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Critiques de Joe Casey (71)
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Sexe, tome 1 : L'Été du hard

Alors que dans la plupart des récits érotiques, le scénario manque de consistance, Joe Casey nous en concocte un, très bien pensé. [...] Un premier tome déroutant, à la narration lente, mais il serait dommage de passer à côté.
Lien : http://www.auracan.com/album..
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Valhalla Mad

Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il comprend les 4 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 2015, écrits par Joe Casey, dessinés, encrés et mis en couleurs par Paul Maybury.



Sur Terre en plein cœur de New York, un éclair signale l'arrivée de 3 guerriers légendaires venus de la planète Viken : Glorious Knox, Greghorn the Batlebjörn, et Jhago the Irritator. Malheureusement leur éclair a touché un avion de ligne qui passait par là. Heureusement ils sont en mesure de le faire atterrir à Central Park (sans prendre conscience que leur arrivée est l'origine de cette catastrophe aérienne). Ce n'est pas leur premier passage sur Terre, ils y étaient déjà venus il y a quelques dizaines d'années dans le même objectif : Gluttonalia, c’est-à-dire se payer du bon temps dans les bars. Ils commencent par se rendre chez Riley, bar autrefois propriété de George, maintenant tenu par Albert son fils.



Arrivant devant le bar Riley, ils sont plutôt fraîchement accueillis par la police, jusqu'à temps qu'un policier plus âge (Houlihan) les reconnaisse. Le barman retrouve la recette de son père pour confectionner une boisson digne de ces demi-dieux. L'ambiance est plutôt bonne. Néanmoins le principe de Gluttonalia est de s'en mettre plein la lampe et il est temps pour le trio d'aller festoyer dans un autre estaminet. Mais avant ça, Knox explique à ses compères qu'ils doivent prendre avec eux un être humain, un vieux monsieur prénommé Arthur. Ce dernier se demande bien ce qu'ils lui veulent et ne les accompagne que contraint au bar de Jonas.



Joe Casey est un scénariste qui sort des sentiers battus, avec une solide expérience derrière lui. Il sait aussi bien réaliser des histoires courtes d'horreur (The mlikman murders), que des séries cosmiques en hommage à Jack Kirby (Godland), des histoires de superhéros Marvel (Vengeance), de superhéros étant ses propres créations (Bounce), de sauvetage de superhéros (ceux de Rob Liefeld dans Youngblood), ou ses propres séries indépendantes (Sex). Le lecteur est donc assez curieux de découvrir ce que ce scénariste très original lui a mitonné pour cette histoire en 4 épisodes. En voyant Knox et ses camarades, il pense immédiatement à Thor et aux Warriors Three (Hogun, Fandral, Volstagg) de la série Marvel consacrée à Thor, sauf qu'ici il n'y a que 2 compagnons et que Knox ne manie pas le marteau mais la masse (oui, c'est vrai, ce n'est finalement pas si différent que ça). Le lecteur constate également que la ressemblance avec le Thor de Marvel ne s'arrête pas là puisque ces 3 personnages s'expriment dans un anglais daté, avec des formes désuètes évoquant le théâtre de Shakespeare (pour les formes des pronoms personnels, pas pour la qualité d'écriture), à l'instar du mode d'expression de Thor écrit par Stan Lee ou Roy Thomas. Le lecteur laisse passer quelques séquences pour en être sûr : il s'agit d'un hommage premier degré, sans moquerie ou raillerie. Les personnages parlent ainsi durant les 4 épisodes sans que cela ne donne lieu à des piques, ni entre eux, ni de la part des humains. Le lecteur reste un peu dubitatif, parce qu'à part la fonction d'hommage appuyé, cette façon de s'exprimer n'apporte pas grand-chose à l'histoire. On ne voit pas pourquoi ces extraterrestres auraient adopté une langue équivalente à l'anglais écrit du seizième siècle.



Dans une interview, Joe Casey a clairement explicité son intention comme étant effectivement de rendre hommage aux comics de Thor réalisés par Jack Kirby. C'est la raison pour laquelle les personnages reviennent sur Terre 40 ans après leur premier passage, soit 40 ans après que Kirby soit parti de la série Thor. Le scénariste joue un peu sur le passage du temps qui n'est pas perçu de la même manière par les humains et par Knox. Il joue également un peu sur la capacité des 3 compères à descendre de l'alcool, beaucoup plus importante que celle de simples humains. Il s'amuse à leur faire dire qu'ils sont venus sur Terre pour se payer du bon temps, et profiter de l'état d'esprit si particulier des êtres humains en général, et surtout de celui des newyorkais. Mais cela ne dépasse pas le stade de quelques remarques prononcées en passant, sans approfondissement sur la condition de quasi immortel. De la même manière, les 3 quasi dieux se vantent à longueur de page des batailles qu'ils ont livrées contre des êtres extraordinaires, éminemment dangereux, sans que cela ne dépasse le stade de la vantardise.



Il y a quand même une intrigue plus poussée qu'une simple tournée des bars, avec ce mystérieux Arthur. Le fait que Knox ait fait des cachoteries aux deux autres va être l'occasion pour leur personnalité de s'exprimer, et pour le scénariste de montrer en quoi Greghorn et Jhago différent de Knox. Grehorn prend la tangente et cherche à retrouver des traces d'une ancienne amitié nouée lors de leur précédent passage sur Terre. Au contraire, Jhago adopte une attitude plus blasée, conscient de l'importance de leur amitié en tant que trio. Joe Casey dresse alors un étrange portrait pour Knox qui est clairement l'alpha-mâle du trio et les autres se soumettent à ses décisions (voire à ses désidératas) sans que le lecteur ne puisse déterminer ce qui vaut à Knox une telle considération de la part de ses amis.



L'histoire personnelle du mystérieux Arthur va également être l'occasion pour Knox de se confronter à sa nature différente de celle de l'humanité, à ses souhaits, à son mode de vie, à un échec cuisant et criant dans sa vie. La réflexion est progressive et se fait au travers de quelques affrontements physiques, en quantité restreinte. Découvrant les bonnes résolutions de Knox en fin de volume, le lecteur se dit que Joe Casey les a bien amenées, mais que leur nature était prévisible et que l'ambition de l'auteur était modeste.



Dans la même interview, Joe Casey a indiqué que Paul Maybury (avec qui il avait déjà travaillé pour quelques chapitres de Catalyst comics) n'était pas familier du travail de Jack Kirby, et qu'il lui a donc donné quelques indications du mode de rendu qu'il souhaitait. En surface les dessins de l'artiste n'ont rien de commun avec ceux de Jack Kirby, ni dans les poses des personnages, ni dans l'encrage ou l'usage des aplats de noir. À la rigueur, le lecteur peut voir dans les costumes des 3 quasi dieux, une rémanence de l'inventivité baroque de Kirby, mais sans en avoir la flamboyance.



Paul Maybury conçoit l'apparence de Knox, Greghorn et Jhago en leur donnant une tête assez plate sur la partie supérieure, pour un effet qui n'est pas comique, mais qui leur donne une apparence un peu de bêtas. La coiffure de Greghorn en forme de balai brosse est vraiment déconcertante, avec une surface trop grande pour son crâne. Knox sourit régulièrement comme s'il était très jeune et amusé de tout. La conception des costumes est donc fantaisiste, mais peu réaliste, ou en tout cas peu pragmatique. Ainsi les bottes très épaisses de Knox lui montent au-dessus du genou, alors qu'elles sont entièrement rigides. En le voyant évoluer sur la page, le lecteur à l'impression que l'articulation de la rotule est totalement enchâssée dans une matière inflexible, l'empêchant ainsi de remplir son office. Dans le même ordre d'idée, le bras gauche de Jhago se termine avec une sphère en lieu et place de la main, qui donne l'impression d'être en plastique. Du coup le lecteur a l'impression de voir une figurine articulée plutôt qu'un personnage crédible.



