Hippolyte Taine est un auteur que l’on ne lit plus guère.
Cet oubli de l’homme et de son œuvre s’explique d’abord par la critique, légitime, des lois qu’il avait formulées pour expliquer un déterminisme historique qu’il croyait sincèrement pertinent. Critique formulée d’abord par Gustave Lanson, et qui devra à ce dernier d’apparaître comme le précurseur de l’école sociocritique.
Il s’explique aussi par la sévérité que Taine montre à l’endroit de la Révolution française, dont il a brillamment exposé les mécanismes – les pages qu’il consacre à l’étude de la rationalité froide et mécanique de Robespierre, sont à cet égard remarquables.
Cette sévérité et cette lucidité font de Taine un historien qui devrait être connu et reconnu de tous les lecteurs de François Furet.
L’ouvrage que Taine a consacré à La Fontaine et à ses fables constitue la version remaniée de sa thèse de doctorat.
La première partie de cette étude – consacrée à l’esprit, à l’homme et à l’écrivain – est probablement la plus datée, mais n’en est pas pour autant dénuée d’intérêt ou de pertinence.
La deuxième partie s’applique à étudier les personnages mis en scène dans les Fables. Les hommes d’abord - roi, courtisans, nobles, moines, magistrats, paysans, médecins... Puis les bêtes. Et les dieux, enfin.
Cette partie, synthétique, éclaire la lecture des Fables pour l’étudiant ou le professeur en quête d’une vision d’ensemble subtile et complète.
La troisième et dernière partie est consacrée au style de La Fontaine.
Certes, l’ouvrage de Taine n’est pas une nouveauté. Paru en 1853, remanié en 1861, il peut paraître aujourd’hui dépassé par les travaux érudits de Patrick Dandrey, les études brillantes de Marc Fumaroli, ou l’exégèse politique exigeante de Pierre Boutang.
C’est pourtant une erreur de perspective et une illusion platement commune, le nouveau n’est pas invariablement supérieur à l’ancien. Et la belle étude que Taine consacra à La Fontaine le prouve. Elle constitue précisément une introduction idéale pour l’amateur éclairé qui souhaiterait se préparer à la lecture des grands spécialistes que nous venons de nommer.
Dernière qualité de ce livre, et non des moindres : le style.
Hippolyte Taine écrit dans un français d’une limpidité, d’une pureté, qui ajoutent à l’intelligence du propos l’élégance du ton.
Un auteur et une œuvre à découvrir, pour tous ceux qui aiment la belle langue et le grand fabuliste.
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Quelle surprise de lire ici les considérations sur sa propre vie d'un chat qui soit d'un tel cynisme (le terme « cynisme » provient du grec ancien κύων / kuôn, qui signifie « chien »). En même temps, quelle naïveté de ma part de vouloir faire coller à tout prix la psychologie d'un matou aux lieux communs de l'humanité la plus larmoyante. Alors voila, c'est très court - à peine quelques pages -, très bien écrit, d'une plume absolument suave, et aussi drôle qu'amoral.
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Bien qu'il se soit montré sévère pour l'Ancien Régime, dont l'effondrement lui paraissait inéluctable, Taine se montre non moins dur avec la Révolution, particulièrement avec les Jacobins, qu'il décrit comme la lie de la société, s'emparant peu à peu des leviers de pouvoir parce qu'ils sont les seuls à avoir le temps et l'envie de se consacrer aux affaires publiques (la première Constitution française organisait des élections incessantes à tout propos).
Même les volontaires de 1792, qui se sont illustrés à Valmy, sont pour Taine une bande de barbares, qui dévastent les provinces françaises par lesquelles ils passent. Quant aux Marseillais qui popularisent le chant qui porte désormais leur nom, ce sont les pires de tous à ses yeux ; selon lui, après la chute de la monarchie au 10 août 1792, à laquelle ils contribuent, les Marseillais ne rejoignent pas les armées aux frontières, mais se livrent à des exactions et extorsions à Paris, qu'ils ne quitteront que pour retourner à Marseille.
