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Citations de Jean-Luc Barré (27)


À cette date [mars 1943], c'est Anthony Eden qui est reçu à Washington pour des entretiens officiels au State Department et à la Maison Blanche, où il est beaucoup question du sort de De Gaulle et plus encore de l'avenir de la France et de l'Europe. Le chef du Foreign Office est vite édifié sur le traitement que l'administration entend leur réserver. [...] Eden ne cache pas sa stupéfaction presque amusée devant les plans de réorganisation du « monde civilisé », et de la France en particulier, établis par ses alliés avec une désinvolture d'apprentis-sorciers imbus de leur suprématie. [...]
Ce qu'on découvre ici, et dont le général ne semble pas avoir eu connaissance immédiatement, n'est qu'atteintes délibérées à la souveraineté des États comme prix de leur libération, volonté de les soumettre et de les insérer dans un ordre planétaire dont le géant américain détiendrait le contrôle exclusif.
(P.709)
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"Londres, en juin 1940, ce n'était pas une ville où l'on arrivait, mais une ville d'où l'on partait ", résume Élisabeth de Miribel, qui fait état du peu de soutien ou même de sympathie rencontré par le général de Gaulle au sein de la communauté française dans cette période initiale.

« La panique régnait chez les Français en mission, ils étaient environ 800, à l'ambassade et dans la colonie française, raconte-t-elle. Les uns, comme anéantis, étaient submergés de douleur et de honte. Les autres, persuadés que l'Angleterre serait submergée et battue, ne songeaient qu'à s'enfuir et à sauver les meubles. C'est dans cette atmosphère que retentit le premier appel du général de Gaulle. Pour la plupart des Français, il était un inconnu (...) et voilà que cet homme seul osait soudain braver la hiérarchie militaire, remettre en question la parole du maréchal Pétain et appeler les Français à reprendre le combat! Dans les milieux officiels, on criait au scandale. [...] Quant au personnel de l'ambassade de France, il préférait éviter de nous rencontrer. Pour certains, nous étions des aventuriers, pour les autres des gêneurs. "
La plupart des défections survenues durant l'été 1940 émanent du même microcosme d'intellectuels et de journalistes devenus vite réfractaires à la personnalité ou à l'action politique du général de Gaulle. [...] Après André Maurois, biographe de Disraeli et proche de la famille royale, c'est un autre écrivain célèbre, Jules Romains, qui choisit de s'éloigner de Londres pour aller se réfugier outre- Atlantique. Dans cette élite littéraire du moment, le général ne tiendra rigueur durablement qu'à un seul auteur, par ailleurs diplomate, de son départ précipité, qui lui vaudra d'ailleurs d'être sanctionné à son retour en métropole pour abandon de poste: Paul Morand. Lui, c'est pire encore! s'exclamera-t-il devant Alain Peyrefitte des années plus tard avec la même rancœur. Morand était un grand écrivain, choyé comme tel à Londres. Et il était très introduit dans la société anglaise (...) Nous ne connaissions personne. Vous imaginez de quel poids aurait été son ralliement ! Il aurait pu apporter à la France Libre le faisceau de relations qu'il s'était faites par sa renommée littéraire et son succès auprès des dames. Il m'a manqué (...) Morand est impardonnable. » Et d'ajouter, après un temps de silence: Sa femme avait du bien. Quand on a du bien, on le fait passer avant la patrie. Les Français qui avaient du bien ne m'ont pas rejoint".

C'est à ces mêmes réflexes conservateurs que le général imputait la défection non seulement de Morand mais de beaucoup d'autres, au point d'établir une distinction sociale entre ceux qui le rallièrent. Issus du peuple ou de l'aristocratie pour nombre d'entre eux, et les autres, des bourgeois, grands ou petits, rivés à leurs titres et à leur patrimoine:

