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Citations de James Graham Ballard (254)


Je ressentais déjà les premiers effets de l’acide. Mes paumes étaient fraîches ; leur chair, tendre. Bientôt, il allait leur pousser des ailes qui m’entraîneraient dans le ciel mouvant. Un nimbe glacé s’amassait autour du toit de mon crâne, pareil aux nuages qui se forment dans les hangars des terrains d’aviations. Je m’étais une fois défoncé à l’acide, deux ans plus tôt, et ç’avait été un cauchemar de paranoïaque au cours duquel j’avais introduit un véritable cheval de Troie dans mon esprit.
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Mon dégoût avait cédé la place à l’acceptation lucide du fait que transposer ces blessures dans le langage de nos fantasmes et de notre comportement sexuel était peut-être le seul moyen d’insuffler à nouveau un peu de vie à ces blessés et ces agonisants.
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Quand elle traversait, nue, le sol carrelé de la salle de bain et me bousculait au passage d’un air distrait et nerveux à la fois ; quand elle se masturbait au lit le matin, cuisses symétriquement écartées, malaxant son pubis comme si elle roulait à n’en plus finir entre ses doigts quelque bouton vénérien ; quand elle se pulvérisait du déodorant sous les bras, au creux de ces tendres cavités qui restaient des univers mystérieux ; quand elle m’accompagnait à la voiture en faisant jouer plaisamment ses doigts sur mon épaule gauche –en de tels instants, tous ses gestes, toutes ses émotions constituaient un message chiffré dont le sens se trouvait quelque part dans le dur décor chromé de nos esprits. Seul un accident au cours duquel elle trouverait la mort pourrait libérer tout ce langage codé en réserve dans son corps.
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J’ai rêvé d’autres accidentes susceptibles d’augmenter ce catalogue de déchirures. J’y intégrais un plus grand nombre d’éléments provenant de la construction automobile. Je les reliais à la technologie toujours plus complexe de l’avenir. Quelles blessures révéleraient les dimensions sexuelles du travail invisible accompli dans les chambres de réaction thermonucléaires ? Celles des salles de contrôle dallées de blanc ? Celles des scénarios énigmatiques élaborés dans les circuits d’ordinateurs ? Tout en étreignant Gabrielle, j’imaginais, ainsi que Vaughan me l’avait enseigné, les accidents qui pourraient impliquer les grands de ce monde. Je me représentais les blessures qui se prêteraient à l’élaboration de fantasmes érotiques, les coïts surprenants qui glorifieraient le contenu sexuel d’une technologie encore impensable.
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J’ai joui une première fois dans la plaie profonde de sa cuisse, lâchant des giclées de sperme qui ont inondé cette étrange douve de chair.
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J’ai exploré les cicatrices de ses cuisses et de ses bras, palpé les plaies sous son sein gauche. A son tour, elle s’est mise à fouiller mes balafres. Ensemble, nous avons déchiffré le code d’une sexualité que seuls nos accidents avaient rendue possible.
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Un insistant arôme de sexualité flottait dans l’air. Nous étions les membres d’une sorte de congrégation, sortant du sanctuaire après avoir écouté un sermon qui nous enjoignait de nous livrer, amis ou inconnus, à une vaste célébration sexuelle. Nous roulions dans la nuit afin de recréer avec les partenaires les plus inattendus le mystère de l’eucharistie sanglante à laquelle nous venions d’assister.
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La haute muraille d’un autobus à impériale sur notre droite nous donnait l’impression d’une falaise de visages. Les passagers qui nous regardaient derrière les vitres évoquaient les alignements de morts d’un columbarium. Toute l’incroyable énergie du XXe siècle, suffisante pour nous catapulter en orbite autour d’un astre plus clément, se consumait en vue de maintenir cette stase universelle.
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Ils ont tué pour se libérer d'une tyrannie de l'amour et de la gentillesse. (p70)
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plus les enfants étaient aimés et adulés, plus ils etaient poussés à la quête désespérée d'une évasion. (p70)
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Au meilleur sens du terme, ils guidaient leurs enfants vers une vie pleine et heureuse lorsque leurs propres vies furent interrompues. p24
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Nous roulions sur Western Avenue et j’aurais voulu voir son corps étreindre l’habitacle de la voiture. J’aurais voulu presser sa vulve humide contre chacune des commandes, chacune des moulures apparentes, j’aurais voulu écraser doucement ses seins contre les montants des portières et des déflecteurs, promener son anus en une lente spirale sur les revêtements de vinyle des sièges, placer ses petites mains sur les cadrans et les glissières des glaces. Les voitures qui nous doublaient à toute allure célébraient la rencontre de ses muqueuses et du véhicule –mon propre corps métallique.
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Je me suis rendu compte qu’accroché là-haut, à mi-hauteur de cette façade vide, j’avais été vu par des dizaines de milliers d’automobilistes qui, pour la plupart, avaient dû s’interroger sur l’identité de cette silhouette emmaillotée de bandages. A leurs yeux, je devais ressembler à une espèce de totem de cauchemar, ou à quelque idiot de la famille dont le cerveau avait subi des dommages irréparables lors d’un accident de la route, et que l’on sortait chaque matin afin qu’il pût contempler le théâtre de sa mort cérébrale.
