Ian McEwan

D'après lui, il n'était pas si rare, pour un service de renseignements, de promouvoir la culture et de soutenir les intellectuels qui le méritaient. Les Russes le faisaient bien, alors pourquoi pas nous ? C'était la version douce de la guerre froide.

Par-dessus le fracas iambique du train (et qui donc m'avait appris ce mot ?) j'entendais Tom déclamer son propre texte.

Il jubilait à la perspective d'apporter dans une nouvelle le paradoxe du choix pondéré.

J'expliquais que je n'aimais pas les tours de passe-passe, que je préférais voir la vie telle que je la connaissais recréée sur la page. Il rétorqua qu'il était impossible de recréer la vie sur la page sans tours de passe-passe.

Le Royaume-Uni avait succombé à l'akasia - en grec, la tendance à agir en dépit du bon sens, me rappela Tony. (Je n'avais donc pas lu le Protagoras de Platon ?) Un terme utile. Je le stocke dans ma mémoire.

J'appris que, depuis le XVIe siècle, la politique anglaise, puis britannique, en Europe, se fondait sur une recherche de l'équilibre des pouvoirs.

Les objets devenaient des déchets dès q"ils étaient séparés de leur propriétaire et de leur passé - Sans Lily, son vieux couvre-théière était répugnant, avec son motif aux tons passés représentant une fermes, ses taches brun pâle sur le tissu bon marché, son rembourrage d'une minceur pathétique. Tandis que se vidaient les étagères et les tiroirs et que se remplissaient les caisses et les sacs poubelles, Henry a compris qu'en réalité on ne possédait rien. Tout est loué ou emprunté. Nos biens nous survivront, nous finirons par les abandonner. P.344.

A l'instigation de Daisy, il a lu en entier Anna Karénine et Madame Bovary, deux chefs d'oeuvre reconnus. Au prix d'un ralentissement de ses fonctions mentales et en sacrifiant plusieurs heures d'un temps précieux , il s'est plongé dans les subtilités insondables de ces contes de fées sophistiqués. or, qu'en a-t-'il retenu ? Que l'adultère est compréhensible mais condamnable , que les femmes du dix-neuvième le vivaient mal , que Moscou, les campagnes russes et la France provinciale étaient comme ça à l'époque. Si, à en croire Daisy , le génie réside dans les détails, alors il est resté sur sa faim. ( p. 92).

Les tunnels étaient des endroits dérobés et sûrs ; les enfants et les trains s’y glissaient pour échapper aux regards et à la surveillance avant d’en ressortir sains et saufs.

Livrée à moi-même, j'aurais choisi de préparer une simple licence d'anglais dans une université provinciale très au nord ou très à l'ouest de chez moi. J'adorais lire des romans – je pouvais en terminer deux ou trois par semaine – , et faire cela pendant trois ans m'aurait parfaitement convenu. Cependant je passais plus ou moins, à l'époque, pour une erreur de la nature : une fille douée en maths. Cette discipline ne m'intéressait pas, j'y prenais peu de plaisir, mais j'aimais être la première sans trop me fatiguer.

La pièce de théâtre – dont Briony avait conçu affiches, programmes, billets, construit la caisse à l'aide d'un paravent renversé et garni la boîte à monnaie de papier crépon rouge – , elle l'avait écrite en deux jours de furie créatrice, au point de sauter un petit-déjeuner et un déjeuner.

Cent ans plus tôt, deux heures avant l'aube hivernale, peut-être un médecin d'une cinquantaine d'années, méditait-il sur le siècle qui venait de naître. Février 1903. On peut envier à ce gentleman edouardien tout ce qu'il ignorait encore. S'il avait de jeunes fils, il risquait de les perdre douze ans plus tard sur le front de la Somme. Et Hitler, Staline, Mao, combien de morts à leur actif ? ...Si on lui avait décrit l'enfer qui l'attendait, si on l'avait mis en garde, ce bon docteur - produit affable de plusieurs décennies de paix et de prospérité- aurait réfusé d'y croire.

Le retour vers le centre de Londres est interminable - plus d'une heure....Des véhicules se dirigent en rangs serrés vers la capitale pour aller y chercher les plaisirs du samedi soir...Il essaie de le voir ou de l'appréhender d'un point de vue historique, ce moment des ultimes décennies de l'âge du pétrole ... ou la richesse sans précédent des masses occupées à se distraire dans l'univers impitoyable d'une cité moderne offre un spectacle qu'aucune époque avant la nôtre n'aurait pu imaginer.

Mes paroles auraient d'autant plus de pouvoir qu'elles ne seraient pas diluées .

La lecture est un moyen de ne pas penser aux Maths . Plus que cela ( ou bien moins que cela ) c'est un moyen de ne pas penser du tout .

Hormis les films, les plaisanteries salaces et les vantardises fantaisistes, l'essentiel de ce qu'il savait des femmes lui venait de Florence elle-même.

Dans cent millions d'années quand la majeure partie des océans aurait disparue sous l'écorce terrestre, qu'il n'y aurait plus assez de gaz carbonique pour assurer la survie de la flore et que la surface du globe ne serait plus qu'un désert rocheux sans vie, quelles traces de notre civilisation un expert géologue extraterrestre de passage découvrirait-il ? A un ou deux mètres sous terre, une épaisse ligne sombre dans la roche nous distinguerait de ce qui nous avait précédés. Condensés dans cette couche fuligineuse, haute d'une quinzaine de centimètres,nos villes, nos véhicules, nos routes, nos ponts, nos armes. Et toutes sortes de composés chimiques jusque là absents de l'histoire géologique. Le béton et la brique s'effriteraient aussi facilement que le calcaire. De notre acier le plus pur ne subsisterait que des tâches de rouille. Un examen au microscope révèlerait sans doute la présence prépondérante de pollen issu des mornes prairies créées par l'homme, pour nourrir des troupeaux de bétail gigantesques. Avec un peu de chance, le géologue tomberait sur quelques ossements fossilisés, peut-être même les nôtres. Mais ceux des animaux sauvages, poissons compris, représenteraient à peine un dixième de ceux des vaches et des moutons. Il devrait en conclure qu'il s'agissait là du début d'un extinction massive, entrainant déjà une raréfaction de la biodiversité. (p.191)

Elle devait garder à l'esprit que le monde n'était jamais identique à la vision angoissée qu'elle en avait. (p.189)

Les premières phrases : Londres. Une semaine après la Pentecôte. Pluie implacable de juin. Fiona Maye, juge aux affaires familiales, un dimanche soir, chez elle, allongée sur une méridienne, regardant fixement, au-delà de ses pieds gainés par un collant, le fond de la pièce, un pan de la bibliothèque installée en retrait de la cheminée, et de l'autre côté, près d'une haute fenêtre, la minuscule lithographie de Renoir représentant une baigneuse, achetée trente ans plus tôt pour cinquante livres. Sans doute un faux.

Vous le savez déjà, mais j'ai besoin de vous redire encore que je vous adore. C'est pour vous que je vis. Je vous aime. Merci de m'aimer, merci de m'accepter, merci de reconnapitre de que je fais pour notre amour.