"Ce qui a rendu si rares les Français libres, c'est le fait que tant de Français soient propriétaires. Ils avaient à choisir entre leur propriété - leur petite maison, leur petit jardin, leur petite boutique, leur petit atelier, leur petite ferme, leur petit tas de bouquins ou de bons du Trésor et la France. Ils ont préféré leur propriété. Quels ont été les premiers Français libres ? Des braves types comme les pêcheurs de l'île de Sein, qui ne possédaient que leur barque et l'emmenaient avec eux ; des garçons sans attache, qui n'avaient rien à perdre ; des juifs qui se sauvaient parce qu'ils devinaient qu'ils allaient tout perdre. Ceux qui avaient à choisir entre les biens matériels et l'âme de la France, les biens matériels ont choisi à leur place. Les possédants sont possédés par ce qu'ils possèdent." (P.413)
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Il envisage de plus en plus ouvertement, à partir de sa seizième année, de se présenter au concours d'entrée à Saint-Cyr. École prestigieuse, symbole d'un ordre exigeant, devenu paradoxalement le premier but à atteindre pour un jeune homme si peu enclin à subir la tutelle d'une hiérarchie sans la contester. À moins de la dominer. (P.52)
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"Encore de Gaulle ! " : que de fois n'ai-je entendu cette phrase depuis que j'ai entrepris ce travail, il y a une dizaine d'années.
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« Les diplomates échappent par la discrétion professionnelle au jugement du vulgaire », écrit-il. Du vulgaire, oui. Mais des autres ? Le surcroît de puissance que lui confère en 1921 l’accession au secrétariat général, le prestige dont cet homme du monde entre tous recherché jouit dans les salons parisiens et les lieux à la mode, l'adulation ou la haine qu'il inspire sans autre forme de sentiment, l’ont peu à peu privé du halo protecteur que lui assuraient jusqu'alors le service de l'État et son propre souci d'anonymat.
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« Clémenceau trouve absurde le fatras de Philippe Berthelot », signale Paul Cambon à son fils en décembre 1918. Absurde ou trop contraignant ?

Le président du Conseil n'est pas homme à se laisser dicter une conduite, encore moins une politique. Il se méfie des experts, des fonctionnaires, des conseillers. Dans l’action, il ne procède jamais que par humeurs, réflexes, coup de sang, intuition, ruptures. Ses arguments n'ont jamais rien de pesé ou de prémédité. Cet homme d'opposition n'a qu'une loi : envenimer les situations pour en tirer parti. La Conférence de la Paix ne sera pour lui qu'un champ de bataille comme un autre.

Berthelot lui reprochant un jour d'être « vraiment trop méchant », Clemenceau de répondre : « J'ai eu une femme, elle m'a fait cocu. Des enfants, ils m'ont abandonné. Des amis. ils m'ont trahi. Il me reste mes mains malades et je ne quitte pas mes gants ; mais il me reste aussi des mâchoires : je mords. »
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Le 22 août (1914), on apprend à Paris la chute de Charleroi. L'ennemi se déverse à grands flots vers la frontière. Les télégrammes du général Joffre, restés jusque-là fort laconiques, ne peuvent plus masquer l'ampleur du désastre. Un gouvernement d'Union sacrée est aussitôt constitué, dans lequel Delcassé retrouve le ministère des Affaires étrangères. Le 28, l'avancée des troupes allemandes est telle qu'une véritable psychose s'abat sur Paris. Gallieni prend le commandement du camp retranché. À la demande de Joffre, les pouvoirs publics se mettent en route pour Bordeaux dans la nuit du 2 septembre.

« Je dînai, la veille de cette fuite, qui n'avait rien de glorieux mais qui était raisonnable, avec quelques diplomates qui cherchaient à l'excuser, rapporte Boni de Castellane. Philippe Berthelot l'annonçait comme un fait divers. »

Fait divers, sans doute, si on le rapporte aux dimensions de la guerre elle-même. Néanmoins le gouvernement vide les lieux avec une précipitation si indécente que Joffre en fera sèchement grief à Poincaré : « Je vous avais dit de partir, pas de foutre le camp ! » Apostrophe que Berthelot ne pourra s'empêcher de recueillir dans ses carnets.
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Meurtrie par la mort de leur petit-fils, Olivier Lyon, tué à vingt ans dans un déraillement de train, Sophie Berthelot ne s'est jamais remise d un drame qui s'ajoutait à celui de la disparition de la mère du jeune homme, sa fille Hélène. Une maladie de cœur l’avait contrainte depuis lors au repos. « Comment vous dire le tragique de ces longs mois pendant lesquels, jour après jour, nous sentions ma mère bien-aimée plus proche de la mort et mon père encore parmi nous et déjà étranger à ce monde dont il se détachait peu à peu pour la guider vers l'autre rive », confie Daniel Berthelot à Anna de Noailles. Le 18 mars, Marcellin Berthelot, brisé par le chagrin, ne survit qu'un quart d'heure à la disparition de sa femme.

