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Citations de Isabel Allende (740)


Cela faisait des années qu’il vivait dans un environnement parfaitement sous contrôle, sans surprises ni sursauts.
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Il avait étudié le japonais pour apprécier les haïkus dans leur forme originelle, il pouvait le lire et le comprenait, mais il aurait trouvé prétentieux de se risquer à le parler. Il avait à cœur d’être polyglotte. Enfant, il avait appris le portugais dans sa famille maternelle, et l’avait perfectionné avec sa compagne brésilienne, Anita. Il avait acquis des rudiments de français, pour des raisons sentimentales, et des éléments d’espagnol, par nécessité professionnelle. Sa première passion 25amoureuse, à dix-neuf ans, était une Française, de huit ans son aînée, qu’il avait connue dans un bar de New York et suivie à Paris. La passion s’était promptement refroidie mais, par commodité, ils avaient partagé une mansarde dans le Quartier latin, où il avait acquis les bases de la connaissance charnelle et de la langue du cru, qu’il parlait avec un accent barbare. Quant à son espagnol, c’était à la fois celui des livres et celui de la rue : il y avait partout des Latinos à New York, mais les immigrés ne comprenaient pas sa diction de l’Institut Berlitz où il avait étudié.
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Les tempêtes chiliennes se limitaient à la cordillère des Andes et à 12la Terre de Feu, dans le Sud profond, où le continent s’égrenait en îles tailladées par les lames du vent austral, où la glace faisait éclater les os et où la vie était rude. Lucía venait de Santiago, avec sa réputation usurpée de douceur climatique, mais où l’hiver est humide et froid, comme les étés sont brûlants et desséchés. La ville est encaissée dans des montagnes violettes, qui se réveillent parfois couvertes de neige. Alors la plus pure lumière au monde se reflète sur les sommets de blancheur aveuglante. En de rares occasions, il tombe sur la cité une fine poussière, triste et pâle comme la cendre, qui n’arrive pas à blanchir le paysage et se transforme en boue. Au loin, toujours, la neige demeure comme aux origines.
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Dans un sous-sol de Prospect Heights – un caveau de ciment et de briques, avec un tas de neige à l’entrée –, Lucía Maraz maudissait le froid. Elle avait le caractère stoïque des habitants de son pays : habituée aux tremblements de terre, aux inondations, aux tsunamis et cataclysmes politiques, elle se faisait du souci quand aucun malheur ne se profilait dans un délai raisonnable. Et pourtant, rien ne l’avait préparée à cet hiver sibérien qui s’installait à Brooklyn par mégarde.
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Au cours des premières semaines, quand elle sentait peser la décision d’avoir quitté le Chili – où elle pouvait au moins rire en espagnol –, elle se consolait à l’idée que tout change nécessairement. L’infortune d’un jour est de l’histoire ancienne le lendemain.
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Tirant parti de cette liberté inattendue, Lucía prépara une recette à réveiller les morts, une spécialité chilienne qui soulage les maladies du corps et apaise les tribulations de l’âme.
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Dès le jeudi, les reporters de télévision, avec la mine de circonstance et la voix émue de rigueur pour les nouvelles liées au 13terrorisme dans des contrées lointaines, avaient pronostiqué des désastres pour la fin de semaine. New York était déclarée en état d’urgence ; le doyen de la faculté où travaillait Lucía, soucieux de respecter les consignes, avait ordonné de suspendre les cours. De toute façon, c’eût été pour elle une aventure d’arriver jusqu’à Manhattan.
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FIN DÉCEMBRE 2015, l’hiver se faisait encore attendre. Lorsque Noël est arrivé, avec ses clochettes assommantes, les gens portaient toujours sandales et manches courtes – les uns en célébrant l’étrange amalgame des saisons, les autres dans la crainte du réchauffement planétaire –, tandis qu’aux fenêtres se montraient des arbres artificiels, saupoudrés de givre argenté, qui semaient la confusion parmi les écureuils et les oiseaux. Trois semaines après le Nouvel An, alors que plus personne ne pensait à ce retard météorologique dans le calendrier, la nature s’est réveillée subitement, a secoué son engourdissement automnal et déclenché la pire tempête de neige dans les annales de la mémoire collective.
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Le paysage me laissait sans voix, il me saisissait à chaque courbe du chemin, il m’émerveillait. Je grimpais vers les hauteurs et redescendais dans la vallée vers les forêts denses, un paradis où se mélangeait mélèzes, lauriers, canneliers, ifs, myrtes et araucarias millénaires, bois précieux que les Dominguez exploitaient dans leur scierie. Tout m’enivrait, l’odeur des forêts humides, ce parfum sensuel de terre rouge, de sèves et de racines, le calme des sous-bois touffus surveillés par ces géants verts et silencieux, le murmure mystérieux des bosquets : chant des eaux invisibles, rumeurs de racines et d’insectes, trilles de doux ramiers et cri strident des milans.