D'une manière générale, le registre des expressions de visage des différents personnages est assez limité, sans beaucoup de nuances. Les décors sont présents régulièrement, simples mais reconnaissables, avec une approche graphique un peu similaire à celle de Tom Scioli pour la série Godland. Les êtres humains sont représentés avec des morphologies différentes, mais là encore avec des visages un peu figés. Pour autant la narration visuelle reste compréhensible et plutôt en phase avec le ton du récit. Elle n'est pas infantile, mais elle donne l'impression d'un artiste pas forcément à l'aide d'un point de vue technique qui hésite entre des dessins simplifiés pour un public de jeunes adolescents, des dessins de superhéros mais sans en avoir l'air car ce n'est pas ce genre de récit, et des dessins plus adultes ne jouant pas sur le registre de la séduction esthétique.



Au final, le lecteur est content de quitter ces personnages avec leur pseudo parler shakespearien, leurs atermoiements ne générant pas beaucoup d'empathie. Il a fini par s'habituer aux dessins et à apprécier leur côté un peu immédiat, sans pour autant être transporté par une expérience visuelle riche ou inédite. Il a bien perçu les intentions des auteurs : hommage aux récits de Jack Kirby sur Thor et réflexion sur un mode de vie dédié aux affrontements pour imposer les valeurs d'une société, sans que cela n'aboutisse sur un contenu très original.
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Catalyst Comix

Il s'agit d'une histoire complète et essentiellement indépendante de toute autre. Ce tome contient les 9 épisodes de la minisérie initialement parus en 2013/2014, tous écrits par Joe Casey. Chaque épisode comporte 28 pages et se divise en 3 parties. La première comporte 14 pages, les 2 suivantes 7 pages chacune. Chaque partie est consacrée à une intrigue différente : une concernant le superhéros Titan (Frank Wells), une autre concernant la superhéroïne Amazing Grace, et la troisième concernant le groupe Agents of change. La partie de 14 pages est dévolue à Titan pour les épisodes 1 à 3, à Amazing Grace pour les épisodes 4 à 6, et à Agents of change pour les épisodes 7 à 9.



Alors que le récit commence, la Terre est sous la menace d'une entité extraterrestre qui s'apprête à annihiler (ou asservir) toute vie consciente sur la planète. Titan (Frank Wells) n'hésite pas à mettre sa vie en danger pour aller affronter physiquement cette créature apparue dans le ciel de New York. Ce haut fait attire sur lui l'attention de 2 étranges personnages non liés entre eux : Baba Lama (un sage mystique) et Flood (une supercriminelle manipulant l'eau).



Le premier épisode se poursuit avec la partie consacrée à Amazing Grace (vrai nom inconnu). Alors qu'elle voyage à bord d'un vaisseau spatial, elle est confrontée à un événement singulier hostile. Elle ne doit sa survie qu'à l'utilisation de son superpouvoir, et elle revient gravement blessée sur Terre, à Golden City. Pendant sa convalescence, un extraterrestre du nom de Seaver apparaît à Golden City. Il a l'apparence d'un très bel homme, auquel aucune femme ne peut résister.



Le troisième fil narratif est consacré aux Agents du Changement. Herbert, un agent d'une organisation secrète du gouvernement, rassemble les 4 membres de l'équipe pour leur proposer de la réactiver. Il s'agit de Rebel (Matt & Mark Morissette), Ruby, Wolfhunter et Warmaker (Elvis Westbury).



Depuis plusieurs décennies, le marché des comics est dominé par un genre surreprésenté, celui des superhéros. En particulier, Marvel et DC Comics détiennent la plus grosse part de marché depuis des décennies, en vendant surtout des histoires mettant en scène des superhéros dont ils détiennent les droits de propriété intellectuelle.



Il est donc très tentant pour chaque éditeur de reproduire ce modèle. C'est ainsi qu'en 1993, l'éditeur Dark Horse Comics lance une série de 4 miniséries successives (chacune de 4 épisodes) pour inaugurer sa propre ligne de superhéros dont il détient les droits. Ces épisodes ont été réédités dans Dark Horse Heroes omnibus. Parmi eux, certains ont eu droit à plusieurs séries successives, avec un succès plus ou moins important, dont le vigilant X (voir X Omnibus volume 1), Barb Wire (qui a même mené à un film avec Pamela Anderson : Barb wire), ou encore Ghost (voir Ghost Omnibus volume 1).



De temps à autre, Dark Horse tente de relancer des séries dédiées à ces superhéros. C'est dans ce contexte qu'en 2013 cet éditeur demande à Joe Casey un scénario, avec pour objectif de faire des comics de superhéros, mais pas à la manière Marvel ou DC, pas des ersatz de ce que font les 2 plus gros éditeurs.



Lorsque le lecteur ouvre ce tome, il ne sait pas trop à quoi s'attendre. Dans le fond il s'agit bien d'une anthologie avec 3 histoires distinctes, dont seules 2 s'interconnectent le temps d'une case. Chacun de ces récits constitue une histoire complète qui aboutit à une résolution n'appelant pas forcément de suite, et qui ne nécessite pas de connaître ces superhéros au préalable.



Pour l'histoire de Titan, Joe Casey met en scène un superhéros dont les pouvoirs évoquent ceux de Superman, mais avec un caractère plus solitaire (comme celui de Bruce Wayne, son intelligence tactique en moins). La narration se focalise sur les découvertes que Frank Wells quant aux réels problèmes dans le monde, avec des cellules de texte correspondant à un narrateur un peu sarcastique.



Par ce biais de commentaire, Joe Casey joue sur 2 tableaux en montrant à la fois la comprenette un peu limitée de Titan qui s'ouvre à des réalités sociales basiques grâce au tutorat de Baba Lama (sage menant son élève par le bout du nez, tout en le laissant faire ses propres erreurs), et en impulsant une dynamique du changement chez Titan, ce dernier ouvrant les yeux sur des réalités qu'il ne pourra plus nier.



Ces épisodes sont dessinés par Dan McDaid, avec une apparence de surface un peu esquissée, et un encrage un peu appuyé. Il fait par moments penser à Guy Davis (dessinateur des premiers tomes du BPRD). Ce style d'aspect un peu rugueux s'adapte à la fois aux actions typiquement superhéroïques, et aux séquences nécessitant de faire ressortir une misère très ordinaire et concrète.



Avec ce premier fil narratif, Joe Casey et Dan McDaid allient une lente prise de conscience des limites des conventions admises des superhéros (régler ses problèmes par la force jusqu'à ce qu'ils cèdent), tout en distillant une forme subreptice de moquerie dirigée à l'encontre de cet alpha mâle qui a bien du mal à se remettre en question. Le lecteur apprécie cette volonté d'évolution dans le modèle du superhéros, tout en se disant qu'il a déjà lu ça ailleurs, et que Casey ne remet jamais en cause l'altruisme.



Le deuxième fil narratif se focalise sur un personnage féminin qui n'hésite pas à employer la force, sans pour autant s'apparenter à un alpha mâle. Elle travaille avec une équipe autour d'elle, équipe qui dirige également Golden City. Elle est capable de se servir de son intelligence pour régler ses conflits autrement que par le biais d'un affrontement physique.



Dans cette histoire, le thème principal est également celui du changement. Cette superhéroïne capable d'agir selon des méthodes plus réfléchies et plus collégiales se trouve face au séducteur ultime, véritable diffuseur de phéromones. Petit à petit, elle doit accepter de recourir à des méthodes de plus en physiques et brutales. Non seulement, Casey prouve qu'il est capable de tordre les conventions des superhéros pour les adapter à un personnage féminin, mais en plus il file sa thématique du changement au travers d'Amazing Grace.



