C'est un enfant de 5 ans qui regarde son père et Jacky travailler à la forge : « Papa et Jacky, ferronniers d'art, ils maîtrisaient le feu mais ignoraient Vulcain, Prométhée et Wotan, Zeus ou Héphaïstos. Les dieux du Walhalla, d'Olympe ou de l'Iliade leur étaient inconnus. » Par contre, ce qu'écrit Guy Boley ne laisse aucun doute sur la fascination exercée par ces deux hommes « incultes mais intelligents ».
Le fils du feu, titre si bien choisi, est le premier d'une trilogie que l'auteur construit peu à peu avec une ferveur filiale sans concession où l'admiration côtoie l'ironie ou la critique, le style parfois emphatique contribuant bien à entrer dans ce monde simple mais tellement riche d'amour.
Fascination, interrogations, l'enfant qui grandit dans ce quartier de Besançon est persuadé que les adultes jouent un rôle tout en étant lucide sur lui-même : « J'étais en quelque sorte, avec tout cet orgueil dont est bouffie l'enfance, le docte souverain d'un royaume des médiocres. » Une grand-mère, une voisine qui parle et nourrit son fils mort à la guerre comme s'il était encore là, c'est là que grandit l'auteur, tout près du dépôt des locomotives qui imprègne tant la vie du quartier.
Certaines pages sont magnifiques et je comprends pourquoi ce livre d'un écrivain qui se révèle sur le tard, a tant séduit, décrochant quand même six prix littéraires. Il décrit, fait vivre le quotidien d'un enfant au contact des adultes ou de camarades plus âgés, à l'école mais c'est lorsque son père, ivre, frappe sa mère, que je ressens encore plus tout ce que peut éprouver cet enfant et qui donne l'occasion à l'auteur de revenir sur la naissance en termes très crus.
Guy Boley qui fut maçon, ouvrier, chanteur de rue, funambule, directeur de cirque, dramaturge, cascadeur… est profondément marqué par ce qui se passe sous ses yeux et… « soudain, tout brutalement se justifie : les crimes du passé, la violence des hommes, l'injustice du monde, Attila et ses hordes, les grenouilles décérébrées alors qu'elles sont vivantes, les guerres et leurs charniers, les chairs des femmes qui se déchirent afin de mettre au monde des enfants que la vie, d'un coup de dents broiera quand bon lui semblera… »
C'est un livre plein de vie mais dont la mort marque forcément de nombreuses pages. Son frère, Norbert, a disparu et sa mère ne s'en remet pas alors que le feu de la forge a dû s'éteindre et le père s'adapter jusqu'à devenir représentant de commerce. Puis il y a la maison vide, le fils du forgeron qui va en fac de lettres, s'adonne à la peinture et retrouve sa soeur, enfants du peuple partageant des moments intenses et profondément émouvants.
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