AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jean-Baptiste Del Amo (464)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Le fils de l'homme

Cinq ans après Règne animal, prix du livre Inter 2017, que j'avais particulièrement apprécié, j'ai à nouveau été conquise par l'écriture de Jean-Baptiste del Amo dans son nouveau roman le fils de l'homme.

Un break quitte la ville avec à son bord un homme, une femme et leur jeune enfant de neuf ans.

Après des heures de route, plusieurs vallées traversées, les villages disparaissent peu à peu et la voiture s'engage sur une route en lacets puis sur un chemin de terre, quand soudain un pin obstrue le passage. Ne pouvant le déplacer, le père met le véhicule à l'écart, le camoufle et extirpant les bagages du coffre, tous trois, sacs à dos chargés sur les épaules, s'acheminent sous la conduite du père vers une vieille maison isolée dans la montagne, tout juste habitable, aux Roches. Au départ, il s'agit d'un séjour estival qui va rapidement s'avérer être un séjour définitif sans possibilité de retour.

Ce n'est que trois semaines auparavant que le père a réapparu dans la vie de son ex-compagne et de son fils après environ six ans d'absence pour des raisons mystérieuses.

Au fil du récit, l'auteur alterne le moment présent avec cette découverte de la nature pour le fils et le passé avec comme point de départ le retour du père et ensuite une remontée dans le temps, sans pour autant créer de réels chapitres et donc sans rompre le rythme de l'histoire.

Dés les premières lignes, Jean-Baptiste del Amo nous plonge dans une atmosphère d'angoisse. Dans la voiture, sans qu'un mot ne soit échangé, les regards croisés entre la mère et l'enfant expriment un sentiment de crainte et d'inconnu.

On apprend peu après que c'est aux Roches, précisément que ce père a vécu auprès de son propre père, un homme devenu impitoyable et qu'il entend maintenant y faire vivre sa femme et son fils, femme dont il a appris qu'elle l'avait trompée.

Hanté par son passé et rongé par la jalousie, le père sombre lentement dans la folie.

Le père, la mère et le fils ne sont jamais nommés et la troisième personne est de rigueur tout au long du roman, nous amenant à penser quasiment à un mythe, dans lequel la transmission de la violence de père en fils pourrait être le thème principal.

Tout en restant facile d'accès, avec un vocabulaire riche, une écriture fine et imagée, où la poésie le dispute à la rudesse, l'auteur sait à merveille retranscrire la découverte de la nature par cet enfant ayant vécu jusque-là dans une petite maison d'un quartier ouvrier. Si dans un premier temps, le gosse est effrayé par ce milieu qui lui paraît hostile et dangereux avec ces bois profonds et ces bêtes sauvages, il saura peu à peu y trouver sa place et même un refuge dans ce renfoncement créé entre les racines épaisses d'un vieux noyer, créant ainsi une niche obscure où il se sent protégé. Les descriptions sont imagées au possible et nous entraînent avec volupté au coeur de ces lieux sauvages nous faisant ressentir toute la force de cette nature et sa puissance, des lieux qui pourraient être paradisiaques si la folie de cet homme ne prenait au fil de l'histoire toute la place. L'homme et la nature y sont en perpétuelle confrontation.

J'ai été frappée par le peu de paroles et de dialogues entre les trois protagonistes, ceux-ci étant remplacés, à mon sens très avantageusement, par des regards ou des gestes particulièrement expressifs. Les corps de chacun sont fort justement mis en avant, décrits dans tout leur naturel, avec volupté et sensualité parfois, ou plus durement et froidement dans d'autres cas.

Bien des questions viennent à l'esprit tout au long de cette lecture, et c'est tout le charme de celle-ci qui se partage entre beauté et noirceur, amour et cruauté, même si la noirceur prend malheureusement le pas sur la beauté.

À la transmission de la violence d'une génération à une autre, s'ajoute ici la domination des hommes sur leurs semblables tout comme la confrontation du monde de l'enfance à la dureté et la brutalité du monde des adultes.

D'une beauté saisissante, bien que dramatique, le fils de l'homme est un roman intemporel qui m'a bouleversée. Je remercie très sincèrement Babelio et les éditions Gallimard pour cette somptueuse lecture, en avant-première.

À noter que Jean-Baptiste del Amo devrait être présent aux Correspondances de Manosque en septembre prochain et que je me fais une joie, déjà, de pouvoir le rencontrer !


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1615
Le fils de l'homme

Dans Le fils de l’homme, Jean-Baptiste Del Amo confirme, si c’était nécessaire, son immense talent d’écrivain. Règne animal (Prix du Livre Inter 2017) m’avait profondément marqué mais, avec Le fils de l’homme, cet auteur réussit encore à m’impressionner en me plongeant au plus profond des racines de l’espèce humaine luttant pour sa survie dans une nature brute, austère et pourtant favorable aussi.

La séquence inaugurale du livre me surprend puisqu’elle me plonge dans la vie d’une horde d’hommes et de femmes préhistoriques. Malgré les éléments, le froid, la mort avant trente ans, la vie se perpétue : accouplements, accouchements, bébés vivants ou non. Pour survivre, il faut chasser, pêcher, préparer les repas, se retrouver au camp. C’est de ce camp que partent des chasseurs dont un père et son fils qui ne tarde pas à faire ses preuves.

Brusquement, changement d’époque, voilà Le fils de l’homme, avec son père au volant, conduisant la mère et ce fils dans un endroit perdu, en montagne, loin de tout : Les Roches.

Déjà, un constat s’impose. Les principaux protagonistes de cette histoire terrible n’ont pas de prénom, pas de nom. Il faut s’y faire et cela est vite oublié dans les descriptions détaillées et tellement vivantes offertes par Jean-Baptiste Del Amo. Quel style magnifique ! Quel déferlement de vocabulaire, riche, intense, précis, toujours juste !

