Avec la nécessité de moissonner en cet écrasant été 1914, Léon Grandet ne veut pas croire à l'imminence d'une guerre, la seule idée lui semble absurde, quoiqu'en dise son vieil ami Gustave Huet. Ce dernier, en effet, est sûr que la guerre est imminente, et que les soldats, quand l'ordre de mobilisation générale arrive finalement, ne seront sans doute pas rentrés pour Noël, contrairement aux déclarations du président Poincaré, et aux espoirs des femmes, des mères, des soeurs désespérées de voir partir leurs hommes.
Pour Cécile Fouquet, le début de la guerre est toutefois aussi une opportunité, celle de démontrer sa valeur et celle des femmes qu'elle représente au président de l'entreprise, Louis Renault. Après le départ pour le front de Constant Fouquet, son mari, elle continue le combat. Comme le font, chacune à sa manière, Monique dans son bar, Hélène en tant qu'infirmière au front, ou Berthe dans sa recherche ambitieuse d'une place de couturière.
Ce roman a ceci d'original en ce qu'il représente la Grande Guerre sous l'angle de l'impact qu'elle a eu sur les femmes. En effet, que celles-ci soient ou non liées à un ou des soldats - et la plupart d'entre elles l'étaient, à un titre ou à un autre -, le départ massif des hommes pour le front a transformé leur vie, pour le meilleur et pour le pire. Le pire est représenté par Mathurine Verdier, qui se retrouve dans la misère avec ses neuf enfants, son homme au loin, et sa terre envahie. Le meilleur semble pour l'instant appartenir à Cécile Fouquet, que le départ de son mari pour le front met à la place qu'elle mérite.
Dans ce premier tome, on voit les femmes de la ville s'en sortir plutôt mieux, leurs travaux étant moins dépendants de la force brute pour laquelle elles dépendent de la présence de leur compagnon, comme on le voit dans le cas d'Henriette Grandet, que la seule idée des labours de printemps angoisse car elle ne voit pas comment les faire sans son Léon de mari. Dans tous les cas, c'est l'entraide qui est mise en relief, la nécessaire mise en commun des ressources, qu'elles soient physiques à la campagne, ou immatérielles à la ville, où c'est l'information qui est partagée, au bénéfice de Berthe, notamment.
Le nombre de personnages est étourdissant et je m'y suis par moments noyée, ayant du mal à me souvenir des relations entre les personnages, mais cela contribue à l'effet de fresque historique. La progression de l'intrigue est bien maîtrisée, de l'incrédulité face à la notion même d'une guerre proche à l'arrivée des premiers blessés, à l'annonce des premiers morts, et la fin au front est un habile miroir du paisible début agreste. Le rythme est parfait, et l'on ne s'ennuie jamais, sans être essoufflé par une action incessante.
En somme, un roman intéressant, aux personnages bien écrits et cohérents, dont pour ma part je suivrai certainement avec plaisir les prochaines aventures.
(Chronique de Mureliane)
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