Ces pages sont dessinées par Paul Maybury, avec une bonne densité d'informations visuelles et un parti pris de se mettre au service du récit, plutôt que d'essayer d'en mettre plein la vue. Son trait est un peu plus léger que celui de Dan McDaid, parfois presque humoristique (la conseillère tombant en pamoison sous l'effet des phéromones de Sear).



Ce deuxième fil narratif dispose d'une composante humoristique plus bon enfant que moqueuse, plus légère que celle de Titan. Le lecteur suit avec plaisir l'intrigue imaginative et le combat peu politiquement correct contre ce séducteur irrésistible, avec à nouveau le sentiment que l'héroïne n'est jamais réellement en danger.



Le troisième fil narratif est le plus déconcertant. Joe Casey réunit les membres d'une équipe qui n'ont finalement pas de réel adversaire et dont 2 membres sont surtout préoccupés par l'image qu'ils donnent d'eux-mêmes, plus que par des valeurs morales ou une éthique (impossible ici de parler d'altruisme). Ne sachant pas très bien de quoi il retourne, le lecteur les regarde se crêper le chignon et boire des bières, incrédules devant leur attitude peu mature.



D'un autre côté, c'est aussi dans cette sitcom d'adolescents attardés, que Joe Casey se montre le plus provocateur. Par exemple, Ruby (une superhéroïne) dispose du superpouvoir d'infliger de la douleur. Lors de la dissolution de l'équipe des Agents du Changement, elle a trouvé un boulot de dominatrice dans un donjon sadomaso.



C'est dans ce même fil narratif que Casey (dans des cellules de texte du narrateur) fait un constat d'un cynisme aussi atterrant que pénétrant : " Triste réalité : certaines personnes se satisfont de peu. Le plus tragique est qu'ils n'ont même pas conscience d'avoir moins que les autres.".



Les dessins sont réalisés par Ulises Farinas avec une approche réaliste appliquée, avec de nombreux détails. Le lecteur fatigue un peu à démêler les différents éléments de chaque case, établissant une réalité très substantielle et concrète (sans être photographique), où le regard comme les personnages se perdent dans les détails.



Avec ce troisième fil narratif, Joe Casey et Ulises Farinas plongent le lecteur dans une ambiance où les personnages ont une attitude superficielle et très matérialiste, sans aucune préoccupation morale ou altruiste. Cette équipe devra elle aussi faire face à un changement radical de paradigme et évoluer en conséquence.



Ce tome regroupe donc les 9 épisodes de ce qui s'apparente à une anthologie dont chaque numéro comprend 3 récits distincts sans presqu'aucun lien. Comme le titre l'indique, chaque histoire met en scène un événement catalyseur d'un changement de paradigme auxquels les personnages doivent s'adapter. Dans ce sens, Joe Casey a atteint l'objectif assigné : écrire des histoires de superhéros qui ne soient pas des imitations de celles des superhéros Marvel ou DC. Il bénéficie des mises en images de 3 dessinateurs qui s'avèrent être de bons conteurs visuels, et qui apportent de la substance et de la cohérence à chaque récit.



Toutefois à la fin de ces 3 récits, le lecteur se dit que les personnages auraient gagné en crédibilité s'ils avaient disposé d'un peu plus de personnalité. En outre ces processus de changement laissent en partie le lecteur sur sa fin. En 9 épisodes, Casey s'attache surtout au processus de changement lui-même, en établissant un nouveau statu quo à la fin, situation que le lecteur aurait bien aimé voir développée.
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Youngblood, tome 1

Ce tome comprend le début d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 5, initialement parus en 1992/1993, créés, dessinés et encrés par Rob Liefeld. Cette édition présente la particularité d'avoir été réécrite par Joe Casey en 2008 (effaçant ainsi le travail initial d'Hank Kanalz). Ces épisodes constituent une histoire complète. Il se termine avec 9 pages d'une version de 1987 correspondant au portfolio réalisé par Liefeld pour se présenter aux recruteurs dans les conventions, ainsi que les couvertures originales, et quelques crayonnés.



La séquence d'ouverture montre 5 superhéros, rejoints par Jason Kirby, qui vont se frotter à un supercriminel nommé Darkthornn. La séquence suivante montre Jeff Terrell discutant avec sa copine mannequin. Puis le lecteur voit passer rapidement Badrock (Thomas John McCall), Diehard, Vogue (Nikola Voganova) et Chapel (Bruce Stinson).



Le récit passe ensuite à l'autre équipe de Youngblood (Away team) qui se trouve en mission en Iraq, dans la banlieue de Bagdad. Ils se battent contre des gugusses en armures (ou des cyborgs, difficile à dire), en progressant rapidement pour aller s'occuper d'Hassan Kussein.



En 1992, 7 des dessinateurs les plus vendeurs travaillant pour Marvel Comics prennent leur indépendance, fondent leur propre maison d'édition baptisée Image Comics, et lancent chacun leur série. Il s'agit de Jim Lee (WildC.A.T.s : Covert-Action-Team), Todd McFarlane (Spawn), Erik Larsen (Savage Dragon), Jim Valentino (Shadowhawk), Marc Silvestri (Cyberforce), Rob Liefeld (Youngblood) et Whilce Portacio (Wetworks). Image Comics fonctionne comme une maison d'édition chargée de la partie administrative à laquelle se rattachent les 7 studios correspondant formant autant de branches. Parmi eux, seuls Erik Larsen et Todd McFarlane ont continué à produire ou à faire produire leur série presque mensuellement.



Ce recueil présente les 5 premiers épisodes de Youngblood qui ont bénéficié d'une réécriture pour l'occasion. Pour comprendre cette lecture il faut prendre en compte qu'elle est indissociable de la personnalité de Rob Liefeld, créateur ayant polarisé et polarisant encore le lectorat. Insatisfait du travail effectué par le coscénariste originel, il a confié le reformatage à Joe Casey, scénariste chevronné, reconnu pour sa capacité à imaginer des histoires de superhéros non-conventionnelles.



À la découverte de ces épisodes, la première chose qui marque le lecteur est le nombre de personnages. Dès le premier épisode, Liefeld introduit 3 équipes différentes, soit une vingtaine de superhéros. La deuxième chose qui frappe (le terme n'est pas trop fort) le lecteur est le parti graphique, très affirmé et très personnel.



Rob Liefeld dessine pour le fan de comics de superhéros. Il n'hésite pas à exagérer tous les éléments qui participent au facteur "Cool". Les superhéros masculins ont des gros poings (souvent plus gros que leur tête), des cuisses énormes, des pieds minuscules, des costumes avec des pochettes innombrables, des flingues démesurés (au cas où leur superpouvoirs ne suffiraient pas), la mâchoire serrée en montrant les dents une fois sur deux, des épaules chacune plus grosse que la tête, une endurance hors du commun, des épaulettes démesurées, et pour certains un accessoire vestimentaire déconcertant comme des tubes autour de l'épaule.



Les femmes présentent également une apparence caractéristique : une taille de guêpe, une poitrine hypertrophiée, des jambes d'une longueur interminable, une cambrure systématique, et des petits pieds. Liefeld a l'art la manière de dessiner ses personnages toujours à fond dans l'action, habités par une agressivité inextinguible, souvent en train de courir ou de sauter.



Le langage corporel est à l'aune de l'apparence des personnages : les muscles sont tout le temps bandés, et les postures sont toujours défiantes et hautaines. Les expressions des visages sont à piocher dans un choix de 3 possibles : expression neutre et visage fermé, bouche grande ouverte, et bouche grande ouverte avec les dents serrées. Les compositions et découpages de page sont tous conçus pour présenter un impact maximal, avec soit les personnages bondissant vers le lecteur, soir un coup assené avec brutalité mettant le point d'impact en avant dans la composition.



