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Critiques de J.D. Kurtness (30)
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De vengeance

« Qui n'a pas déjà rêvé de tirer quelqu'un dans la face avec un fusil de chasse ? Peu importe les raisons. Elles sont toutes bonnes, sur le coup. C'est quand elles demeurent bonnes longtemps que j'agis. »



C'est ainsi que s'ouvre ce roman, percutant et direct. J.D.Kurtness ose la narratrice méchante qui n'a que mépris et haine pour le genre humain.



"Certains disent qu'un ange leur apparaît, qu'ils entendent la voix de Dieu. D'autres voient un documentaire sur les chimpanzés. Trouver sa vocation, quelle chance ! Sans ça, j'aurais peut-être dû chercher toute ma vie : Raël, la coiffure, le water-polo ? L'univers a rendu possible mon initiation au crime parfait : la chance du débutant. Pour la suite, ce serait moins facile, mais je savais maintenant que l'impunité existait. Il ne tenait qu'à moi de la conserver : mon feu follet au fond d'une jarre. »



Son monologue à la première personne s'apparente à un journal intime où elle raconte sans fard son parcours criminel depuis qu'elle a découvert sa « vocation » lors d'un meurtre accidentel - elle avait douze ans – ainsi que ses techniques pour tuer tout en passant inaperçue, avec un souci paranoïaque du détail lorsqu'elle planifie et prépare ses passages à l'acte. C'est d'autant plus dérangeant qu'elle est totalement intégrée à la société, amicalement, familialement et professionnellement.



Etonnamment, cette narratrice absolument atroce apparaît presque comme sympathique sous la plume enlevée et ciselée de son autrice. Sans doute parce que cette dernière la dote d'un humour grinçant à l'acidité redoutable et ultra efficace pour ceux qui goûtent cette forme d'humour. Ces réflexions sont aussi indignes et odieuses que désopilantes. Certes la meurtrière est une misanthrope rageuse au dernier degré mais ses « irritants » qui la poussent au passage à l'acte peuvent être les nôtres.



Ce sont toutes les dérives de nos sociétés urbaines contemporaines qui sont passées au crible. La narratrice veut « améliorer » la société en la débarrassant de ses importuns, petits ou grands : les propriétaires de chiens qui laissent déféquer leurs animaux à des endroits inappropriés ; les voisins qui vous empêchent de dormir par leur tapage nocturne aviné ; les chauffards etc, toute la médiocrité et le poison du quotidien.



J.D Kurtness a le sens du rythme dans son petit jeu de massacre. Dans le dernier quart, elle accélère mais sans doute trop. J'ai trouvé la fin beaucoup trop expéditive alors que c'était à ce moment-là que la tueuse sortait de sa routine méticuleuse. Cette acmé criminelle inattendue méritait vraiment d'être plus développée.
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Aquariums

Quel livre étonnant ! Il s'ouvre sur une citation de la Genèse évoquant la création de l'homme avant de plonger le lecteur dans une narration discontinue, succession de vignettes convoquant une baleine matriarche voyageuse, un requin aveugle affamé, un Amérindien du fonds des âges assistant à un combat baleine vs calmar géant, un marin du XIXème siècle, une fillette d'aujourd'hui qu'on voit grandir et se passionner pour la nature et le monde marin.



Il faut attendre la moitié du roman pour commencer à comprendre comment le récit s'articule, ses enjeux,.j'ai du m'y reprendre à deux fois, persuadée que j'avais tâté quelque chose. Mais j'ai été tellement charmée par la poésie qui se dégage des phrases et stimule un riche imaginaire que je me suis laissée totalement portée. Des images follement superbes se sont durablement imprimées ...



... cette vieille baleine épuisée qui tète « surprise par la chaleur du lait, sa richesse, son onctuosité. Elle tète longtemps, avec avidité. Une autre jeune mère prend le relais. L'appétit de la matriarche est grand. Quand, enfin gorgée et ragaillardie, elle reprend ses esprits, elle se met à chanter de toutes ses forces. Un appel à quitter ce lieu maudit et stérile et à la suivre vers un nouveau territoire. La banquise y est très épaisse, trop parfois, mais son instinct lui dit que cette fois-ci elles pourront la fracasser au prix de quelques nouvelles balafres. Elles perceront les glaces éternelles et feront naître un nouveau océan s'il le faut. »



