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Citations de Giorgio Agamben (100)


Notre époque se caractérise par la nécessité politique implacable de produire un peuple un et indivis.
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Les règles monastiques sont donc considérées ici comme des tentatives de construire une forme-de-vie, « c’est-à-dire une vie si étroitement liée à sa forme qu’elle s’en montre inséparable ».
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Propriétaire » est le nom qu’on donne en général à un certain type de forme de vie. Il décrit un rapport au monde qui procède par absorption et identification et non pas par appartenance : le propriétaire est ce qu’il possède et ce qu’il possède le constitue. Le propriétaire n’a pas un jardin avec une haie, il est le jardin et la haie, et les oiseaux qui y nichent, et les fleurs qui y poussent.
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Les sociétés contemporaines se présentent ainsi comme des corps inertes traversés par de gigantesques processus de désubjectivation auxquels ne répond aucune subjectivation réelle. De là, l'éclipse de la politique qui supposait des sujets et des identités réels (le mouvement ouvrier, la bourgeoisie, etc.) et le triomphe de l'économie, c'est-à-dire d'une pure activité de gouvernement qui ne poursuit rien d'autre que sa propre reproduction. Aussi la droite et la gauche qui se succèdent aujourd'hui pour gérer le pouvoir ont-elles bien peu de rapports avec le contexte politique d'où proviennent les termes qui les désignent. Ils nomment simplement les deux pôles (un pôle qui vise sans le moindre scrupule la désubjectivation et un pôle qui voudrait la recouvrir du masque hypocrite du bon citoyen de la démocratie) de la même machine de gouvernement.
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Contrairement à ce que la modernité est habituée à se représenter comme espace de la politique en termes de droits du citoyen, de libre volonté et de contrat social, seule la vie nue est authentiquement politique du point de vue de la souveraineté. C'est pourquoi, chez Hobbes, le fondement du pouvoir souverain consiste moins dans la cession par les sujets de leur droit naturel, que dans le fait que le souverain conserve son droit naturel d'agir sans limites vis-à-vis de n'importe qui et de n'importe quoi; prérogative qui se présente désormais comme droit de punir.
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La conception moderne de la démocratie est le pouvoir par le vote, la capacité de prendre des décisions conformément à la loi de la majorité, à la loi du "plus grand nombre". Mais une autre conception, qui sera familière aux lecteurs du Maître ignorant de Jacques Rancière, évoque une notion de pouvoir qui n'est ni quantitative ni axée sur le contrôle.
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Tandis que pour les Anciens, c’était le travail – le negotium – qui se trouvait défini négativement par rapport à la vie contemplative – l’otium –, les modernes semblent incapables de concevoir la contemplation, le désœuvrement et la fête autrement que comme un repos et une négation du travail.
Or, dès lors que nous entreprenons au contraire de définir le désœuvrement en relation à la puissance et à l’acte de création, il va de soi que nous ne pouvons pas le penser comme oisiveté ou inertie, mais comme une praxis ou une puissance d’un type spécial, qui se maintient dans un rapport constitutif avec son propre désœuvrement.
(…) Il s’agit, je crois, d’un désœuvrement interne, pour ainsi dire, à l’opération elle-même, d’une praxis sui generis qui, dans l’œuvre, expose et contemple avant toutes choses la puissance, une puissance qui ne précède pas l’œuvre, mais l’accompagne et fait vivre et ouvre des possibles. La vie, qui contemple sa propre puissance d’agir et de ne pas agir, se désœuvre dans toutes ses opérations, vit seulement sa vivabilité.
On comprend mieux alors peut-être la fonction essentielle que la tradition de la philosophie occidentale a assignée à la vie contemplative et au désœuvrement : la praxis proprement humaine est celle qui, désœuvrant les œuvres et fonctions spécifiques du vivant, les fait, pour ainsi dire, tourner à vide, et, de cette manière, les ouvre au possible. Contemplation et désœuvrement sont, en ce sens, les opérateurs métaphysiques de l’anthropogenèse, qui, libérant l’homme vivant de tout destin biologique ou social et de toute tâche prédéterminée, le rendent disponible pour cette absence d’œuvre particulière que nous avons l’habitude d’appeler «politique» et «art». Politique et art ne sont pas des tâches, ni simplement des «œuvres» : elles nomment plutôt les dimensions dans lesquelles les opérations linguistiques et corporelles, matérielles et immatérielles, biologiques et sociales, se trouvent désactivées et contemplées en tant que telles.
