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Critiques de Guillaume de Fonclare (91)
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Garbo

Garbo est un roman assez déconcertant , le récit intime d'une destinée hors norme, le testament personnel et politique d'un des plus grands espions de la seconde guerre mondiale, narré sans tambour, ni trompette, mais plutôt sous la forme de confidences très personnelles d'un vieil homme à son petit-fils.

J'ai été assez désarçonnée par le mode de narration mais charmée tout de même puisqu'il correspond finalement à l'idée que l'on a pu se faire de Joan Pujol Garcia, l'espion préféré d'Hitler, qui travaillait en fait pour le MI 5 et ne fut jamais démasqué par les services allemands. Il parvint aussi à tromper sa femme qui voulait le dénoncer en mettant en scène son arrestation, se fit passer pour mort en Angola pour échapper aux représailles des anciens nazis et termina sa vie comme libraire au Venezuela. Il avait tant d'imagination qu'il aurait pu être romancier.

On lui donna comme nom de code Garbo -« A ses yeux, aucun acteur, fût-ce Gary Cooper, Spencer Tracy ou Leslie Howard, n'arrivait à la cheville de « la Divine », Greta Garbo; s'il fallait me donner le nom de code du plus grand acteur de ce temps, ce serait donc celui d'une actrice qu'on me conférait. En dépit de mes réserves -prendre le nom d'une femme ne m'enchantait guère-, c'est ainsi que je devins « Garbo », le plus grand acteur de tous les temps, le plus extraordinaire espion que la terre ait porté jouant mon auguste rôle dans le film terrible de la Seconde Guerre mondiale." Pour les Allemands, il était Alaric Arabel, l'homme qui leur fit croire que le débarquement en Normandie n'était qu'un leurre et que la véritable opération alliée aurait lieu dans le Pas de Calais.

Pujol, c'est l'imagination au pouvoir, c'est un créatif qui bâtit un réseau d'agents imaginaires avec biographies et faits et gestes, qui abreuva l'Abwher d'informations fantaisistes, et réussit à se faire défrayer pour des missions qu'il n'effectua jamais. Il fut surtout l'atout majeur des services britanniques pour l'Opération Fortitude (voir L'Arme à l'oeil de Ken Follett, ou Fortitude de Larry Collins).

Le romancier Guillaume de Fonclare dresse le portrait d'un homme ordinaire hanté par la guerre civile espagnole, allergique à toute forme de totalitarisme qui par la force de son imagination, sa hardiesse et son ingéniosité changea sans doute le cours de la guerre. J'ai préféré,Garbo, el espía, de Stephen Talty, plus épique, (on peut visionner aussi Garbo, El espía, documentaire d'Edmon Roch), mais l'épopée guerrière n'est de toute façon pas le mode de narration choisi par l'auteur. Garbo est plutôt une longue introspection, une tentative d'expliquer les choix d'une vie hors du commun. Grâce à ce roman qui se lit d'une traite, Guillaume de Fonclare va faire connaître en France Joan Pujol, le Catalan au regard malicieux, qui accomplit l'exploit de recevoir à quelques mois d'intervalle, la Croix de fer de seconde classe pour ses services à l'effort de guerre allemand ainsi que la médaille de l'Ordre de l'Empire britannique du roi George VI.
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Dans ma peau

Ce que j’aurais profondément ressenti lors de cette lecture c’est cette distance, ce fossé d’incompréhension qui sépare les « bien-portants », ceux qui ne vivent pas dans la même souffrance qu’un autre homme qu’il soit atteint d’une maladie rare, sans nom ou qu’il soit l’un de ses soldats mutilé physiquement et psychiquement revenu de la boucherie de 14-18.

Je salue Guillaume de Fonclare et le remercie pour avoir tenter et, à mon avis, parfaitement réussi à établir « Un pont entre deux rives qu’un siècle sépare », un pont entre ceux qui souffrent dans leur chair et les autres.

Cet homme est doublement témoin en tant que directeur de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne et en ayant à lutter avec un corps qui ne lui obéit plus. Il mène lui-aussi un combat, une guerre : « Je suis morcelé, j’occupe un corps qui m’appartient de moins en moins chaque jour, et dont les différentes parties déclarent une à une leur indépendance. Je découvre ainsi des interactions entre des membres ou des organes dont je n’avais jamais soupçonné l’existence et qui s’affirment au fil de révoltes successives. »



Il rend la parole à ces hommes « du premier XXe siècle, des hommes qui ne pleuraient pas, qui ne se plaignaient pas, qui ne déballaient pas leur mal-être »

« Ce que j’étale aujourd’hui, nous dit-il, ils l’ont gardé scellé au fond de leur cœur. La brûlure n’en est pas moins mordante. »



Des scènes inoubliables jalonnent ce témoignage :



« L’image de ces deux squelettes embrochés l’un dans l’autre ne me quittera plus. L’un était un officier français – il avait un revolver et une montre, signes distinctifs et caractéristiques de l’officier – et l’autre était allemand, comme il se doit. »

(…) Quant à moi, si l'on me demandait un avis, on ne toucherait à rien, on laisserait ces restes là où ils sont, dans leur linceul de terre tissé par le temps, à l’abri, dans leur monde. »



Guillaume de Fonclare dans ce premier livre appréhende le jour où il ne pourra plus travailler au sein du mémorial. La lecture de son dernier livre « Joë » montre qu’il croit désormais pouvoir trouver une réponse dans l’écriture lui qui s’est découvert définitivement écrivain au contact de Joë Bousquet.