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Le corps déformé de la jeune infirme, tout comme les corps déformés des automobiles accidentées, révélaient les possibilités d’une sexualité entièrement nouvelle.
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La jeune femme hocha la tête. Sanders remarqua qu'elle portait à nouveau ses lunettes de soleil, révélant inconsciemment sa propre décision à propos de Sanders et de son avenir, de leur inévitable séparation. De telles malhonnêtetés infimes, n'étaient rien d'autre que le prix à payer pour leur tolérante acceptation mutuelle.
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Notre unique réussite, en tant que seigneurs de la création, est peut-être d'avoir provoqué la séparation du temps et de l'espace. Nous seuls avons donné à chacun une valeur séparée, une mesure distincte qui leur est propre et qui, à présent, nous définis, nous limite telles la longueur et la largeur d'un cercueil.
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Kerans observait les remous paresseux qui se créaient autour du cinéma, les quelques branches et touffes d'herbe qui dérivaient sur un courant nord-ouest, tandis que le soleil ardent masquait le miroir en fusion de la surface. L'eau martelait le portique à ses pieds et battait lentement contre son esprit, y créant un cercle sans cesse élargi d'interférences, comme si elle l'avait traversé dans le sens opposé à son propre courant. Tout en regardant une succession de vaguelettes lécher le toit pentu, il souhaita pouvoir abandonner le colonel et s'avancer tout droit dans les flots, dissoudre son être et les omniprésents fantômes qui le guettaient, tels des oiseaux sentinelles, dans le frais berceau de leur calme magique, dans cette mer à l'éclat vert dragon, hantée de grands serpents.
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Tandis que le grand soleil se rapprochait, toujours battant, emplissant presque le ciel, l'épaisse végétation qui longeait les falaises de grès se vit brutalement repoussée pour révéler les têtes - noir et gris pierre - d'énormes lézards du Trias. Paradant jusqu'au bord des pentes abruptes, ils rugirent en chœur, tournés vers l'astre et le vacarme, peu à peu, enfla jusqu'à ne plus faire qu'un avec le martèlement volcanique des explosions solaires. Kerans, qui sentait battre en lui, tel son propre pouls, la puissante attraction hypnotique des reptiles hurlants, s'avança dans la lagune dont les eaux semblaient désormais former une extension de son système sanguin. Alors que s'accroissait encore la sourde pulsation, les barrières séparant ses cellules du milieu environnant lui parurent se dissoudre, et il se mit à nager, disséminant son être au sein des eaux noires vibrantes...
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Un peu plus tard dans la nuit, tandis que Kerans dormait sur sa couchette de la station d'analyses et que les eaux noires de la lagune dérivaient à travers la cité engloutie, le premier rêve lui vint. Il avait quitté sa cabine pour monter sur le pont, et contemplait maintenant, par-dessus le bastingage, le disque noir lumineux de la surface. À quelques dizaines de mètres d'altitude, tourbillonnaient dans le ciel les voiles denses de gaz opaque, à travers lesquels il discernait les vagues contours étincelants d'un gigantesque soleil. Tonnant dans le lointain, l'astre jetait un éclat terne et palpitant sur la lagune, illuminant par à-coups les longues falaises de grès qui remplaçaient l'anneau d'immeubles aux blanches façades.
La profonde vasque de l'eau, reflétant ces flamboiements intermittents, luisait d'une opalescence floue diffuse, lumière déchargée par une myriade d'animalcules phosphorescents qui s'aggloméraient en des nuages denses, telle une succession de halos engloutis, entre lesquels un fantastique écheveau fait de milliers de serpents et d'anguilles entrelacés déchirait la surface.
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Telle une immense lésion purulente, la jungle gisait exposée sous l’hélicoptère à cabine ouverte. De massifs bouquets de gymnospermes géants s'étendaient sur les toits des bâtiments submergés dont ils gommaient les contours blancs rectangulaires. Çà et là, un vieux château d'eau en béton jaillissait du bourbier, les restes d'une jetée de fortune flottaient près d'un immeuble de bureaux en ruines, envahis d'acacias au feuillage touffu et de tamaris fleuris. D'étroits cours d'eau, changés en tunnels de lumière verte par des voûtes végétales, s'écartaient en sinuant des grandes lagunes et finissaient par rejoindre les chenaux larges de six cents mètres qui parcouraient les anciennes banlieues. La vase recouvrait tout, s'agglomérait en de gigantesques bancs contre un viaduc de chemin de fer ou une suite d'immeubles en arc de cercle, se déversait à travers une arcade engloutie tel le contenu fétide de quelque moderne Cloaca Maxima. La plupart des petits lacs en étaient désormais emplis, disques de boue jaune recouverts de moisissures d'où émergeait un enchevêtrement touffu de formes végétales rivales - jardins murés d'un Éden aliéné.
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