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Citations de James Baldwin (443)


Echapper à la peur de quelque chose revient à s'assurer qu'un jour on sera victime de cette peur; les choses menaçantes doivent être regardées en face.
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J’imagine que l’une des raisons pour lesquelles les gens s’accrochent de manière si tenace à leurs haines, c’est qu’ils sentent bien que, une fois la haine disparue, ils se retrouveront confrontés à la douleur. 
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J’ai repensé à la question de Jacques depuis. C’est une question banale, mais l’ennui avec la vie, c’est qu’il est si banal de vivre. Tout le monde, en fin de compte, suit la même route, sombre (et la route a une façon d’être à son plus sombre, à son plus traître, lorsqu’elle semble la plus claire) et il est vrai que personne ne reste dans le jardin d’Eden.
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James Baldwin
Le temps c'est pas de l'argent.
Le temps
c'est
le temps.
Et le temps est revenu
de déjouer, de surmonter,
d'outrepasser, de dominer
les artisans sacrilèges
de nos chaînes.
Nous au moins nous savons
ce qu'est un homme lorsque nous en voyons,
des fers lorsque nous en portons,
ou une chaîne lorsque nous en souffrons,
la différence entre corde et licol,
entre ciel et enfer.
Nous, qui étions aveuglés,
ne sommes pas aveugles
et devinons quand il faut
se méfier de l'esprit.

Le temps c'est pas de l'argent.
Le temps c'est le temps.
Vous avez fait l'argent.
Nous avons fait le chant.

[Chanson (pour Skip)]
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Il n'osait s'approcher d'elle, il avait peur de la toucher; comme si elle lui avait dit qu'elle venait d'être atteinte de la peste. Ses mains tremblaient, tous les gestes qu'il pouvait faire lui paraissent ignobles. Et pourtant au même moment, alors qu'il se trouvait là, désemparé et stupide dans la cuisine qui était devenue soudain immortelle, ou qui, en tout cas, allait vivre aussi longtemps que lui et le suivre partout, son cœur se mit à battre d'une angoisse nouvelle qui supprimait l'éloignement - que l'on appelle la pitié - et le plaçait pour ainsi dire dans le corps d'Ida, à côté de cette table, sur le plancher souillé par l'alcool. L'unique lumière jaune les frappait tous les deux, inexorablement. Il alla vers elle, résigné et tendre, désespéré, le ventre endolori par les sanglots d'Ida.
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En ces heures dramatiques, Cass lui semblait aussi loin de lui qu'Yves pouvait l'être matériellement. L'espace hurlait entre eux comme un torrent en crue. Et maintenant qu'Yves s'approchait de lui de minute en minute, imposant sa loi à toute cette masse d'eau, de plus en plus irréel à mesure que la distance diminuait, Cass, elle, se trouvait emportée vers un lointain inaccessible où elle allait être engloutie par le réel, à jamais inaltérable, tel un cadavre enseveli dans un linceul. Eric sentit qu'il était impuissant à mettre un frein à cette douleur sans cesse accrue.
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La vieille souffrance se tapit dans le trou qu'elle s'était fait en lui, mais une autre douleur, qui n'avait pas encore trouvé où se loger, commença à lui marteler le cœur ; ce n'était pas la première fois: elle se nicherait un jour, de gré ou de force, elle resterait en lui à jamais.
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Un vent violent soufflait qui enluminait les visages, et avivait les yeux des passants ; il leur faisait légèrement écarter les lèvres de sorte qu'on eût dit qu'ils portaient tous, vers quelque immense lieu de rencontre, la bulle brillante et fragile d'une espérance aussi longue que leur vie.
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parfois je me demande si je suis encore le même être que celui qui a fait ces choses il y a si longtemps.
Non. Ce n'avait pas été exprimé. Elle se demanda pourquoi. Peut-être parce que les souvenirs de Vivaldo ne le liberaient en aucune façon de la chose rappelée. Il ne se retrouvait pas dans le garçon qu'il avait été à cette époque. il le regardait avec une horreur fascinée, romantique, et il cherchait un moyen de le renier.
Peut-être de tels secrets, les secrets de tout un chacun, étaient-ils seulement exprimés quand l'être les amenait laborieusement à la lumière du monde, les imposait au monde, et faisait d'eux une partie de l'expérience du monde. Sans un tel effort, ce recoin secret n'était qu'un danger dans lequel l'être perissait ; sans cet effort, en fait, le monde entier ne serait qu'une nuit inhabitable, et Cass vit, avec une terrible répugnance, pourquoi cet effort était si rare.
