Citations de Gianrico Carofiglio (161)
Si dans une plaidoirie ou un réquisitoire tu parles en italien correct, on ne te reconnait pas comme quelqu'un de la profession. Tu es quelqu'un à qui on ne peut accorder crédit. Le jargon des juristes est la langue étrangère qu'ils apprennent_que nous apprenons_ depuis l'université pour être admis dans la corporation. p 36
Comme le disait ce monsieur français, une image me remonta à la mémoire.
Marcuse, le berger allemand de mon grand-père Guido, levait la tête et offrait sa gorge de la même façon, plus de trente ans auparavant.
Les souvenirs ne se dissipent jamais. Ils demeurent tous cachés sous la fine croûte de la conscience, y compris ceux que nous croyions à jamais perdus. Parfois un geste, une image, suffisent à les ramener à la surface (…)
Jusqu’alors, je n’étais parvenu à me rappeler mon enfance que par fragments isolés, telles d’indéchiffrables épaves flottant à la surface.
Et voilà que tout prenait sa place en une mystérieuse synchronie d’images, sons, odeurs, noms et objets concrets.
Le mange-disques, l’esquimau Motta, les stylos à quatre couleurs, Fifi Brin d’Acier, les tee-shirts Fruit of the Loom, Crocodile Rock, les journaux illustrés, Rintintin, Ivanhoé, La Flèche noir (…)
La lumière qui filtrait à travers la porte entrouverte de ma chambre, les bruits de la maison qui s’atténuait de plus en plus, et, pour terminer, les pas légers de ma mère alors que je m’endormais.
« Je décidai inopinément de me présenter moi aussi au concours le jour où sa date fut annoncée (…) Je m’exécutai sur-le-champ tout en caressant le rêve secret d’un coup de chance, d’un raccourci, d’une solution magique. Le rêve des fanfarons ».
Il faut imaginer la connaissance comme une île au milieu de la mer de l'ignorance. Plus on acquiert de nouvelles connaissances et compétences, plus la superficie de l'île augmente, plus le périmètre de contact avec la mer d'ignorance augmente aussi : plus on en sait, plus on perçoit l'ampleur de son ignorance.
À la réflexion, le problème était peut-être plus grave encore, et c’était plus que l’impossibilité d’avoir des enfants. D’ailleurs, elle venait de le dire : il ne faut jamais rien tenir pour acquis. Ce qu’elle voulait dire par là, c’était : il ne faut pas tenir les émotions et les sentiments pour acquis, il faut les partager, les décrire et les rendre tangibles. Il ne faut pas tenir l’amour pour acquis.
Il se contenta d’ajouter que souvent , dans la vie , on ne faisait pas ce qu’on voulait.Et que de toute façon ce qu’on voudrait faire n’était pas forcément ce qu’on faisait le mieux.
Être conscient du temps , dans les cas d’urgence, c’est important. Cela aide à lutter contre l’inévitable distorsion de la mémoire, la perte de consistance des souvenirs, la contamination apportée par l’imaginaire.
Il ne faut pas tenir les émotions et les sentiments pour acquis , il faut les partager, les décrire et les rendre tangibles. Il ne faut pas tenir l’amour pour acquis.
Parfois, je me demande ce que ça veut vraiment dire, être libre, ai-je dit de but en blanc.
- Je crois que la liberté n’existe pas sans un certain degré de risque, d’insécurité. La liberté, c’est un équilibre précaire, c’est n’être jamais tout à fait à sa place.
- J’aime bien cette idée : ne jamais être tout à fait à sa place.
- C’est ce que nous disions, ta mère et moi, il y a des années de cela
Pour finir elle explique qu’il faut épuiser la joie quand elle nous surprend car c’est la seule façon de ne pas la gâcher. Elle répète cette expression, à l’évidence très importante, et qui reste en effet gravée en moi : il faut épuiser la joie, c’est la seule façon de ne pas la gâcher, après, elle disparait
Les gens manipulent et se font manipuler, trompent et se font tromper continuellement, sans s’en rendre compte. Ils font du mal et en reçoivent, sans s’en rendre compte. Ils refusent de s’en rendre compte parce qu’ils ne pourraient pas le supporter. La prestidigitation est une chose honnête parce qu’il est clair dès le départ que la réalité n’est pas dans ce qui se voit.
Je ne peux m'empêcher de trouver sympathiques les gens qui déclarent vouloir être libraires. Adolescent, j'ai envisagé ce métier.
Pour dire la vérité, j'en avais une vision romantique et totalement irréaliste : à mes yeux, il consistait à passer des journées à lire gratuitement les ouvrages de son choix.
[...] Claudia. Un nom qui ne figure pas sur ses papiers d'identité, ce qui n'a guère d'importance, sinon aucune. Son vrai nom, c'est Claudia. Le nom qui écrit sur ses papiers, c'est celui que lui ont donné ses parents naturels. Quelque soit la signification du mot naturel pour un père qui inflige un tel supplice à sa fille. Pour une mère qui laisse faire, qui fait semblant de ne rien voir, de ne rien entendre.