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Ce nom qu'à Dieu ils donnent

C’est tout à fait par hasard que j’ai découvert ce livre. Je n’ai pas hésité un seul instant à me l’offrir.



Ce thème m’est cher et les premières lignes ont fait écho à mon parcours personnel et familial.

Moi aussi j’ai quitté l’église protestante dans laquelle j’étais investie et mariée depuis de nombreuses années. Voilà 18 ans que nous avons tout plaqué, ne nous retrouvant plus en harmonie avec ce qui était prêché et vécu. Notre vie n’en a pas été moins riche, elle a surtout été moins culpabilisante et plus sereine.



« sans paroisse, j’ai erré dans le doute ; mon questionnement continuel sur le devenir des hommes s’est substitué au sentiment paisible de croire en la vie éternelle, à cette idée tranquille de l’existence d’un juge céleste qui referait au ciel ce que nous défaisons si ardemment sur terre. »



La religion faite par l’homme invoque le péché originel, l’auteur lui se questionne sur le hasard et le destin. Il souffre d’une maladie chronique qui le fait terriblement souffrir. ». Il interroge les différentes religions tout en restant lucide. Il cherche à adoucir son âme et le lecteur chemine avec l’auteur dans sa quête de Dieu.



Il va se retirer en Causse tel un pèlerin, « pour débusquer Dieu » . J’ai eu un peu de mal au début, comme si le chemin était escarpé et semé d’embûches. Puis au fur et à mesure de ma lecture, je me suis sentie en empathie avec l’auteur, ses mots ont raisonné en moi. La quête de Dieu est faite de pointillés, de temps, de silence et cette histoire nous le fait bien vivre.



Il réussit à se fondre dans la méditation, se mettant en retrait, il ôte tout parasite. « méditer ; avec constance, tenter de se retirer du flot des pensées et d’observer plutôt que participer, s’astreindre à ne pas prendre part à ses débats intérieurs, et conserver cette position neutre de celui qui respire ». Cette retraite spirituelle sera salutaire pour lui.



J’ai aimé cette lecture pleine de poésie, de lucidité qui a vocation à être méditée également. J’ai l’impression qu’il a touché Dieu du bout de ses doigts, il se sent en paix, confiant. Cela lui est suffisant.



« c’est ce nom qu’à Dieu ils donnent, chacun à leur manière, avec leurs forces et leurs faiblesses. A la façon des dévots d’autrefois, je vais chérir cette image comme une image sainte, et bénir ce nom comme un nom sacré ; je resterai reconnaissant du cadeau qui m’est fait, et confiant dans l’avenir. Rien n’est fini et tout commence, et le jour nouveau qui se lève est une promesse qu’il faut tenir ; un pas devant l’autre, j’avance, et je me tiens dans la lumière ».

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Le bel obus

Histoires croisées :

• celle d'Emile, père de famille né en Allemagne à la fin du XIXe siècle par le caprice des mouvements de frontière, mais résolument français et soucieux de défendre 'son' pays lorsque la guerre éclate en 1914 ;

• celle d'un obus, fabriqué pour tuer des soldats, fort justement considérés comme 'chair à canon', tant leurs vies sont interchangeables, juste utiles à gagner quelques mètres sur le territoire ennemi.

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Je ne suis pas friande des ouvrages sur la première Guerre mondiale. J'ai lâchement l'impression d'avoir eu ma dose avec quelques films et documentaires et des dizaines de romans abordant le sujet sous des angles variés (combats, tranchées & boucherie, animaux réquisitionnés, civils à l'arrière, 'après' difficile pour les gueules cassées, les traumatisés ayant perdu la raison, les familles endeuillées, les femmes renvoyées chez elles pour laisser leur place à l'usine aux anciens combattants...).

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Mais ce texte est original. Publié par les éditions 'Cours Toujours' dans la collection 'La vie rêvée des choses', il donne la parole à un objet - un obus :

« Ce sont 1,6 million de mes congénères qu'on a jetés sur les lignes allemandes durant ces sept jours de bombardements [la bataille de la Somme]. (...) Bientôt ce sera mon tour, je serai amené à la pièce qui convient à mon calibre, et j'irai semer moi aussi mort et destruction sur une ligne allemande. »

Zélé, il a hâte d'accomplir cette mission, d'être à son tour l'auteur d'un flamboyant carnage, mais le 'destin' (ou une anomalie de fabrication) en décide autrement, et tout change aussi alors pour Emile...

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Court et percutant, ce roman aborde également de manière subtile le thème de la Mémoire (au sens 'historique'), collective et familiale, ainsi que la délicate question des non-dits sur nos aïeuls anciens combattants, généralement présentés comme des héros ou des 'administratifs' qui ont gardé les mains propres.