... la vie dans les profondeurs bathyales avec leur « manière différente d'habiter le monde, de le percevoir et d'y intéragir existe à côté de nous. Comment se sent un poulpe dont chaque bras forme un système nerveux autonome ? De quoi est fait l'environnement d'un animal quand ses manifestations les plus vives lui parviennent par le biais des champs électriques émis par ses proies ? A quel rythme s'écoule le temps pour un arbre de sept cent ans ? Un corail de trois mille ans ? »



Le plus étonnant, c'est comment l'autrice est parvenue à instiller un pessimisme presque joyeux à son texte. Le contexte est douloureux, entre éco-anxiété et apocalypse réaliste, avec un monde qui se meurt irrémédiablement et une mission scientifique en Arctique qui veut sauver les écosystèmes en péril telle une arche de Noé. Et pourtant, son roman est lumineux, à l'instar de son dernier chapitre qui relie somptueusement toutes les scènes qui semblaient disparates. Le trait est sobre, dénué d'emphase pour parler de cette « fin du monde », laissant ainsi toute sa place à un récit contemplatif qui dépasse l'humain, et qui lui se développe dans le lyrique.



La narratrice, jeune scientifique embarquée à bord de ce navire hors du temps, convoque ses souvenirs, remonte sa généalogie, ses ancêtres, comme si dans l'apocalypse, les souvenirs du passé permettaient de ne pas mourir dans le présent et de survivre dans le futur. Dans ce plaidoyer écologique, la résilience de l'espèce est humaine ne se cantonne pas à une vaine espérance mais se déploierait dans un nouveau cycle de vie, différent, plus vertueux, possible en tout cas, avec une science émouvante et non strictement utilitaire.



Le récit est court, sans doute aurais-je aimé m'immerger encore plus longtemps, approfondir ma connaissance de plusieurs personnages, mais de façon évidente, J.D. Kurtness a un univers fort et singulier, loin des sentiers battus narratifs, qui ravira ceux qui seront sous son charme ou pourra déstabiliser ceux qui ne parviendront pas à relier les fils dans la première moitié du récit. Quitte ou double.

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La vallée de l'étrange

J.D. Kurtness rentre dans la catégorie très spéciale des auteurices que je ne suis pas certaine d'apprécier, mais que je continue à lire malgré tout. Il y a dans son style quelque chose d'extrêmement original et perturbant qui va complètement à rebours des tendances générales. En ce sens, c'est rafraîchissant, surtout en voyant ses thèmes de prédilection – le désastre écologique et la place des technologies dans nos vies : autant leur traitement global n'est pas particulièrement original, autant la façon qu'a l'autrice de les aborder donne vraiment l'impression de les observer d'un oeil neuf.





L'intrigue des romans de Kurtness est souvent difficile à résumer et celui-là ne fait pas exception. En fait, plusieurs mois après ma lecture, j'ai bien du mal à me rappeler l'histoire elle-même. Par contre, je me rappelle parfaitement la thématique abordée : la montée de l'intelligence artificielle, qui vient ici poser des problèmes éthiques auxquels on n'aurait pas pensé de prime abord… et plus difficiles à démêler qu'on ne se l'imagine.



J'ai trouvé le style moins froid et distant que dans ses deux précédents romans, peut-être, paradoxalement, parce que la narration est à la 3e personne et non plus à la 1e personne, et aussi parce qu'on a droit cette fois à des dialogues directs. Ainsi, d'une certaine manière, ce roman est le plus conventionnel de l'autrice, et le moins déroutant (sur la forme) à la lecture. Aussi, l'ouvrage m'a fait l'effet de continuellement tourner autour du pot, sans que je parvienne à comprendre si ce sentiment de frustration était voulu ou non… Et à froid, je dois admettre que je suis tout autant troublée que pour ses autres oeuvres.



En bref : une autrice à lire si vous cherchez à sortir de votre zone de confort.
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Wapke

Le livre se présente comme un recueil de nouvelles d'anticipation autochtone. Je crois par contre que si vous êtes fan de littérature d'anticipation, cette lecture n'est pas pour vous. Parce qu'au final, beaucoup des nouvelles du recueil sont des variations sur la même trame : Le système actuel est tombé, que ce soit par une crise climatique ou économique. Et le protagoniste s'adapte à un mode de vie où manquent certains luxes, mais y retrouve un sens de la communauté qui manquait à la vie d'avant.



Beaucoup de ces nouvelles sont excellentes, mais gagneraient à ne pas se trouver coincées entre deux autres trop semblables.Par contre, si vous êtes plutôt fan de littérature générale/réaliste, cela peut certainement vous plaire. Parce qu'en dehors du worldbuilding, la forme, le style, l'exécution et la voix de chaque nouvelle est unique. Les palettes de personnages sont riches et originales.
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De vengeance

Par plaisir de l’homicide



J.D. Kurtness, une nouvelle voix venue du Québec, retrace dans ce court et percutant roman le parcours d’une meurtrière «pour la bonne cause». Et réussit le tour de force de nous la rendre de plus en plus sympathique alors que les cadavres s’accumulent.



