6.
Portraits de Sarah Bernhardt
Noëlle Guibert
5.00★
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Célèbre actrice du XIXe siècle égarée dans le XXe, cette femme audacieuse et téméraire, scandaleuse aussi, incarna magistralement le somptueux théâtre d'Hugo, Dumas, Sardou, Rostand Mais elle fut aussi une extravagante voyageuse, partout attendue et désirée, qui s'attira les surnoms les plus insolites, et fit la une des journaux satiriques qui se repaissent de ses excentricités.
Expression parfaite de ce que Cocteau appela "les monstres sacrés", elle affichait un penchant alors en vogue pour la morbidité qu'elle érigea en genre dans ces inoubliables scènes d'agonie de "La Dame aux camélias" ou de" l'Aiglon". Cette comédienne fur une femme de coeur, forte d'une vie intérieure assumée, d'une religiosité confinant au mysticisme, généreuse aux limites de la ruine, et elle fit la fortune ou la célébrité des peintres et écrivains de son entourage.
Usant de tous ses dons, elle fut à son tour attirée par le ciseau, la plume et le pinceau. Son style influença la mode, les peintres, la littérature, les arts décoratifs. Les maîtres de l'affiche, les joailliers, les céramistes, Mucha, Lalique, Gallé, ont été lancés par Sarah. Elle inspira ou intrigua aussi Gustave Moreau, Burne-Jones, Rossetti et toute l'école préraphaélite, mais encore les essayistes, écrivains et poètes, Montesquiou, Goncourt, Wilde, Jean Lorrain, Huysmans, James et Proust, qui puisèrent en elle les élans d'une inspiration rare dans le mystère des créatures auxquelles elle donnait un semblant de réalité.
Déterminée, elle fut aux côtés de Zola une ardente avocate de la cause d'Alfred Dreyfus. Protégée comme un trésor national, elle finit par accepter de quitter Paris au moment de la Grande Guerre. Bien qu'une amputation l'eût mutilée, son patriotisme lui dicta une ultime tournée américaine pour fléchir l'isolationnisme outre-Atlantique.