Comme il est indispensable de savoir à qui nous avons affaire, l’auteur, régulièrement, revient un peu en arrière. Trois semaines auparavant, alors que le garçon jouait dans la petite cour d’une maison très modeste, un homme arrive : son père ! Il réapparaît alors qu’il a disparu depuis six ans. La mère est au travail. Il mange, s’installe et fume beaucoup.

Par petites touches, sans jamais trop en dire, laissant souvent son lecteur sur sa faim, l’auteur révèle le passé de cet homme qui inquiète et fascine en même temps. Petit à petit, je découvre son passé et l’histoire de son père, le grand-père du gosse, celui qui a créé ce lieu improbable, Les Roches, où le père va obliger mère et fils à vivre, à survivre.

Cette mère dont Jean-Baptiste Del Amo laisse échapper une seule fois le prénom – Cristina – a été maman à dix-sept ans alors qu’elle ne voulait pas d’enfant. Elle en a vingt-six quand le père revient et elle est… enceinte !

Tensions, menaces, recherche d’un bonheur impossible à trouver dans des conditions de vie extrêmes, cette maison, Les Roches, le père l’a retapée, y a stocké des vivres et le cadre peut se révéler idyllique au printemps, ce printemps en montagne magnifiquement décrit.

Une terrible violence rentrée est prête à sourdre à tout moment mais il faut se laisser emporter par l’excellente prose de Jean-Baptiste Del Amo, ne pas vouloir tout expliquer, accepter qu’il n’y ait pas vraiment de fin, même si… Alors, je me suis laissé prendre jusqu’au bout, vibrant devant cette nature sauvage, tremblant à cause des menaces qui planent constamment sur cette famille qui n’en est pas vraiment une.

Le fils de l’homme est un roman qui m’a marqué, impressionné et porté jusqu’au bout, entre suspense et régal, grâce à la précision et à la qualité d’écriture d’un grand écrivain : Jean-Baptiste Del Amo.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1598
Le fils de l'homme

Rentrée littéraire 2021 #40



Le titre annonce une tragédie biblique. Le magnifique prologue, situé dans les temps préhistoriques précise les intentions de l’auteur à transporter le lecteur dans un récit mythologique à la portée universelle : un père, un fils, la nature, chasse, armes, accouplement, accouchement, et une certaine sauvagerie liée à la survie, autant de pistes explorées dans le monde contemporain.



Un père, un fils donc, une mère et un grand-père aussi, autant de figures archétypales, sans prénom, qui renvoient à la précaire condition humaine celle d’hier comme celle d’aujourd’hui. Le père ressurgit dans la vie de son ancienne compagne et de son fils après plusieurs années de mystérieuse disparition. Il les entraine aux Roches, la maison à moitié en ruine dans laquelle il a grandi avec son propre père, complètement isolée en moyenne montagne.



Jean-Baptiste Del Amo instaure d’emblée une ambiance lourde, proche du roman noir voire du thriller tellement le poids menaçant du père et de ses réelles intentions sourd et tend le récit, d’autant plus que la narration à la troisième personne adopte le point de vue de l’enfant qui devra trouver sa voie pour survivre à cet inquiétant géniteur.



Le thème de la transmission de la violence des pères aux fils est profondément exploré, subtilement, et explose lors d’un incroyable monologue du père hanté par son enfance sacrifiée au contact d’un patriarche oscillant entre folie, souffrance et violence. A cette logorrhée quasi hallucinée, répond le silence du fils comme une façon de résister à la parole du père et à la violence héréditaire du monde des adultes. Le fatum antique se met en branle avec une fatalisme à la Zola de laquelle il semble difficile d’échapper, le tout sous le regard d’une nature omniprésente apportant une dimension panthéiste au drame qui se joue et menace d’emporter les personnages dans un mouvement vertigineux à travers le temps et l’espace.



L’auteur est un styliste. Ses phrases richement travaillées réjouissent par leur vocabulaire opulent et précis, gorgé d’adjectifs. Elles tendent à une solennité minérale qui fait cependant un peu écran à l’émotion. Certains passages peuvent basculer dans un esthétisme verbeux, notamment lors des évocations de la nature ( presque trop redondantes à mon goût ). Par contre, j’ai été totalement séduite par sa façon d’appréhender les personnages, chaque scène construite comme des tableaux, à l’image de celui d’Andrew Wyeth ( Le Monde de Christina ), évoquée superbement dans le roman. Jean-Baptiste Del Amo évite judicieusement toute approche psychologique pour se concentrer sur les corps, zoomant sur les détails, les gestes, les lumières afin de suggérer l’intériorité des personnages.



« Le père s’adosse au plan de travail, porte le pilon à ses lèvres retroussées sur de petites dents irrégulières, grisées par le tabac, une incisive à l’angle intérieur cassé. Il détache des filaments de muscle d’un mouvement latéral de mâchoire. Ses doigts et la commissure de ses lèvres sont luisants de graisse, du jus a coulé sur la tranche de sa main gauche, son poignet et son avant-bras, sans qu’il s’en aperçoive ou s’en préoccupe. Il déglutit, s’applique à ronger l’os, à déchirer les tendons, dessouder les cartilages qui craquent sous la pression des molaires, mastique l’extrémité du petit tibia pour en extraire la moelle, inspecte ce qu’il reste du pilon entre la pulpe huileuse de ses doigts. Enfin, il se tourne vers le plan de travail et laisse tomber l’os dans le plat, près de la carcasse. »



Un roman noir dont la beauté pessimiste éclabousse chaque ligne.

