Citations de Han Kang (129)
« Mamaaan! Il y a pleins de fleurs là-bas, là où c’est clair. Pourquoi tu marches où il fait noir? Viens par ici, là où il y a des fleurs.
Elle n'est pas particulièrement portée sur les friandises, mais quand elle voit des morceaux de sucre, elle a l'impression de se retrouver devant quelque chose de précieux. Certains souvenirs ne se délitent pas avec le temps .Il en va de même pour certaines douleurs. Il n'est pas vrai qu'elles contaminent et détruisent tout.
Je serrai le poing sous la table. Je souriais mais j’étais prête à me battre. J’aurais été capable de lui jeter au visage mon gobelet d’eau froide. Ou de casser ce verre et d’en brandir un éclat contre son cou. In-ju s’est suicidée ? Qu’est-ce que tu en sais ? Qu’est-ce que tu comprends à ces peintures ? Qu’est-ce que tu recherches en te vantant de savoir ? S’il me contredisait, s’il maintenait qu’In-ju avait tourné le volant vers le ravin, sur la route enneigée, qu’il en était sûr et que les peintures trouvées dans l’atelier en étaient la preuve, j’étais capable de le tuer.
Après la cinquième, elle a pensé : Il ne s’arrêtera jamais, il va continuer. La sixième fois, elle n’a pensé à rien
Quand je rencontrais un regard, je souriais par réflexe. J'ai réalisé en sortant dans le hall, en me frayant un chemin parmi les gens qui attendaient les passagers ... qu'enfin je passais inaperçu.
Dans ce foutu pays, il faut sourire quand on croise le regard de quelqu'un même si on ne le connaît pas. Je ne veux plus sourire. Je veux vivre comme mon coeur me dicte. Je ne sourirai plus, même chez nous. Cela ne veut pas dire que je suis en colère, ne vous méprenez pas.
Elle se penche en avant.
Serre le crayon qu'elle tient dans la main.
Baisse la tête.
Les mots s'enfuient de sa main.
Les mots qui ont perdu ses lèvres,
les mots qui ont perdu les racines de ses dents et sa langue,
les mots qui ont perdu sa gorge et son souffle ne se laissent pas saisir.
Comme un fantôme sans corps, la forme ne se laisse pas touche
A présent les mots ont quitté son corps, ainsi que les âmes errantes, ils la suivent à une distance où ils restent à peine audibles.
Autrement dit, le grec qu'utilise Platon est comme un fruit mûr juste avant qu'il ne tombe. Par la suite, le grec connaît une décadence rapide. Les états helléniques entrent simultanément en déclin. En ce sens, Platon précède le crépuscule de son monde et pas seulement de sa langue.
Dans la neige, j’attends
Qu’Inseon poursuive son récit.
Inseon chuchote faiblement, laissant sa tête reposer dans la neige, la bougie entre ses deux mains.
Un flocon de neige se pose sur le dos de mon gant, puis, en fondant, il dévoile une forme hexagonale presque parfaite. Un autre flocon atterrit à côté, brisé d’un tiers, mais la partie restante garde intactes les quatre branches délicates. Plus molles, celles-ci disparaissent en premier. Un minuscule noyau blanc, tel un grain de sel, résiste un moment avant de se changer en goutte d’eau. Léger comme la neige dit-on. Mais la neige a un poids, autant que cette goutelette. Léger comme un oiseau, dit-on. Mais eux aussi ont un poids.
Tout comme tu n'arrives pas à croire réel ce qui s'est passé depuis une semaine, tu n'arrives plus à croire autant de l'autre monde.
Non, peut-être est-ce l’inverse. Peut-être que moi, morte ou en train de mourir, je conserve mon regard obstinément tourné vers cet endroit.
Tout devient silencieux, la fin d'une musique, le volume baisse progressivement avant de s'effacer, comme le visage de quelqu'un qui s'endort soudain en arrêtant de chuchoter.
Je ne sais pas comment dorment les oiseaux, ni comment ils meurent. Si leur vie s'arrête quand les dernières lumières s'éteignent. Si leur vie, comme un courant électrique, continue de couler jusqu'à l'aube.
L'expérience nous apprend que certaines personnes, au moment du départ, tirent leur couteau le plus aiguisé. Pour attaquer la partie la plus fragile de l'adversaire, qu'ils connaissent d'autant mieux qu'ils en étaient proches.
Une fois, une seule fois, j'aimnerais pousser un grand cri. J'aimerais sortir en courant dans l'bscurité, de Tautre côté de la fenêtre. Cela pourrait-il évacuer cette masse ? Est-ce que c'est possible? Personne ne peut m'aider. Personne ne peut me sauver. Personne ne peut me faire respirer.
J’étais là, immobile, à regarder ces dos enveloppés de silence s’éloigner comme dans un film, tourner dans la pénombre du carrefour et disparaître. Je n’avais pas bu une goutte d’alcool. Pourtant, ce que j’avais vu m’avait paru tellement étrange. J’ai cherché une explication, une troupe de réservistes du camp de Naegok, derrière le mont Umyeon, qui effectuait une marche nocturne.
Ai-je enfin atteint le fond ? pensé-je dans le silence étouffant.
Au bord de l'abysse qui ouvre plus grand encore sa bouche.
Est-ce le fond de l'océan, où plus aucune lumière ne vibre ?
N’avons-nous pas déjà vu verser trop de notre sang? Comment pourrions-nous enterrer ce sang comme si de rien n’était ? Les esprits de ceux qui sont partis avant nous nous observent les yeux ouverts.