Jean-Jacques Antier

Oui, Jung déplorait le déclin des religions institutionnelles en Europe, car cela crée un vide psychique et une absence de fondement et de sens. Dans Psychologie et Religion, il souligne que tous ses patients âgés de plus de trente cinq ans "ont le problème de découvrir un point de vue religieux sur la vie." Dans La Fonction transcendante, il affirme que "l'idée d'un ordre moral et l'idée de Dieu appartiennent au substrat indestructible de l'âme humaine". Il était pour lui évident que la négation de ce qui existe a des conséquences néfastes pour celui qui croit 'en délivrer par un simple jeu de mot, ou par un refoulement.

Une énergie mystérieuse conditionne la vie psychique et l'existence même de la conscience. Elle lui est préexistante. Lorsqu'elle apparaît, l'homme la ressent comme une figure divine.(...)
En effet, la source de la force demeure cachée dans l'inconscient. Dieu n'est pas mort, on l'a seulement refoulé.
Parlant de la "continuité historique", Jung constatait que le déclin de la vie religieuse en Occident augmente les charges névrotiques. La perte de la foi provoque une désorientation, un déséquilibre psychique. Il disait à propos de ses patients que "chacun souffre en premier lieu d'avoir perdu ce que les religions vivantes ont apporté de tout temps, et aucun n'est vraiment guéri qui n'a retrouvé sa conception religieuse."
Il ajoutait: "Notre époque menacée a besoin d'une illumination." Il constatait donc que les difficultés psychologiques de l'homme occidental (la névrose) proviennent en grande partie de sa rupture avec la foi. N'étant plus religieux, c'est-à-dire "relié" à sa source vitale, l'homme détourne son énergie au mieux dans les sciences, trop rationnelles pour le satisfaire, au pire dans les"loisirs" et le "plaisir".A la même époque un savant, le docteur Alexis Carrel, prix Nobel de médecine, écrivait: "Ce Dieu si abordable à qui sait aimer se cache à celui qui ne sait que comprendre."

Mais que faire si l'on a perdu la foi? Dès son enfance, Jung avait eu à affronter cruellement la question de la perte de la foi chez son père. Il avait aussi constaté à l'université que la naissance de la pensée scientifique avait ébranlé le socle du dogme religieux qui structurait le monde. l'éveil du moi et de la conscience est une nécessité inscrite dans le plan de l'évolution, mais son hypertrophie à notre époque est responsable de la perte des valeurs numineuses, d'où l'isolement tragique de l'humanité qui s'écarte de sa source, sans pour autant réussir à maîtriser le monde.
Pour Jung, la perte de la foi résulte de l'éloignement des archétypes profonds numineux qui la fondent, et des mythes positifs qui la nourrissent. L'esprit absent, il ne reste que la lettre du dogme. La vie se retire. On le constate en Europe depuis le XVIIIe siècle, celui dit des lumières".

Pour Jung, l'archétype du Soi, inscrit au coeur profond de la psyché, est l'image de Dieu. Comme l'ont dit des prophètes, on ne peut voir Dieu sans mourir. Jung, qui affrontera bientôt le Soi, confirmera cette expérience terrifiante. (...)
Que l'homme croie ou non au numen -disons en Dieu- ne change évidemment rien à la réalité des choses. Mais si Dieu existe, passer à côté de cette réalité serait une tragique erreur; l'homme a tout intérêt à s'efforcer d'intégrer cette numinosité pour mieux vivre en profitant de cette force, et en réalisant pleinement son destin, ce pour quoi il est venu au monde. Dans une conférence de 1929, Jung souligne la nécessité de l'ouverture psychologique. "Une attitude dont la fonction psychique revêt une importance inestimable."
C'est pourquoi "la religion est une relation vivante avec les processus mentaux qui ne dépendent pas de la conscience, mais qui se produisent au-delà d'elle, dans l'obscur arrière plan de l'âme", c'est-à-dire la psyché inconsciente. Comme l'écrit excellemment la psychanalyste jungienne Julie Saint-Bris, "ce sont ces profondeurs et ces obscurités qu'il nous faut aller visiter pour retrouver les racines archaiques de la transcendance."

Jung a toujours été fasciné par l'expérience mystique. Pour lui, la religion est "l'attitude particulière d'une conscience qui a été transformée par l'expérience du numineux", écrit-il dans Psychologie et religion. L'expérience individuelle est préalable à la foi, aux rites et aux dogmes, qui ne font que l'organiser en vue de la transmettre au plus grand nombre. Dans une lettre du 18 août 1936 au pasteur Walter Uhsadel, Jung précise que "l'expérience n'est possible que lorsqu'il arrive quelque chose qui, sans l'intervention de la conscience, se produit dans la sphère personnelle."

Ici se noue le drame de la condition humaine. l'homme pensant rapporte tout à lui: "Je pense, donc je suis", disait Descartes. En réalité, il est pensé par un Autre: "Le verbe nous arrive, nous le subissons. Avec Dieu, en tant qu'union des contraires, tout est possible."

Dieu serait-il accessible dans les profondeurs inconnues de la psyché? Jung en convient avec prudence en se référant à l'inconscient. Mais "ce que l'on désigne par inconscient n'est pas identique à Dieu. C'est le milieu intermédiaire d'où semble jaillir pour nous l'expérience religieuse."

Chapitre 19. Jung et Dieu

De telles expériences de l'Ombre, nous l'avons dit, peuvent être dévastatrices. Impossible alors de les dominer et même de les comprendre. Démon ou Dieu? Mais c'est un phénomène authentique, nullement illusoire. Cela fond sur vous. Démon et Dieu expriment la qualité émotionnelle du numineux. Les mystiques de tous les temps ont rendu compte de cette expérience, bien avant les psychologues.
Ce n'était pas un hasard si Freud et ses disciples qualifiaient avec mépris Jung de "mystique".