Commenter  J’apprécie          1278
Règne animal

J’ai au fond de moi une grosse boule noirâtre et pleine de pus.

C’est la lecture du « Règne animal » qui l’a placée là...et j’espère que l’écriture de mon ressenti l’en expulsera à tout jamais.

A tout jamais, oui.



Si vous saviez !

Si vous saviez l’immonde, l’impur, la maltraitance, la violence.

Si vous saviez la mort, la pourriture, la liquéfaction, la putréfaction.

Si vous saviez la copulation, la saillie, la castration, les vulves offertes et dégoulinantes, les fœtus – humains et animaux - expulsés et dévorés.

Si vous saviez la promiscuité malsaine avec les animaux.

Si vous saviez la folie.



Folie d’une écriture qui s’emballe, qui se jette dans les fossés, qui s’offre impudique parmi les racines grouillantes d’insectes, qui se tord dans les boyaux de la guerre, dans les couloirs immondes d’une porcherie, dans les pièces puantes d’une ferme.



Je n’en peux plus d’avoir lu le désamour. Je n’en peux plus d’être restée accrochée à ces pans abjects où rien ne m’a été épargné. Rien.



Les 2 parties du roman se rejoignent, s’étreignent dans le cauchemar.

1898-1917 : Vie miséreuse dans une porcherie à la campagne. On se tue au travail. Guerre. Gueules cassées. Folie.

1981 : La ferme a prospéré ; l’élevage des porcs s’est planifié, européanisé. Mais la violence est toujours là, plus que jamais. L’immonde aussi. Et la folie.



Suffit !

Je dis stop à tout cela. Je dis merci à la vie autour de moi, la vie réelle. Merci au soleil et au vent, aux enfants et à l’amour. Par un effort surhumain, je réussis à m’extirper de ce roman nauséabond, à l’écriture hallucinante, offert par Gallimard lors de la rentrée littéraire.

Commenter  J’apprécie          12442
Le fils de l'homme

Un groupe de chasseurs dans une époque lointaine est parti en quête de nourriture. Le fils blesse une chevrette et reçoit de son père la marque sanglante, une sorte de distinction qui symbolise son entrée dans le groupe.

199... un père emmène sa femme et son fils dans une vieille ferme perdue dans la montagne, " Les Roches" . Une ruine abandonnée de tous.

Une maison qui attend son propriétaire.

" Le fils de l'homme " le roman de Jean - Baptiste Del Amo est une histoire singulière qui commence par une partie de chasse pour finir.....

Dans ce récit, il n'y a pas de prénom, pas de nom, une montagne anonyme, une suite d'énumération d'insectes,de plantes, d'arbres...

Que dire de ce roman déroutant, je me suis perdu dans la montagne, dans cette végétation magnifique qui semble si loin de cette malediction familiale.

J'ai erré parmi les torrents égaré que j'étais, à la recherche d'un peu de lumière, de chaleur. Mais hélas je n'ai trouvé que le malheur.
Commenter  J’apprécie          9215
Le fils de l'homme

Tragédie épouvantable, cette folle intrigue bénéficie d’une écriture superbe.



Introduite par une préface inspirée de Joseph-Henry Rosny, la préhistoire semble nous ramener à l’époque de la guerre du feu, aux côtés d’Eyrimah ou de Helgvor du fleuve bleu.



Puis l’histoire se hisse à l’altitude des romans de Pierre Pelot, aux Roches, où une mère et son fils sont confinés par un homme qui a « bricolé des bagnoles », s’est retrouvé à l’ombre, et retrouve un semblant de liberté.



Prisonnier de son passé familial, d’un pesant atavisme paternel, l’homme initie son fils de neuf ans au maniement d’un revolver, avant de découvrir que la femme est enceinte … d’un autre homme.



La famille plonge dans l’horreur quand l’orage découvre les Roches et que la grossesse arrive à son terme. Le dernier acte de la tragédie laisse le lecteur abasourdi face à l’hypothèse d’une probable apocalypse.



Ce cauchemar pourrait heurter des lecteurs sensibles s’adresse donc à un public averti. Mais la violence du scénario ne peut masquer des anonymes finement peints par Jean-Baptiste del Amo et insèrés dans une faune et une flore magnifiées par une plume parfaitement maitrisée.



Un ouvrage admirable, effrayant, qui projette un éclairage glauque sur une situation familiale qui n’a, hélas, rien d’exceptionnelle.



PS : ma lecture de Méchamment dimanche
Lien : https://www.babelio.com/livr..
Commenter  J’apprécie          913
Règne animal

Dès les premières lignes de ce roman, le lecteur est plongé au fin fond de la campagne profonde, les deux pieds dans la merde. Si le mot « merde » vous paraît choquant en début de chronique, vous n’êtes pas au bout de vos peines si vous décidez de vous lancer dans ce livre. Car le moins que l’on puisse dire, c’est que Jean-Baptiste Del Amo ne met pas de gants quand il s’agit de décrire cet univers paysan.

Sous les coups de sa plume exigeante et magnifiquement juste, il entraîne le lecteur dans l’ambiance de ce lieu isolé. La description du quotidien est chirurgicale et froide. Les Hommes agissent mécaniquement, comme des animaux. Le travail doit être fait, les relations humaines n’existent que pour la descendance et les sentiments n’ont pas leur place. La violence est omniprésente dans tous les échanges entre les protagonistes humains et devient systématique dans le rapport avec les animaux. Ces animaux qui sont d’ailleurs les principales victimes de cette culture insensible.



Au fil des pages, tous les sens sont mis à contribution dans la lecture. On voit ce monde se déliter, on donne les coups, on ressent les douleurs, on entend les grognements, on respire l’odeur de la sueur et des excréments, on découvre le goût du sang… plus qu’un récit rural, c’est un roman de sensations !