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Les Latins nommaient Genius le dieu auquel chaque homme se trouve confié au moment de sa naissance. L'étymologie est transparente et reste encore visible dans la proximité de génie et d'engendrer. Que Genius ait eu quelque chose à voir avec engendrer apparaît d'ailleurs évident si l'on pense que pour les Latins l'objet « génial » par excellence était le lit : génialis lectus, parce que c'est là que s'accomplit l'acte de la génération. De là que le jour de la naissance était consacré à Genius ; c'est pourquoi nous le nommons encore généthliaque. Malgré l'odieuse ritournelle anglo-saxonne, désormais inévitable, les cadeaux et les banquets avec lesquels nous célébrons les anniversaires constituent un souvenir de la fête et des sacrifices que les familles romaines offraient au Genius le jour de la naissance de l'un de leur membres. Horace évoque le vin pur, le cochon de lait (…) l'agneau « immolé »(...) mais il semble qu'à l'origine il n'y avait que de l'encens et de délicieuses fougasses au mil parce que Genius, le dieu qui préside à la naissance, n'aimait pas les sacrifices sanglants.
« Il se nomme mon Génie parce qu'il m'a engendré (...) » Mais cela ne suffit pas. Genius n'était pas simplement la personnification de l'énergie sexuelle. Certes, chaque homme avait son Genius et chaque femme sa Junon qui manifestaient tout deux la fécondité qui engendre la vie et la perpétue. Mais comme il en résulte avec évidence du terme ingénium, qui indique la somme des qualités physiques et morales qui sont innées chez celui qui vient au jour, Genius était en quelque sorte la divinisation de la personne, le principe qui gouverne et qui exprime la totalité de son existence. C'est pourquoi ce n'est pas le pubis, mais le front qui était consacré à Genius ; et le geste de porter la main au front que nous accomplissons presque sans nous en apercevoir dans les moments de désarroi, quand il nous semble que nous nous sommes comme oubliés nous-mêmes, rappelle le geste rituel de Genius (latin). Et puisque ce dieu est en un certain sens celui qui nous est le plus intimement attaché, il est nécessaire de l'apaiser et d'attirer ses bonnes grâces pour chaque aspect et à chaque moment de notre vie.
Une expression latine exprime à merveille le rapport secret que chacun d'entre nous doit savoir entretenir avec son Genius : indulgere Genio. Il faut consentir à son Genius, s'abandonner à lui, nous devons lui céder tout ce qu'il nous demande, parce que ses exigences sont les nôtres, son bonheur notre bonheur. Quand bien même ses prétentions – nos prétentions – pourraient sembler déraisonnables et capricieuses, il est bon de les accepter sans discuter. Si, pour écrire, vous avez besoin – s'il a besoin – de ce papier jaunâtre, de ce stylo spécial, s'il faut précisément cette lumière pâle qui tombe de votre gauche, il est inutile de se dire que tout stylo quel qu'il soit fera l'affaire et que tout papier comme toute lumière sont bons. S'il ne vaut pas la peine de vivre sans cette chemise en lin céleste (et par pitié, surtout pas la blanche avec son petit col d'employé), si on sent bien qu'on ne peut pas s'en sortir sans ces cigarettes longues au papier noir, il ne sert à rien de se répéter qu'il n'y a là que des manies et qu'il serait temps, finalement, d'y mettre bon ordre. Genium suum defraudare, frauder son propre génie, signifie en latin : s'empoisonner la vie, se faire du tort. Genialis, géniale, en revanche, cette vie qui éloigne le regard de la mort et répond sans ambages à l'élan du génie qui l'a engendré.
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S'émouvoir, c'est sentir l'impersonnel qui est en nous.
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Je crois même qu’on pourrait donner une bonne description des sociétés prétendument démocratiques dans lesquelles nous vivons par ce simple constat que, au sein de ces sociétés, l’ontologie du commandement a pris la place de l’ontologie de l’assertion non sous la forme claire d’un impératif, mais sous celle, plus insidieuse, du conseil, de l’invite, de l’avertissement donnés au nom de la sécurité, de sorte que l’obéissance à un ordre prend la forme d’une coopération et, souvent, celle d’un commandement donné à soi-même.
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Le fait est que, selon toute probabilité, els dispositifs ne sont pas un accident dens lequel les hommes se retrouveraient par hasard. Ils plongent leurs racines dans le processus même "d'hominisation" qui a rendu humains les animaux que nous regroupons sous la catégorie de l'homo sapiens.
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"Il y a deux chemins qui mènent à la vie : l'un est le chemin habituel, droit et honnête. L'autre est laid, passe par la mort, et c'est le chemin du génie". (La Montagne Magique - Thomas Mann)
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La mélancolie qui nous saisit quand nous relisons le journal est la conscience de notre altération irréparable, que l'anéantissement du temps dans l'écriture nous restitue dans toute son évidence.
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Ni grec, ni hébreu, ni lasˇon hakodesˇ, ni idiome profane : c’est en cela que la langue de Paul est aussi intéressante (même s’il est encore prématuré de poser le problème d’un statut messianique de la langue).