J'ai aimé le personnage du fils, qui rééquilibre le 'bilan' familial par ses activités qui sauvent des vies, indirectement - de même qu'un obus tue aveuglément, au hasard.
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Joë

« Je ne suis pas un biographe, et je n’ai pas cherché à l’être ; je voulais simplement découvrir comment vous aviez réussi ce tour de force de continuer à vivre en dépit de toutes les entraves que vous a imposées le destin. »



Bel et émouvant échange entre Guillaume de Fonclare et Joë Bousquet à travers ce livre qui est sans aucun doute l’une des plus profonde reconnaissance qu’un homme puisse éprouver envers un autre, bien au-delà d’un simple hommage. Oui, Guillaume de Fonclare, lui-même vivant dans un corps souffrant sur lequel il a de moins en moins prise, ne pouvait que rencontrer un jour sur sa route « le poète immobile » et pourtant grand vivant qu’a été Joë Bousquet.



« On admire l’homme couché qui ne se perd pas dans sa douleur ; et puis, c’est l’écrivain qu’on en vient peu à peu à admirer, ce sont vos textes qui impressionnent vos amis, vos lettres, la profondeur de la réflexion que vous y déployez dans un style inimitable. »





Le livre de Guillaume de Fonclare ne se veut pas une biographie. Mais c'est plus qu'une biographie car Joë Bousquet revit vraiment à travers lui et lui-même va retrouver une énergie pour continuer grâce à ce frère en souffrance. Il pourrait dire « parce que c’était lui, parce que c’était moi »



Et je préfère laisser la parole à l’auteur :

« … si l’esprit demeure, si la force d’inventer est intacte, on peut vivre, vivre vraiment, intensément, et espérer le bonheur. Vous n’avez jamais été invalide, vous n’avez jamais été handicapé ; vous avez été meilleur, vous avez été plus créatif, vous avez pesé davantage sur le Destin des hommes ici, couché sur ce lit, qu’auparavant, courant de conquête en conquête, plein de vie et de santé. L’invalidité, c’est un état d’esprit, murmurez-vous et nous sommes tous des invalides. Oui, nous souffrons tous de la même plaie, blessés de vivre puisqu’il faut mourir, puisqu’il y a la mort tout au bout. Je ne suis pas un pèlerin, et il n’y a pas eu de miracle, mais il me semble qu’en sortant de chez vous, je n’ai jamais été aussi vivant. »



et à Joë Bousquet : « Chaque jour je redécouvre que j'ai été blessé, que je suis blessé et je dois à cette blessure d'avoir appris que tous les hommes étaient blessés comme moi. »

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Joë

En ayant été porté par la beauté de Chien-Loup, je sentais au cours de mes lectures, sur la grande guerre, un absent le grand poète Jöe Bousquet.

Cette balle , vous le savez maintenant au lieu de vous ôter la vie , vous a révélé à vous même , vous êtes né le 27 mai 1918 .





Il me fallait revenir sur "Jöe", de Guillaume de Fonclare, ce livre qui me hantait. Un livre comme Jöe au cœur de notre humanité, ne doit pas tomber dans l'oubli. La plume acérée et vibrante de Fonclare taille et dépouille deux grands handicapés, des secrets de leur survie.





Né à Pau en 1968, Guillaume de Fonclare a passé son enfance à Combovin, petit village de la Drôme.

A partir de janvier 2006, il fut directeur de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne (Somme). Dans ma peau est son premier récit, celui de l'handicapé, d'une maladie dégénérative

« Je ne suis pas un biographe, et je n’ai pas cherché à l’être disait-il au poète Jöe Bousquet ; je voulais simplement découvrir comment vous aviez réussi ce tour de force de continuer à vivre en dépit de toutes les entraves que vous a imposées le destin. »

Ce Bel et émouvant échange entre Guillaume de Fonclare et Joë Bousquet à travers ce livre est sans doute l’une des plus profondes reconnaissances qu’un homme puisse éprouver envers un autre, bien au-delà d’un simple hommage.





Oui, Guillaume de Fonclare, lui-même vivant dans un corps souffrant sur lequel il a de moins en moins prise, ne pouvait que rencontrer un jour sur sa route « le poète immobile » et pourtant grand vivant qu’a été Joë Bousquet.

« On admire l’homme couché qui ne se perd pas dans sa douleur ; et puis, c’est l’écrivain qu’on en vient peu à peu à admirer, ce sont vos textes qui impressionnent vos amis, vos lettres, la profondeur de la réflexion que vous y déployez dans un style inimitable. »





Le livre de Guillaume de Fonclare ne se veut pas une biographie. Mais il devient au fil des pages par le partage de mots plus qu'une biographie.

Le corps inerte de Joë Bousquet revit à travers Guillaume, et lui-même va retrouver une énergie pour continuer grâce à ce frère en souffrance. Il pourrait dire «parce que c’était lui, parce que c’était moi ». ces dialogues frappent par leurs fulgurances, coups partagés, assumés, poussés au bord de l'épuisement, tels des trajets chaotiques entre deux corps au combat.





L'auteur laisse sa parole libre vibrer et nous dit :

'Si l’esprit demeure, si la force d’inventer est intacte, on peut vivre, vivre vraiment, intensément, et espérer le bonheur. Vous avez été meilleur, vous avez été plus créatif, vous avez pesé davantage sur le Destin des hommes ici,couché sur ce lit, qu’auparavant, courant de conquête en conquête, plein de vie et de santé.