Liefeld conçoit des dizaines de costumes différents, tous facilement reconnaissables, comme si ça ne coutait rien. Il réalise une économie substantielle sur les décors. Il ne les représente en arrière-plan que contraint et forcé et souvent de manière schématique. Cette caractéristique est telle que parfois le lecteur en oublie où se déroule l'action, au point de ne plus se rappeler si la scène se déroule en intérieur ou en extérieur.



La consultation de critiques expertes permet d'apprendre que Joe Casey a effectué un travail extensif de recomposition. Il a réécrit tous les phylactères, réordonné les pages, et parfois changé l'ordre des cases dans une planche. L'histoire commence donc sur les chapeaux de roue avec la présentation d'une équipe en pleine action rejointe par Jason Kirby (un hommage à Jack Kirby dessiné comme un superhéros testostéroné, avec un gros flingue et un cigare) pour aboutir au méchant de l'histoire (une sorte de Darkseid générique, sans motivation et avec encore moins de personnalité).



Au fil de ces 5 épisodes, le lecteur n'apprend rien sur l'histoire personnelle de chaque superhéros, pas grand-chose sur leurs superpouvoirs (je cherche encore ceux de Vogue, mais Chapel a un gros flingue), rien sur leur motivation, pas grand-chose sur leur personnalité (à l'exception de Badrock).



Malgré tous les efforts de mise en cohérence de Joe Casey, il est bien difficile de s'intéresser à une histoire superficielle qui semble sauter du coq à l'âne, évoquant une bribe d'intrigue secondaire le temps de 2 cases, pour l'oublier tout de suite après comme si elle n'avait jamais existé.



Malgré tous les efforts pour étoffer l'intrigue réalisés par Joe Casey, le lecteur a l'impression de sauter d'une situation explosive à l'autre, au gré de la fantaisie du scénariste (ou plutôt du dessinateur), sans réelle résolution, sans conséquence, avec une logique des plus ténues. Il paraît que l'original était encore pire donnant l'impression que Liefeld concevait son récit au fur et à mesure qu'il réalisait ses planches, se lassant d'une idée dès la page suivante et passant à autre chose de plus COOL.



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- Le contexte

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Pourtant il est difficile de dénigrer ce récit sans arrière-pensée. Pour commencer, le numéro 1 de "Youngblood" a été le premier comics publié par Image Comics, éditeur qui 20 ans plus tard existe toujours, avec un pourcentage de marché significatif, et qui offre une alternative étoffée et sophistiquée aux aventures de superhéros produites au kilomètre par Marvel et DC. Il s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires, quantité qui fait rêver tous les éditeurs depuis plus de 20 ans.



Rob Liefeld est un créateur pétri de paradoxes. Il est capable de créer des concepts chocs et limpides. Dans la préface, Mark Millar souligne que Liefeld mettait en scène un groupe de superhéros gérant leur image comme des sportifs de haut niveau, dès ces épisodes, une thématique reprise et développé par bien des auteurs depuis.



L'hommage que Liefeld rend à Jack Kirby (au travers du personnage de Jason Kirby) est d'une candeur désarmante. À la fois, Liefeld indique clairement ce qu'il doit à cet auteur, reconnaissant sa dette, et plaçant Jack Kirby sur le devant de la scène (à une époque où Stan Lee était encore considéré par beaucoup comme le père de Marvel). À la fois, le personnage de Jason Kirby ne reprend que la surface des dessins de Kirby (pour être gentil), sans aucune de ses valeurs morales, de sa curiosité insatiable, de sa capacité à imaginer des concepts.



Rob Liefeld manipule avec aisance les codes graphiques des comics de superhéros en les exagérant : muscles d'une grosseur impossible, femmes à la taille de guêpe (plus fine que leur cheville, si, si, il l'a fait), personnages posés dans des postures agressives ou aguicheuses, exagération de la force, etc. Le lecteur de superhéros est à la fête avec un tir de barrage de conventions graphiques exagérées à chaque page. L'amateur de bandes dessinées normales s'interroge.



Liefeld dispose d'une maîtrise toute relative de la perspective. Il ne sait pas composer une image sur plusieurs plans. Il n'a aucune notion d'anatomie. Il trouve tous les raccourcis possibles pour ne pas dessiner de pied. En bref : il ne sait pas dessiner, de quoi énerver tous les dessinateurs ayant passé des heures à apprendre leur art et qui n'en vivront jamais.



Côté business, le modèle Liefeld laisse également à désirer. Il est parti de chez Marvel pour ne plus se faire exploiter. Il a réussi un coup exceptionnel avec le lancement de sa série. Il s'est empressé de reproduire le modèle de contrat de travail de main d'œuvre (identique à celui de Marvel) pour ses propres employés, sur maintes séries dérivées (dont Youngblood Battlezone, Youngblood Strikefile, Prophet, Brigade Bloodstrike). Qui plus est, il semblerait qu'en tant qu'employeur, Liefeld avait du mal à payer les salaires.



En tant que créateur, Rob Liefeld a réussi à réaliser 10 épisodes de la première série "Youngblood" entre décembre 1992 et décembre 1994 (et encore l'épisode 9 a été réalisé par Jim Valentino). Il n'est donc pas un auteur très prolifique, ni très régulier, par rapport au modèle économique de sérialisation, à raison d'un épisode par mois.



Malgré ces défauts d'homme d'affaires, Rob Liefeld a réussi à convaincre d'autres créateurs de devenir ses employés. Première relance de Youngblood en 1993 par Eric Stephenson, Todd Nauck, et Roger Cruz, pour 15 épisodes. Troisième série de Youngblood en 1998 : 2 épisodes par Alan Moore et Steve Skroce (voir Judgment Day). En 2008, Joe Casey et Derek Donovan relancent Youngblood pendant 8 épisodes, Liefeld réalisant l'épisode 9. Enfin John McLaughlin et John Malin réalisent 8 nouveaux épisodes à compter de 2012.



Au final, "Youngblood" a marqué d'une empreinte indélébile l'histoire des comics, tout en réussissant à n'être qu'une collection de clichés disproportionnés flattant les plus bas instincts des lecteurs de comics, réalisé par un créateur sans compétence de dessinateur, avec une éthique d'employeur sujette à caution.
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Nixon's Pal

Il s'agit d'un récit complet et indépendant de tout autre, écrit par Joe Casey, dessiné et encré par Chris Burnham. Ce tome est paru pour la première fois en 2008. Il est réédité en 2015, en format plus grand que les comics, avec une couverture rigide. Joe Casey est un scénariste original dans le monde des comics, avec un ton assez débridé, voir Butcher Baker, The righteous maker, The Bounce, ou encore SEX, ou la série "Godland", à commencer par Hello, Cosmic!. Depuis 2008, Chris Burnham a travaillé avec Grant Morrison sur Batman (voir Batman Incorporated Vol. 1: Demon Star), ce qui a certainement conduit Image à ressortir cette histoire dans un meilleur format.



Nixon Cooper exerce le métier de contrôleur judiciaire (probation offier). Alors que l'histoire commence, il attend devant l'immeuble d'un de ses "clients", en répondant de manière acerbe au téléphone à sa femme Angela qui se plaint de son absence. Il lance une dernière réplique pour l'agacer, raccroche et monte jusqu'à l'appartement de Bricklayer.