Tout a commencé par un homicide involontaire. En voyant Dave Fiset accroupi au bord de la rivière, la narratrice, encore adolescente, a l'idée de lui balancer un caillou dans les fesses. Mais son geste est imprécis. Quand elle se relève, il lui faut constater que l'aîné des Fiset est allongé sans vie, la tête dans l'eau. La meurtrière ne sera pas inquiétée. «Ce n'est pas que j'éprouve de la culpabilité, c’est l'impossibilité de me vanter que je trouve le plus difficile, Je fais donc de mon mieux pour oublier l'épisode.»

Quelques années plus tard, elle est en ville pour ses études dans un appartement quasi insalubre qu'elle partage avec Gustave et sa cousine Simone. Ce ne sont pas ses maigres revenus de traductrice qui lui permettront d'améliorer son ordinaire, de se nourrir avec autre chose que des pâtes, de souffrir du froid en hiver, de la canicule en été. «Nouilles, café et marijuana: la diète de l'étudiant.» Après avoir essayé en vain d'améliorer l'isolation en injectant de la mousse expansive entre les cloisons, elle hérite du reste du tube. C'est alors qu'elle conçoit un nouveau plan pour se venger de tous ces profiteurs et pollueurs qui détruisent la planète. À la nuit tombée, elle va injecter de la mousse dans les gros pots d'échappement, puis s'en va. Par prudence, il est hors de question de traîner dans le quartier ou même de chercher à savoir quels sont les effets de son petit jeu. Gare aux propriétaires de chiens qui oublient de ramasser les crottes de leur animal de compagnie, aux administrateurs de sociétés énergétiques – gros pollueurs – ou encore aux violeurs. «On trouve toujours de bonnes raisons. Le crime parfait se présente tout simplement». Alors, elle s’amuse tout en se disant qu’elle ne fait que rendre justice.

Jusqu'au jour où elle déroge à cette règle et intervient dans son propre écosystème. Muni d'une carabine à plombs, elle tire sur des voisins bruyants depuis le toit de son immeuble. «C'est de la négligence, de la faiblesse. Je pense que la ville me rend folle. Du moins, elle me fait faire des erreurs.»

J. D. Kurtness ose mettre en scène, avec beaucoup d'humour noir, une narratrice méchante, calculatrice et froide, tout en réussissant le tour de force de nous la rendre sympathique. Il faut dire, comme elle le théorise elle-même, que son visage son est son meilleur alibi. On lui donnerait le bon dieu sans confession. Et qu’elle parvient avec finesse à nous faire croire qu’elle n’est qu’une victime du système. Un système qui, elle le sent bien, va finir par la broyer. Car la technologie avance à pas de géants dans son domaine – elle est traductrice, rappelons-le – et elle sent bien que les machines vont bientôt la supplanter. Alors, il est raisonnable d’agir.

Ce premier roman très culotté est paru en 2017 au Québec où a été multi primé : Prix coup de cœur des amis du polar, Indigenous Voices Awards (saluant un écrivain autochtone émergent) et Prix Découverte du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les éditions dépaysage ont eu la bonne idée de nous faire découvrir cette nouvelle voix percutante, corrosive et fort prometteuse.






Lien : https://collectiondelivres.w..
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De vengeance

C’est un livre assez court, mais un long monologue, quasi sans dialogue. Une confession ; une interpellation. Un texte qui dérange, qui appuie là où ça fait mal et qui vient secouer notre conscience et notre morale.



Depuis toute petite, la narratrice de De vengeance de J.D. Kurtness a développé une vocation de justicière d’un monde qui se finit et dont la fin semble de plus en plus proche chaque jour qui passe.



Elle répare les erreurs de ceux qui s’égarent, des petits tracas du quotidien aux fautes impardonnables. Mais quelle que soit la cause, sa vengeance n’a pas de nuances et sa sanction est généralement mortelle : puisqu’on est déjà trop nombreux, quel mal y aurait-il à éliminer ceux qui se comportent mal ?



N’aimant rien tant qu’observer, petite, le monde de haut depuis son arbre au bord de la rivière, ou le toit de son immeuble par la suite, la narratrice se désespère de ses contemporains. Et les punit avec toute la force de sa légitimité auto-déclarée.