Comme Victor Hugo vingt ans plus tôt, le savant est honoré d'obsèques nationales au Panthéon où, fait exceptionnel, Sophie Berthelot et lui pourront reposer côte à côte.
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Philippe s’accommode moins bien en revanche de la signification qu'on prête à son patronyme : Berthelot voudrait dire en chinois : « Beaucoup de promotions ou de fortune » - traduction qu il juge « trop directe et grossière »...
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« Quand on voit une personne, une double question à se faire : Quel âge a cet homme ? Quel âge ont ses pensées ? »

Sainte-Beuve
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Héloïse de Chauvel représentait à cet égard le parti idéal. Fille d’un général de cavalerie dont elle était l'unique héritière, richement dotée du côté de sa mère de propriétés dans le Périgord et d’un manoir en Touraine, élevée dans les écoles religieuses les plus prisées, elle offrait tous les gages d’un parfait statut social. Guillaume n'avait pas eu à chercher loin pour la rencontrer: Héloïse assurait à l’Assemblée le secrétariat du groupe des députés de droite lorsqu'il avait remarqué cette grande jeune fille timide à la physionomie un peu austère. Les cheveux coupés court, un visage émacié aux pommettes hautes, un sourire désarmant de crainte ou d’ingénuité, elle parlait du bout des lèvres quand elle consentait, comme malgré elle, à sortir de son silence, On l'entendait à peine et elle semblait n'avoir qu’une hâte, se faire oublier pour retourner à des activités qu'elle menait avec une discrétion de fer. p. 131
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L'éventualité d’une double vie... Vos liens aussi avec un personnage trouble comme Antoine Jelloul dont la présence à vos côtés, sur la photo, suffit à faire douter de votre morale... disons financière. Le sexe et l'argent, les ingrédients habituels des scandales politiques. p. 121
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Antoine Jelloul à la réputation, dans les cercles très privés où il évolue, d’un homme d’affaires «coopératif et d'une diligence à toute épreuve», capable du pire, dit-on, quand la situation l'exige. Il opère au cœur d'une nébuleuse d'intérêts politiques et financiers si difficiles à démêler que personne ne s’y est vraiment risqué. Fils d’un banquier de Beyrouth, il a fait fortune dans l'exploitation des minerais africains, pour laquelle il a fondé et dirige une société basée à Dakar. Il est aussi administrateur de la discrète mais toute-puissante Banque française intercontinentale, la BIC, chargée de la gestion des avoirs pétroliers entre la France et l’Afrique. Un établissement qui faciliterait surtout, dit-on, le blanchiment d'argent destiné à alimenter les circuits de financement politique. p. 47
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INCIPIT
Le soupçon
Ni vu ni connu, Guillaume Roussel a pris l’habitude de tricher sur presque tout depuis le début de sa carrière: l’argent, le sexe, les idées. Il n’en éprouve ni remords ni satisfaction. Tout au plus une certaine hantise, parfois, d’être démasqué. Mais il se rassure vite, conscient de n’être pas un cas isolé dans un univers comme le sien. Il considère même ce double jeu comme une particularité de son époque et l’un des travers de sa caste.
«Nous vivons dans un monde de faussaires», s’est-il exclamé, provocateur comme souvent, lors du dernier dîner de sa promotion, sans qu’aucun de ses voisins de table ne croie bon de se récrier ou de le contredire. On était entre soi et personne n’a semblé se demander à qui il faisait expressément allusion. Les mêmes qui se sont tus ce soir-là, par crainte ou approbation, s’empresseront quelques mois plus tard de voir dans cette formule de connivence un aveu qui n’engageait que lui.
Roussel sait qu’il partage avec nombre de ses condisciples le même « vice de fabrication » : des failles inavouables, des secrets indicibles qui pourraient se révéler compromettants s’ils ne scellaient entre eux, solidarité de corps oblige, une entente d’initiés. Un pacte d’entraide et de silence qui n’a fait que conforter Guillaume Roussel dans le sentiment de sa propre immunité.