[…] Quand je vais chez quelqu’un pour la première fois, je vérifie s’il y a des livres, s’ils sont rares, s’ils sont nombreux, s’ils sont trop bien rangés - ce qui n’augure rien de bon -, s’il y en a partout - ce qui est du meilleur augure -, et cetera et cetera.
Ottavio se contenta de hocher la tête. J'apprécie les individus qui ne font pas de commentaires stupides. Et la meilleure façon de ne pas en faire,c'est de se taire.
La vie d’Agatha était toutefois sur le point de basculer. Un matin, Jill la convoqua. Elle était affligée d’une longue face chevaline et de très grandes dents. Quant à ses cheveux soigneusement teints en blond, ils étaient coiffés à la dernière mode, qui voulait qu’on ait l’air de sortir du lit, en vertu de quoi ils lui retombaient sur la figure.
Agatha attendit poliment les instructions de sa patronne, tout en grondant intérieurement : « Quoi encore, espèce d’affreuse ? »
« Nous avons un problème, annonça Jill. Tu as entendu parler de sir Bryce Teller, le banquier d’affaires ?
– Il faut s’entraîner à observer. Je veux dire, pas seulement avec les yeux. Il faut bien faire fonctionner ses sens. Tous. Regarder, écouter, toucher, renifler aussi. Prendre note. Et si tu es un bleu, il faut savoir quand parler et quand te taire.
– Pourquoi ?
– Parce que, quoi que tu dises, il est de toute façon très probable que tu ne seras pas pris au sérieux. Soit tu dis simplement une connerie ce qui, puisque tu es un bleu, est facile, et alors les autres ont raison de ne pas te prendre au sérieux. Soit tu as vraiment une bonne intuition, mais alors, – à moins que tu aies un chef intelligent, ce qui arrive, mais pas souvent -, en général, ça énerve. Donc, on ne te prendra pas au sérieux non plus, mais tu te retrouveras avec un chef qui, quelques jours plus tard, présentera ton idée comme si c’était la sienne. Et le plus beau – ou le plus moche -, c’est que la plupart du temps, il n’est même pas de mauvaise foi.
– Einstein disait que le secret de la créativité, c’est de savoir cacher ses sources.
Fenoglio médita quelques instants sur cette citation.
– D’après vous, quelles sont les qualités les plus importantes pour faire un bon enquêteur ?
– Avant tout, celle-ci.
– Laquelle ?
– Ne pas avoir peur de poser des questions. Même apparemment naïves. Aux yeux des autres, mais aussi à ses propres yeux. Il ne faut rien tenir pour acquis.
– Et encore ?
– Il faut s’entraîner à observer. Je veux dire, pas seulement avec les yeux. Il faut bien faire fonctionner ses sens. Tous. Regarder, écouter, toucher, renifler aussi. Prendre note. Et si tu es un bleu, il faut savoir quand parler et quand te taire.
– Pourquoi ?
– Parce que, quoi que tu dises, il est de toute façon très probable que tu ne seras pas pris au sérieux.
Pellecchia partit et Fenoglio demeura quelques minutes sur le palier, absorbé dans ses pensées. C’est excellent quand une enquête démarre aussi vite et aussi fort. Cependant, dans certains cas, on court le risque de se concentrer sur un seul aspect et de négliger tous les autres détails, qui pourraient être importants, sinon décisifs. Or là, il sentait que quelque chose n’était pas à sa place, mais il n’arrivait pas à identifier quoi. Il y avait une incohérence, un élément dissonant. Fenoglio avait toujours pensé que le talent fondamental du flic, c’était précisément cela. Fenoglio avait toujours pensé que le talent fondamental du flic, c’était précisément cela : aller à la recherche des discontinuités, des fausses notes. Percevoir ce qui échappe aux autres : les petits objets manquants, les positions anormales, les gestes forcés, les légers essoufflements, les rougeurs, les regards qui fuient ou s’attardent trop. Qui est là et ne devrait pas y être ; qui va lentement alors qu’il devrait aller vite, ou qui va vite alors qu’il devrait aller lentement ; qui regarde autour de soi , ou qui a l’air de ne rien regarder ; la loquacité excessive ou le mutisme. Les régularités altérées ou exagérées. Les présences ou les absences, comme dans sa nouvelle préférée de Sherlock Holmes, Étoile d’argent. De temps en temps, il se répétait la phrase clef de ce récit : pourquoi le chien n’a-t-il pas aboyé ?
À bien des égards, le bon flic est comme le bon médecin. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une capacité à percevoir différente. Il y a la vue, bien sûr. Mais aussi l’ouïe, le toucher, l’odorat.
– Pourquoi pensez-vous qu’il s’agit d’un homicide ?
⁃ Maréchal, l’individu a la gorge tranchée, il y a du sang partout.
En effet, la gorge tranchée était un indice acceptable pour un homicide, pensa Fenoglio.