« L’enfer, c’est les autres, et il suffit de quelques secondes où je me mets à énumérer ce que je déteste de l’humanité pour chasser tout sentiment de culpabilité. Tous ces gens qui se tortillent comme des asticots, je les hais passionnément ».



Et c’est là tout l’intérêt du livre, ce cheminement de pensées justificatives qui arrivent à rendre totalement empathique une narratrice si froidement inhumaine. Et qui finissent par nous interroger sur les limites de la vengeance, quand elle devient peu à peu jouissance.



Même si la fin sans message m’a laissé perplexe, j’ai pris beaucoup de plaisir avec ce livre bien noir, atypique – mais bienvenu – dans la collection Talismans de Dépaysage. Plaisir renforcé par les mots québécois volontairement laissés dans le texte, permettant de découvrir les délicieux « m’écrapoutir », « quétainerie », ou « granos ».

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Wapke

Une série de nouvelles d’anticipation écrites par des auteurs autochtones talentueux.



Wapke signifie « demain » en langue atikamekw et le livre est un peu une commande de récits de science-fiction faite auprès d’auteurs qui ne touchent habituellement pas ce genre de littérature. On a donc ici surtout des récits post-apocalyptiques un peu convenus, avec les problèmes des changements climatiques et la destruction de l’environnement causée par l’industrie d’une part et d’autre part un groupe autochtone résilient qui survit grâce aux savoirs traditionnels.



Je caricature un peu, mais pour des nouvelles « d’anticipation », je n’ai pas été éblouie par un foisonnement d’imaginaire. Il faut dire que le quatrième de couverture est explicite lorsqu’il qualifie le recueil « abordant des thèmes sociaux, politiques et environnementaux d’actualité ».



Au final, un recueil inégal, mais une première tentative du genre qui a le mérite de rassembler des auteurs de qualité dont on a intérêt à découvrir les autres œuvres.

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Aquariums

Chacun a ses limites de style ou de genre avec les livres qu’il lit. Il est bon, parfois, de tenter de les repousser « pour élargir ses horizons littéraires » comme on dit… Mais ça ne fonctionne pas toujours, comme pour moi avec Aquariums de J.D. Kurtness…



Une histoire d’expédition scientifique arctique sur fond de pandémie au rhabdovirus, prétexte à remonter le fil d’une histoire personnelle et familiale marquée par le courage et la force des femmes.



Un livre complexe qui mélange histoire autochtone et trajectoire personnelle, approche scientifique et animaliste, fin du monde et responsabilités de ses habitants, effets papillons et baleines.



« N’empêche, ce ne sont pas les canons à harpon qui ont asséné le coup de grâce. C’est notre indifférence. »



Après une entame d’une force incroyable, voilà un livre qui m’a progressivement perdu sans jamais me rattraper. Malgré sa conclusion furieuse et enthousiasmante : « Je serai cette vieille qui crache dans la bouche des nouveau-nés, pour leur souhaiter la bienvenue et les immuniser contre le monde. »

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De vengeance

Qui es-tu ? Ton physique, tes valeurs, ton intelligence, tes émotions, tes opinions, tes connaissances ? Un mélange de tout ça? Saurais-tu le définir ?



La narratrice de ce roman sait très bien se résumer. Elle est une tueuse et ça lui donne du pouvoir.



Oh bien sûr, personne ne le voit. Elle a un joli minois inoffensif et passe partout. Une activité plus conventionnelle de traductrice pour des émissions de télé-réalité type "Confessions intimes" aux thématiques rocambolesques. Mais si elle vous a dans le viseur il y a de fortes chances que vous passiez un sale quart d'heure.



Ce qui la met hors d'elle et déclenche son petit "nettoyage humanitaire" vous le découvrirez en lisant "De Vengeance". Et il se pourrait bien que vous développiez des sentiments ambivalents pour elle.



Ce roman est puissant, vif, et n'hésite pas à mettre à mal les émotions du lecteur. Il pousse à la réflexion, va fourrager dans ce qui est l'essence même de notre humanité et nous en ressortons confus et fascinés à la fois.
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Aquariums

Ce court roman de 150 pages est difficile à résumer, et la quatrième de couverture en raconte uniquement la deuxième moitié (ce qui fait qu’on passe toute la première moitié à se demander quand l’histoire va enfin démarrer).