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Elle fit analyser la composition de la terre, les caprices de l’eau et des vents, en commençant par les terres qui appartenaient à la famille. Elle paya une misère de vastes étendues abandonnées dont personne ne voulait, parce qu’il n’y avait pas d’eau en dehors de celle qui tombait du ciel. Le raisin, le bon, celui qui fait les vins à la texture la plus fine et au parfum le plus doux et le plus généreux, ne pousse pas dans l’abondance, mais sur des terrains caillouteux. La plante, avec l’entêtement d’une mère, vainc les obstacles pour puiser au plus profond avec ses racines et profite de chaque goutte d’eau ; c’est ainsi que se concentre les arômes dans le raisin, m’expliqua ma grand-mère.
_ Les vignes sont comme les gens, Aurora, plus les circonstances sont difficiles, meilleurs sont les fruits.
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Williams m’a amenée dans le salon des aquarelles, où je supposais que ma grand-mère Eliza m’attendais, mais à sa place, j’ai trouvé Paulina del Valle, qui s’est approchée de moi avec précaution, comme si elle essayait d’attraper un chat fuyant, et m’a dit qu’elle m’aimait beaucoup et que dorénavant, je vivrais dans cette grande maison et que j’aurais beaucoup de poupées, et aussi un poney et une petite voiture.
_ Je suis ta grand-mère, dit-elle.
_ Où est ma vraie grand-mère ? aurais-je alors demandé.
_ Je suis ta vraie grand-mère, Aurora. L’autre grand-mère est partie pour un long voyage.
Je suis partie en courant, j’ai traversé le hall à la coupole, me suis perdue dans la bibliothèque, je suis entrée dans la salle à manger et me suis glissée sous la table, et là je me suis accroupie muette d’épouvante.
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Les deux grand-mères décidèrent que pour éviter de troubler encore davantage leur petite fille, il valait mieux l’éloigner définitivement de sa famille maternelle, qu’elle ne parle plus le chinois et n’ait plus aucun contact avec son passé. A cinq ans on n’a pas encore atteint l’âge de raison, telle fut leur conclusion, et avec le temps, la petite Lai-Ming finirait par oublier ses origines et le choc qu’elle venait de subir s’estomperait. Eliza Sommers s’engagea à ne pas tenter d’entrer en communication avec la fillette, et Paulina del Valle à adorer cette fille qu’elle avait tellement voulu avoir. Elles prirent congé avec une brève étreinte et Eliza sorti par la porte de service pour éviter que sa petite-fille ne la voie s’éloigner.
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Non pas qu’il crût aux fantômes; c’était un homme rationnel. Mais ils lui apparaissaient. Dans le monde d’Anita, qu’il avait partagé plusieurs années au Brésil, vie et mort étaient indissolublement imbriquées, les esprits bienveillants et maléfiques se promenaient partout.
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On sentait déjà monter la xénophobie contre les Latinos suite à l’odieuse campagne présidentielle de Donald Trump. Même si peu de gens le prenaient au sérieux, ses bravades pour dresser une muraille comme en Chine, pour fermer la frontière avec le Mexique et déporter onze millions de migrants sans papiers commençaient à prendre racine dans l’imagination populaire.
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Tu as beaucoup à faire, alors cesse de t'apitoyer sur toi-même, bois de l'eau et commence à écrire.
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Clara passa son enfance et les débuts de sa jeunesse entre les murs de la maison, dans un univers d’histoires merveilleuses, de silences paisibles où le temps ne se décomptait pas sur les cadrans ou les calendriers et où les objets avaient leur vie à eux, où les revenants prenaient place à table et devisaient avec les vivants, où passé et futur étaient de la même étoffe, où le réalité présente était un kaléidoscope de miroirs sens dessus dessous, où tout pouvait survenir.
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Il ne put dissimuler un sourire: décidément, faire du tourisme avec sa grand-mère Kate n'était pas pour des freluquets.
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Dehors, la campagne secouait sa torpeur nocturne et les premiers rayons du soleil croisaient comme des sabres les pics de la cordillère, réchauffant la terre et dissipant la rosée en une fine écume blanche qui gommait le contour des choses et transformait le paysage en vision de rêve.
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Clara habitait un univers conçu pour elle, qui la protégeait des rigueurs de la vie, où se mêlaient indissolublement la prosaïque vérité des choses tangibles et la séditieuse vérité des songes où les lois de la physique ou de la logique n'avaient pas toujours cours. Clara vécut cette période toute à ses rêvasseries, dans la compagnie des esprits aériens, aquatiques et terrestres, si heureuse qu'en neuf ans elle n'éprouva pas le besoin de parler.
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Nivea espéra que les étapes ingrates de la croissance doteraient sa fille de quelques imperfections, mais rien de ce genre ne se fit jour, bien au contraire, et à dix-huit ans Rosa ne s'était pas enrobée ni n'avait bourgeonné, mais avait vu s'accentuer sa grâce océane. Le teint de sa peau aux doux reflets bleutés, comme le ton de sa chevelure, la lenteur de ses gestes et son caractère taciturne évoquaient un habitant de l'onde. Elle avait quelque chose du poisson et si elle avait été dotée d'une queue écaillée, c'eût été manifestement une sirène, mais ses deux jambes la campaient sur une frontière imprécise entre la créature humaine et l'être mythologique.
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