L’invalidité, c’est un état d’esprit, murmurez-vous et nous sommes tous des invalides. Oui, nous souffrons tous de la même plaie, blessés de vivre puisqu’il faut mourir, puisqu’il y a la mort tout au bout. Je ne suis pas un pèlerin, et il n’y a pas eu de miracle, mais il me semble qu’en sortant de chez vous, je n’ai jamais été aussi vivant."





Et à Joë Bousquet : il écrira en le soulignant, « Chaque jour je redécouvre que j'ai été blessé, que je suis blessé et je dois à cette blessure d'avoir appris que tous les hommes étaient blessés comme moi.
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Joë

Je salue un "grand " livre, fort, court, éblouissant, pudique oú Guillaume de Fontclare atteint depuis 2003 de myopathie mitochondriale ( avec un corps en partie invalide) s'efface et prend la plume pour saluer, comprendre et pénétrer une autre vie que la sienne: celle de Joë Bousquet ( 1897- 1950), devenu poéte et écrivain, lui aussi paralysé partiellement pendant la grande guerre, frappé par une balle allemande, sur le front de l'Aisne le 27 mai 1918...

C'est un ouvrage magnifiquement écrit, frappant, vivifiant, suffocant, dont on aimerait citer et retranscrire nombre de passages oú l'auteur conte son parcours d'une manière fort sobre pour mieux éclairer son modèle . Un corps paralysé admirant un corps cassé, un gardien de la Guerre : (l'auteur fut directeur à l'historial de la Grande Guerre, c'est la qu'il découvrit l'écrivain et poéte) saluant magistralement un grand blessé de guerre !

Un parallèle entre deux vies, entre deux corps malades!

Un portrait croisé , sublime, subtil, fin, avec Joë Bousquet, "le poéte immobile", "l'histoire d'un homme coupé en deux", une part de la lumiére d'éternité qui anime tous les hommes, qui produisit une œuvre fulgurante, intense, difficile, l'homme couché qui ne se perd pas dans sa douleur!

Une ode à la vie des écrivains et des poètes qui se lit comme un trajet particulier entre deux corps, en somme une piste, un chemin , un itinéraire entre deux Écrivains !

Une œuvre puissante, profonde, bouleversante, à la fois élégante et sobre, dense.

Une œuvre dans la lignée magnifique de "Dans ma peau " et de "Dans tes pas" lue dans le cadre du prix historique Jeand'heurs spécifique à mon département.

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Garbo

"Puisque les Anglais ne voulaient pas de moi, je deviendrais espion pour le compte des allemands ; une fois la chose faite, je retournerai voir les Britanniques en me prévalant de ce nouvel emploi. Cela me conférerait une importance évidente aux yeux des Anglais !" Ainsi on se rasant, page 94 , le catalan Pujol, avait trouvé la faille qui lui permettrait de quitter définitivement l' Espagne et le tueur de Guernica.



Guillaume de Fonclare en dénouant la vie de Joan Pujol comme le ferait le père de Joan teinturier à Barcelone avec une pelote de laine, il faut attraper le brin principal, celui qui permet de comprendre toutes les subtilités d'une vie faite de pirouettes en tous genres, celle qui mène à Garbo le plus insolite espion d'Hitler.



Quelle fructueuse imagination développe Juan Pujol, sans cesse pour retourner, détourner, redresser, la courbe insolente de ses fils de toutes les couleurs, leurs circonvolutions, pour qu'enfin l'adversaire soit mystifié, passant de la catalogne à l'Espagne franquiste, puis, de la croix gammé à la croix de St Georges.



En écrivant à son fils Jorge, Juan Pujol, lui dévoile son obsession trouver un passeport, le nerf de sa guerre, fuir, la fuite comme un étrange Éloge de la Fuite d' Henri laborit. Cette fuite que ce récit tente de réparer.



Il commence éleveur de poule plein nord, ce qui lui permet de trouver le passage vers la France, il voit son plan s'effondrer, puis il se verrait bien déserteur ! Il s'engage dans l'armée catalane , déserte et va combattre ses amis comme un franquiste, après avoir reçu sa médaille de guerre, marié et démobilisé, il se retrouve à négocier avec Emilio à Madrid de l’ambassade d'Allemagne un passeport pour l'Angleterre. CQFD.





Le jeune Grabo jubile, encore à Lisbonne il est capable de s'incruster dans l'administration anglaise. Mais c'est tout simple, il suffit d'affirmer qu'il est bien à Londres, qu'il habite Time-Square, qu'on l'écoute déjà au ministère de la guerre  ! Bref que l'on parle anglais avec les premières embauches de cette nouvelle équipe d'espions aux ordres de Berlin, du vent !





Scénariste de son propre personnage, il invente Garbo, le fait vivre, lui donne une famille des sentiments des convictions, ce que Emilio attend, partage, comme un ami, en lui donnant une épaisseur, un passé, il le projette dans l'avenir.





Guillaume de Fonclare, se délecte à suivre les échos que son personnage suscite auprès de l'Abwerh, rageant des replis de l'armée allemande, félicitant l'Abwehr et Hitler pour ses succès.