Même si l’histoire de cette famille n’est pas d’un grand romanesque, l’écriture lyrique de Jean-Baptiste Del Amo confère une lenteur qui nous intègre au tableau. Il nous abreuve de détails pour nous faire vivre en immersion le quotidien de ce monde reclus. Sur le moment, les scènes m’ont semblé traîner en longueur mais quelques jours après avoir refermé le livre, je me sens encore poisseux, imprégné de l’atmosphère. Ne serait-ce pas là, l’attestation d’un grand roman !
Lien : https://leslivresdek79.wordp..
Commenter  J’apprécie          900
Le fils de l'homme

Soudain réapparu après des années d’absence et de silence, un homme convainc sa compagne, enceinte d’un autre, et son fils de neuf ans, de le suivre aux Roches, une bâtisse difficilement accessible et à peine habitable, perdue loin de tout dans la montagne. Leur rustique séjour au vert tourne rapidement à l’aigre, alors que le père, dévoré par le passé et par la jalousie, révèle peu à peu ses véritables intentions, en même temps que les signes d’une folie grandissante. La mère et le fils réalisent bientôt qu’ils sont prisonniers des Roches…





Aucun nom ne personnalise le récit, qui, construit autour des seules mentions, à consonance biblique, d’un père, d’une mère et d’un fils, se pare de toute évidence de la portée universelle annoncée par le titre et soulignée par le prologue. En commençant par nous renvoyer aux âges préhistoriques, dans l’évocation accablante d’êtres usés par la constante lutte pour leur survie, selon des règles sauvages et violentes transmises de père en fils, l'introduction du roman nous place d’emblée face à la perception de notre insignifiance et de notre infinie solitude dans l’immensité glacée et minérale de l’univers. Le malheur semble inhérent au destin humain, dans une éternelle tragédie rejouée à chaque génération. Et comme son père avant lui, l’homme au centre de la narration ne manquera pas de transmettre la malédiction de la douleur, de la violence et de la haine.





Désespérément noire, la tonalité du récit n’autorise aucune éclaircie. D’emblée chargé d’angoisse, le texte avance au rythme des observations du fils de neuf ans, instinctivement conscient de la menace en germe dans l’étrangeté du père. Pour épouser la progression de son regard sur cet homme sorti de nulle part qui tient pourtant son sort et celui de la mère dans ses mains, la narration se nourrit des dialogues elliptiques, puis des monologues paternels de plus en plus hallucinés, qui laissent entrevoir en pointillés un passé tourmenté. Le langage corporel, retranscrit avec une exceptionnelle précision, prend le relais d’une analyse psychologique totalement absente. Et, tandis que se précisent les failles d’une personnalité en train de reproduire une histoire en de maints points semblable à celle vécue une génération plus tôt, l’isolement dans une nature magnifiquement décrite dans tout ce qu’elle peut comporter de menaces et de dangers quand on s’y retrouve abandonné comme un nourrisson sans ressources ni défenses, achève d’alourdir le climat anxiogène qui pèse sur le lecteur depuis la première page.





Il ne se passe au final que peu de choses dans cette histoire. Mais le pessimisme accablant et l’atmosphère menaçante du récit entretiennent un sentiment vivace de vulnérabilité face à l’impondérable tragédie de la destinée humaine. Travaillé dans son expression et son vocabulaire, le style s’élève souvent vers d’admirables hauteurs, et, nonobstant deux infimes mais surprenantes incohérences, c’est un livre en tout point remarquable qui réussit ici à nous régaler. Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          880
Règne animal

Règne animal est un cauchemar de merde et de viande, laissant par moments la sensation d'être couvert soi-même d'immondices. Pas de place pour le charme de l'imaginaire ni pour la poésie rustique, Jean-Baptiste Amo opte pour un réalisme sale dans ce roman au souffle long qui piège les désastres du modèle agricole intensif.



L'auteur ne rate pas sa cible en décrivant le quotidien d'une ferme vivrière du début du XXe siècle pour laquelle le bétail était une richesse, devenue en 1981 une porcherie strictement organisée selon une logique productiviste. L'écriture n'édulcore ni ne masque la dureté ou la maltraitance érigées en mode de fonctionnement, elle en souligne tous les détails sordides. Comme pour laisser le lecteur ou la lectrice sans distance possible pour échapper à la cruauté banalisée de ce type d'élevage qui voit les hommes passer de paysans à exploitants et les animaux de cheptel à minerai.







Avec Règne animal, Jean-Baptiste Amo balaie d'un revers de la main toute vision sublimée de la vie rurale, c'est un texte radical avec l'abjection comme moteur. Mais il nous console avec de magnifiques portraits de personnages malheureux face au monde qui les entoure. Il trempe sa plume dans les crevasses d'hommes qui épuisent leurs forces dans un système qui les dévore, eux et leur famille. Comme il montre toutes les imperfections au grand jour laissant le sentiment d'une interminable défaite contre laquelle il est difficile de lutter.

Ce qui nous retient également captif dans ce bouquin c'est l'écriture. L'auteur fend l'air vicié avec des mots sûrs et pénétrants. Même si le style soutient le scalpel qui égorge les porcelets impropres à l'élevage, les mots nous sauvent des malheurs infinis de cette famille. Non qu'ils offrent une aspérité réconfortante ou une poche d'oxygène mais ils confèrent à ce roman une intensité rare, une force magnétique rarement rencontrée dernièrement.

