Citations de Jean-Paul Sartre (2295)
À la considérer du haut de ma tombe,
ma naissance m'apparut comme un mal nécessaire,
comme une incarnation tout à fait provisoire,
qui préparait ma transfiguration.
P 158
J'étais rien : une transparence ineffaçable.
p 76
HOEDERER
- ... Quelle rage avez-vous tous de jouer aux tueurs ? Ce sont des types sans imagination : ça leur est égal de donner la mort parce qu'ils n'ont aucune idée de ce que c'est que la vie. Je préfère les gens qui ont peur de la mort des autres : c'est la preuve qu'ils savent vivre.
Il y a un mur entre toi et moi. Je te vois, je te parle, mais tu es de l'autre côté. Qu'est-ce qui nous empêche de nous aimer ?
Il faut avoir le courage de faire comme tout le monde, pour n'être comme personne.
Des larmes d'adulte, c'était une catastrophe mystique, quelque chose comme les pleurs que Dieu verse sur la méchanceté de l'homme.
Voyez plutôt : seul au milieu des adultes, j'étais un adulte en miniature, et j'avais des lectures adultes ; cela sonne faux, déjà, puisque, dans le même instant, je demeurais un enfant. Je ne prétends pas que je fusse coupable : c'était ainsi, voilà tout ; n'empêche que mes explorations et mes chasses faisaient partie de la Comédie familiale, qu'on s'en enchantait, que je le savais : oui, je le savais, chaque jour, un enfant merveilleux réveillait les grimoires que son grand-père ne lisait plus. Je vivais au-dessus de mon âge comme on vit au-dessus de ses moyens : avec zèle, avec fatigue, coûteusement, pour la montre.
"J'étais un enfant, ce monstre que les adultes fabriquent avec leurs regrets"
Pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à le raconter. C'est ce qui dupe les gens ; un homme, c'est toujours un conteur d'histoires, il vit entouré de ses histoires et des histoires d'autrui, il voit tout ce qui lui arraive à travers elles ; et il cherche à vivre sa vie comme s'il la racontait. (p.61)
Longtemps j'ai pris ma plume pour une épée...
Il y a plus de vingt ans, un soir qu’il traversait la place d’Italie, Giacometti fut renversé par une auto. Blessé, la jambe tordue, dans l’évanouissement lucide où il était tombé, il ressentit d’abord une espèce de joie « Enfin quelque chose m’arrive ! » […]
J’admire cette volonté de tout accueillir. Si l’on aime les surprises, il faut les aimer jusque-là, jusqu’à ces rares fulgurations qui révèlent aux amateurs que la terre n’est pas faite pour eux.
Tu sais ce que c'est que le mal, la honte, la peur. Il y a des jours où tu t'es vue jusqu'au coeur.
Idolâtré par tous, débouté de chacun, j'étais un laissé-pour-compte et je n'avais, à sept ans, de recours qu'en moi qui n'existais pas encore, palais de glace désert où le siècle naissant mirait son ennui. Je naquis pour combler le grand besoin que j'avais de moi-même ; je n'avais connu jusqu'alors que les vanités d'un chien de salon ; acculé à l'orgueil, je devins l'Orgueilleux. Puisque personne ne me revendiquait sérieusement, j'élevais la prétention d'être indispensable à l'Univers.
N'importe : je fais, je ferai des livres; il en faut, cela sert tout de même. La culture ne sauve rien ni personne, elle ne justifie pas. Mais c'est un produit de l'homme : il s'y projette, s'y reconnait; seul, ce miroir critique lui offre son image.
C’est dans les livres que j’ai rencontré l’univers : assimilé, classé, étiqueté, pensé, redoutable encore ; et j’ai confondu le désordre de mes expériences livresques avec le cours hasardeux des événements réels. De là vint cet idéalisme dont j’ai mis trente ans à me défaire.
Je ne savais pas encore lire mais j’étais assez snob pour exiger d’avoir mes livres. Mon grand-père se rendit chez son coquin d’éditeur et se fit donner Les Contes du poète Maurice Bouchor, récits tirés du folklore et mis au goût de l’enfance par un homme qui avait gardé, disait-il, des yeux d’enfant. Je voulus commencer sur l’heure les cérémonies d’appropriation. Je pris les deux petits volumes, je les flairai, je les palpai, les ouvris négligemment « à la bonne page » en les faisant craquer. En vain : je n’avais pas le sentiment de les posséder. J’essayai sans plus de succès de les traiter en poupées, de les bercer, de les embrasser, de les battre. Au bord des larmes, je finis par les poser sur les genoux de ma mère. Elle leva les yeux de son ouvrage : « Que veux-tu que je te lise, mon chéri ? »
C’est là le fond de la joie d’amour, lorsqu’elle existe: nous sentir justifiés d’exister”
Que l'humanité vienne à disparaître, elle tuera ses morts pour de bon.
L’existence précède l’essence.
Alors, c'est ça l'enfer. Je n'aurais jamais cru... Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril... Ah ! quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : l'enfer, c'est les Autres.