On y suit la vie d’une jeune fille, Émeraude Pic, depuis notre époque jusqu’à un futur proche ravagé par la crise climatique. Sa participation à une expédition en Arctique constitue la fin du roman et l’évènement le plus marquant. En parallèle, on suit l’histoire de sa famille depuis le 19e siècle, chaque début de chapitre étant centré sur l’un des ancêtres. On comprend à la fin ce parti pris,



Le style de l’autrice est comparable à celui de De vengeance : froid et clinique, uniquement descriptif, sans dialogues directs. Cela crée un effet de contraste intéressant avec le réel souci de la narratrice de préserver l’environnement et son désespoir face à la curée capitaliste. Et bien que j’aie eu du mal à adhérer à ce style, j’ai tout de même apprécié ce côté sobre, dénué d’emphase et de romantisme, qui donne une vraie force à ce plaidoyer écologique.



L’ensemble m’a toutefois paru décousu, le fil directeur étant trop ténu pour donner une bonne cohésion à l’ensemble. La volonté de l’autrice de s’étaler sur certains événements plutôt que sur d’autres m’a parfois déroutée. Bref, c’était prometteur, mais un peu trop déséquilibré et pas assez abouti à mon goût.
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De vengeance

•DEXTER INNUE• J'ai bien conscience d'un peu vous aguicher avec cette référence, et pourtant c'est la première qui m'est venu lors de cette lecture. Alors oui, notre héroïne n'est pas aussi hémoglobinique que notre expert en médecine légale, mais ils ont quand même le point commun de débarrasser le monde de personnes peu respectables.Notion subjective de la respectabilité ici. Son spectre d'évaluation étant assez large puisque nous pouvons passer de crottes de chien non ramassées sur les trottoirs à des délits sexuels. En résumé, il ne faut pas trop l'asticoter notre meurtrière…« Qui n'a pas déjà rêvé de tirer quelqu'un dans la face avec un fusil de chasse ? Peu importe les raisons. Elles sont toutes bonnes, sur le coup. C'est quand elles demeurent bonnes longtemps que j'agis. »Tout a commencé par un homicide involontaire lorsque notre narratrice a 12 ans. La victime : la petite brute de l'école, Dave Fiset. Une mort accidentelle dont elle n'a jamais été inquiétée et qui va lui donner ce goût de la « justice ». En grandissant, elle mène une vie normale voire banale. Elle devient traductrice et partage une collocation avec Simone et Gustave. Même eux ne se doutent de rien. Pourtant cette double vie n'est pas de tout repos. Elle dort peu la nuit, trop occupée à commettre ses méfaits ou à faire du repérage …La vengeance n'est-elle pas un plat qui se mange froid? Un récit que j'ai beaucoup aimé, tant sur le fond que la forme. Un monologue, tel un journal intime, dans lequel nous suivons les pensées et le quotidien d'une héroïne hors norme. J'ai adoré le ton. Il y a de l'humour, c'est corrosif et complètement décalé. Dès les premières pages, le lecteur est interpellé « J'ignore à qui je m'adresse. Tu es une créature du futur, puisque le moment présent est déjà terminé ». Puis comment ne pas éprouver de l'affection pour ce personnage ? Oui elle tue. Mais l'immoralité de ses actes passe au second plan face à ses justifications. Et une personne qui sauve des chiens ne peut pas être totalement mauvaise après tout, non ?🤪. Le seul bémol que je pourrai soulever, c'est la fin que j'ai trouvé un peu précipitée … Mais je ne vous en dis pas plus !  

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En bref, un premier roman singulier et percutant !


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Aquariums

Si vous êtes un adepte farouche des publications des Éditions Dépaysage, vous aurez sûrement déjà croisé la plume incisive de J. D. Kurtness dans le roman "De vengeance" et vous connaîtrez donc déjà son engagement écologiste.



Sinon vous pourrez toujours la découvrir avec le non moins plaisant, non moins original, et non moins engagé "Aquariums" fraîchement paru dans la collection Talismans.



Très different de son prédécesseur, ce roman fascine dès les premières pages. On se sent hapés par les états d'âme d'un jeune homme qui vient d'échouer à son rite de passage, puis saisis par la vision d'exception que le destin lui offre alors qu'il n'avait rien demandé. Nous sommes ailleurs, nous en voulons encore. Mais l'autrice décide de nous dérouter et de nous emmener plus loin.



Nous l'apprendrons bientôt, il y a bien une trame de fond, nous y suivrons Émeraude dans son parcours de vie atypique. Mais il y a aussi tout autour une aventure kaleïdoscopique qui se contrefout du temps, du lieu, de nos interrogations. Alors on fait confiance, on n'a pas le choix, on accepte de se perdre. On s'investit à fond et sans même y prendre garde dans cette vision du monde qui mêle mélancolie et optimisme, qui parle de l'histoire de l'humanité sans la faire centrale et sans la rendre anecdotique pour autant. Quelle différence entre le corail qui survit dans un aquarium et l'homme qui survit dans une navette spatiale ? Et finalement quelle importance si ce n'est la beauté d'un possible lendemain.