De manière insidieuse, ce livre se fraye un chemin dans la tête faisant de nous des voyeurs malmenés, et ne nous lâche pas, même au-delà de la lecture. Ce roman dégoûte, ce roman déprime, mais son esthétique littéraire à laquelle j'ai succombé en fait une oeuvre unique.
Commenter  J’apprécie          724
Pornographia

Après la leçon d'anatomie de Rembrandt voici celle, urbaine et définitivement plus obscure que claire de Jean Baptiste del Amo.



Nuits d'errances dans une Havane qui jamais ne se nomme. le Cuba interlope transpire par tous les pores de ces fugitifs vagabondages : le sexe, la puanteur, l'absence de moralité, les rites superstitieux, la corruption des âmes et des corps.


Mais le style lui, n'a rien de cru ou de sale, à l'opposé d'un Pedro Juan Gutierrez dont l'insulaire « Trilogie Sale de la Havane » fait figure de référence, le style du jeune auteur français est un peu enflé, on a parfois l'impression d'un livre écrit avec le dictionnaire des synonymes sous le coude, et bien plus souvent encore, le dictionnaire Vidal de médecine pour le champ lexical. Comme si la langue ne devait descendre à aucun prix dans les bas fonds de la narration.



Mais ça marche. La plaie béante, purulente et pestilente de cette sanguinolente ville fantasmée fascine.



Cela sans doute car del Amo décide de bazarder sa narration, caviarder sa chronologie pour ne garder que les impressions, les ressentis du personnage. Ainsi le lecteur aussi s'égare, se raccroche étourdi aux murs des ruelles étroites, s'affale, hagard contre la digue du Malécon. Tout se brouille : les regards impavides des cavaleurs débraillés ; les mirages des touristes vampiriques du front de mer aux ombres zinzolines sur les façades des immeubles délabrés, le souvenir tangible d'un Cuba réaliste s'efface sous la puissance ténébreuse, malaisante, révoltante et sans espoir d'une ville sans le sou, livrée aux misères scandaleuses de la chair.



Sous les hospices de la plume suave et rauque de l'auteur, les pages moites et hallucinées enlisent les mains du lecteur dans les semences organiques et odorantes qui, l'espace d'un instant, par la grâce de l'éclat d'une lune poétique sur le Malécon, prennent une lueur “d'écailles de nacre”.



Qu'en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          729
Le fils de l'homme

Quand j'ai commencé cette lecture, j'ai cru que le fils de l'homme allait m'amener très loin. Mais finalement, pas autant que je ne l'aurais cru.



Pourtant, ma curiosité a tout de suite été aiguisée : d'abord avec ce déroutant prologue ancestral, et ensuite, plus déroutant encore, avec l'entrée en matière de ce trio familial, ce père, cette mère et ce fils qui s'acheminent vers une destination cernée par la montagne et la forêt.



Il y a une chappe de non-dits, de pensées refoulées qui enveloppent les protagonistes et se traduisent dans les gestes, les regards, les silences. C'est ce que j'ai le plus apprécié, ces personnages nommés de manière générique, qui révèlent leur personnalité peu à peu, tout en suggestions, à travers les gestes et les postures du quotidien, à travers aussi le regard de cet enfant qui observe le monde par leurs yeux.



Cependant, j'ai été gênée par les descriptions de la nature, en particulier dans la première moitié du livre. Rien à dire sur la forme, l'écriture est même racée, mais je les ai trouvées envahissantes et redondantes. Elles m'ont plus fait l'effet de remplissage qu'autre chose. Et empiler des buches dans l'âtre ne suffit pas à faire démarrer un feu. Dans la seconde moitié du livre, les personnages sont plus présents, ou actifs, et il semblerait que la nature, tantôt menaçante, tantôt amicale, sans s'effacer pour autant, en tout cas recule.



D'autres éléments m'ont gênée dans les dialogues par exemple, et plus encore dans la construction. Assez rapidement les ficelles de la construction sont devenues trop évidentes et j'ai perçu très tôt où l'auteur voulait aller. Pourtant, je ne suis habituellement pas une flèche dans ce domaine ! Même la fin est incroyablement prévisible. Difficile dans ce contexte de se laisser porter par cette ambiance pesante que l'auteur a cherché à instaurer et faire monter graduellement.



Enfin bref, ce huis clos n'en reste pas moins un voyage, un voyage à travers les mécanismes de la transmission de la violence d'une génération à l'autre, la reproduction inconsciente des schémas parentaux mais il repose sur une atmosphère poisseuse à laquelle je ne suis pas parvenue à adhérer.

Commenter  J’apprécie          694
Le fils de l'homme

Tout commence par une longue marche d'un groupe de personnes à une époque fort lointaine.

Ils marchent, chassent, se reproduisent, meurent...

C'était bien lent et long, pour moi.

.

Ensuite nous faisons la connaissance du fils qui vit avec la mère, quand soudain le père revient d'on ne sait où et va dormir en attendant que la mère rentre du travail.

.

Il s'installe, rien de plus normal, dort, boit, fume et fume encore...

L'appartement est plutôt miséreux, les personnages aussi... et moi j'attends qu'il se passe quelque chose.

.

Au bout d'un moment, le père emmène la mère et le fils dans la montagne. D'abord en voiture, puis à pied.

C'est l'été, le fils pense qu'ils vont rentrer après les vacances, la mère aussi, encore qu'elle n'en soit pas très sûre.

.

Ils arrivent dans une bicoque de guingois où tout est à refaire, le toit, la charpente...

.

Le père cherche à se rapprocher du fils, ce qui n'est pas tâche aisée.

Et moi je me demande ce que la mère et le fils font là et pourquoi ils ont suivi le père.

.

*******

.

Je n'ai pas besoin d'entrer dans les détails pour que vous deviniez que je n'ai pas du tout apprécié ce roman, même si au bout d'un moment j'ai fini par avoir de l'empathie pour le pauvre gamin.

