J’ai découvert KAWAKAMI Hiromi avec Les Années douces. Le côté paisible de l’histoire m’avait charmée. Les protagonistes étaient très touchants.
La sérénité, la disparition (ou le deuil), la solitude, l’errance physique et psychologique sont des thèmes que l’on retrouve dans Manazuru. Le mari de Kei, Rei, a disparu depuis plus de dix ans. Bien qu’investie dans une relation avec Seiji, son amant, le fantôme de Rei déambule toujours autour de la jeune femme qui multiplie les escapades à Manazuru, petite station balnéaire à deux heures de Tokyo, et se livre à des introspections aussi salvatrices que nébuleuses. La jeune femme éprouve l’irrésistible envie de s’y rendre régulièrement car ce lieu est le seul lien qu’elle peut cultiver avec le disparu. En effet, Manazuru figure dans son journal, seul objet appartenant à son mari et encore en sa possession. Pour quelles raisons ? Qu’y faisait l’homme ? Le mystère reste entier.
Les frontières sont ténues dans cet opus. On vagabonde entre le passé et le présent, la réalité et l’imaginaire, le monde des vivants et celui dont les arcanes nous seront peut-être révélées un jour. La jeune femme évolue dans un monde parallèle dans lequel elle ne laisse personne entrer. Ni sa fille. Ni sa mère. Ni son amant. Ce qu’elle vit lors de ses promenades au bord de mer est très obscur. Apparition. Illusion. Egarement de l’esprit. Conscient ou inconscient ? L’envie de savoir, qui ronge la protagoniste, est plus forte que tout.
Le thème de la disparition est assez présent en littérature japonaise dans la mesure où ce phénomène est fréquent au Japon. On nomme ces personnes qui disparaissent sans laisser de traces : Les évaporés. J’ai d’ailleurs lu un livre passionnant sur le sujet et mon retour est disponible sur le blog.
La plume de l’autrice est délicate. L’atmosphère est lourde et poétique à la fois. Le côté psychologique est très développé et prend largement le pas sur les actions, peu nombreuses ici. On ne lit pas KAWAKAMI Hiromi dans le but de crouler sous les péripéties mais bien dans celui de s’enivrer de scènes quotidiennes, de sobriété et de pudeur dans les sentiments.
Un magnifique voyage littéraire que j’apparenterais aux rayons du soleil qui tentent de percer à travers un ciel épais et nuageux : on n’y voit pas très bien, notre vision se brouille face à ce spectacle flou et sublime à la fois. Du soleil ou des nuages qui aura le dernier mot ? Le lecteur l’ignore.
Lien :
https://labibliothequedeceli..