Perdez-vous, questionnez-vous, attachez-vous et détachez-vous, ayez confiance et vous saurez.
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Wapke

Wapke est un recueil de nouvelles d’anticipation autochtone, publié aux Éditions Stanké, sous la direction de Michel Jean. Ce recueil est le premier dans le genre à être publié au Québec. Comme je trouve qu’il faut lire la littérature autochtone, je n’ai pas hésité à dire oui.



Tout d’abord, il importe de mentionner que Wapke signifie futur en langue atikamekw comme il est stipulé sur la quatrième de couverture. Pour un recueil de nouvelles d’anticipation, le titre ne pouvait être mieux choisi. Ainsi, Joséphine Bacon (Innue), Natasha Kanapé Fontaine (Innue) ou encore Cyndy Wilde (Anicinipape et Atikamekw), pour ne mentionner que ces dernières, offrent un portrait post-apocalyptique à leur lectorat. Ils sont 14 à proposer des nouvelles sur ce que sera l’avenir et ce qui m’apparaît vraiment intéressant c’est que les autrices et les auteurs sont nommés et la communauté autochtone à laquelle ils appartiennent est identifiée. Aussi, les thèmes relevés dans ce recueil sont divers. Je peux citer l’impact du réchauffement climatique, le gouvernement autoritaire, la technologie, la fécondité, l’identité, le racisme, la discrimination, le fantastique, etc. J’ai trouvé ces nouvelles fascinantes, voire perturbantes en ces temps de pandémie. À cet égard, j’ai été profondément perturbée par «Pakan» (Autrement) de Cyndy Wilde. Ainsi, j’ai pu relever des éléments qui me semblaient tributaires de la réalité. Par exemple :



«Cette pandémie aura quintuplé la superficie du fossé qui sépare les Autochtones des Québécois» (p. 95)



Ou encore :



«La disparition d’une femme autochtone avait laissé la plupart des gens dans l’indifférence la plus totale». (p. 98)



On peut se référer aux nombreux cas de disparition de femmes autochtones qui sont demeurés des mystères. Ça donne froid dans le dos.



Mais encore, je me suis retrouvée en ce qui concerne la nature. Les nouvelles démontrent souvent à quel point les Autochtones ont besoin de la nature et qu’ils en sont près, qu’ils veulent préserver la Terre-Mère. Je ressens de plus en plus ce besoin d’être dans la nature, près des oiseaux et des arbres, des cours d’eau et ce, depuis le début de la pandémie. Il y a des passages magnifiques illustrant ce constat. Ainsi, dans la nouvelle «2091» d’Elisapie Isaac, Inuk de Salluit, il est mentionné qu’il faut accueillir le silence et qu’il importe de ne pas chercher à le meubler. Ce dernier invite au recueillement, à l’observation, à l’essentiel. Mais encore, il décrit le paysage du Labrador qui doit être splendide (je n’y suis jamais allée) :



«Sur le pont, Tayara admire la vue avec quelques voyageurs. Les vallées, les montagnes, l’infinie beauté du Nord. Ils voguent vers leur première destination, les monts Torngat, vers le Labrador. Un site spectaculaire, un de ses endroits préférés. À chaque visite, la même émotion le submerge. Il ne se lasse jamais depuis huit ans, à raison de quatre voyages chaque été. » (p. 113-114)



Si vous avez envie de découvrir des autrices et des auteurs de choix, n’hésitez pas à lire Wapke. Ce dernier est aussi empreint de poésie :



Une nuit d’étoiles et moi.

Il me semble entendre des pas.

Un vieil homme, panaches de caribou autour

de la taille, veste blanche brodée de rouge, perce

l’horizon.

Grand-père, je n’entends plus ton coeur.

Je sais. (Joséphine Bacon, «Uatan, Un coeur qui bat», p. 201.
Lien : https://madamelit.ca/2021/05..
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De vengeance

La narratrice tue accidentellement un camarade de classe. Son crime demeure impuni. Coup de chance : elle vient de trouver sa vocation et s'en réjouit. Seul regret: elle ne peut s'en vanter. D'emblée le ton est donné : nous voici avec une tueuse en série qui va, peu à peu, monter en puissance et se débarrasser de ceux qu'elle estime nuisibles à des degrés divers: cela va de celui qui manque l'écraser à celui qui ne ramasse pas les crottes de son chien. Pour commencer.