Tout est usurpé dans son image publique, à commencer par la rigueur des principes et la fidélité aux valeurs dont il se réclame. Leader d’une droite qui se veut dure et intransigeante, Guillaume Roussel s’est doté, au fil du temps, d’un profil politique poussé jusqu’au stéréotype, allié à un physique adéquat : défenseur de l’ordre et de la tradition, gestionnaire sourcilleux, époux vertueux, chef de famille exemplaire, catholique de stricte obédience, sous l’aspect d’un homme d’allure policée, silhouette élancée, taille mince, visage aux traits virils et réguliers, cheveux bruns coupés court, sourire au charme étudié, voix ferme aux inflexions martiales, l’air d’être tout entier sous contrôle. Rien, si ce n’est le regard toujours un peu de biais, embusqué derrière des lunettes à fines montures, ne manque à cette panoplie sans tache reproduite à profusion sur ses affiches électorales et dans ses promesses de campagne.
Guillaume Roussel a forgé son autorité et sa réputation sur ce personnage d’emprunt, une façon d’être et de penser distincte de sa vraie vie. C’est ainsi qu’il a réussi, porté par une ambition débridée, à accéder aux plus hautes charges de l’État. Énarque, député de Saône-et-Loire à trente-cinq ans, ministre de l’Intérieur à cinquante, chef du gouvernement quatre ans plus tard. Ascension qualifiée d’irrésistible, à défaut d’autre explication, par des médias comme pris de court devant une telle facilité à se jouer des obstacles, une aptitude à séduire et s’imposer par une force de persuasion dont personne n’a jamais paru mettre en doute la sincérité ni soupçonner les faux-semblants. Ce qu’on appelle un parcours sans faute.
Le chef de l’État, Louis Moulins-Duthilleul, ayant dû renoncer, à près de quatre-vingts ans, à briguer un second mandat, on voit en Guillaume Roussel une sorte d’héritier naturel. Nul ne semble mieux placé, en tout cas, pour lui succéder. Roussel a quitté ses fonctions six mois avant l’échéance pour préparer la future campagne présidentielle. À cinquante-huit ans, faute de rival crédible et fort d’un bilan à Matignon jugé satisfaisant dans les sondages d’opinion, il a toutes chances de remporter l’élection. D’autant que sa désignation comme candidat, obtenue à la quasi-unanimité, a pris des allures de sacre lors du congrès de la Droite populaire. Une puissante machine de guerre électorale aussitôt mise en ordre de marche.
L’Élysée lui semble donc tout acquis quand au cours de la première quinzaine de février, à quelques semaines du premier tour fixé au 20 avril, une mauvaise rumeur s’est mise à circuler dans divers milieux parisiens.
À l’origine, un fait divers passé quasi inaperçu dans un premier temps : le meurtre un mois auparavant d’un jeune Marocain nommé Fouad Layannah. Son corps a été retrouvé poignardé au petit matin dans un square proche du boulevard Suchet, un des quartiers résidentiels les mieux préservés de la capitale. Cet assassinat focalise l’attention des médias depuis qu’un site d’information indépendant, baptisé Free Investigation, a révélé, dans les derniers jours de janvier, à la fois l’identité de la victime et les activités qui lui ont valu d’être fiché par les services de police.
Dans cette enquête, publiée à grand fracas, Fouad Layannah est présenté comme un escort-boy « très prisé des dignitaires de Rabat », qui aurait aussi entretenu des relations tarifées avec « certaines personnalités françaises ». Selon des sources officieuses, il aurait été éliminé pour avoir tenté de faire chanter des « clients haut placés ». Les mobiles du crime ne seraient pas seulement liés à la prostitution. D’autres pistes sont envisagées : trafic de drogue, escroquerie, règlement de comptes politique.
C’est un des proches de Guillaume Roussel, l’homme d’affaires franco-libanais Antoine Jelloul, qui l’a alerté le premier, peu avant la parution de l’article. Jelloul lui a téléphoné expressément à ce sujet, un soir vers minuit, depuis Tanger, une de ses escales favorites entre Dakar, Beyrouth et Paris. Il sortait d’un dîner où avait été évoqué, à mots couverts, un scandale sur le point d’éclater. « Diverses célébrités » y seraient impliquées, dont un ancien Premier ministre français. Jelloul, d’ordinaire très bien informé, n’en savait pas davantage sur l’homme politique en question, assurant que son nom n’avait pas été dévoilé. Mais au ton de sa voix, Roussel l’a senti inhabituellement prudent, évasif, comme s’il était tenu au secret. Jelloul et lui sont convenus d’en reparler dès leur prochaine rencontre à Paris.
Les choses se précisent peu après. Guillaume Roussel n’est pas attaqué ouvertement, son nom reste encore cité parmi d’autres sous le manteau. Mais les bruits qu’on lui rapporte de propos tenus en privé par certains de ses « amis » sont sans équivoque. C’est bien lui qui est directement visé. Il lui faut peu de temps pour s’en convaincre : au bout de quelques jours, comme déjà cerné par une meute invisible, il lui semble être pisté, épié, à la merci de regards où il ne lit que méfiance et soupçon. Chaque contact, même fortuit, ravive cette impression diffuse qui ne le quitte plus et pèse sur lui comme une ombre.