Taine n'appartenait à aucun parti, et au fur et à mesure qu'il publiait les volumes des Origines de la France contemporaine, il s'est brouillé successivement avec les royalistes, les républicains et les bonapartistes ; n'empêche que son histoire est sans doute le plus beau fleuron de l'historiographie contre-révolutionnaire. À lire en contrepoint de Michelet
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Dans son journal de Voyage Venise: Récit de voyage extrait de Voyage en Italie (qui comme son nom l'indique est un extrait issu d'un plus gros tome), Hippolyte Taine, historien et philosophe du XIX° siècle, évoque ses promenades "dans les arts et dans l'histoire", durant une semaine, dans une Venise, enchanteresse,"perle de l'Italie". Amateur de tableaux et historien, Hippolyte Taine nous montre tour à tour les deux facettes de Venise dont "les tons se transforment et se fendent" dans le "miroitement" de la lagune pour en faire une oeuvre d'art à part entière (alors que l'impressionnisme déferle) écrin d'oeuvres d'art (tableaux des siècles passés où "l'art nouveau" commence à poindre) et une facette historique puisque "Venise est sous la férule autrichienne" car la République de 1848 a été de courte durée.
Les très belles descriptions imagées (paysages, architecture,points de vue..ex: Santa-Maria della Salute qui s'élève de l'eau comme "une riche végétation marine,comme un splendide corail blanchâtre"), les tournures poétiques (ex:"le temps a mis sa livrée grisâtre et fondue) et la comparaisons à la femme idéalisée de Venise ("Venise, fastueuse et pourtant douce,semble une reine") contrebalancent (avec bonheur, ouf!) la visite guidée un peu ennuyeuse proposée par l'auteur (de balade en gondole,passage par les ruelles pour admirer places,façades,jardin public,églises et palais, participer à la fête St Marc ou assister au théâtre Bénedetto à la pièce Marie Stuart traduite de Schiller).
J'avoue préférer la Venise de romanciers comme le Seule Venise de Claudie Gallay ou celle de photographes comme Masques de Venise de Xavier Richer car elle devient salle de spectacles et même actrice de drames ou comédies humaines ce qui nous la rend vivante.
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Brillant essai qui tient à la fois de l'histoire, notamment celle des mentalités, et de la sociologie. Je n'avais jamais mieux compris l'esprit du XVIIIe siècle ; en particulier, le rôle essentiel des salons, de la conversation mondaine et de ce que Taine appelle l'esprit classique est très bien rendu. L'opposition privilégiés/Tiers État, haut clergé/bas clergé, noblesse de cour/noblesse provinciale, seigneurs/paysans, villes/campagnes, est décrite avec une clarté lumineuse. Taine reprend à son compte la démonstration de Tocqueville sur l'excessive centralisation de l'Ancien Régime, en citant des exemples qui m'ont mieux convaincu que Tocqueville. La travail de sape de la philosophie des Lumières est parfaitement décrit, avec l'apport respectif des quatre grands (Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau) et l'influence déterminante que prend ce dernier avec le Contrat social, qui à la fois mine tout gouvernement et fonde le totalitarisme (puisque l'adhésion au Contrat social suppose de s'y aliéner corps et biens sans aucune restriction). L'auteur fait comprendre pourquoi les privilégiés ont adopté et propagé les doctrines qui condamnaient l'ordre social dont ils étaient les premiers bénéficiaires, et en quoi la raison, appliquée en politique, devait faire table rase du passé et ne se laisser arrêter par aucune considération.
A la suite de la démonstration de Taine, on voit bien que la Révolution était inéluctable, et l'auteur termine par le récit de Laharpe sur la prophétie de Cazotte : ce dernier ne pouvait connaître aucun des détails qu'il est censé avoir prédits, mais la pente générale était prévisible.
C'est peut-être un des seuls défauts de l'ouvrage, sa conception téléologique, mais il était sans doute inévitable compte tenu de l'objet du livre.
Enfin, le texte présente deux grandes qualités : Taine est un excellent styliste, sans le lyrisme qui finit par fatiguer de Michelet et, contrairement à ce dernier, il cite ses sources au sein de nombreuses notes de bas de page, ce qui est un gage de sérieux.
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Tout l'intérêt de ce récit est la description de l'Italie de cette époque. J'ai lu ce livre il y a très longtemps et ne m'en souviens plus vraiment. Taine, comme bien d'autres effectue son « grand tour ». C'est à l'aune de ses émotions et de ses préjugés qu'il décrit le pays, à l'époque en cours d'unification.
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Un classique de l'histoire de France, Taine explore avec brio la magnificence et la décadence de l'Ancien Régime, en explorant les paramètres qui ont conduit à la Révolution. Son analyse continue sur les différents courants qui ont façonné les différents actes de la Révolution, en les analysant avec brio et en les critiquant suivant avec succès. Bien que clairement positionné contre le jacobinisme, Taine a réalisé un vrai travail historique en mentionnant de nombreux chiffres et auteurs témoignants de la réalité de la Révolution et de la Terreur qu'elle a été. Le livre s'achève sur une ouverture pleine de vérité sur Napoléon et son empire.
