Citations de Jacques Lacan (1050)
Aucune théorie empirique n’est susceptible de rendre compte de la simple existence des nombres entiers. Quelque effort qu’ait fait M. Jung pour nous convaincre du contraire, […] à un certain niveau d’usage du signifiant, dans telle culture, […] c’est une conquête que d’accéder au nombre 5 par exemple.
Cet intervalle, l'être et ne pas l'être, la langue permet de l'apercevoir dans une formule où glisse le verbe être -il n'est pas sans l'avoir. C'est autour de cette assomption subjective entre l'être et l'avoir que joue la réalité de la castration.
Dégager une loi naturelle, c'est dégager une formule insignifiante. Moins elle signifie quelque chose, plus nous sommes contents. C’est pourquoi nous sommes parfaitement contents de l’achèvement de la physique einsteinienne. Vous auriez tort de croire que les petites formules d’Einstein qui mettent en rapport la masse d’inertie avec une constante et quelques exposants, aient la moindre signification. C’est un pur signifiant. Et c’est pour cette raison que grâce à lui, nous tenons le monde dans le creux de la main.
[…] Il ne faudrait pas croire pour autant que notre physique implique la réduction de toute signification. A la limite il y en a une, mais sans personne pour la signifier. A l'intérieur de la physique, la seule existence d'un système signifiant implique au moins cette signification, qu'il y en ait un, d'Umwelt [univers].
La naissance du signifiant, c’est la simultanéité [de l’inscription de la trace dans les registres de la mémoire], et aussi bien son existence est une coexistence synchronique.
La raison de la dissymétrie [entre les deux sexes quant au complexe d’Œdipe] se situe essentiellement au niveau symbolique.
Il n'y a pas à proprement parler, dirons-nous, de symbolisation du sexe de la femme comme tel. […]
L'accès de la femme au complexe œdipien, son identification imaginaire [finalement en tant que femme], se fait en passant par le père, exactement comme chez le garçon, en raison de la prévalence de la forme imaginaire du phallus. […]
[Mais] Le fait ne peut s'interpréter que dans la perspective où c'est l'ordonnance symbolique qui règle tout.
[…] Là où il n'y a pas de matériel symbolique, il y a obstacle, défaut, à la réalisation de l'identification essentielle à la réalisation de la sexualité du sujet.
[phase orale]
Ce n’est qu’à l’intérieur de la demande que l’Autre se constitue comme reflet de la faim du sujet. L’Autre n’est donc point seulement faim, mais faim articulée, faim qui demande. Et le sujet est par là ouvert à devenir objet, mais, si je puis dire, d’une faim qu’il choisit.
Si le névrosé est désir inconscient, c’est-à-dire refoulé, c’est […] dans la mesure où son désir subit l’éclipse d’une contre-demande […] –tout mode prématuré de l’interprétation est critiquable en tant qu’elle comprend trop vite, et ne s’aperçoit pas que ce qu’il y a de plus important à comprendre dans la demande de l’analysé, c’est ce qui est au-delà de cette demande. C’est la marge de l’incompréhensible qui est celle du désir. […]
Répondre à la demande de nourriture, à la demande frustrée, en un signifiant nourrissant, laisse élidé ceci, qu’au-delà de toute nourriture de la parole, ce dont le sujet a vraiment besoin, c’est de ce qu’il signifie métonymiquement, et qui n’est en aucun point de cette parole. Et donc, chaque fois que vous introduisez […] la métaphore, vous restez dans la même voie qui donne consistance au symptôme.
[…] En analysant la structure du délire de Schreber au moment où il s'est stabilisé dans un système qui lie le moi du sujet à cet autre imaginaire, cet étrange Dieu qui ne comprend rien, qui ne répond pas, qui trompe le sujet [cf. Descartes], nous avons su reconnaître qu'il y a, dans la psychose, exclusion de l'Autre où l'être se réalise dans l'aveu de la parole.