Le monde intérieur demeurait son unique passion, l'âme, la psyché, l'inconscient mystérieux qui n'a pas fini de nous délivrer des messages.
De ce voyage extraordinaire, il retenait que l'accès à l'inconscient n'est pas sans danger. le chercheur de l'océan psychique est comme un scaphandrier non autonome relié à la surface par un tube qu lui dispense l'oxygène. Que le tube se rompe, et c'est la mort, à moins d'une remontée rapide.
Le cas de Jung n'est pas unique. On le retrouve chez les mystiques: Angèle de Foligno, Jean de la Croix, Thérèse d'Avila, Marthe Robin. On le trouve même chez Nietzsche et chez Freud. Frappé par une psychose, le neurologue viennois s'était jeté dans la voie périlleuse de l'autoanalyse. Et il avait inventé la psychanalyse. Jung prenait le même chemin: solitude, dépression, initiation, retour vers la lumière de la conscience enrichie de la découverte de la grotte intérieure. Il en explora les richesses, dont Freud, obsédé par la sexualité, effrayé par le numineux, s'était détourné.
Tout au contraire, Jung se livrait à l'expérience mystique, hiérophanique et divinatrice des prophètes, des chamanes et des visionnaires. Ainsi la crise dramatique qui semblait le conduire à la folie devint l'élément de résurrection et de progrès, la métamorphose spirituelle. Au-delà de sa guérison personnelle lui fut donné sa mission universelle. N'était-il pas d'abord un thérapeute? Dans ses visions il découvrait des archétypes universels. (...)
Grâce à sa dépression, le Soi se replaçait au centre de sa vie, d'où l'avait exclu le moi hypertrophié. Ce qui allait lui permettre de fonder son école, une psychologie révolutionnaire aux antipodes de celle de Freud, dont paradoxalement il était devenu pour quelques années le dauphin. Mais cet épisode, qu'il ne reniait pas, appartenait désormais au passé.

"Quelque chose de réel était enfin présent, qui appartenait au grand secret."

Le petit Carl adorait sa mère, tout en la redoutant à cause de sa double personnalité. Bonne vivante, maternelle, bavarde, hospitalière, elle basculait sans préavis dans ce que Jung appellera sa personnalité numéro deux: "En un tour de main apparaissait chez elle une personnalité inconsciente d'une puissance insoupçonnée, une grande figure sombre dotée d'une autorité intangible." Alors que sa personnalité numéro un était "inoffensive et humaine", elle devenait soudain redoutable, "une prêtresse archaique et scélérate comme la vérité et la nature". Elle se révélait donc fondamentalement religieuse, "une réceptivité spirituelle docile support de la révélation", dira Jung dans une lettre.

"Je ne sais pas vers quoi nous allons, mais nous y allons tout droit.
En vérité, nous filons vers l'inimaginable.""
Julien GREEN

Il n'y a a pas de morts, Gildas, mais des absents ; et les justes vivent en Dieu, là-haut. Pas dans les cimetières. Jésus n'est pas le Dieu des morts, mais celui des vivants.

je suis venu apprendre. Cela aussi, c'est s'enrichir !

J'ai beaucoup aimé cette lecture ,un roman d'aventure qui m'a emmenée autour du globe en compagnie de jeanne Barret ,première femme à avoir fait le tour du monde en 1766 .
Nous sommes à l'époque des grands voyages d'exploration , à la recherche de nouvelles terres et sur les traces des Hollandais qui font fortune avec le commerce des épices .
Jeanne est intrépide ,elle décide de partir avec son amant philibert Commerson ,botaniste sur l'Etoile navire affrété par le roi de France et commandé par Bougainville .
A l'époque les femmes sont interdites sur les bateaux ,elle doit donc se faire passer pour un homme ,valet de son amant .
C'est un portrait de femme moderne , érudite , passionnée et dotée d'une volonté de vivre sa vie comme elle l'entend .

(...) le silence habité est un trésor où toutes les voix résonnent, (...).

Chapitre 12

Mais au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient du chalet, au rythme lent des chèvres, la fille du lac se refermait. Les mots qui coulaient une heure plus tôt de sa bouche, comme un ruisseau de montagne, se raréfiaient. Lorsqu’elle entra dans le chalet après avoir mis ses chèvres à l’abri dans leur parc, elle était redevenue muette (...), à nouveau enfermée dans le drame de son enfance et dans ce mystère intime qui ne concernait qu’elle et son père.

Chapitre 11

L’amour-éros surgissait ainsi dans sa vie comme une apparition religieuse, venue d’un ailleurs inconnu. À ce soleil, elle renaissait. Car ce n’est pas seulement ce qui vient à nous qui donne la lumière et la vie, mais aussi ce qui vient de nous et qui s’éveille à ce soleil, l’approche de l’être aimé.

Chapitre 11

Qu’est-ce qui est réel, et qu’est-ce qui ne l’est pas dans ce monde incroyable ? Qui peut répondre à cette question ?

Chapitre 10

La nature vibrait à l’unisson. (...)
Il se sentait porté par cette communion de vie qui unissait autour du lac et du ciel les hommes, les plantes, les arbres et les animaux de la terre et des eaux. Et les loups ! Très lointaine, comme un écho à la mélodie du violon, il entendit la longue plainte de l’un d’entre eux. Amoureux ou affamé ? N’est-ce pas similaire ? Eux aussi savaient communiquer, en utilisant leurs cordes vocales pour moduler leurs messages d’amour, de détresse, de joie ou de colère.

Chapitre 10