AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Giorgio Agamben (100)


Ce qu'il nous est donné d'atteindre à travers nos mérites et nos efforts ne peut nous rendre véritablement heureux. Seule la magie en est capable. [...] La magie signifie précisément que personne ne saurait être digne du bonheur, que le bonheur, comme le savaient bien les Anciens, est toujours un hybris si on le rapporte à l'homme, qu'il est toujours démesure et excès. Mais si quelqu'un parvient à plier la fortune par la ruse, et si le bonheur dépend non de ce qu'il est mais d'une noix enchantée ou d'un "sésame-ouvre-toi", alors et alors seulement, il peut se dire vraiment heureux. [...] Qui connaît par enchantement la jouissance échappe à l'hybris implicite dans la conscience du bonheur, parce qu'en un certain sens, ce bonheur qu'il sait posséder ne lui appartient pas. [...] Sa joie est tout entière dans l'enchantement et on ne peut jouir consciemment et pleinement que de ce qu'on a obtenu par les chemins de traverse de la magie. Seul celui qui est enchanté peut dire moi et le seul bonheur que nous méritons vraiment est celui que nous ne saurions rêver de mériter jamais.
[...] la définition énigmatique que Kafka donne au bonheur devient transparente : la magie c'est ce qu'on appelle la vie par son nom propre et qu'elle vient, "parce que telle est l'essence de la magie qui ne crée pas mais appelle.
Commenter  J’apprécie          00
Le terme de religion ne dérive pas, selon une étymologie aussi fade qu'inexacte de religare (ce qui lie l'humain et le divin), mais de relegere, qui indique l'attitude du scrupule et d'attention qui doit présider à nos rapports avec les dieux, l'hésitation inquiète (l'acte de "relire") face aux formes - et aux formules - qu'il faut observer pour respecter la séparation entre sacré et profane. Religio ce n'est pas ce qui unit les hommes et les dieux, mais ce qui veille à les maintenir séparés. Ce ne sont donc pas l'incrédulité et l'indifférence à l'égard des dieux qui s'opposent à la religion, mais bien plutôt la "négligence", c'est-à-dire une conduite à la fois libre et "distraite" - s'est-à-dire délié de la religion des normes - adoptée faces aux choses et à leur usage, aux formes de la séparation et à leur signification. Profaner signifie : libérer la possibilité d'une forme particulière de négligence qui ignore la séparation ou, plutôt, qui en fait un usage particulier.
Commenter  J’apprécie          00
On peur suivre un pareil élargissement progressif de la spirale herméneutique à travers le thème des images astrologiques. Le cercle plus étroit, proprement iconographique, coïncide avec l'identification du sujet des fresques du Palais Schifanoia à Ferrare, dans lesquelles Warburg reconnut, comme nous l'avons rappelé, les figures des décans de l'"Introducturium maius" d'Abu Ma'shat. Sur le plan de l'histoire de la culture, cette découverte devient ainsi celle de la renaissance de l'astrologie dans la culture humaniste à partir du XIVème siècle, et, donc, de l'ambiguïté de la culture de la Renaissance, que Warburg fut le premier à percevoir à une époque où la Renaissance était encore considérées comme l'âge des Lumières par rapport à la sombre période du Moyen Age. Dans l'extrême volute de la spirale, l'apparition des images des décans et la nouvelle vie de l'Antiquité démoniaque au tout début de l'âge moderne deviennent le symptôme du conflit dans lequel s'enracine notre civilisation, et de son impossibilité à maîtriser sa propre tension bipolaire. Warburg dit, dans la présentation d'une exposition d'images astrologiques au Congrès de l'Orientalisme en 1926, que ces images montraient "au delà de toute contestation que la culture européenne est le résultat de tendances conflictuelles, un procès dans lequel, en ce qui concerne ces tentatives astrologiques d'orientation, nous ne devons chercher ni des amis ni des ennemis, mais à la rigueur des symptômes d'un mouvement d'oscillation pendulaire entre deux pôles distants, celui de la pratique magico-religieuse et celui de la contemplation mathématique ."*
Le cercle herméneutique de Warburg peut-être ainsi représenté comme une spirale qui se déroule sur trois niveaux principaux : le premier est celui de l'iconographie et de l'histoire de l'art ; le deuxième est celui de l'histoire et de la culture ; , le troisième, le plus vaste, est précisément celui de la "science sans nom", qui vise à un diagnostic de l'homme occidental à travers ses fantasmes, à la configuration de laquelle Warburg a consacré toute sa vie. Le cercle dans lequel se dévoilait le bon dieu caché dans les détails n'était pas un cercle vicieux, ni nom plus au sens nietzschéen, un "circulus vitiosus deus".
* "Orientaliserende Astrologie, Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft", N.F. 6, Leipzig, 1927. Puisqu'il faut toujours et à nouveau préserver la raison des rationalistes, il est bon de préciser que les catégories qu'utilise Warburg pour son diagnostic sont infiniment plus subtiles que l'opposition courante entre rationalisme et irrationalisme. Le conflit est, en effet, interprété par lui en terme de polarité et non de dichotomie. La redécouverte de la notion de polarité, qui vient de Goethe, utilisée en vue d'une compréhension globale de notre culture, est parmi les héritages les plus féconds laissés par Warburg à la science de la culture. Il est d'une extrême importance du fait que l'opposition du rationalisme et de l'irrationalisme a souvent faussé l'interprétation de la tradition culturelle de l'Occident.
Commenter  J’apprécie          00