À tout instant , financé par les Allemands, Garbo analyse, imagine, écrit où et comment avec son équipe il pourrait orienter les Allemands ?

Si la situation n'était pas si cruciale pour la liberté on pourrait y voir dans les relations entre Garbo et Émilio, le vaudeville burlesque d'un jeu à qui perd gagne.



Jusqu'où est -il cru ? Suivi.... On apprendra après la guerre qu'il eut grand crédit auprès d'Hitler...

Formidable odyssée intra-muros dans quelques dizaines de mètres carrés, sans bouger d'un pouce !

Guillaume de Fonclare avec son écriture acérée, ses mots percutants, et son style plein d'humour, railleur et espiègle, livre des heures palpitantes, au chevet de l'humanité, parfois, " les pensées de Garbo étaient enserrées dans un étau de coton et tous les sons me parvenaient étouffés comme au travers d'une épaisseur de laine.page 203".

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Ce nom qu'à Dieu ils donnent

« Il y a trois sortes de personnes :

Les uns qui servent Dieu l’ayant trouvé. Les autres qui s’emploient à le chercher, ne l’ayant pas encore trouvé, et d’autres enfin qui vivent sans le chercher ni l’avoir trouvé.

Les premiers sont raisonnables et heureux, les derniers sont fous et malheureux. Ceux du milieu sont malheureux et raisonnables »

-Blaise PASCAL-



Guillaume de Fonclare est atteint d’une maladie neuromusculaire chronique. Une crise plus violente et plus intense que les autres, et qui va durer plusieurs jours lui laisse croire qu’il va mourir.

Une foi éteinte, d’un esprit cartésien et rationnel, il se met en quête d’un voyage intime, qui le conduit à traquer le Divin.

Pour cette aventure, il se retire deux mois dans les Causses dans le village de Calvignac pour se reconnecter à la nature et s’y ressourcer.

Dieu, il ne sait pas ?

Mais l’absence de preuves n’est pas la preuve qu’il n’existe pas !!!!

Alors dans le silence,

Il lit,

Il médite,

Il cherche….

Ce livre « Ce nom qu’à Dieu ils donnent », est un carnet de bord qui suit son cheminement spirituel ou il raconte ses tâtonnements, ses doutes, ces signes qui le guident sur le chemin de la Foi. ☼

Il y a des choses fortes et invisibles, il ne faut pas voir que la partie émergée de l’iceberg, alors malgré nos yeux fermés et nos cœurs endurcis, il appartient à chacun de cheminer humblement pour découvrir la Vérité.

Je remercie Marie(1967fleurs), qui par son avis éclairé, m’a guidé vers ce livre rempli de sagesse.

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Le bel obus

En moins de 70 pages, avec quelques personnages centraux, nous traversons deux guerres mondiales !



La première guerre mondiale est bien décrite : une inepte boucherie dirigée par de stupides chefs de guerre dans chaque camp. La manière dont Emile Adam a traversé les années de ce conflit m'a fait penser au témoignage de guerre d'Ernst Jünger dans « Orages d'acier », même si cet auteur s'est illustré dans le camp allemand. Il est d'ailleurs ici aussi beaucoup question d'obus, comme l'indique le titre.

J'ai apprécié l'évocation de la place des personnes intégrées à la Prusse en 1871 suite au traité de Francfort signé par la France après sa défaite dans la guerre de 1870.



Cette lecture me semble idéale pour compléter les cours d'Histoire des jeunes élèves sur la première guerre mondiale, et les plus âgés apprécieront également.
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Le bel obus

Croyez-vous aux porte-bonheurs? Pensez qu'un objet puisse avoir une influence sur votre destin, votre vie, vos actions? C'est par la parole d'un obus que commence cette histoire qui devient, malgré ce que l'on peut en penser au départ, vite passionnant. Les chapitres s'alternent entre l'obus et Emile, jeun père et mari né en Alsace Lorraine devenue Allemande, dont les chemins vont se croiser et les destins s'influencer. Va s'en suivre la découverte d'une famille à travers deux générations, la famille d'Emile. Dans ces guerres, ces combats menés par l'homme, qui est le meurtrier, l'arme ou celui qui a crée l'arme? Une idée de roman originale et intelligente qui porte à réflexions sur les actions humaines, sur cette tendance à se cacher, à justifier ses actes derrière un objet, une arme. Un point de vue différent et me concernant inédit sur la première guerre mondiale...
Lien : https://livresque78.com/2021..
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Le bel obus

« le diable est avec nous…. »

Guillaume de Fonclare s'amuse de cet oxymore pour nous titiller…..pour nous faire regarder en face les absurdités de la guerre, de toute guerre.

Ces pluies d'obus ont enseveli et tué des milliers et milliers de combattants et de civils….depuis que l'obus a été inventé !

Comment nous du fond de nos fauteuils de lecteurs ne pouvons-nous pas être interpellés par ce titre…et ravis dès les premiers mots par cette lecture ?