La reprise de contact avec Bricklayer est assez conflictuelle, et Nixon Cooper se retrouve à l'hôpital avec un bras dans le plâtre. Pendant son évanouissement, il éprouve la sensation de se retrouver à flotter dans l'espace, dans une combinaison d'astronaute. Il retourne faire son rapport à Murphy (son supérieur) qui lui conseille d'aller voir son protégé suivant : Steven Kandevitch (Sputter Kane).



Sur la quatrième de couverture, les éditeurs ont accolé une citation de de Chris Burnham, dans laquelle il déclare que "Nixon's pals" est une des meilleures choses que Joe Casey ait écrite. Il y a va peut-être un peu fort (sachant que Casey a écrit des histoires vraiment exceptionnelles, voir le début de ce commentaire). Dans cette histoire, ce scénariste mélange les conventions de 2 genre : celui des superhéros, et celui des polars de type hardboiled.



Côté superhéros, Joe Casey choisit une approche de type cyberpunk. Il n'enjolive pas les individus dotés de superpouvoirs. Il n'y a pas de jolis costumes colorés, ni de démonstration de décharges d'énergie pyrotechniques. En fait il n'y a pas même pas de superhéros, mais que des supercriminels. L'existence de superpouvoirs n'a pas rendu le monde plus beau ou plus enchanteur, il a juste donné naissance à des individus déformés par leurs capacités, des monstres souhaitant profiter de leurs pouvoirs pour se faire du pognon facile, à condition qu'ils n'en meurent pas avant.



Côté hardboiled, le lecteur retrouve également quelques spécificités de ce genre. Cela commence par le privé (ici un contrôleur judiciaire) qui aime son boulot, bien qu'il s'agisse d'une tâche ingrate, qui subit le mauvais caractère de son chef, et les sarcasmes de Carlisle son collègue moins impliqué et plus brutal. Joe Casey ajoute une couche avec le mariage qui bat de l'aile, et encore une autre avec des dérouillées successives. Comme souvent, le lecteur est épaté par la capacité à encaisser du personnage principal, au point qu'il finit par se demander s'il ne s'agit pas d'un superpouvoir (mais non !).



Casey n'oublie pas une intrigue un peu tordue qui fait ressortir les aspects les moins reluisants de l'humanité. Il termine son récit avec un coup bien tordu, sans qu'il ne s'agisse simplement d'un retournement relevant d'une justice poétique trop pratique. De son côté, Chris Burnham n'a pas encore acquis l'élégance que l'on peut voir dans "Batman inc.", mais il réalise des dessins un petit peu sales sur eux qui transcrivent avec conviction les aspects les plus outrés du récit.



Il force peut-être un peu la dose quant à la description des chocs et coups qu'encaisse Nixon Cooper, obligeant le lecteur à accepter que ce personnage dispose d'une capacité à encaisser qui relève du surnaturel. Par contre, il donne une apparence convaincante à des éléments loufoques, comme cette femme qui a les tétons à la place des yeux, et une petite bouche à la place de chaque téton. Il réussit également à rendre acceptable un malfrat dont la peau semble être comme drapée autour du visage, évoquant les criminels les plus dérangeants de Dick Tracy.



Par le biais des images de Burnham, le lecteur plonge dans l'environnement peu ragoûtant de Nixon Cooper, avec ces quartiers malfamés, ces immeubles qui auraient besoin d'un bon ravalement, des endroits sordides, ces individus qui se donnent une apparence de durs à la propreté douteuse. Burnham ne renâcle pas non plus à dessiner les pires horreurs quand une séquence le requiert. Il suffit de voir cet individu se faire dépecer le crâne pour en être convaincu.



Le tome se termine avec une série de 10 pin-ups dessinés par autant d'artistes différents, dont Tradd Moore, ou encore Rob Guillory, ou Jenny Frison, ainsi que 8 pages de crayonnés de Chris Burnham.



Le lecteur peut comprendre l'entrain de Cris Burnham à qualifier ce récit de l'un des meilleurs de Joe Casey, mais il se doute que cet artiste n'a pas du tout lire de ce scénariste. Casey et Burnham réussissent un récit bien noir utilisant avec habileté les conventions des récits de roman noir, et de superhéros, pour un polar poisseux et glauque, sans aller jusqu'à révolutionner un genre ou l'autre.
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The Bounce

Ce regroupe les 12 épisodes de la série, initialement parus en 2013/2014. Ils forment une histoire complète et indépendante de toute autre. Le scénario est de Joe Casey, les dessins de David Messina, l'encrage de Gaetano Carlucci pour les épisodes 4 à 12, et de Messina pour les épisodes 1 à 3. Sonia Harris a participé à l'intrigue et a réalisé les pages 291 à 294 à l'infographie. La mise en couleurs est assurée, en fonction des épisodes, par Giovanna Niro, Fabiola Ienne, Claudia Scarletgothica et Valentina Cuomo.



L'histoire commence alors que Jasper Jenkins est en train de s'allumer une pipe à eau de grande taille, contenant des substances psychotropes. Son geste est interrompu par Terry (son colocataire). Ils partagent ce bong ensemble. La télévision diffuse des informations en direct, dans lesquelles le présentateur indique que l'appartement de Dan Kantor (le préfet de police) est en train d'être saccagé par un individu doté de superpouvoirs. Le temps que Terry se retourne, Jasper a disparu du salon. Il intervient dans son costume de The Bounce pour sauver le préfet et se battre contre The Crunch.



Dans son bureau Jeremiah Jenkins (le frère de Jasper) essaye de faire face aux retombées médiatiques de cette agression. Ailleurs The Darling (un individu en costume cravate) essaye de convaincre son commanditaire militaire (le général Bava) que le prototype de porte dimensionnelle est presqu'opérationnel. Plus tard en allant chercher de la dope, Jasper Jenkins vit une expérience de décorporation et il se retrouve dans un monde peuplé uniquement de superhéros, où il retrouve Zander (sans pouvoir), un copain décédé.



Joe Casey est un scénariste original qui écrit de nombreux projets indépendants tous dotés d'une forte personnalité, et régulièrement il réalise des histoires pour Marvel, DC ou Dark Horse. En 2013, le lecteur prend conscience de l'existence de cette série comme une histoire complète, avec une première couverture présentant le superhéros The Bounce dans une posture évoquant celle de Spider-Man (période Steve Ditko), avec des pouvoirs évoquant Speedball (une autre création de Ditko). La deuxième présente un mystérieux personnage en costume-cravate, avec des dreadlocks, et la troisième un travesti dans une belle robe blanche. Difficile de deviner de quoi il retourne.



D'épisode en épisode, le lecteur constate qu'il s'agit d'une histoire de superhéros avec costume moulant et superpouvoirs, affrontant des supercriminels. Il y a également quelques intrigues secondaires comme ce portail interdimensionnel, ce monde de superhéros dont on ne sait s'il est onirique (ou même peut-être la vraie réalité), les agissements de The Vamp une supercriminelle dépendante de l'énergie des autres superhéros, Silver la voyante extralucide cryptique, Vanglorious Vox un superhéros venu d'une autre dimension, etc.



Joe Casey a construit un scénario dense, exposé avec une narration fluide qui ne perd jamais son lecteur et qui recèle de nombreux mystères incitant à tourner la page rapidement. Il bénéficie des dessins très clairs et détaillés de David Messina. Dans une première approche, cet artiste dessine dans une veine comics, avec quelques effluves de Terry Dodson, mais sans son obsession pour la silhouette féminine. En regardant dans le détail, cette comparaison est réductrice, car Messina compose des planches comprenant une moyenne de 6 cases par page dans lesquelles il insère un bon niveau de détails, avec une attention réelle pour les décors et les arrières plans



Messina ne se contente pas d'esquisser rapidement les lieux ; il donne à chacun d'eux une apparence différente (aidé en cela par la mise en couleurs). Au premier coup d'œil, le lecteur identifie immédiatement dans quelle réalité se trouve The Bounce. Il dispose de grandes compétences en matière de costumier et de chef décorateur. Il sait concevoir des mises en scène qui rendent vivantes toutes les séquences, y compris celles de dialogues. Ses personnages se distinguent tous les uns des autres, sans avoir pour autant des apparences caricaturales. Sans être des modèles de nuances, les expressions des visages permettent de se faire une idée de l'état d'esprit de chacun. Au fil des pages, David Messina finit par épater le lecteur, non pas pour une capacité extraordinaire dans un domaine de la narration visuelle, mais par la somme de sa maîtrise discrète de tous les domaines, et sa versatilité lui permettant de dessiner toutes les situations avec la même conviction.



