrelacs d’algues »« remonte d’un bloc en eau claire » éclairant Adamsberg sur la vérité et qu’enfin les brumes islandaises se dissipent en même temps que son brouillard cérébral.

Savant mélange d’Histoire, d’intrigues imbriquées entre présent et passé mais aussi de poésie, le rompol de Fred Vargas nous offre un univers que personnellement j’adore.

Un roman atypique brillamment construit comme toujours.

A lire au coin du feu si possible.
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Temps glaciaires

Un acte manqué qui réussi……et c’est encore le surréalisme quotidien qui frappe à la porte du poste de Police où officie le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg.



Mais les lecteurs de Vargas le savent parfaitement bien: une enquête du commissaire, que l’on surnomme le pelleteur de nuage, n’est jamais banale, jugé plutôt : pas un mais deux ou trois secrets de famille, des paternité et maternité défaillantes, un trekking en Islande qui tourne mal, un haras et des étalons hors de prix aux portes de Paris, Robespierre, à la tribune de l’assemblée, éructant et dynamisant des révolutionnaires en habits, un sanglier domestique, un traducteur islandais au langage peu soutenuet un psychiatre qui juge complexe la gestion du commissariat.



Bon dieu, quel plaisir énorme de retrouver Adamsberg et sa joyeuse bande de flics iconoclastes!!.



Rafraichissons-nous la mémoire, il y a Danglard papa poule hypermnésique porté sur la dive bouteille, Rétancourt géante rassurante qui vaut cinq agents de sécurité, Veyrenc versificateur compulsif à la chevelure flamboyante, Vaisenet ichtyologue et ornithologue, Mercadet l’hypersomniaque, Mordent le spécialiste en contes de fées et Noël le flic con, il en faut un, dans un commissariat pas plus, tous ont leur importance et une partition à jouer.



« Les temps glaciaires » se savoure,entre polar historique,drame psychologique et conte fantastique, Fred Vargas maintient formidablement cet équilibre sans oublier de bonnes tranches de rigolade : ce qu’il advient des lascars qui prennent Rétencourt pour une femme désirable est assez croquignolet. La romancière se paie même le luxe d’envoyer Adamsberg sur les terres d’Erlendur Sveinsson.

« De l’audace, toujours de l’audace » aurait dit Danton et Fred Vargas c’est sûr n’en manque pas. Vargas rencontre Indridason le lecteur est comblé!!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Pars vite et reviens tard

Fred Vargas n'a pas son pareil pour écrire des romans intelligents et pleins d'humour. Cette histoire très intrigante qui déroute, une fois n'est pas coutume, l'intuitif commissaire Adamsberg et son adjoint Danglard, toujours aussi décalés et attachants, le prouve encore, si besoin était.



Ici, l'auteure, archéologue spécialiste du Moyen-âge, non contente de nous passionner, nous fait bénéficier de son expertise puisque l'histoire se déroule de nos jours à Paris où, bizarrement, des gens semblent mourir de la peste, maladie sur laquelle l'auteure nous apprend beaucoup de choses. Je n'en dirais pas plus pour ne pas dévoiler l'intrigue riche et ingénieuse.



Mon troisième Fred Vargas en quelques jours, je crois que suis accro, et ce n'est pas cet excellent Pars vite et reviens tard qui me peut me donner envie de renoncer à mon addiction.
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Sur la dalle

J'ai lu le dernier Vargas en essayant d'oublier les billets très sévères survolés sur Babelio...

Le ton, plus bavard que d'habitude, les personnages, moins surprenants, Adamsberg, moins laconique, les autres moins fantaisistes..., tout m'a rappelé que nous sommes nombreux à avoir jadis adoré les trouvailles de Vargas et à être déçus par son dernier livre.



Pourtant, l'idée de situer la trame à Combourg permettait de laisser vagabonder l'imagination entre légendes bretonnes et fantômes d'outre-tombe, mais je l'ai trouvée bien longue cette enquête...

Des habitants se font tuer, avec un mode opératoire semblable, le couteau manié par un gaucher, un œuf dans la main...

Et malgré l'armada de policiers venus à la rescousse, les crimes continuent...

Les suspects ne manquent pas : le sosie de Chateaubriand, le bossu (là on est chez Hugo;-) ), la simili-sorcière, le patron d'entreprise véreux...