Oui , « le diable est avec nous « disaient les poilus qui avançaient de trou d'obus en trou d'obus et qui voyaient retomber en charpie leurs camarades touchés par ces engins..Oui, « le diable est avec nous » disaient plusieurs années après les femmes d'agriculteurs qui ne voyaient pas rentrer leur mari et le cheval du ménage, tous deux pulvérisés par l'une de ces munitions tombées du ciel et enfouies.Les munitions de guerre ont encore tué longtemps après ce 11 novembre …et aujourd'hui on en trouve toujours d'autres encore dangereuses.

Dans la famille d'Émile Joseph , on sortait le drapeau français dans la cuisine, chaque 14 juillet…En Lorraine occupée depuis la guerre de 70, il n'était pas bon d'afficher des sympathies pour la France…Et quand Émile Joseph s'est engagé dans l'armée française il était « le Boche », pour certains bidasses et officiers….

Lui voulait se battre pour sa patrie. Il a voulu partir à la guerre malgré ses 7 enfants….5 encore vivants l'ont vu s'éloigner sans s'imaginer les risques qu'il prendrait…S'il aime la France, il n'en est pas de même en ce qui concerne la discipline.

Au moment de l'attaque, il a couru d'un trou d'obus à l'autre, s'est caché dans l'un d'eux, en attendant que l'orage d'obus passe…il savait que l'obus suivant tomberait plus loin…Et là, dans son trou, il trouva un obus non explosé…il dévissa le percuteur et emporta l'obus inerte dans sa musette..Il venait de trouver un ennemi dont il s'est fait un copain.

D'autres prennent la parole dans ce petit livre…ce sont les obus, la grande famille des obus, de différents calibres, de poids divers..ils racontent l'imagination sans limite de ceux qui les conçoivent, qui les imaginent diffusant des gaz, ou des billes, tous faits pour tuer, tuer toujours plus…ces obus racontent leur hiérarchie, du plus petit au plus grand. Ils racontent celles qui les fabriquent, ces épouses restées à l'arrière qui travaillent pour que ces armes tuent le plus d'hommes possible. Et pour les mettre en oeuvre nombreux sont ceux qui les transportent qui les stockent..une fourmilière…jamais à l'arrêt.

Ces obus sont détestés mais aimés aussi….on les embrasse au moment de les mettre dans le canon en leur souhaitant de faire le plus grand nombre possible de morts ou d'amputés…d'autres les transforment en porteurs de messages destinés à l'ennemi, en peignant quelques mots destinés au Kaiser….

Au delà de leur œuvre de mort, ils permettent aussi de tuer le temps dans la tranchée, du tuer ces temps morts.Certains profitent de ces instants de calme pour les décorer alors que d'autres les gravent au couteau…. on les embellit. Ils deviennent souvenirs, qu'on prendra plaisir à montrer…à exposer et à conserver, plusieurs générations après, sur le linteau des cheminées.

Mais la vie de ces engins de mort ne s'achève pas avec la fin des conflits.En temps de paix, d'autres générations devront prendre tous les risques pour les arracher à la terre qui les garde…c'est une autre histoire…Qui n'en finit pas.

Ce petit livre est un petit bijou, qui s'achève par une série de photos d'époque, colorisées.

Qu'est devenu Joseph Émile dans tout ça…L'histoire nous le dira…en tout cas pendant que lui se bat pour la France, son fils est encore le « Sale boche » pour certains de ses camarades de classe. Certains s'interrogeront encore « mais était-il français ou boche? »

Fin de l'histoire…..

En quelques pages, cette tragi-comédie nous montre toute l'absurdité de ces guerres, toute l'humanité et le courage de ces bidasses, toute la connerie de cette hiérarchie, et de l'administration…chacun en prend pour son grade…bref un petit pamphlet teinté d'absurdité et d'antimilitarisme.

Belle découverte de Guillaume de Fonclare.

J'ai été séduit. J'en reparlerai
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Ce nom qu'à Dieu ils donnent

Ce récit touchant, par ce que visiblement très sincère, relate l’itinéraire d’une conversion inattendue, quoi que peut être espérée, survenue pendant un séjour de cinq semaines à Calvignac, département du Lot, dans une résidence pour écrivains.

Guillaume de Fonclare, qui enfant a eu la foi, s’en est éloigné depuis longtemps. Son parcours de vie, comme celui de la plupart des gens, est tortueux, marqué par un deuil précoce, des maladies, des difficultés. Cette introspection est active, car quoi que limité physiquement, il arpentera cette région du Quercy dont il est tombé amoureux.

Dans la solitude de ces semaines il expérimentera une « reprise en charge » de soi à travers la gestion du quotidien, la pratique d’une forme de méditation, de longues promenades dans la nature et bien sûr l’écriture du présent récit. Certains chapitres s’adressent à des proches qui ont été particulièrement bienveillants avec lui.

Chacun peut se reconnaître dans les questionnements de Guillaume de Fonclare, d’autant plus qu’il n’est pas dogmatique, n’appartient pas à une église constituée. Il ne prêche pas, aborde par exemple la question de l’existence du mal comme énigme dans la perspective déiste, sans avoir rien de bien neuf à en dire. Mais qui le pourrait ? Il ne peut que constater que cette expérience l’a changé, qu’il a en lui une sorte de joie qui dure.