La lisibilité et la construction des dessins et des séquences permettent au lecteur de pleinement apprécier l'intrigue dans toutes ses ramifications. Joe Casey entremêle plusieurs fils narratifs qui semblent parfois fortement éloignés (l'histoire personnelle de The Darling, sans rapport immédiat avec les agissements de The Vamp, par exemple), demandant au lecteur de lui accorder sa confiance sur la direction générale du récit. L'histoire regorge de trouvailles et de surprises originales, allant de la raison pour laquelle The Darling croque régulièrement des petits lézards vivants, au rôle de Zander seul humain normal dans un monde de superhéros. Joe Casey sait insérer des touches d'humour chronique et irrévérencieux. La provocation initiale avec la pipe à eau n'a rien de gratuite.



Le lecteur découvre sans surprise que le récit s'achève par le combat de The Bounce contre la grosse bébête lovecraftienne issue d'une dimension voisine. À ce niveau-là, cette histoire s'est avérée très divertissante, riche et surprenante, avec une fin un peu téléphonée. L'environnement créé par Joe Casey et David Messina peut même sembler un peu sous-exploité par rapport à sa richesse.



Toutefois, le lecteur se fait la réflexion que ce combat final et cette fin très morale (Jasper Jenkins décide de faire autre chose de sa vie que de passer le temps entre 2 défonces) est quand même bien gentillette et que ce monde de superhéros est trop sous-exploité. Effectivement, cette histoire touche également le lecteur pour la situation de Jasper Jenkins, pour sa vie sans intérêt de drogué chronique attendant sa dose de distraction qui le tire de son quotidien quelconque, morne et sans attrait.



Le portrait de ce jeune homme sonne juste, sans misérabilisme, sans autocomplaisance (un slacker en VO). Bien sûr le lecteur éprouve également une forte empathie pour lui dès qu'il revêt son habit de superhéros, qu'il devient altruiste et la vie lui apparaît beaucoup plus colorée.



Décidément cette fascination pour les superhéros apparaît ben étrange. Jenkins indique même qu'il s'agit d'une évidence pour lui, que dès qu'il a compris qu'il disposait de capacités exceptionnelles il a su qu'il devait revêtir un costume coloré et lutter contre le crime. Ce qui est étrange, c'est cette déclaration presque naïve par contraste avec l'usage récréatif du cannabis. Ce monde alternatif de superhéros presque désœuvrés faute de supercriminels est tout aussi déconcertant.



En additionnant 1 et 1, le lecteur comprend que ces éléments appellent un deuxième niveau de lecture. Ce récit s'apparente également à une allégorie de la vie de Casey et à une profession de foi. Il aime les comics de superhéros, et sa profession de scénariste de comics lui a donné l'énergie et la motivation nécessaire pour faire quelque chose de sa vie, ou en tout cas pour lui donner du sens.



Avec ce point de vue en tête, le lecteur comprend mieux l'empathie générée par ce récit (fort divertissant en lui-même). Joe Casey et David Messina mettent en scène leur amour des comics, l'importance vitale que les superhéros occupent dans leur vie, certainement comme pour le lecteur en train de lire ce récit.



À nouveau, Joe Casey a réussi son pari d'écrire une histoire de superhéros qui respecte et utilise toutes les conventions du genre même les plus absurdes et qui parlent à des adultes. Il évoque sa passion pour le genre des superhéros, sans fard ni honte, en montrant (plutôt que d'expliquer laborieusement) ce qu'il lui apporte, ce en quoi il est vital pour lui. Sous cet angle, même le nom (et les pouvoirs) de cet étrange superhéros par très efficace prend un autre sens : le rebond. C'est l'énergie des superhéros qui permet à son auteur (et au lecteur) de rebondir, de retrouver de l'énergie pour la vie de tous les jours.
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Sexe, tome 1 : L'Été du hard

Ce tome constitue le début d'une nouvelle série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 8, initialement parus en 2013, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Piotr Kowalski, et mis en couleurs par Brad Simpson.



Après quelques mois de repos, Simon Cooke (trentenaire) est de retour à Saturn City, à la tête de son entreprise multinationale. Avant il menait une double vie, président directeur général fantoche de Cook Company (PDG en titre, simple titre honorifique dans les faits) et superhéros sous le nom d'Armoured Saint. Il a promis à Quinn sur son lit de mort, de raccrocher la cape et d'essayer de vivre une vie normale pour lui-même. Le voilà donc à Saturn City, tentant de s'intéresser aux affaires de sa multinationale, sous l'œil agacée de Larry (celle qui a assuré l'intérim). Il essaye de rendre concrète l'amitié qui le lie à Warren Azoff, son avocat. Il essaye également de s'occuper de lui-même, à commencer par initialiser sa vie sexuelle. Première étape : un établissement dédié aux plaisirs de la chair, où il a surprise de découvrir qu'il est tenu par Annabelle Lagravenese (ex supercriminelle du nom de Shadow Lynx).



Suite à la disparition d'Armoured Saint, la pègre de Saturn City s'est réorganisée. Old Man (un vieil homme tout fripé) a décidé de reprendre la main sur les activités illicites. Les frères Alpha (Dolph et Cha-Cha) exécutent des assassinats sur commande. Dans l'ombre, un autre superhéros opère encore clandestinement : Keenan Wade, l'ex-second d'Armoured Saint.



Le titre de la série ne ment pas : il y a du sexe dans chaque épisode, et relativement graphique. Au fil du scénario, Joe Casey intègre des relations saphiques observées par un client dans une cabine privée, une partouze avec plusieurs dizaines de participants, des fellations, des relations non protégées, un homme honorée par une femme avec une prothèse (et un peu de lubrifiant on espère), des relations avec du cuir et des masques, et même des relations sexuelles ordinaires consenties en couple hétérosexuel.



Piotr Kowalski dessine de manière réaliste avec un encrage qui rehausse quelques aspects expressionnistes. Pour tout ce qui relève de pratiques sexuelles, il dessine la nudité de manière frontale. Concrètement, il y a plus de pénis (y compris en érection) que de sexes féminins de dessinés. Il simplifie extrêmement tout ce qui est zone pubienne, ainsi que les appareils génitaux. Majoritairement, il s'agit de dessins restant dans le domaine de l'érotisme, sans vue directe de pénétration (en gros plan ou non). Toutefois, il dessine les fellations sans ambages, le sexe se trouvant dans la bouche de la ou du partenaire.



De par cet aspect, cette série se démarque de 99,9% de la production américaine dans la mesure où elle montre les relations sexuelles de manière frontale, avec une grande diversité dans les pratiques.



Casey et Kowalski ont choisi une approche explicite de cette composante de leur récit, mais il ne s'agit que d'un élément parmi d'autres, justifié par le caractère de plusieurs personnages, l'interrogation de Simon Cooke quant à ses relations avec la gente féminine, et l'appétit de quelques autres personnages (Old Man, les frères Alpha, Keenan Wade).