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En l'année 529 de notre ère, l'empereur Justinien, poussé par le fanatisme des conseillers du parti anti-hellénique, prononça un édit qui fermait l'école philosophique d'Athènes. C'est ainsi qu'il revint à Damascius, scholarque en titre, d'être le dernier diadoque de la philosophie païenne. Il avait bien cherché à conjurer l'événement, grâce à des fonctionnaires de la cour qui lui avaient promis leur bienveillance, mais tout ce qu'il avait obtenu, en échange de la confiscation des biens et des revenus de l'école, c'était un salaire de surintendant dans une bibliothèque de province. Aussi, pour prévenir de probables persécutions, le diadoque et six de ses collaborateurs les plus proches chargèrent une charrette avec les livres et le mobilier, et s'en allèrent chercher refuge à la cour du roi de Perse, Khosrô Anôcharvan. Les barbares auraient ainsi sauvé cette très pure tradition hellénique que les Grecs - ou plutôt les «Romains», comme ils s'appelaient alors - n'étaient plus dignes de garder. Le diadoque n'était plus jeune, et le temps était loin où il avait cru pouvoir s'occuper d'histoires merveilleuses et de l'apparition des esprits; à Ctésiphon, après les premiers mois de vie de cour, il laissa à ses élèves Priscianus et Simplicius le soin de satisfaire, grâce à des commentaires et des éditions critiques, la curiosité philosophique du souverain. Reclus dans sa maison au nord de la ville, en compagnie d'un scribe grec et d'une domestique syrienne, il décida de consacrer les dernières années de sa vie à une oeuvre qu'il projetait d'intituler : «Apories et solutions à propos des principes premiers.»
II savait parfaitement que la question qu'il entendait affronter n'était pas une question philosophique parmi d'autres. Platon en personne, dans une lettre que même les chrétiens (en vérité, sans la comprendre) considéraient comme importante, n'avait-il pas écrit que la question du Commencement est précisément la cause de tous les maux ?
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La certitude d‘être condamné d’avance ; tendance complaisante à s’abîmer dans sa ruine.
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Le fait dont tout discours éthique doit partir, c’est qu’il n’existe aucune essence, aucune vocation historique ou spirituelle, aucun destin biologique que l’homme devrait conquérir ou réaliser. C’est la seule raison pour laquelle quelque chose comme une éthique peut exister : car il est clair que si l’homme était ou devait être telle ou telle substance, tel ou tel destin, il n’y aurait aucune expérience éthique possible - il n’y aurait que des devoirs à accomplir.
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La singularité quelconque, qui veut s’approprier de l’appartenance même, de son propre être dans le langage et rejette, dès lors, toute identité et toute condition d’appartenance, est, dès lors, le principal ennemi de l’État. Partout où ces singularités manifesteront pacifiquement leur être commun, il y aura une Tienanmen et, tôt ou tard, les chars d’assaut apparaîtront.
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Giorgio Agamben
Comme face au terrorisme on affirmait qu’il fallait supprimer la liberté pour la défendre, de même on nous dit qu’il faut suspendre la vie pour la protéger.
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Le mot anthropologie aurait pu apparaître plus souvent tout au long de cette étude. Sans doute le point de vue d'où Warburg considérait les phénomènes humains coïncide singulièrement avec celui des sciences anthropologiques. La façon la moins infidèle de caractériser sa "science sans nom" serait peut-être de l'insérer dans le projet d'une future "anthropologie de la culture occidentale", dans laquelle la philologie, l'ethnologie, l'histoire et la biologie convergeront vers une "iconologie de l'intervalle" : le "Zwischenraum" où travaille sans cesse le tourment symbolique de la mémoire sociale. L'urgence d'une telle science, pour une époque qui doit se décider, un jour ou l'autre, à prendre acte de ce que Valery constatait déjà il y a trente ans, en écrivant "l'âge du monde fini commence"*, cette urgence n'a donc pas besoin d'être soulignée. Seule cette science pourrait en effet permettre à l'homme occidental, sorti des limites de son ethnocentrisme, de se munir de la connaissance libératrice d'un "diagnostic de l'humain", pouvant le guérir de sa schizophrénie tragique.
A cette science qui, après presque un siècle d'études anthropologiques, n'en est malheureusement qu'à son début, Warburg, "à sa manière érudite, un peu compliquée", a apporté des contributions non négligeables, qui nous permettent d'inscrire son nom à côté de Mauss, Sapir, Sptzer, Kerenyi, Usener, Dumezil, Benveniste et quelques autres, peu nombreux toutefois. Il est probable qu'une telle science devra rester sans nom jusqu'au jour où son action aura pénétré si profondément dans notre culture qu'elle aura fait sauter les fausses divisions et les fausses hiérarchies qui maintiennent séparées non seulement les disciplines humaines entre elles, mais aussi les oeuvres d'art et les "studia humaniora ", la création littéraire et la science.
* L'affirmation de Paul Valery (dans "regards sur le monde actuel,"Paris, Gallimard, 1945) va bien au delà du simple sens géographique.
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