En guise de conclusion, une citation : « Ce n’est que mon témoignage, et il n’y a pas de leçon à en tirer. A chacun d’expérimenter son rapport avec Dieu, à chacun de faire ce chemin. Je ne me veux créateur d’aucune chapelle, et je n’appelle à rien d’autre que le bonheur d’être avec Lui. »

#CeNomQuàdieuIlsDonnent #NetGalleyFrance

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Joë

Très touchée par la lecture de "Dans ma peau", je savais que je croiserais à nouveau le chemin de Guillaume de Fonclare. C'est fait avec ce récit croisé évoquant le poète Joë Bousquet que je ne connaissais que de nom. Il est facile de comprendre ce qui a amené l'auteur à s'intéresser à l'homme : touché par une balle à la colonne vertébrale le 21 Mars 1918, sur le Chemin des Dames, les membres inférieurs paralysés, il ne remarchera jamais. Il a 21 ans. L'auteur, atteint d'une maladie auto-immune, perd de sa mobilité jour après jour, a recours de plus en plus souvent au fauteuil roulant et sait que la situation empirera "je vous pensais pareil à moi-même, menant un même combat, luttant avec les mêmes armes contre les mêmes ennemis, parce que vous aviez le corps meurtri et la tête haute. En fin de compte, je m'étais trompé sur bien des choses, et de vous, vraiment, je ne savais rien".



J'ai retrouvé dans ce livre l'écriture de l'auteur, sa discrétion et sa sensibilité. Je me sens démunie pour parler de ma lecture, il ne s'agit pas d'un récit ordinaire mais d'une immersion au plus fort de la souffrance des corps, qui finit par permettre la naissance de tout autre chose, ici une vie intérieure exceptionnelle, un destin tragique transcendé par l'écriture, la poésie, la création. Le genre de souffrance dont on a la connaissance seulement lorsqu'on la vit soi-même de l'intérieur.


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Dans tes pas

Cette courte œuvre est un émouvant chant livré par un grand malade, probablement proche de sa mort. On n’est donc pas dans la gaudriole. On est dans ces moments de vérité de la vie qui font que chaque mot importe.

Dès lors, persuadés de la sincérité et de la vérité des propos, les émotions ont toute leur place et rendent toute leur force. Et effectivement elles se livrent dans leur simplicité et se rencontrent tout au long du chemin allégorique parcouru par le narrateur. En effet, se mélangent le parcours qu’il se force à arpenter tous les jours comme un défi à sa maladie, comme une respiration dans celle-ci, et celui de sa vie, de ses souvenirs dont des images lui sautent à la mémoire.

Dans ses pérégrinations, il finit par buter jusqu’à l’obsession sur l’histoire de son meilleur ami, suicidé. L’événement de cette mort infuse de plus en plus au cœur de ses méditations et de sa vie parce qu’au-delà du choc de la disparition, les raisons de l’acte restent un mystère total. Et le fait que celui-ci résiste à toute explication, conduit au sentiment d’abandon puis de trahison. Ainsi, à la peine de l’absence et du manque, à la colère et à l’incompréhension, s’ajoute l'angoisse et le remord lié au fait que le quasi-frère se révèle finalement être un quasi-inconnu.

L’impact de cette histoire sur le narrateur, touché en pleine âme, est d’autant plus fort qu’il est lui-même confronté à sa fin, et qu’il la vit et la veut à l’opposé de celle de son ami disparu, en y plaçant au centre la présence et l’amour de son entourage. C’est finalement cette conviction de la justesse de son attitude qui semble l’apaiser et le conduire à moins de sévérité, à un retour de tendresse à l’égard de son grand copain suicidé.



Par leur poésie et la proposition de vérité vécue dans la simplicité de l’instant d’un grand malade, les belles méditations exprimant les détours de l’amitié font de ce livre un ouvrage éminemment touchant et charmant ; une grosse part d’essentiel y apparaît !
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Dans ma peau

« Dans ma peau » est un voyage entre deux guerres, le choc frontal entre la brutalité de la guerre de 1914-18 et la progression d’une maladie orpheline sur son auteur.

C’est la rencontre simultanée du directeur de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne avec un passé d’une brutalité terrible et les limites sans cesse repoussés de sa propre douleur.



Ce livre d’une grande dignité est bouleversant, à mi-chemin entre le témoignage et l’essai. Jamais misérabiliste, Guillaume de Fonclare nous livre son combat quotidien, et rend hommage à tous les poilus. Il nous rappelle avec force de ne jamais oublié l’épouvantable gâchis d’une génération sacrifiée.



Dans un style magnifique, Guillaume de Fonclare fait cohabiter ses souffrances avec le souvenir de jeunes soldats broyés par la guerre, fauchés en pleine jeunesse. C’est un parcours initiatique bien cruel que lui impose son destin mais « Dans ma peau » révèle un homme et son talent d’écrivain.

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Dans tes pas

Dans ma peau, Guillaume de Fonclare nous racontait son quotidien, sa cohabitation avec la maladie , un combat vain par avance où il a fallu faire le deuil d'un corps sain et surtout d'une "vie normale". Il en ressortait une justesse, un regard et des réflexions sur nos aspirations.