Pourtant l'équipe d'Adamsberg, celle de Mathieu, le local, et les renforts de Rennes, veillent, enfin quand ils ne mangent pas dans l'auberge de Johan (je pense qu'un quart du livre se passe à l'auberge à boire du chouchen et à manger...) ( à noter que j'habite en Bretagne depuis un an et je n'ai jamais vu quelqu'un boire de chouchen, ou alors des touristes égarés...)



La résolution de l'enquête renoue avec la fantaisie et la noirceur des précédents livres de Vargas, mais ça ne suffit pas et l'on ressort déçu, et surtout triste de ce rendez-vous manqué avec l'auteur...

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L'Humanité en Péril, tome 1 : Virons de bord, t..

L'humanité en péril - Virons de bord, toute ! -, est un véritable cri d'alarme et un appel déchirant à nous tous pour sauver notre planète. C'est le dernier livre de Fred Vargas internationalement connue pour ses nombreux romans policiers. Ce que nous savons moins, c'est que cette auteure renommée est également docteur en archéozoologie et a exercé longtemps comme chercheur au CNRS.

Il y a dix ans, elle avait rédigé un très court texte sur l'écologie, texte dont des extraits avaient été imprimés sur des tee-shirts en Chine ou au Brésil et avaient même donné lieu à des pièces de théâtre, texte qui également se baladait sur Facebook. Mais, c'est lorsqu'elle apprend que ce texte, vieux de dix ans, va être lu par Charlotte Gainsbourg, à l'inauguration de la COP 24, en décembre 2018, qu'elle décide "de fourbir un texte de la même eau, mais un peu plus long".

Après avoir vu et entendu Fred Vargas dans l'émission La grande librairie de François Busnel, je n'ai eu qu'un souhait lire son essai L'humanité en péril.

Dans cet essai pointu, l'auteure s'attaque aux crimes commis contre la planète, aux émissions des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, à l'épuisement des ressources naturelles, à la pénurie d'eau, à la déforestation et passe en revue les causes de l'état déplorable de notre planète et ce qui attend l'humanité dans les vingt-cinq prochaines années si nous ne prenons pas les choses en main. Dès les premières pages, elle fait une séparation entre "Eux" : les gouvernants et les industriels milliardaires à la tête des lobbies qui les tiennent sous leur coupe et "Nous" : les Gens, une addition de milliards d'individus différents et pensants. Elle les accuse Eux de Nous avoir dissimulé ce que nous aurions dû savoir.

Le constat très documenté est noir et des plus alarmants. Mais, loin de baisser les bras, elle nous invite, au contraire à lutter et à mener un combat, de façon urgente pour adopter de nouvelles pratiques, sans pour autant passer sous silence les possibles effets secondaires qui peuvent en découler.

Elle propose de nombreuses actions positives et principalement la fin de l'agroalimentaire intensif car mortifère (cause de pénurie d'eau, de déforestation, émission de gaz à effet de serre...).

Elle n'hésite pas à donner des conseils simples qui ne sont peut-être pas évidents pour tous comme de manger des fruits et légumes dits "de saison", d'utiliser la clim uniquement lors de très fortes températures en la réglant sur 25°C plutôt qu'à 19°C, d'utiliser lave-linge ou lave-vaisselle à des températures basses (40° plutôt que 90° = 70% d'économie d'énergie), de réduire sa consommation de viande, de boire l'eau du robinet, de réduire nos achats de vêtements, de diminuer le numérique à la maison (télévision, téléphones, ordinateurs, tablettes), celui-ci (depuis sa fabrication jusqu'à son utilisation intense) émettant autant de gaz à effet de serre que l'aviation !, ne plus utiliser de sacs, emballages ou ustensiles en plastique, ne plus jeter ses mégots et encore bien d'autres recommandations sur un plan plus large... C'est là une fois encore, notre belle puissance : être un consommateur qui dit "non".

Elle cite par ailleurs à la fois Nicolas Hulot : "Nous assistons à la plus grande tragédie de l'humanité" et Martin Luther King à propos de la cause des Noirs : "On est condamnés à agir ensemble ou à tous mourir comme des idiots."