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De son côté, The Defiant Ones est un film avec des gens que nous sommes habitués à voir au cinéma. Bon, tous sauf un. La difficulté irréductible de ce film sincèrement bien intentionné, c'est que de toute évidence, personne n'avait su prévoir ce que Poitier allait faire de son rôle - et que personne n'a pu le défaire par la suite. Sa performance, seul élément distinctif du film, est aussi paradoxalement ce qui l'a fait voler en éclats. il est impossible de croire à la fois Noah Cullen et à l'histoire. Même avec toute la bonne volonté du monde, lorsque Sidney est à l'écran, il est presque impossible de regarder Tony Curtis ou qui que ce soit d'autre, à l'exception peut-être de Lon Chaney Jr. Il est impossible d'accepter le présupposé de l'histoire, car il a pour fondement l'incompréhension profonde par l'Amérique de la nature de la haine entre les Noirs et les Blancs. La haine est là, assurément, même si j'utilise désormais ce terme avec grande précaution et seulement à la lumière des effets ou des résultats de cette haine. Mais elle n'est pas égale des deux côtés, car elle n'a pas les mêmes racines. L'argument est peut-être très léger, mais les Noirs n'ont pas les même raisons de haïr les Blancs que les Blancs de haïr les Noirs. La racine de la haine des Blancs, c'est la rage. L'homme noir ne déteste pas tant le Blanc qu'il ne souhaite le voir s'écarter de son chemin et, plus encore, de celui de ses enfants. Quand l'homme blanc commence à avoir dans l'esprit du Noir le poids que le Noir a dans l'esprit du Blanc, l'homme noir devient fou. Et quand ce dernier sombre, il ne le fait pas en poussant des cris de terreur, mais en hurlant de rage. Un Noir sait que deux hommes enchaînés doivent apprendre à fouiller, manger, péter, chier, pisser, trembler et dormir ensemble : ils sont indispensables l'un à l'autre, et tout peut arriver entre eux. Quiconque a connu cela le sait. Dans ce type de situation, aucun homme noir, surtout sachant ce que Poitier transmet si vivement du savoir de Noah Cullen, ne mordrait à l'appât tendu par ce pauvre enfant blanc débile, dont la seule véritable plainte est d'être un médiocre qui n'a pas réussi à l'emporter dans la foire d'empoigne américaine. Mais beaucoup qui ne sont pas mieux que lui, et beaucoup qui sont bien pires, y parviennent chaque jour, jusqu'à Washington, et parfois, de fait, en passant par Hollywood. C'est une forme de lâcheté très sérieuse de prétendre que les Noirs ne le savent pas. Et c'est par le sentimentalisme le plus désastreux que l'on tente d'intégrer les Noirs au cauchemar blanc américain qui plus est sur les même termes qui rendent la vie des Blancs pratiquement intolérable.
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Une identité n'est remise en question que lorsqu'elle est menacée, quand les puissants commencent à tomber, que les miséreux commencent à s'élever, ou que les étrangers ouvrent les portes, pour ne plus être étrangers. Car la présence de l'étranger fait de vous un étranger, moins pour lui que pour vous même. L'identité semble être le vêtement par lequel chacun recouvre la nudité de son être ; mieux vaut dans ce cas que le vêtement soit ample, un peu comme les robes du désert à travers lesquelles on devine la nudité, et la discerne parfois. Seul la confiance en sa propre nudité confère à chacun le pouvoir de changer de robe.
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La scène de lynchage est aussi lointaine qu'un massacre d'Indiens. Elle a lieu dans le même paysage et suscite la même réaction : un mélange d'horreur pieuse et d'apaisement satisfaisant. Le Ku Klux Klan omniprésent fait son apparition, cheminant à côté du bus dans lequel le groupe voyage. Le groupe est composé de Blancs, qui tentent de cacher Billie en faisant des gestes amicaux à leurs concitoyens en train de marcher. Mais à cause du strange fruit qu'elle vient de voir pendue, Billie est hors d'elle. Elle décide de se faire voir, jure et gémit contre le Klan : au même titre que les musiciens, elle offre un échappatoire parfaitement étroite et cinématographique. C'est une scène de pure bêtise, une fable américano-hollywoodienne avec des mauvais garçons bien habillés et des gentils en tenues décontractées : quoi qu'il en soit, il ressort de cette excitation malsaine et de cette amertume compréhensible (étrangement rassurante) que Billie finit par prendre sa première dose et devient immédiatement accro.
Cet indicent ne se trouve pas dans le livre, sans doute pour la bonne raison que dans ce pays, les Noirs apprennent à endurer le malheur bien avant les Blancs. Ils perçoivent le danger bien plus rapidement et, aussi bizarre que cela puisse paraître, cherchent ensuite à protéger leur camarade blanc de ses frères blancs : ils connaissent les frères de leur camarade blanc bien mieux que lui-même. Lorsqu'on est noir, et qu'on le sait, il devient nécessaire d'accepter de suivre cette discipline sévère, d'apprendre à éviter les colères inutiles et la mort vaine, car toutes les mères, et le frère de la mère de la mère de la mère sont nécessaires.