.

Mais j'ai trouvé l'histoire trop noyée dans une profusion de style et de descriptions.

Les phrases interminables et le vocabulaire précis, nuancé et élaboré ne m'ont pas déplu, mais trop c'est trop et je me suis ennuyée.

.

Et encore une fois, les actes ou intentions envers les animaux m'ont fait monter les larmes et mise en colère.

.

Libre à vous de vous faire votre propre opinion.

Si vous ne l'avez pas lu, je vous inviter à jeter un oeil sur la critique de mon amie Spleen, qui m'a fait découvrir cet auteur et ne partage pas mon avis sur ce livre.

Vous serez plus à même de vous faire une idée plus précise sur son contenu.

.

.
Commenter  J’apprécie          6752
Le fils de l'homme

Après plusieurs années d’absence, il est réapparu. Il annonce au garçon de neuf ans qui lui a ouvert le portillon rouillé du pavillon ouvrier qu’il est son père. Plus tard, de retour de son travail, la mère le trouve endormi à l’étage. Ni elle, ni le garçon ne savent pourquoi il fait irruption dans leur vie. Lui seul sait qu’il est là pour ressusciter sa propre légende, celle du « Fils de l’homme », l’héritage du sang, l’héritage de la haine…

Le récit alterne deux époques qui se déroulent sur un même lieu, « les roches », une maison perdue dans les montagnes dans laquelle le père a passé son enfance et où il emmène sa compagne et son fils afin qu’ils se « retrouvent ». Ce saut dans le passé permet de comprendre ce qui anime les protagonistes et surtout la volonté de ce père de finir une tâche inachevée, de transmettre au fils son héritage, celui-ci eût-il été destructeur. Mais c’est sa façon à lui de triompher de sa propre histoire, de la mort.

La première particularité de l’histoire de Jean-Baptiste Del Amo est qu’il n’y a pas de dialogue. Les personnages de cette histoire sont comme des étrangers les uns pour les autres. Ils n’échangent pas leurs idées, leurs souhaits, ils sont portés par le cours de leur vie, téléguidés vers leur destin pourvu que la transmission du père au fils se fasse. Ils n’ont pas de prénoms ni de nom, ils sont tout le monde et n’importe qui.

La deuxième particularité du « Fils de l’homme » est qu’il n’y a pas de fin. Le récit se termine abruptement et laisse au lecteur le soin de conclure. C’est aussi une façon d’inscrire la relation père-fils dans une boucle qui se lit à l’infini et répète inexorablement le même schéma, le même sentiment, en l’occurrence la haine.

Pour rompre la malédiction de cette boucle infernale, il faudrait au fils le courage de renier son principal repère : son origine, « D’où viens-je ? ».

« Le fils de l’homme » est un très beau texte, remarquablement bien écrit qui mérite que l’on s’y perde. C’est une auberge espagnole où chacun y trouvera un peu de ce qu’il a déjà en lui.

Editions Gallimard, collection blanche, 239 pages.

Commenter  J’apprécie          662
Règne animal

Tout d'abord, une question me taraude : peut-on obtenir le Prix Goncourt quand on a déjà obtenu celui du premier roman comme ce fut le cas pour Jean-Baptiste del Amo en 2009 pour « Education libertine » ?

Car si la chose est possible, je ne serais pas surpris qu'elle advienne…



Les thèmes : principaux comme l'horreur de la guerre de 14, l'aversion des élevages industriels ; ou secondaires comme la difficulté de vivre l'homosexualité… Nous sommes bien dans l'air du temps et du fameux prix…

Le style : puissant, nerveux, violent… même s'il se fait bucolique quand il s'agit d'évoquer le petit jour sur une pièce de maïs. Le vocabulaire est précis, encyclopédique, même parfois ; le mot est juste jusqu'à donner dans le cru, voire dans le scatologique aussi, mais bon…

Style et thèmes qui semblent régulièrement remarqués du jury Goncourt, pour ne pas dire récompensés…



Trois grands chapitres jalonnent la vie d'une famille du Sud-Ouest, de l'ancêtre, « gueule cassée » au retour de la guerre de 14, créateur de l'activité porcine, à l'exploitation industrielle dans les années 1980. Sa chute… Trois grands chapitres ayant en commun le savant mélange de terre de merde et de sang...



Oui. Pas vraiment gai comme roman… Et pourtant, malgré ça, un de mes coups de coeur 2016 : c'est violent, cru même, parfois descriptif à l'excès ; mais c'est finement documenté. Un nom me vient, si l'on veut comparer, toutes proportions gardées : il y a du Zola là-dedans !



Jean-Baptiste del Amo est militant ; et il a écrit un bouquin militant, à charge... qui malgré tout conforte ma a décision déjà ancienne de ne rien manger d'industriel ; ce qui ne m'empêche pas de consommer raisonnablement de la viande, contrairement à l'auteur qui si j'en crois sa biographie est végétalien… Proche de l'association L 214 en lutte contre les pratiques parfois douteuses de certains abattoirs ; un engagement qui date de mars 2016 qui nous met face à la question de la poule et de l’œuf : un engagement qui génère le livre ou un livre qui génère l'engagement ? Mais tout ça n'est que technique promotionnelle au service d'un excellent bouquin qui ne manquera pas de susciter la controverse à la rentrée qui déjà s'annonce. Ça pue !



Un grand merci aux éditions Gallimard et à Babélio de m'avoir permis cette découverte dans le cadre de masse critique.

Commenter  J’apprécie          662
Le fils de l'homme

.

Un livre que j'ai choisi pour l'auteur pensant que J.B; Del Amo était une signature .

" Règne animal " m'a fortement marquée donc , cette nouvelle parution m'a tentée .