Même si cet essai est riche en chiffres et en termes scientifiques donc parfois un peu ardu, Fred Vargas sait parfaitement nous garder en s'adressant directement au lecteur, n'hésitant pas à faire intervenir assez souvent son bipeur, sorte de censeur qui la coupe, soit lorsqu'elle s'énerve, soit lorsqu'elle se met à parler de ses propres affaires personnelles. Cette touche humoristique ajoutée aux solutions proposées nous aide bien à supporter ce bilan franchement noir et démoralisant mais très convaincant.

Mais comme elle le souligne : " Ce qui est certain, c'est que nous sommes face, à court terme, à une modification profonde et nécessaire de nos modes de vie et de nos sociétés ".

Réaliste, Fred Vargas se doute bien que ce n'est pas avec ce petit bouquin qu'elle peut convaincre des centaines et des centaines de millions de personnes à changer leur mode de vie mais elle compte beaucoup sur la circulation des informations sur les réseaux du Net pour y parvenir. C'est une véritable mise en demeure que livre Fred Vargas et je finirai en disant : vite, agissons !


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Temps glaciaires

Dès les premières lignes, on est rassuré, ils sont là : Adamsberg, Danglard, Retancourt et les autres, l’auteur n’a pas changé une équipe qui gagne. Pas d’angoisse, pas de doute, le plaisir sera au rendez-vous, et c’est parti pour une nouvelle aventure.



Aux grincheux qui toisent avec mépris la littérature de genre, et fustigent la construction en intrigues parallèles dont on sait qu’elles vont converger, si ce n’est pas nouveau, c’est plaisant (quand on aime les litchees, on n’arrête pas d’en manger parce qu’on en connait déjà le gout , au contraire!). Et dans le cas présent, on est fort curieux de savoir comment vont s’articuler un voyage en Islande qui a mal tourné et une société secrète qui voue un culte à Robespierre!



La noirceur des affaires m’empêche pas l’humour (l’intervention des secours sur le dénommé Marc est un régal).

Le récit est ponctué d’anecdotes historiques bien intégrées (pas d’effet de copié-collé comme on en lit quelquefois au risque de passer en diagonale sur l’énoncé : non, ici cela apporte un plus à l’intrigue) et cependant très instructives pour qui n’a pas eu de compo d’histoire depuis…..longtemps



Enfin on retrouve ce flirt subtil avec le fantastique, en équilibre sur une lisière ambiguë, bien caractéristique des polars vargassiens.



Un seul regret : il est fini et on devra attendre quelque temps avant de retrouver avec plaisir nos compagnons de lecture


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Quand sort la recluse

Si vous aimiez Fred Vargas avant ( ce qui est mon cas ) vous aimerez partir à la poursuite de la recluse en question. Si vous n'aimiez pas avant, vous n'aimerez pas non plus celui-là !

On est là dans du Fred Vargas ultra vargassien. Tout y est ! Un joyeux salmigondis où on croise des araignées, des blaps, Magellan, de la garbure, des viols collectifs et des collections de boules à neige … Ben oui.

Pas de surprise en vue, donc, on peut même assez facilement et précocement deviner qui est le coupable, mais aucune importance . Un Fred Vargas, ça se déguste lentement, comme un bonbon qu'on suçotte en espérant qu'il va durer très longtemps, histoire de profiter pleinement de la qualité de la langue, comme toujours jubilatoire avec des dialogues décalés souvent truculents voyageant en absurdie. Chaque chapitre est un éloge à la digression, à la lenteur, aux méandres de la pensée, à la force de l'intuition, bien loin de beaucoup de polars actuels qui trépident à tout va dans une course folle aux rebondissements.

Et pourtant, notre cher Adamsberg a maille à partir avec cette épidémie fort inhabituelle de morts attribués à l'araignée recluse. Hypersensitif en mode sismographe à fleur de peau, il sent des microbulles gazeuses se promener dans son cerveau, se croiser, se cogner, le titiller, autant de proto-pensées parfois vacillantes qui vont le conduire à résoudre le mystère . Avec prime, toute sa joyeuse clique enquêtrice, sans surprise, si ce n'est un Danglard très en retrait et un poil rebelle.
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Pars vite et reviens tard

Comme dirait un sacré contributeur de Babelio, « de temps en temps, rien ne vaut un bon vieux polar ! » Bon, celui d'aujourd'hui n'est pas spécialement vieux, voire même pas du tout (2001 !), mais le Pars vite et reviens tard, de Fred Vargas, fait parfaitement l'affaire.