L'oeuvre entière de Warburg "historien de l'art", y compris la célèbre bibliothèque qu'il avait commencé de rassembler en 1886, n'a de sens que si on la comprend comme un effort, accompli à travers et au delà de l'histoire de l'art, vers une science plus vaste; s'il ne put jamais lui trouver un nom définitif, il travailla avec ténacité, jusqu'à sa mort, à sa configuration. Dans ses notes pour la conférence de Kreuzlingen sur le rituel du serpent, il définit sa bibliothèque comme "une collection de documents concernant la psychologie de l'expression humaine". dans ses même notes, il répète son aversion pour une approche formelle de l'image, approche "incapable de comprendre la nécessité biologique de l'image, au croisement de la religion et de la pratique artistique""
Commenter  J’apprécie          00
Le jeu libère e détourne l'humanité de la sphère du sacré, mais sans pour autant l'abolir.
Commenter  J’apprécie          00
Si nous ne pouvons porter nos désirs au langage, c'est parce que nous les avons imaginés.
Commenter  J’apprécie          00
On peut définir la religion comme ce qui soustrait les choses, les lieux, les animaux ou les personnes à l'usage commun pour les transférer au sein d'une sphère séparée.
Commenter  J’apprécie          00
Et il n'est rien de plus stupéfiant que de constater comment des millions d'hommes ordinaires parviennent à s'infliger l'expérience sans doute la plus désespérée qui soit donnée à chacun d'affronter : la perte irrévocable de tout usage, l'impossibilité absolue de profaner.
Commenter  J’apprécie          00
Les dispositifs médiatiques ont pour objectif précis de neutraliser le potentiel profanateur du langage.
Commenter  J’apprécie          00
Le capitalisme n'est plus rien qu'un gigantesque dispositif pour capturer les moyens purs, c'est-à-dire les comportements profanateurs.
Commenter  J’apprécie          00
Nous pouvons maintenant suggérer l’hypothèse suivante, qui est sans doute le résultat essentiel de ma recherche, au moins dans la phase où elle se trouve actuellement. Il y a, dans la culture occidentale, deux ontologies, distinctes et cependant non dépourvues de relations : la première, l’ontologie de l’assertion apophantique, s’exprime essentiellement à l’indicatif ; la seconde, l’ontologie du commandement, s’exprime essentiellement à l’impératif. (…) A cette partition linguistique correspond la partition du réel en deux sphères corrélées, mais distinctes : la première ontologie définit et régit le champ de la philosophie et de la science, la seconde celui du droit, de la religion et de la magie.
Droit, religion et magie – qu’à l’origine il n’est pas facile, comme vous le savez, de distinguer – constituent en effet une sphère où le langage est toujours à l’impératif. Je crois même qu’une bonne définition de la religion serait celle qui la caractériserait comme la tentative de construire un univers entier sur le fondement d’un commandement. (…)
Dans l’histoire de la culture occidentale, les deux ontologies ne cessent de se séparer et de se croiser, se combattent sans trêve, se rencontrent et se rejoignent avec la même obstination. La construction au cours des siècles de l’imposant édifice de la dogmatique peut être vue, dans cette perspective, comme la tentative de traduire l’ontologie du commandement dans les termes d’une ontologie de l’assertion, quitte ensuite à faire objet d’un commandement la proposition dogmatique qui en résulte.
Cela signifie que l’ontologie occidentale est en réalité une machine double ou bipolaire, dans laquelle le pôle du commandement, qui, durant des siècles, à l’âge classique, était resté à l’ombre de l’ontologie apophantique, commence à partir de l’ère chrétienne à acquérir une importance toujours plus décisive.
Commenter  J’apprécie          00
Et en faisant cette expérience d'une possibilité commune, d'une passion qui nous détermine tous deux, nous saisissons la puissance de l'amour.
Commenter  J’apprécie          00
En saisissant le pouvoir être de l'autre nous saisissons aussi le nôtre.
Commenter  J’apprécie          00
Ce en quoi les amants communiquent n'est pas quelque chose - un savoir, secret - qu'ils partagent : c'est seulement une zone de non-connaissance où chacun s'en est remis à l'autre et le régime de l'énonciation amoureuse est défini par le seul fait de se tenir en relation avec un non-savoir.
Commenter  J’apprécie          00
Etre dans l'amour équivaut purement et simplement à faire l'expérience de l'existence la plus "propre" et à découvrir, ensemble, que cet être "contraint" dans l'existence signifie aussi vouloir l'existence de l'autre.
Commenter  J’apprécie          00
Amo signifie volo ut sis, a pu dire Saint Augustin : je t'aime - je veux que tu sois ce que tu es.
Commenter  J’apprécie          00
Le thème de l'amour se détermine, surtout dans l'écriture, comme quelque chose dont la présence est entourée d'un voile, qui n'est autre que son exposition même.
Commenter  J’apprécie          00
L'écriture du journal sanctionne un instant précis mais, par cet acte même, inaugure une suspension du temps vécu, qui arrête le temps des événements.
Commenter  J’apprécie          00
L'amour est ce dont nous ne sommes pas maîtres, ce à quoi nous n'accédons jamais mais qui toujours nous advient.
Commenter  J’apprécie          00
Cette étreinte dans la passion ne fait pas que nous transporter au-delà de nous-mêmes, elle rassemble notre être sur son propre fondement, elle n'ouvre celui-ci que dans ce rassemblement, de telle sorte que la passion est ce par quoi et dans quoi nous prenons pied en nous-mêmes et nous nous rendons maîtres lucidement de l'étant autour de nous et en nous.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Giorgio Agamben (293)Voir plus

Quiz Voir plus

L'Odyssée d'Homère

Ou est partit Ulysse ?

En grèce
A Paris
A Troie
En Italie

5 questions
223 lecteurs ont répondu
Thème : L'Odyssée de HomèreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}