Hervé Bellec

- C'est nul, Compostelle, c'est surfait, c'est fini désormais. On se croirait sur une autoroute. C'est qu'un truc à touristes, une foire d' empoignes pour petits-bourgeois en mal de bonne conscience mais bonne route quand même et merci pour le casse-croûte.

SDF, j'ai horreur de ce mot. D'ailleurs, c'est pas un mot, c'est un sigle, une insulte,un crachat, un truc administratif pour nous caser dans un de leurs fichiers qu'on n'ouvre jamais.

(Le Rossia n°2) Il quitte la capitale tous les jours impairs et parcourt en six jours et sept nuits la distance de 9298 kilomètres. C'est le plus grand train du monde qui traverse le plus grand pays du monde, le grand pays blanc. Trente fois la France. Huit fuseaux horaires. Un congélateur de treize millions de kilomètres carrés.

L'obéissance politique est devenue pour les Russes un culte et une religion. Ce n'est que chez ce peuple qu'on a vu les martyrs en adoration devant les bourreaux.
D'après Custine dans ses lettres de Russie.

"Il devrait être six du matin. Nimbée d'une incroyable luminosité, la rade s'éveillait comme aux premiers jours de la Création, juste avant que tout ne soit gaché par les croqueurs de pommes. Quelques gribouillis vaporeux rayaient le fond de l'horizon;"

A cet endroit, on arrive assez vite à la plage de Ruscumunoc, une superbe crique que les naturistes utilisent dès les beaux jours et par conséquent le sentier côtier est sillonné par tout un bataillon de voyeurs armés de jumelles qui font mine d'observer les macareux moines et les fous de bassan.

C'est toujours un peu curieux d'ouvrir une pièce dans laquelle on n'est jamais entré et qu'on va s'approprier pour une nuit à la suite d'autres clients qui y ont dormi, qui s'y sont lavés ou qui, pour les plus chanceux, se sont lancés dans d'interminables parties de jambes en l'air, légitimes ou non.Tout impersonnelle qu'elle soit avec son papier fadasse et ses reproductions encadrées au mur, une chambre n'est ni vierge ni innocente.

Quoi qu'il arrive, où qu'on aille, on se fracasse toujours le nez au fond d'une impasse, n'est ce pas ?

Laisse-moi te dire une chose : le café et le chocolat, il y a longtemps que j'aurais dû faire passer ça en frais professionnels pour les déduire sans rougir de mes impôts.

• Le Chouchen (ou chufere) est une sorte d’hydromel élaboré à partir de la fermentation du miel. Non, non et non, le chouchen n’est pas la boisson nationale des Bretons. Non, mille fois non, ce n’est pas non plus l’alcool breton par excellence, comme on le lit trop souvent dans certains guides.

Solange Delahaie n’avait plus rien à perdre, sinon la vie, mais ça, c’est l’implacable destinée du commun des mortels. Restait la manière.

La disparition de l'être aimé est d'abord un chagrin d'amour à la différence près qu'en cas de simple rupture vous pouvez combler l'absence, et combler l'absence d'amour par le ressentiment, voire le mépris dans le meilleur des cas.

Elle ne portait pas de soutien-gorge, c'était toujours ça de gagné, on n'avait plus de temps à perdre, désormais, pas une seconde à gâcher, la fin du monde était à nos portes, les glaciers disparaissaient à vue d’œil, les réacteurs des centrales nucléaires parvenaient à saturation, les ouragans devenaient de plus en plus violents, les inondations de plus en plus problématiques, les catastrophes de plus en plus catastrophiques, et les épidémies, les guerres, les indifférences. On n'avait plus le temps de se priver de quoi que ce soit, à commencer par l'inéluctable. On n'avait plus le choix, il fallait échapper au déluge, aux flammes de l'enfer, au naufrage et à la décrépitude. Elle m'a chevauché comme si le diable était à ses trousses....

D'après ce que j'en savais, le Mont-Saint-Michel était une sorte de parc d'attractions un peu plus ancien que les autres, voilà tout, un gâteau de mariage posé au raz des flots. La cerise sur le gâteau était un archange qui s'élevait à cent cinquante mètre au-dessus du niveau de la mer.

Le fait est que je m'emmerdais depuis des mois, peut-être des années. Ma trompette m'emmerdait, la musique désormais m'emmerdait, la marche à pied m'emmerdait et me faisait mal partout, tout m'emmerdait, la vie, la plupart des gens, même parfois mes filles. Je m'emmerdais comme la sentinelle du Désert des Tartares, comme un planton protégé de la pluie sous la guérite d'un check-point oublié aux confins du pays, et cette fille tombée à point nommé d'on ne sait où tout d'un coup me divertissait, semblait me réveiller de je ne sais quel morne rêve.

Elle m'aurait fait rire, elle m'aurait bluffé dans un supermarché, elle m'aurait ému par sa fantaisie, son charme étrange, elle m'aurait intriguée, surtout.

C'est ici que l'Atlantique achève enfin sa course. C'est en même temps ici qu'il prend sa source. Deux fois par jour, on assiste aux noces de la rivière et de l'océan, au va-et-vient sensuel et langoureux des deux amants, aux amours interdites qui se cachent à l'ombre des chênes, des ormes et parfois même des palmiers qu'un capitaine de retour des terres australes a ramenés dans son havresac

On s'échange des numéros de téléphone, des adresses, histoire de poser des bornes sur le chemin de nos vies.

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Il y avait un livre d'or sur lequel j'avais écrit mon nom, la date, mon point de départ et quelques conneries, une phrase en breton. Pell war an hent, e kavin ar Peoc'h, une chanson de Mona que j'avais déformée à ma guise. Loin sur le chemin, je trouverai la Paix, P majuscule, pour ceux qui veulent tout savoir. Ce n'était pas vrai. C'étaient des bêtises pour faire joli. On trouve de tout sur la route, des chiens et des sourires, des bistrots et des églises, et des cailloux, surtout des cailloux, placés juste au-dessous des ampoules, exprès pour faire mal, mais de paix, Mona, point n'en ai trouvé.

Yann ne boudait pas non plus n'importe où.
Il ya des lieux pour jouer,d'autres pour travailler,il y a des pièces pour manger,pour dormir,il y a des cachettes pour rêver et Yann avait un endroit pour bouder.
Un endroit secret ,naturellement.