Quand on débute dans la lecture de romans policiers écrits par Fred Vargas, on s'attend sûrement à une histoire qui vaut particulièrement le détour ou bien à un style qui a su marquer de si nombreux lecteurs. Force est de constater que ce n'est pas le cas. Pour autant, point de grande déception à avoir puisque nous sortirons de cette lecture avec un sentiment non grandiloquent, mais au moins satisfait.

Fred Vargas nous propose deux histoires construites en parallèles et qui ne sont destinées à se réunir qu'au bout d'une centaine de pages : Joss le Guern, ses rêveries schizophréniques et son métier de crieur public d'un côté, le commissaire Adamsberg, ses TOC et son instinct hors pair de l'autre. Dans leurs deux trajectoires, destinées à se rejoindre sur une affaire louche, nous trouvons heureusement à chaque fois un personnage providentiel décelant la menace dans des actes bien peu clairs. Il est étonnant, mais pas inutile, de constater que nous avons là un thriller finalement très lent, puisque l'enquête policière ne s'accélère vraiment qu'à partir de 150 pages (sur 350). Sans en dévoiler de trop, la clé de l'enquête est, en vérité, contenue tout entière dans le titre, même si nous ne le comprenons que bien tard dans la lecture.

Pour autant, le style est vraiment agréable, et même en s'arrêtant régulièrement (comme j'ai dû le faire, personnellement, pour cause de lecture au travail, en transports en commun et entre deux activités), il est très simple de se retrouver dans l'intrigue en quelques mots de l'auteur. En plus de cela, elle multiplie les descriptions de scènes anecdotiques – procédé à double tranchant puisqu'il permet de nous lancer doucement dans le contexte de l'enquête, mais ringardise malgré tout certaines facettes des personnages – et les métaphores environnementales (mers déchaînées, rochers abrupts, etc.) dès les premiers chapitres.



Pars vite et reviens tard est donc un roman policier qui ne cherche pas la grandiloquence ou le sensationnel, mais réussit sans mal à nous emmener à la poursuite de cette tuerie en série pas comme les autres sur fond d'héritage mortifère.



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L'Humanité en Péril, tome 1 : Virons de bord, t..

.

Le cri de Fred !

Un état des lieux de notre planète et de nos habitudes de vie pour le moins édifiant .

Outre l'information qu'elle offre à la masse , Fred Vargas arrive en petit colibri face aux consciences politiques — un énième plaidoyer pour rappeler que le pire nous menace si rien ne change .



Alors , on peut dire : "je sais , je sais , je sais ..."

Le réchauffement , la déforestation , le surpâturage , la surpêche , les pollutions , le pillage de l'énergie fossile , de l'eau , la mort lente de la biodiversité , la fonte des glaces , la montée des océans , le dérèglement climatique ... et ce n'est qu'un bref aperçu de " la longue énumération des menaces gravissimes de toutes sortes qui pèsent sur notre monde vivant . "



Fred Vargas a été chercheur au CNRS . Elle nous offre ici un condensé de son travail d'investigation très poussé sans oublier les quelques 400 références de sa documentation .

Mais , dans un souci d'accessibilité pour le profane , elle va vulgariser ses données . Malgré tout , on n'échappe pas à des chiffres , des statistiques , des bilans ...tous plus catastrophiques les uns que les autres !



Fred Vargas informe , elle accuse , elle dénonce !



C'est virulent , c'est fort , c'est passionné .

Il y a dans ce livre toute l'énergie du désespoir . Pourtant , à la fin , j'ai été rassurée quand elle dit avoir les idées des espérantistes .

" Les espérantistes , misant sur la prise de conscience grandissante des populations , fustigent évidemment l'inertie des gouvernements successifs depuis quarante ans , leurs liens politico-financiers avec les grands lobbies , et notre maintien coupable dans l'ignorance et l'illusion ."

Si on le sait , il est toujours bon de le rappeler .

Mais dans l'ensemble , je reconnais être allée de découvertes en surprises .



Des données essentielles . On peut penser ce qu'on veut de la forme , ce livre est écrit avec la tête et le coeur .

Merci Madame Vargas .













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