En bref, un classique de la littérature française, peut être lourd à lire par moments, trop peu connu et trop souvent critiqué, mais très détaillé et qui mérite vivement d'être lu au moins une fois dans une vie.
Pour le lecteur averti, sachez qu'il m'aura fallu une année pour parcourir entièrement cet ouvrage, mais si vous en avez le courage, foncez. Bonne lecture !
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Premier ouvrage d’une série de six sur « les origines de la France contemporaine », 1792 pages de mots, de chiffres, de détails à n’en plus finir.
J’aspire à plus de modernité et de légèreté dans le style. Monsieur Taine n’y est pour rien, il a vécu au XIXème et écrit vieillot mais je vais me réfugier vers des auteurs du XXème qui me divertiront plus.
N’empêche Hippolyte tu as eu le privilège de me faire changer d’avis sur l’ancien régime : je suis devenu révolutionnaire, oh petit révolutionnaire pour le XVIII pas pour le XXIème. Mais quand même c’est un exploit. Quel monde pourri ce monde de la cour, ce monde des grands de l’église, ce monde des nantis !
Je ne dirai pas « les aristocrates à la lanterne » car il y en a des bons mais « les pourris à la lanterne ».
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Fort curieux… Léautaud, Taine, deux grands amis des chats.
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Taine (1828 – 1893) découvre Venise lors d’un séjours pendant le printemps 1864.
D’emblée, il éprouve une véritable fascination pour la ville, que ce soit au point de vue historique, architecturale, musical, de la peinture. Ce n’est plus le touriste qui visite Venise, mais, l’historien, le critique d’art .
Dans un style poétique, Taine nous livre son émerveillement devant toutes les merveilles qu’il croise… … que se soit au détour d’une calli, d’un pont, d’un palazzo, où en admirant les chef d’œuvre du Titien, du Tintoret, de Véronèse.
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VIE ET OPINIONS PHILOSOPHIQUES d'un CHAT d'HIPPOLYTE TAINE
Un savoureux petit livre d'une trentaine de pages sur les chats. Tout est dit en 4 ème de couverture rien à ajouter si ce n’est qu’il y a beaucoup à apprendre des chats, ça sont de grands philosophes !!
Écrit entre 1850 et 1860.
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C'est parmi les rayonnages d'une bibliothèque que j'ai découvert ce livre, et par là son auteur. Sagement rangé entre deux biographies sur la reine Victoria, le livre se présentait à moi via une couverture blanche très sobre, avec au centre l'Union Jack, surmonté du nom de l'ouvrage et de l'auteur. La quatrième de couverture, très courte, promettant l'exploration de l'Angleterre victorienne par un français m'ayant intrigué, je décidais de l'emprunter.
Une fois chez moi, prêt à la lecture, j'ouvre le livre. Première surprise, mauvaise: le papier est tout neuf, mais la police d'écriture est celle d'époque. Et par d'époque, j'entend des caractères d'imprimerie, petit, qui ont mal supporté l'épreuve du temps, la plupart bavant sur leur voisin, ou disparaissant dans la blancheur virginale de la page. Trop souvent, deux lettres sont collées côte à côte. Clairement, le confort de lecture n'est pas là. Cette façon de faire laisse un méchant goût de bâclé et de paresse dans la bouche du lecteur...
Mais évidemment, ce qui importe le plus dans un livre, c'est son contenu. Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse, pas vrai ?
Les écrits de voyages, pour être bien appréciés ou tout du moins compris, doivent être remis en contexte. C'est ici une affaire primordiale, le contexte justifiant certains termes utilisés par l'auteur. Le concept de race -race française, germanique, méditerranéenne...- très à la mode à l'époque, revient souvent. Le lecteur contemporain lèvera un sourcil suspicieux à l'encontre de ce concept, et plus encore quand aux réflexions faites sur les classes ouvrières et sur les femmes. Taine était considéré comme ayant des idées en avance sur son idée, mais en fin de compte il accuse tous les clichés les lourds et indésirables de son époque.
Néanmoins, n'allez pas croire que le livre est à éviter. Je lui ai mis une étoile car sa lecture me parut longue et pénible, mais en dehors de ces critères personnels, je reconnais que les Notes sur l'Angleterre constituent un tableau très intéressant de ce qu'était la société britannique de l'époque et comment nous, Français, la percevions. Ce n'est pas le meilleur livre de voyage du 19ème siècle, mais quiconque disposant de patience, d'un esprit ouvert et d'une curiosité pour l'Angleterre victorienne devrait lire ce livre.
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