Socialement bien intégrée, patiente (très patiente), intelligente et organisée, elle passe inaperçue et en joue.

Pour elle, c'est un "passe-temps" que de se venger. Mais elle pratique cette activité avec beaucoup de distance et ne connaît pas toujours le résultat de ses actes, libre au lecteur de l’imaginer. Contrairement à d'autres tueurs en série, elle ne paraît pas outrageusement dérangée et tout l'art de l'autrice , pour peu qu'on apprécie l'humour noir (très noir), est de nous rendre acceptable son comportement...Une lecture intensément jubilatoire.
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Aquariums

Étrange en ces temps de covid de lire un roman qui prédit une épidémie majeure qui décimera une grande partie de la population en attendant un vaccin. On suit dans ce roman une jeune scientifique qui recrée des écosystèmes et qui participe à une mission dans le Nord. On découvre plusieurs personnages dans différentes époques, difficile parfois de suivre le fil de ces récits qui semblent parfois déconnectés les uns des autres.
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Wapke

À la croisée des temps, des déceptions, des changements, hier en fumée, Wapke (demain) par anticipation, ou quand la pandémie devient source d’inspiration par extrapolation, 14 auteurs autochtones d’ici s’y prêtant au jeu, offrant de quoi pour le moins délicieux !
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Aquariums

Roman de passions joliment dévorantes et d’éducations atypiques bien digérées, de transmissions essentielles à travers les âges et d’écosystèmes en phase avancée de décomposition, « Aquariums »réussit le pari rare d’un pessimisme apocalyptique transformé sous nos yeux en paradoxal principe Espérance.





Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/07/24/note-de-lecture-aquariums-j-d-kurtness/



Émeraude Pic est une jeune biologiste marine québécoise de haut vol, dont la thèse sur la reconstitution d’un écosystème tropical du golfe du Mexique, mise en pratique in vitro avec un tel succès qu’elle en retire peu ou prou le sobriquet de reine des aquariums, lui vaut d’être embarquée à bord du Charlie Chopine, navire scientifique devant tenter de reproduire ce petit miracle dans un environnement arctique désormais profondément dégradé. Alors qu’elle rejoint le port d’embarquement, perdu tout au nord du Québec, une épidémie redoutable, après avoir été négligée pendant des mois (tous les virus ne sont pas forcément serviables quant à leurs périodes d’incubation et de contagiosité), commence à se déchaîner sur tout le territoire.



Prise au piège de (ou au contraire protégée par) la capsule de survie qu’est devenu de facto le Charlie Chopine, elle voit défiler en un monologue intérieur férocement humoristique (et parfois extrêmement caustique) l’enfance et l’adolescence qui l’ont menée là, et qui l’ont aussi conduite à avoir pour meilleur ami Henri, enfant très à part du fait de sa mortelle ultra-sensibilité au rayonnement ultra-violet, devenu un génie de l’informatique désormais en charge de plusieurs aspects cruciaux de la première mission spatiale habitée vers Mars, qui s’élançait justement ces jours-ci… Si l’on ajoute dans ce paysage mémoriel façonné par les hasards et les nécessités humaines, sociales et, jadis ou naguère, coloniales, un vaisseau hauturier secouru par la tribu locale d’un peuple premier, une authentique sorcière versée en herbes et en philtres, un dantesque combat préhistorique entre un cachalot et un calmar géant (le Scott Baker de « Dans les profondeurs de la mer repose le sombre Léviathan » ne sera, à ce moment-là, pas si loin, de même qu’en des espaces voisins pourraient se glisser aussi bien les « Abysses » de Rivers Solomon que le « Superluminal » de Vonda McIntyre – dont on vous parlera prochainement sur ce blog), on obtient un cocktail magique, joliment déroutant et, par bien des aspects, étrangement prémonitoire si l’on pense à la date de son écriture.