Et puis , il y a cette vieille maison isolée dans la montagne , il y a la nature , il y a le mystère , il doit bien y avoir des personnalités complexes , il y a l'enfance , il y a l'amour maternel , il y a les relations familiales compliquées , pathologiques ... oui , oui ...il y a bien tout cela .



Mais , hélas , très vite j'ai commencé à déchanter pour sombrer dans un profond ennui .

D'abord , je n'ai été séduite par aucun des personnages , ils m'ont tous paru superficiels , lointains , manquant de charisme .

J'aurais apprécié des études de caractères plus fouillées pour donner de l'intensité au récit .

L'absence de noms et le manque de dialogues m'ont aussi rendu la lecture inconfortable .



Pourtant , une mise en scène , travaillée semble-t-il , veut par sa singularité , confiner le lecteur dans une ambiance glauque et l'histoire bien sûr va ici et là apporter sa touche de mystère même si , on peut rapidement en deviner l'issue .

Donc , c'est le manque de profondeur , de force qui m'a gênée .

En ce qui concerne le thème , J'ai eu l'impression de lire une pâle imitation de David Vann .

Mais , le style reste très personnel et là , on aime ou pas .



Il y a certes une recherche mais , en littérature le meilleur ayant fait ses preuves , rares sont les innovations vraiment réussies ; ce n'est que mon ressenti bien sûr et j'avoue être plutôt exigeante car j'attache autant d'importance au style qu'à l'intrigue et ici , l'un et l'autre m'ont déçue au point d'avoir hâte de terminer ma lecture .

Une lecture qui m'a ennuyée par un texte trop souvent scénarisé ou alourdi par un excès de remplissage .

Oui, vraiment déçue .

Commenter  J’apprécie          6211
Le sel

Le sel.

Celui de la mer.

Celui des larmes.

Celui qui anhilie le goût.

Celui de l’amertume.



Voici ce qui remplit une famille.

Deux frères, une sœur, chacun ressasse leurs sombres pensées à l’égard du père ou de la mère. Des enfants défigurés sous la houle d’un père trop austère et d’une mère trop distante.

A l’approche d’un dîner qui vont les rassembler, les souvenirs affluent comme un venin pour justifier l’agonie de leur vie actuelle.



Fanny a perdu sa fille quelques années plus tôt, elle ne s’en remet pas, entre son fils et son mari, elle vacille.

Faute à qui ? Son père, sa mère ?

Albin voit son monde s’éloigner, son épouse, ses enfants. Pourtant il fut chéri par son père, qui voyait en lui son clone idéal. Faute à qui ?

Jonas est homosexuel. Pas simple dans une famille aseptisée aux mœurs irréprochables. Il peine à s’accepter, à être libre, à vivre sa vie. Faute à qui ?



Vous l’aurez compris, ce roman soulève carte après carte pour trouver le coupable, le fautif. C’est tellement rassurant de désigner un coupable.



Y aura t-il la place pour le pardon dans cette famille en souffrance...

Faut-il vider cette souffrance dans le puits de l’amertume pour en être quitte ?



Voici tout l’art de ce roman qui distille bien des sentiments, des questions et un portrait psychologique d’une famille désunie.
Commenter  J’apprécie          620
Règne animal

Lecteur en quête de fiction poétique, passe ton chemin...

Ici se donnent à lire une ferme croulante, le hurlement des porcs et la barbarie des hommes.



C'est le prosaïquement organique qui structure cet incroyable roman. Il y a une forme de fascination à s'immerger dans le brutal quotidien de fermiers du sud-ouest, dans l'existence taiseuse d'hommes et de femmes aussi frustres que les bêtes de leurs étables. L'animalité du vivant. Apre, tragique, violent jusqu'à la nausée.



Tout est décrit avec un réalisme confondant: la terre, la guerre, la maladie, les pulsions, les odeurs, les fluides et la mort. S'échappent bien rarement des fulgurances de sentiments humains. J'ai eu l'impression de vivre dans un décor muet, d'où la parole est absente. L'acuité descriptive est sans pareille pour peindre la nature, une salle de ferme, le travail des champs, l'industrialisation de l'élevage. C'est si réaliste que pour un peu, on sentirait l'odeur.



On a beau être sonné par la lecture, le thème de la transmission familiale est magistralement posé, engluant une famille dans un engrenage infernal de survie sur plusieurs générations, à l'image d'une grande boucherie pour bêtes et éleveurs.

Roman réquisitoire dévastateur.



Pour un peu, je finirais avec une crise de foie. Et l'idée tentante de devenir végétarienne face au martyre des animaux.

Que l'on ne me parle plus de recettes de porc!

Commenter  J’apprécie          623
Le fils de l'homme

Comment qualifier ce live lu d'une traite , qui décrit de façon si profonde ,subtile, cruelle ô combien, la découverte du monde des adultes par un enfant ?



Au commencement, le lecteur , surpris découvre une scène mythique des origines: celles des premières communautés humaines vivant au rythme de la pêche , de la chasse, des cueillettes, affrontant les éléments naturels : vent cinglant , grands froids, végétation rase, lande battue par les vents , des barbes broussailleuses mangent le dur visage des hommes et des femmes rubicondes portent les nouveaux - nés sous des fourrures élimées .



Un prologue quasi mythologique , apocalyptique … au coeur d'un environnement naturel qui engloutit …



L'auteur conte le retour d'un homme blessé , porteur d'une histoire trop lourde pour ses épaules , héritier bien malgré lui d'un schéma de violence pesant , venant de très loin. .