Dès le départ, le lecteur est intrigué par la situation de Simon Cooke, homme d'environ 35 ans, ayant renoncé à être un superhéros altruiste. Il n'est jamais représenté en costume de superhéros, et le lecteur découvre petit à petit sa situation et sa difficulté à se couler dans une vie "normale" (dirigeant d'une multinationale, membre de l'élite et des nantis). Cooke est vierge et il apparaît que faire l'amour représente pour lui la barrière à franchir pour entrer dans le monde des gens normaux.



Joe Casey entremêle cette interrogation existentielle sur la capacité de Cooke à définir ce qu'il souhaite faire de sa vie civile, avec plusieurs autres composantes. En toile de fond, il y a l'évolution de la criminalité depuis qu'Armoured Saint ne la jugule plus. Il y a Keenan Wade qui marche dans les pas de son mentor (Armoured Saint) en luttant contre le crime à sa façon avec les moyens dont il dispose, en s'interrogeant sur les méthodes efficaces. Il y a Old Man qui entreprend des actions pour imposer sa loi dans le milieu du crime organisé. Il y a les frères Alpha accomplissent leurs exécutions en visant l'excellence professionnelle. Plus surprenant, Annabelle Lagravenese entretenait une relation avec Armoured Saint, pouvant évoquer celle entre Catwoman et Batman, ayant réussi sa conversion dans le milieu des affaires avec un établissement de prostitution 5 étoiles. Elle a du mal à se repositionner vis-à-vis de Simon Cooke, et elle doit faire face à une conséquence très inattendue de son ancienne activité.



En fait ce récit présente 2 grandes forces qui lui permettent de s'élever au dessus de simple prétexte entre 2 scènes chaudes. Pour commencer, Joe Casey a choisi un rythme que l'on peut qualifier de lent, dans le sens où l'attrait principal du récit n'est pas l'action haletante. Il prend le temps de montrer ses personnages, de les doter d'une véritable épaisseur psychologique. Le lecteur apprend à connaître Simon Cooke, il constate son hésitation quant à la direction à donner à sa vie. Il assiste à une soirée bien arrosée entre Cooke et Azoff, au cours de laquelle ils sautent du coq à l'âne, en passant par Tinto Brass (par exemple La Clé, Le Voyeur, Monamour, Transgressing). Il découvre avec lui que piloter son entreprise n'est pas une évidence et qu'un tel pouvoir lié aux bénéfices générés s'accompagne de choix stratégiques et d'alliances complexes, avec d'autres entreprises étrangères, de relations troubles avec le pouvoir politique (en particulier le maire Sedgwok). Les amateurs d'action seront donc déçus, par contre les amateurs d'intrigue consistante et de personnages travaillés seront comblés. En outre, Casey ne joue pas la carte de la référence en coin aux univers partagé Marvel ou DC. Il a conçu une situation de départ totalement original et son seul emprunt est la relation évoquant celle de Catwoman/Batman, ainsi qu'un personnage en cours de développement appelé Prank Addict (dont le nom fait penser au Joker, mais qui n'en a pas l'envergure).



Le deuxième atout de taille du récit est Piotr Kowalski. À feuilleter rapidement le récit, ses dessins semblent juste détaillés (des arrières plans dans toutes les cases ou presque), mais aussi un peu grossiers dans leur finition, pas très agréable à l'œil. De page en page, le lecteur prend conscience que Kowalski réalise ses dessins de manière à ce qu'ils apportent toujours une information (ou plusieurs) supplémentaire par rapport aux dialogues. Évidemment il donne une identité visuelle aux personnages et aux lieux. Évidemment il montre les actions des uns et des autres. Rapidement, le lecteur constate qu'il sait concevoir la mise en scène de sorte à ce que toute discussion s'accompagne d'une découverte du lieu où elle se déroule, ou qu'elle soit également l'occasion pour les personnages d'accomplir des activités. Loin d'une alternance de champ et contrechamp, les dialogues sont l'occasion pour le lecteur de découvrir l'environnement dans lequel évoluent les interlocuteurs. De ce fait la ville de Saturn City prend une consistance impressionnante et existe à ses yeux. Chaque endroit présente un aménagement et un ameublement spécifiques. Sans surcharger ses cases, Kowalski intègre de nombreuses informations visuelles offrant une lecture très riche et très immersive.



Derrière un titre racoleur et provocateur, Joe Casey et Piotr Kowalski racontent une histoire très divertissante, avec un nombre important de relations sexuelles normales et déviantes, et des personnages dotés d'une belle épaisseur. La position de Simon Cooke le place comme un individu vierge de relations sociales devant faire ses premiers pas dans le monde des adultes. Son âge (environ 35 ans) proscrit la naïveté et rend sa situation à la fois touchante et crédible. L'intrigue avance régulièrement à un rythme posé permettant aux personnages d'exister, au lecteur d'assimiler les informations, et à l'histoire de prendre de l'envergure. Le lecteur passera ainsi de l'élaboration de tactiques d'alliances d'une grande entreprise, à la torture sexuelle d'Albert Eisenhower, un indicateur qu'Old Man a décidé de presser comme un citron. Les 2 auteurs ont créé un roman très noir, utilisant des apparences provocatrices pour sonder la nature humaine.
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Avengers: Earth's Mightiest Heroes Ultimate..

Ce tome regroupe les 2 miniséries écrites par Joe Casey, jetant un regard sur les coulisses de la formation des Avengers.



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--- Earth's mightiest avengers I - Il s'agit d'une minisérie en 8 épisodes, initialement parus en 2005. Le scénario est de Joe Casey, les dessins et encrages de Scott Kolins, la mise en couleurs de Morry Hollowell et Wil Quintana.



L'histoire tout le monde la connaît : au début de l'ère Marvel, 5 superhéros se sont unis pour déjouer les plans de Loki. Il s'agissait de Thor (Donald Blake), Hulk (Bruce Banner), Iron Man (Tony Stark), Ant-Man (Hank Pym) et Wasp (Janet van Dyne). Peu de temps après, Hulk quitte l'équipe, mais laisse Rick Jones en tant que mascotte (ou faire-valoir). L'équipe découvre le corps cryogénisé de Captain America (Steve Rogers) qui est intégré aux Avengers. Ils affrontent différents gugusses allant de Baron Zemo aux Maîtres du Mal (Masters of Evil), en passant par Namor, Kang, le comte Nefaria. Arrivé à l'épisode 16 de la série de 1963, tous les membres originaux sont partis et ont été remplacés. Oui, mais dans les coulisses, il a bien fallu que quelqu'un se préoccupe de choisir une base pour cette équipe (le manoir Stark), que quelqu'un rédige une charte de membre ratifiée par les superhéros, prenne contact avec les autorités officielles pour bénéficier d'autorisation d'intervention, etc. Toujours dans les coulisses, peut être que tous les membres n'étaient pas convaincus de la même manière de la pérennité de l'équipe, de sa viabilité, ou de l'intérêt de se former une équipe.



Joe Casey est connu pour ses projets très personnels (Butcher Baker the righteous maker ou The milkman murders) et pour quelques histoires de superhéros, elles aussi sortant de l'ordinaire (telles Vengeance ou Wildcats Version 3.0 year one). Avec cette histoire, il a pour objectif de raconter les premières heures de l'équipe des Avengers, non pas sous l'angle de leurs aventures (comme dans la série originelle), mais en tant qu'organisation naissante. Casey a l'élégance de concevoir son récit de telle sorte que le lecteur n'ait pas besoin d'avoir lu les premiers épisodes des Avengers pour comprendre les enjeux ou les sous-entendus (Marvel Masterworks : the Avengers 1). Au fil des pages, il est possible de découvrir les réponses à tout un tas de questions de base. Qui a rédigé la charte des Avengers ? Comment un dieu (Thor) a-t-il pu accepter de s'associer à de simples mortels ? Pourquoi Rick Jones est-il resté associé à cette organisation ? Le gouvernement a-t-il accepté d'emblée la bénévolence de ce groupe de superhéros ? Quel atout a permis aux Avengers de convaincre l'agent gouvernemental James Murch d'accorder une priorité absolue à l'équipe ? Dans quelles conditions Captain America s'est-il intégré à l'équipe ? Quelles conséquences a eu sa présence sur les autres membres ? Qui a vraiment convié Clint Barton à s'associer avec les Avengers ? et bien d'autres encore.



