Une année indéterminée. La fin des années 60, à Voiron en Isère. Le narrateur a 10 ans. Le texte aéré, couplé à une écriture vive et acérée, compte huit chapitres correspondant chacun à une journée : du dimanche 24 juin au dimanche 1er juillet. Le récit s’étend ainsi sur une semaine, pendant les derniers jours de l’année scolaire et au tout début des « grandes vacances ».
L’été. Sa lumière, sa chaleur. La belle saison, synonyme d’insouciance, à plus forte raison quand on est si jeune. Dans cette histoire, le gamin ne craint pas les morsures du soleil. Il les espère même car il est maigrichon et ses « os ont besoin de ce feu ».
Le découpage chronologique étaye un crescendo de sensations avec en filigrane un voyage à fleur d’émotion dans les méandres des souvenirs.
Tout commence en douceur dans l’innocence de jeux d’enfants, gars et filles mélangés, en bas d’un immeuble en béton, fleur d’HLM poussée dans la verdure – verdure façon de parler, le gazon est déjà grillé – et les airs un rien bravache que les garçons cherchent toujours à se donner.
Mais pour ce garçon de 10 ans, l’été a-t-il vraiment commencé ? Alors que la cloche de l’école primaire (non mixte) va bientôt sonner la fin de la classe, on assiste à son quotidien. Et bien vite, émerge la certitude que, pour certains, l’enfance n’a rien d’un plat pays.
Aux yeux de tous, ce jeune garçon est le fils du poivrot. Un père alcoolique, revenu de tout pour qui « apprendre la vie » est une obsession alors qu’il n’a de cesse de vouloir se l’ôter. Une mère qui trime pour subvenir aux besoins de la famille mais par ailleurs incapable de combler les manques affectifs de ses enfants.
De plus, le gamin grandit aux côtés de Lucien, un grand frère violent, féru de boxe et de cyclisme, et d’une sœur, Brigitte, qui, nuit après nuit, sert de jouet sexuel à l’aîné. Dans l’indifférence et le déni. Avec les moyens psychologiques que lui permettent son âge, le gamin réussit néanmoins à comprendre ce qui se trame. Or l’omerta est la règle et le silence oppressant. « C’est ce qui fait peur : le silence de mon père durant la journée, le bruit des autres pendant la nuit. Ça nous enferme dans le vide. »
L’avenir :
La perspective de son entrée en sixième apporte toutefois une étincelle d’espoir. Au collège, une nouvelle vie se profile. Ce serait en effet un moyen d’échapper à un décor qui n’a rien d’affriolant. « La maison n’est pas belle, la maison n’est pas propre, la maison n’est pas rangée. » De surcroît comme la serrure est cassée, vestige d’un mémorable excès de boisson du père, depuis, la porte est bloquée avec un bout de carton replié. Mais « ça tient. » Tant bien que mal et plutôt mal que bien, probablement. En tout cas le tableau restitue au mieux l’ambiance de ce foyer cabossé.
Si l’on n’a qu’une vie, par la force des choses, on n’a aussi qu’une seule enfance. Qui marque à tout jamais. Il n’y a plus qu’à souhaiter au jeune narrateur que ce lourd passé ne condamne pas définitivement l’avenir.
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