Il revient après des années d'absence dans le foyer de son ex - compagne et de son fils de neuf ans afin de retrouver sa place——resurgit et les conduit aux Roches , un hameau hostile , une maison isolée ,en pleine montagne où lui- même vécut autrefois avec un patriarche assez particulier —— quasiment tombée en ruines ——qu'il n'aura de cesse de reconstruire en même temps que l'unité familiale.

«  La maison perdue, à la façade minable, la bâche en partie soulevée sur la tuile plate du toit » ou le break de l'homme ,une Citroën BX d'un «  bleu électrique avachie sur sa suspension hydraulique » .



L'auteur décrit avec une exactitude absolue qui fait plus «  voir » encore plus qu'imaginer les scènes de l'ouvrage., les arbres qui enserrent, les montagnes qui engloutissent , dévoile de terribles drames et secrets passés .

L'intrigue simple : un couple avec un enfant , seuls , loin de tout dans la montagne devient d'un coup aussi complexe que la psychologie de ces bêtes humaines .

Les trois protagonistes n'ont pas de «  nom » , on les appelle «  le père » la mère » , «  le fils » semblables à des figures universelles , emblématiques., symboliques .

Hanté , dévasté par la jalousie , rongé par son passé , le père perdra toute mesure et sombrera lentement dans la folie .



L'auteur explore avec virtuosité les sentiments en se plaçant du côté de l'enfant à l'aide de la troisième personne , creuse au plus profond les sensations du garçon , sa vulnérabilité,ses interrogations, le rapport fusionnel avec la mère , aimante , tendre , les relations très «  extérieures avec ce père qu'il ne connaît pas , mais avec lequel un authentique rapport père - fils peut être espéré ou fantasmé ,et aussi , bien sûr les liens fantastiques , physiques , avec la nature, les animaux, au cours d'une promenade en forêt où les contes pour enfants de sa mère lui reviennent en mémoire avec leurs forêts enchevêtrées, recelant mystères , périls et secrets ..

Le style est virtuose, de longues phrases descriptives , magnifiques , insaisissables , embrasées , qui exaltent avec précision la beauté de la nature sauvage , comme la violence indescriptible qui éclate au dernier tiers du livre.



Un texte âpre, violent , sombre, tragique , rageur ,magnétique , fort, sur le thème du passage du temps , la transmission , l'éternelle tragédie qui se noue entre les pères et les fils , la cellule familiale si fragile , l'emprise destructrice qui peut conduire au pire .



On ne peut que souligner avec force la virtuosité de l'auteur autant par le style flamboyant , les thèmes très forts et la magie subtile qui tire le lecteur vers le haut et force l'admiration .

Une réussite ! Bravo à l'auteur !

«  La forêt hostile et nue la veille encore , se pare de courbes vaporeuses , d'ombres pommelées qui la font paraître moins redoutable.

Propulsée aux branches des arbres , la sève fait éclore par myriades les bourgeons dont les écailles chutent , infimes , silencieuses, révèlent la chair glauque des feuilles qui se déploient et constellent les ramures d'un vert intense » …



Commenter  J’apprécie          612
Le fils de l'homme

Six ans sans la présence d’un père à ses côtés, mais l’homme est désormais de retour, il espère se sauver de son passé, et rien ne le séparera de la mère qui peut-être l’aime encore ou qu’il parviendra à conquérir à nouveau. Alors l’homme emmène la mère et l’enfant aux Roches, adossée au terrain une maison de montagne délabrée, c’est là que le père a grandi. Avec le retour du père, le fils ressent une menace indicible qui plane au-dessus de lui et de sa mère.



Un récit très lent, il ne se passe rien, mais tout est conté avec un souci permanent de la description dans les moindres détails. Un huis clos pesant dans une nature sauvage omniprésente, un roman noir d’une tristesse absolue, l’histoire d’un père hanté par son passé qui sombre lentement dans la folie entrainant avec lui toute sa famille. Peu de mots entre les trois personnages, les regards suffisent pour exprimer les sentiments. Un récit porté par une plume d’une grande beauté.

Commenter  J’apprécie          571
A nous la Terre !

Belle initiative que ce petit recueil Folio de neuf nouvelles célébrant mère nature et dont les bénéfices seront reversés à WWF, le Fond Mondial pour la nature dont le sigle est un mignon panda. Cette organisation non gouvernementale se consacre à la protection de l'environnement et au développement durable. Alors, croisons les doigts pour que ce recueil parte comme des petits pains afin que les bénéfices servent à protéger les mignons pandas et les autres animaux avant qu’ils ne disparaissent de nos paysages.

Neufs plumes pour neuf histoires, toutes différentes mais célébrant à leur manière la nature. Catherine Cusset parle d’une plage bretonne où l’on se baigne nu tandis que Monica Sabolo plonge en mer Méditerranée. Luc Lang nous entraine vers les sommets pyrénéens jusqu’à la brèche de Rolland quand Jean-Christophe Rufin parcourt les glaciers agonisants du Mont-Blanc. Ron Rash, auteur américain bien connu pour ses thrillers sur fond de nature, a choisi de nous faire partager le destin singulier de Horace Kephart, écrivain et amoureux de vie sauvage dans les Great Smoky Mountains de Caroline du nord qu’il défendra toute sa vie.

La nouvelle que j’ai le plus aimée ? « Le sansonnet » de Carole Martinez, sorte de conte cruel et hymne à la liberté et la nature.

Lisez ces nouvelles, laissez-vous entrainer dans cette nature si belle hélas trop malmenée.

Petit plus : le papier de cet ouvrage provient de forêts gérées durablement.



Commenter  J’apprécie          512




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jean-Baptiste Del Amo (2404)Voir plus

Quiz Voir plus

l’ille de la venus

la statue trouvée à Ille est

en terre cuite
en marbre
en bronze

24 questions
70 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}