Depuis son meilleur ami Serge s'est suicidé. Après avoir avoir déposé ses filles à l'école, Serge s'est rendu à son travail comme d'habitude. Il est monté au 5ème étage, a enlevé sa veste et s'est défenestré. Un homme qui avait gravi pas à pas l'échelle hiérarchique du travail, qui avait été obligé plus que les autres de montrer de quoi il était capable. Lui qui n'était pas bardé de diplômes. Guillaume de Fonclare et Serge se connaissaient depuis la fac, souvenirs d'une amitié tissée depuis longtemps, de vacances passées ensemble et de confidences.

Quand l'auteur a choisi coûte que coûte de vivre, d'obliger son corps à des exercices quotidiens, son meilleur ami lui s'est donné la mort sans aucune explication.



La suite sur :

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Dans ma peau

Les aller-retours entre la souffrance des soldats de la 1ère guerre mondiale et celle de l'auteur sont très bien réussis. G.De Fonclare arrive à nous rendre très présent le vécu des soldats de 14-18, les traces qu'ils ont laissées dans le sol de la Somme ainsi que les difficultés qu'il éprouve à vivre avec son corps qui est chaque jour un peu plus douloureux et défaillant que la veille. Il n'y a ni complaisance ni dolorisme dans ce texte court et frappant. G.De Fonclare met en avant les difficultés de lien social qui résultent de sa maladie dégénérative bien plus que ses ressentis physiques.
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Le bel obus

C'est une région où pendant longtemps les labours moissonnaient des obus qui eux-mêmes avaient auparavant fauché les hommes. Les douilles ainsi récoltées (quand le soc de la charrue ne les faisait pas éclater à retardement) fleurissaient sur le marbre des cheminées, sur les étagères, entre cendres et poussières. Dans les cimetières, aussi, où elles ramassaient quelques fleurs in memoriam. Parfois des bleuets... Objets manufacturés par les hommes pour pulvériser d'autres hommes, les arbres, maisons, monuments, villes et campagnes et qui, pour certains, échouaient sur la tombe même de ceux qu'ils avaient contribué à tuer. Drôle d'ouroboros !

Conçu, préparé, choyé, convoyé, envoyé pour exploser et ravager, notre bel obus a raté sa mission. Pouf, "enfoncé dans la glaise" ! Autant dire qu'il a "fait long feu"... ce qui ne l'empêche pas de conserver son caractère martial et son âme de tueur, même lorsqu'il sauve, bien involontairement, la vie d'Emile. Désamorcé mais pas désarmé, le voilà parmi les hommes, dans la tranchée. Devenu pour Emile, le Poilu, une sorte de talisman infernal, il lui transmet sa faim de sang et d'entrailles déchirées, remplissant ainsi son rôle, par procuration en quelque sorte. Mais est-ce bien l'obus qui transforme l'homme en impitoyable machine à tuer ? Ou bien est-ce l'homme qui, en fabriquant l'obus, répand la guerre, la mort et les représailles sanglantes ? Pas drôle, l'ouroboros !

Mais les générations se suivent et les hommes capables de façonner les obus sont aussi ceux qui savent déminer la terre. L'ogive nettoyée, débarrassée de sa puissance mortelle, redevient matériau et support de rêves déployés en feuilles d'acanthe, en frises gravées de dentelles. Emile, le tueur, allié à l'obus maléfique, "a su conserver suffisamment de sensibilité pour faire de l'art ; ces sillons enchâssés dans le métal proclament que l'espoir n'est pas mort à Verdun, dans la Somme ou sur le Chemin des Dames, et que le regard d'un seul, l'habileté de ses mains, sa capacité créatrice peuvent sauver le monde."

En moins de cent pages, Guillaume de Fonclare condense, d'une manière subtile et vivante, l'un des paradoxes les plus complexes de la condition humaine : cette imbrication irréductible entre bien et mal au sein de tout être. A la fois acteur, instrument et symbole, l'obus est aussi le témoin de cette dualité et, en tant que tel, parvient au statut de passeur de mémoire. Sa personnification est une trouvaille épatante qui ouvre un large horizon d'interprétations et de résonances conceptuelles et sensibles. Il y a quelque chose de tragi-comique dans les mésaventures de cet obus obtus et obsessionnel et ce mélange inventif de drame, de suspense et d'ironie, relayé par la vivacité de l'écriture, reflète aussi l'alliage de beauté, de bonté et de férocité qui compose une part de l'âme humaine.

Bref c'est un condensé d'humanité et d'émotion que nous offre ici Guillaume de Fonclare avec ce roman petit en quantité de pages mais d'une immense profondeur. Avec son carnet de curiosités en fin d'ouvrage, ce "bel obus" prend une place de choix dans la superbe collection "La vie rêvée des choses", qui décidément continue de me surprendre et de m'enchanter à chaque nouvelle parution !

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Ce nom qu'à Dieu ils donnent

Quelques heures de sérénité auront été celles passées à lire ce beau livre. J'ai beaucoup aimé l'approche simple, humble et sans emphase de G. De Fonclare qui ne fait rien de moins que rechercher le divin comme le dit la 4ème de couverture.

C'est le troisième livre de cet auteur que je lis, "Dans ma peau" et "Dans tes pas" ayant été les précédents.
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