Au sein de son équipe rapprochée, personne n’ose aborder le problème. Un silence gêné qui a tout l’air d’une dérobade. L’attitude la plus surprenante est celle de son chef de cabinet, Pierre Servier. Également chargé de la direction de sa campagne, Servier, qui passe pour son homme de confiance, est devenu étrangement muet et absent. Le regard furtif, l’air embarrassé dès que Roussel s’efforce d’engager avec lui un début de conversation. Servier détient-il des renseignements inquiétants qu’il craindrait de lui livrer ? Estime-t-il les chances de son candidat déjà si compromises qu’il s’interroge sur la conduite à tenir ?
Pour tenter d’y voir clair, Roussel l’invite à déjeuner en tête à tête dans le salon privé d’un grand restaurant de Montparnasse, dont ils sont tous les deux familiers. Une pièce capitonnée de velours rouge, protégée par un rideau grenat à l’abri duquel ils ont fomenté, au cours des dernières années, alliances et complots en tous genres.
Ils commandent chacun une sole sèche et une bouteille d’eau minérale. Leur conversation, passé les banalités d’usage, a du mal à s’enclencher, entrecoupée de longs silences, comme s’ils avaient déjà perdu l’habitude de se parler. Roussel, qui mange vite, est près de finir son plat quand Servier, la mastication plus lente, semble s’ingénier à ne jamais terminer le sien. L’échange, entre deux bouchées, se limite à des questions d’intendance. Le candidat les évacue d’un geste de la main sans même feindre de s’y intéresser, alors que Servier s’attache à ne lui épargner aucun détail.
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- Qui sait vraiment qui nous sommes, s'interroge l'avocat de sa voix cuivrée de fumeur de havanes. Ce que l'on connaît de nous, chacun dans son genre, se résume à peu de choses. Notre aspect le plus sommaire et le plus approximatif. Tout le reste, qui tient à notre vie profonde et n'intéresse que nous, est condamné, par la force des choses, à demeurer inavouable. C'est pourtant la seule vérité qui compte...
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Il a si bien réussi à faire oublier ses revirements passés et à se construire l'image d'un homme de pouvoir droit et inflexible, que plus personne ne s'étonne quand il prend plaisir à répéter : "Je ne suis pas de ceux qui changent d'avis à tout bout de champ. Je ne change pas tout court."
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En attendant la succession promise, il consacre une partie de son temps, entre deux hauts postes administratifs, à se former sur le terrain. Exercice préparatoire qui lui impose chaque week-end d'arpenter inlassablement sa future circonscription, aux côtés du député toujours en place. D'aller, de fermes en villages, à la rencontre de chaque famille. D'assister, bien qu'incroyant, à chaque messe dominicale. De festoyer lors des foires, des comices agricoles et autres cérémonies d'intronisation par les confréries du cru. Sans négliger aucun banquet d'anciens combattants ni aucun déjeuner de premier de l'an dans les maisons de retraite, toujours présent les jours d'inauguration d'un nouveau bâtiment public ou du départ d'une course cycliste... Une corvée dont Guillaume Roussel semble ne jamais se lasser, apprécié de ses futurs électeurs qui lui accorderont largement leurs suffrages le jour où il pourra enfin se présenter seul devant eux.
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Sarkozy, faut lui marcher dessus. Et du pied gauche, ça porte bonheur.
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En politique, il faut donner ce qu'on n'a pas et promettre ce qu'on ne peut pas donner.
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Parmi les multiples visiteurs qui (...) se succèdent au domicile de l'écrivain et viennent se recueillir devant le corps du défunt dont les mains jointes tiennent un bouquet d’œillets des champs (...), le moins attendu, le plus insolite et peut-être le plus mauriacien est l'acteur Michel Simon. Hirsute et bougonnant, à son habitude, le comédien surgit les yeux embués de larmes dans l'appartement du 38, avenue Théophile-Gautier où il passera une bonne partie de la journée, confiant aux journalistes qui s'étonnent de sa présence : "Voyez-vous, j'aimais beaucoup cet homme-là. Malgré toutes ses bondieuseries et ses "Je Vous salue Marie", il avait su rester un homme libre. Il savait prendre parti avec fracas... C'est curieux, un catholique qui a le sens de l'humour..." Mauriac se fût assurément réjoui d'un tel hommage, l'un des rares dont on l'ait gratifié qui ne devaient rien aux convenances... (465)
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