L’impasse sexuelle sécrète les fictions qui rationalisent l’impossible dont elle provient. Je ne les dis pas imaginées, j’y lis comme Freud l’invitation au réel qui en répond.
La culture, en tant que distincte de la société, ça n’existe pas. […] Nous ne l’avons plus sur le dos que comme une vermine, parce que nous ne savons pas qu’en faire, sinon nous en épouiller. Moi, je vous conseille de la garder, parce que ça chatouille et que ça réveille. Ça réveillera vos sentiments qui tendent plutôt à devenir un peu abrutis, sous l’influence des circonstances ambiantes, c’est-à-dire de ce que les autres, qui viendront après, appelleront votre culture à vous.
C’est à la question posée à l’Autre, de ce qu’il peut nous donner et de ce qu’il a à nous répondre, que se rattache l’amour comme tel.
Je me donne à toi, dit encore le patient, mais ce don de ma personne –comme dit l’autre- mystère ! se change inexplicablement en cadeau d’une merde […].
Etre aimé, c’est entrer nécessairement dans cette échelle du désirable dont on sait la peine qu’ont eue les théologiens du christianisme à se dépêtrer. Car si Dieu est désirable, il peut l’être plus ou moins. Et qu’est-ce que nous désirons dans Dieu, sinon le désirable ? Mais alors –plus Dieu ?
[…] Le psychotique est un martyr de l'inconscient, en donnant au terme de martyr son sens, qui est celui d'être témoin. Il s'agit d'un témoignage ouvert. Le névrotique aussi est un témoin de l'existence de l'inconscient, il donne un témoignage couvert qu'il faut déchiffrer.
Il ne peut y avoir de vraiment athées que les théologiens, c’est à savoir ceux qui, de Dieu, en parlent.
[Si Alcibiade est l’homme du désir, alors] Pourquoi veut-il être aimé ? A la vérité, il l’est déjà, et il le sait Le miracle de l’amour est réalisé chez lui en tant qu’il devient le désirant.
Des hallucinations extrêmement vivides restent des hallucinations, reconnues comme telles ; tandis que d’autres, dont la vividité endophasique n’est pas moindre, ont au contraire, pour le sujet, le caractère le plus décisif, et lui donnent une certitude.
Ce qui supplée au rapport sexuel, c’est précisément l’amour.
Un affect, ça regarde-t-il le corps ? Une décharge d’adrénaline, est-ce du corps ou pas ? Que ça en dérange les fonctions, c’est vrai. Mais en quoi ça vient-il de l’âme ? C’est de la pensée que ça décharge.
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Que se passe-t-il donc au moment où ce qui n'est pas symbolisé apparaît dans le réel ? […] Ce qui apparaît, apparaît sous le registre de la signification, et d'une signification qui ne vient de nulle part, et qui ne renvoie à rien, mais une signification essentielle, par laquelle le sujet est concerné. A ce moment, se met certainement en branle ce qui intervient chaque fois qu'il y a conflit d'ordres, à savoir du refoulement. Mais pourquoi le refoulement ne colle-t-il pas, c’est-à-dire n'aboutit pas à ce qui se produit quand il s'agit d'une névrose ?
[…] Ce qui se produit alors a le caractère d'être absolument exclu du compromis symbolisant de la névrose, et se traduit dans un autre registre, par une véritable réaction en chaîne au niveau de l'imaginaire, soit dans la contre-diagonale de notre petit carré magique.
Le sujet, faute de pouvoir faire une quelconque médiation symbolique entre ce qui est nouveau et lui-même, entre dans un autre mode de médiation, […] substituant à la médiation symbolique un fourmillement, une prolifération imaginaire […].
Le signifiant lui-même subit de profonds remaniements […]. […]
Le rapport du sujet au monde est une relation en miroir. Le monde du sujet va se composer essentiellement avec cet être qui est pour lui l'autre, c’est-à-dire [pour Schreber] Dieu lui-même. Quelque chose est prétendument réalisé, de la relation d'homme à femme.