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"Si tu ne peux pas m'aimer, j'en mourrai. Avant de te connaître, je voulais mourir, je te l'ai dit bien des fois. C'est cruel de m'avoir redonné envie de vivre pour rendre ma mort plus sanglante encore".
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A quoi pensait-il ? Car je sentais qu'il avait envie de me parler, et je voulais lui parler. Mais aucun de nous n'y parvenait. Ce n'était pas de sa faute, ni de la mienne. Nous ne trouvions pas d'issue à notre trouble commun car on nous avait interdit - sous peine de mort - d'utiliser ou de faire confiance à notre humanité commune, cette confrontation et cette acceptation qui sont tout ce qui peut sauver un autre être humain.
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Quel péché ont commis nos ancêtres en des temps qui ont disparu de l'autre côté de l'océan, pour que cela ait dû être expié par les chaînes, par le fouet, par la faim et la soif, par le massacre, par le feu, la corde, le fer, par tant de générations, sur ces rivages sauvages, sur cette terre étrangère ?
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MERIDIAN. - Je ne sais plus rien, Parnell, des choses que je savais. Peut-être que je n'en ai jamais rien su. Je suis fatigué. Rentre chez toi.
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Le monde est blanc et ils sont noirs. Les Blancs détiennent le pouvoir, ce qui signifie qu'ils sont supérieurs aux Noirs (c'est-à-dire intrinsèquement que Dieu en a ainsi décidé) et le monde a mille façons de leur faire voir et sentir et redouter cette différence. Bien avant que l'enfant noir ne le perçoive et plus longtemps encore avant qu'il ne la comprenne, il a commencé à en subir les effets, à être conditionné par elle. Tous les efforts que font ses aînés pour préparer l'enfant à un sort auquel ils ne peuvent le faire échapper amènent celui-ci à commencer à attendre, muet et terrifié, et sans se rendre compte de ce qu'il fait, son mystérieux et inexorable châtiment. Il doit être "sage" non pas seulement pour faire plaisir à ses parents et pas non plus seulement pour n'être point puni par eux ; derrière leur autorité s'en dresse une autre, anonyme et impersonnelle, infiniment plus difficile à satisfaire et d'une cruauté insondable.
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[...] The Birth of a Nation est considéré comme l'un des plus grands classiques du cinéma américain: ce qu'il est de fait.
Il est impossible de rendre justice à l'histoire de ce dernier film, car à l'instant où elle tente de se montrer, elle se trouve submergée par le raz-de-marée qu'est l'intrigue; de toute façon, étant donné la manière dont Griffith s'attaque à cette fable, la clé se trouve dans les images. On ne peut pas accuser le film d'être malhonnête: il a la force torrentielle d'une obsession.
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Je ne m’en souviens pas. Les enfants sont bien trop égocentrés pour s’intéresser à un dilemme qui ne les concerne pas de quelque façon que ce soit, qui ne les renvoie pas à leur propre dilemme en devenir. Ils veulent fuir dans des situations qu’ils aimeraient vivre, or je n’avais aucune envie d’être un fugitif dans un train en marche. Et puis, une autre partie de moi savait que Joan Crawford était une femme blanche. Je me souviens pourtant qu’on m’avait envoyé faire des courses peu de temps après, et qu’une femme de couleur, qui pour moi ressemblait en tout point à Joan Crawford, était en train d’acheter quelque chose. Elle était si incroyablement belle – on aurait dit qu’elle portait la lumière du soleil, et qu’elle la réajustait de temps en temps autour d’elle en souriant, d’un mouvement de la main ou de la tête – que lorsqu’elle était sortie de la boutique après avoir payé, je m’étais mis à la suivre. Le marchand, qui me connaissait, et d’autres clients qui savaient que j’étais le petit garçon de ma mère (et connaissaient aussi ma Miss Crawford!) avaient éclaté de rire en me criant de revenir. Miss Crawford avait ri aussi, et posé ses yeux sur moi avec un sourire si beau que je ne m’étais même pas senti mal à l’aise. Ce qui était rare.
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L'ensemble des stéréotypes qui ont alimenté l'exclusion de l'autre sont ici présents. Ils ont pris naissance et se sont forgés pendant la longue période esclavagiste. Ils ont encore toute leur utilité politique : l'union de toutes les catégories d'opprimés économiques pourrait se révéler désastreuse pour les privilégiés, et le racisme, relancé de subtile façon par les médias, réinstaure la division destinée à affaiblir le combat pour une plus grande justice sociale.
[Présentation]
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