Publié en 2019 au Québec chez L’Instant même, puis en 2021 en France dans la collection Courant alternatif des Moutons Électriques, le deuxième roman de J.D. Kurtness, deux ans après « De vengeance », nous propose le fabuleux mélange réussi, aux proportions méticuleuses, d’une saveur apocalyptique songeuse que l’on trouverait par exemple chez l’Emily St. John Mandel de « Station Eleven » et d’une imprégnation profonde des équilibres délicats des écosystèmes marins de l’extrême, tels qu’en rendait compte le grand Barry Lopez de « Rêves arctiques ». Et cela mâtiné avec justesse d’une dose d’émancipation adolescente joueuse – against all odds, pourrait-on dire – qui évoquerait la Marie-Andrée Gill de « Frayer » ou de « Chauffer le dehors ». Et tout cela brillamment servi par une écriture rusée, sachant pratiquer le véritable mine de rien, aussi à l’aise dans les moiteurs sauvages des internats de jeunes filles que dans les arcanes des techniques de réfrigération et d’oxygénation en biologie marine, dans les rituels conjuratoires d’une autre époque et dans les caractéristiques d’incubation et de transmission de nouveaux virus mutants issus de celui de la rage. Dans la Montreal Review of Books, Roxane Hudon note très finement que ni Émeraude ni Henri ne deviennent ce qu’ils sont (la traduction de l’anglais est ici de mon cru) uniquement du fait de circonstances sociales ou d’aléas d’éducation, mais bien à la fois du fait d’une transmission spécifique de quelque chose qui vient de loin, et d’une curiosité scientifique presque sans bornes. Et c’est ainsi que « Aquariums » s’inscrit aussi pleinement dans ce courant littéraire passionnant que l’on pourrait nommer, à l’image de la « Trilogie climatique » de Kim Stanley Robinson et de l’un de ses noms d’usage, le scientifique politique, ou plus exactement l’exploration des possibilités d’action politique et intime de la science contemporaine – une fois définitivement débarrassée de la mythologie délétère du progrès à tout prix devant d’abord nourrir les profits du capital.


Lien : https://charybde2.wordpress...
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Wapke

Demain.

C'est ce que signifie Wapke, en attikamekw, langue d'une des nombreuses Premières Nations du Québec.

Ô combien j'ai trouvé original ce thème choisi par Michel Jean, qui a dirigé ce recueil de nouvelles d'anticipation rassemblant 14 auteur.e.s autochtones, dont certaines nouvelles plumes.

Quelle vie auront les communautés autochtones dans le monde de demain, un demain parfois pas si lointain ?

Si l'ensemble des contributeurs partage la vision d'un Grand Changement à venir, les voix sont plurielles, et même dans la dystopie, certaines portent la flamme de l'espoir et d'autres broient du noir.

Parmi mes préférées, je citerai Les enfants de lumière, de Virginia Pésémapéo Bordeleau : elle y narre un monde post-apocalyptique où les traditions ancestrales des premières nations permettent à l'humanité entière de survivre, et où l'amour reste la meilleure foi en l'avenir et la plus grande force de reconstruction. À la manière d'une légende, ce récit inclusif me transporte.

Dans certaines de ces nouvelles, les blessures de la dépossession des territoires et de la déculturation sont encore vives et se dressent telles un spectre vivant prêt à engloutir de nouveau les Nations ... Elles se veulent un cri d'appel politique. J'espère qu'il sera entendu.



Je recommande vivement cette lecture, pour une immersion dans la richesse et la diversité des âmes autochtones, à qui nous devons un profond respect, pour le passé, pour l'avenir, dès aujourd'hui.


Lien : https://www.nathydeurveilher..
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Wapke

Mon évaluation reflète une moyenne globale pour ce recueil. Les nouvelles qu'on y retrouvent sont malheureusement de qualités inégales. Heureusement, celles qui se démarquent m'ont fait découvrir d'excellents auteurs et autrices autochtones. Concept très apprécié.
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Aquariums

C’est un curieux roman que celui que J.D. Kurtness nous donne à lire.

Le fil rouge, c’est l’histoire d’Emeraude Pic, enfant solitaire, qui devient océanographe et s’attache à faire revivre des écosystèmes détruits par la main de l’homme.

Mais l’autrice invite aussi au fil du récit d’autres personnages, une baleine, un boulanger, un calmar géant, un marin, un déserteur cannibale…, sans que l’on découvre vraiment quel est le lien entre eux, pas avant la fin.

C’est à la fois un peu décousu, déstabilisant et intriguant. Curieuse aussi cette quatrième de couverture qui raconte le dernier tiers du roman.



Ceci étant dit, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman très bien écrit.

Ce qu’il dit de l’écroulement programmé de notre monde est sombre mais l’autrice s’en tient aux faits scientifiques, ne dramatise jamais et le texte n’est pas dépourvu de lumière.

J’aurais aimé passer plus de temps avec certains personnages, leur évocation est parfois si brève qu’on les oublie trop vite.

J’aurais aimé aussi que ce roman prenne plus son temps pour raconter ces vies, mais cette rapidité dans l’enchaînement des générations, dans le récit de la vie d’Emeraude est peut-être là pour montrer que tout va vite et vite mal.
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