Citations de Jo Walton (221)
Je me demande ce que ça fait d'avoir écrit son chef-d'oeuvre et de savoir qu'on ne recommencera jamais ?
Mercredi 23 janvier 1980
Une mince couche de neige, ce matin, pas assez pour mouiller les orteils d'un hobbit, et fondue avant le petit déjeuner.
Il y a des choses affreuses dans le monde, c'est vrai, mais il y a aussi des livres magnifiques.
Le prêt entre bibliothèques est une des merveilles du monde et une gloire de la civilisation.
Et je suis là, toujours en vie, toujours de ce monde. J'ai bien l'intention de continuer à vivre dans ce monde, jusqu'à ma mort.
— Plus le temps passe, plus je suis convaincue que je n’ai pas besoin d’eux pour trouver Dieu. Il est partout dans la nature, partout dans l’univers. Il y a trop d’hypocrisie dans les religions organisées.
LUNDI 24 DÉCEMBRE 1979
Les Russes ont envahi l’Afghanistan. J’éprouve un terrible sentiment d’inéluctabilité. J’ai lu tant d’histoires sur la troisième guerre mondiale qu’elle me semble parfois inévitable, comme s’il ne servait à rien de m’en faire pour quoi que ce soit, sachant que je n’aurai de toute façon pas l’occasion de devenir adulte.
Ce sont des gens comme nous qui tiennent les bolcheviks à distance et empêchent le petit peuple de se hisser pouce par pouce en s'accrochant à nos basques pour nous entraîner vers le bas.
Ce que je veux dire c’est que, quand je regarde les autres, les autres filles de l’école, et que je vois ce qu’elles aiment, de quoi elles se contentent et ce qu’elles veulent, je n’ai pas l’impression d’appartenir à la même espèce. Et parfois — parfois je m’en fiche. Il y a si peu de personnes dont je me préoccupe vraiment. J’ai l’impression parfois qu’il n’y a que les livres qui rendent la vie supportable, comme à Halloween quand j’ai voulu vivre uniquement parce que je n’avais pas fini Babel 17.
Bibliotropes, a dit Hugh. Comme les tournesols sont héliotropes, nous sommes naturellement attirés par la librairie.
L'auteur n'est pas responsable de ce que l'éditeur met sur le couverture.
La mort, se dit [Carmichael], comme il se le disait toujours à un moment où à un autre en examinant un cadavre, était la plus monumentale erreur de Dieu.
Les souvenirs sont comme des tapis, je les garde empilés dans ma tête et n’y fais guère attention, mais si je veux je peux revenir en arrière, marcher dessus et me souvenir. Je ne suis pas vraiment là, pas comme un elfe pourrait l’être, bien sûr. C’est juste que si je me rappelle avoir été triste, en colère ou contrariée, une partie de ce sentiment me revient. C’est pareil pour les bons souvenirs, bien sûr, mais je pourrais facilement les user d’y trop repenser. Si je le fais, quand je serai vieille, tous mes mauvais souvenirs seront toujours vifs à force d’avoir été repoussés, mais tous les bons seront usés. Je ne me souviendrai pas vraiment de ce jour avec Gramma, que déjà je ne me rappelle pas nettement, je ne me souviendrai que de ces courtes journées d’hiver à l’école où je sortais seule et où je me retournais pour regarder les fenêtres éclairées.
Je me demande ce que ça fait d'avoir écrit son chef-d'oeuvre et de savoir qu'on ne recommencera jamais ?
Si elle avait vécu, nous serions devenues des personnes différentes. Je crois. Je ne crois pas que nous aurions été comme les tantes et que nous serions restées ensemble tout le temps. Je pense que nous aurions toujours été amies, mais nous aurions habité des lieux différents et nous aurions eu des amis différents. Nous aurions chacune été la tante des enfants de l'autre. Il est trop tard pour ça maintenant. Je vais grandir et pas elle. Elle est figée où elle est et je change, je veux changer. Je veux vivre. J'avais pensé que je devais vivre pour nous deux, parce qu'elle ne le pouvait pas, mais je ne peux pas vraiment vivre à sa place. Je ne peux pas savoir ce qu'elle aurait fait, de quoi elle aurait eu envie, comment elle aurait changé. Arlinghurst m'a changée, le club de lecture m'a changée, et cela aurait pu la changer différemment. Vivre à la place d'un autre n'est pas possible.
Personne n’est célèbre, au début. On ne le sait que plus tard. Ces gens-là n’ont rien de particulier, en fait. Parmi ceux que vous connaissez, n’importe qui peut devenir célèbre. Ou pas. Comment savoir qui va se distinguer ? Vous-même, vous pourriez très bien le devenir aussi. Vous pourriez changer le monde.
Est-ce le pouvoir qui corrompt ? Le fait-il toujours ?
Et haec, olim, meminisse iuvabit ! (Virgile, l'énéide, début de livre, non traduit)
Et 70 pages plus loin :
Je ne sais vraiment pas quoi penser de la fin du "Mage". C'est encore plus ambigu que "Triton". Qui écrirait les deux dernières lignes en latin, une langue que presque personne ne comprend ?
Puis Siddy apparut à son tour. Elle avait son air intraitable, comme à l'époque où elle s'amusait à graver la faucille et le marteau avec l'un des diamants de Mère sur toutes les fenêtres de Carnforth. (Précisons que Pip lui avait donné l'exemple le jour où elle avait gravé un svastika sur la fenêtre du salon avec sa bague de fiançailles. Pip son aînée de quatre ans... vous parlez d'un modèle !)
On entend souvent dire qu'il faut écrire sur ce qu'on connaît, mais je me suis aperçue que c'était beaucoup plus difficile que d'inventer. Il est plus facile de faire des recherches sur une période historique que sur sa propre vie, et beaucoup plus aisé de traiter des choses qui ont moins de poids émotionnel et vis-à-vis desquelles vous aurez plus de détachement. Le conseil est donc mauvais!
(extrait des pages liminaires)