En 2005, Brian Michael Bendis a déjà propulsé la série "New Avengers" en tête du classement des ventes, devant celles consacrées aux X-Men (mais le film Avengers n'est même pas encore un projet en développement ; il est sorti en 2012). "Earth's mightiest heroes" est donc un projet guidé par une volonté d'étendre les origines "historiques" de l'équipe, sans les renier, tout en les modernisant pour les nouveaux lecteurs. L'approche de Casey est risquée à plus d'un titre. Pour commencer, il doit entrelacer son récit avec les épisodes existants, tout en livrant une histoire autonome. C'est tout à son honneur de constater qu'il y arrive sans difficulté apparente. Vous connaissez déjà les épisodes originaux, vous avez droit à toutes les coulisses de l'exploit, sans avoir l'impression de redite bourrative. Vous ne connaissez pas les épisodes originaux, vous avez une histoire qui forme un tout. Il est vrai que la narration a quand même un peu de mal à intégrer harmonieusement les affrontements contre les différents supercriminels. Il s'agit à chaque fois de brèves évocations qui permettent d'assurer la jonction avec les épisodes originaux, mais qui manquent d'intérêt. Le lecteur peut avoir l'impression que l'évocation de ces combats ne sert qu'à introduire un peu d'action dans un récit où les enjeux se règlent autrement que par les poings.



D'un coté, Casey se conforme servilement au cahier des charges qui lui impose de respecter scrupuleusement chaque point de continuité. La majeure partie du temps, ils sont amalgamés harmonieusement au récit, le nourrissent et l'enrichissent. Plus rarement, ils apparaissent pour ce qu'ils sont : un rappel d'un point de détail, sans autre raison d'être qu'une cohérence absolue avec la continuité. D'un autre coté, Casey construit un récit intéressant sur l'investissement et l'implication nécessaires pour créer une équipe, instaurer un esprit d'équipe, se faire une place officielle au milieu des pouvoirs en place. Casey développe ces points avec grande aisance, mais il ne se limite pas à cet aspect. Il met en valeur l'âme de l'équipe par le bais d'un personnage qui fournit une approche émotionnelle irrésistible. Du coup, ce qui aurait pu n'être que l'historique un peu froid d'une organisation devient l'évolution d'un individu complexe, aux motivations en évolution, permettant une forte implication du lecteur.



Scott Kolins dessine avec un trait un peu sec des cases regorgeant de détails, sans tomber dans l'hommage passéiste. Il ne modifie pas son style pour se rapprocher de celui de 1963. Il conserve celui qui lui est propre, en reproduisant les apparences des superhéros de l'époque (du joli slip violet de Hulk, aux différents modèles d'armure vintages d'Iron Man). D'un coté, cette approche établit un lien visuel avec les comics initiaux, de l'autre elle permet à Kolins de dessiner de façon moderne, en profitant pleinement de l'apport d'une mise en couleurs par infographie. Au fil des séquences, il est possible d'apprécier l'apparence de brute épaisse de Hulk, la richesse de la décoration des pièces de l'hôtel particulier des Stark (la magnifique chambre de Captain America), la présence imposante et régalienne de Thor, et d'une manière générale la personnalité de chaque superhéros. C'est l'une des grandes réussites visuelles de cette histoire : l'adéquation entre les dialogues et le langage corporel des personnages. Alors que chaque scène se situe dans l'univers partagé traditionnel de Marvel (univers 616), le lecteur constate l'incrédulité, puis le doute d'Iron Man quant au caractère divin de Thor dans son attitude. Il prend conscience par le biais d'informations visuelles du désarroi d'Hank Pym par rapport à la qualité des individus qu'il côtoie au sein de cette équipe. Si vous connaissez la suite du parcours de Pym (en particulier The trial of Yellowjacket), il s'agit de moments très émouvant.



À partir d'un concept un peu austère (raconter les débuts des Avengers vu sous l'angle de la naissance d'une organisation), Joe Casey et Scott Kolins construisent un récit où l'émotion l'emporte sur l'aspect didactique, pour une histoire poignante d'une manière inattendue. Il reste qu'à quelques moments les obligations de respect de la continuité et l'évocation des criminels combattus alourdissent la narration, plus qu'elles ne la nourrissent.



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--- Earth's mightiest avengers II - Il s'agit des 8 épisodes de la deuxième minisérie, parue en 2007. Elle a été réalisée par Joe Casey, Will Rosado (dessins), Tom Palmer (encrage), et Wil Quintana (mise en couleurs). Le principe de cette deuxième histoire reste identique : Joe Casey montre en quelque sorte les coulisses des événements relatés dans les épisodes 59 et 60 de la série Avengers, parus respectivement en décembre 1968, et janvier 1969. Il a choisi 2 épisodes où la constitution de l'équipe a encore connu des évolutions significatives, et pendant lesquels les membres avaient eu un comportement des moins compréhensibles (comprendre par là que le scénariste originel, à savoir Roy Thomas, avait abusé de la licence artistique pour faire avaler des couleuvres aux lecteurs).



Le convoi qui transporte le Super-adaptoïd est attaqué par un commando de l'AIM (Advanced Idea Mechanics) qui s'en empare pour récupérer leur création et utiliser les secrets de sa fabrication afin de le produire en masse. Dans l'hôtel particulier des Avengers, Thor, Iron Man et Catain America indiquent à Hank Pym qu'ils quittent momentanément l'équipe, laissant Hank comme chef. Clint Barton et Edwin Jarvis essayent de convaincre Vision qu'il finira par être accepté par la population, même si pour le moment il doit s'en remettre au bon vouloir d'une délégation du SHIELD menée par Jasper Sitwell qui souhaite lui faire subir un interrogatoire poussé, dans une de leurs bases secrètes. T'Challa (Black Panther) est bien décidé à participer à l'amélioration de la société en tant qu'Avenger, mais aussi en tant que professeur d'histoire dans un lycée difficile. Barton éprouve quelques difficultés dans sa relation avec Natalia Romanova. Nick Fury (directeur du SHIELD) n'a pas la latitude de faciliter les relations entre les Avengers et leur tutelle gouvernementale.



Joe Casey a expliqué que pour ce deuxième tome il a souhaité revisiter ce moment de la vie de l'équipe où plusieurs Avengers ont eu un comportement inexplicable face à l'arrivée de Yellowjacket. Il s'attache essentiellement à 3 personnages : Vision, T'Challa et Hank Pym. Le lecteur retrouve également cette idée de montrer l'envers du décor : une équipe mal acceptée par le gouvernement des États-Unis qui ne peut pas croire à son altruisme, et le SHIELD (organisation de contre-espionnage) tout aussi méfiant. Ce thème reste présent tout au long du récit, sans occuper une place aussi importante que dans la première minisérie. Au détour d'un événement mondain, il est possible de constater que cette défiance vis-à-vis de gugusses dotés de superpouvoirs n'est rien en comparaison de la suspicion démesurée vis-à-vis des mutants en général, et des X-Men en particulier.



En ce qui concerne Vision, Casey réussit à capturer sa froideur robotique, tout en insérant des petites touches prouvant qu'il y a une forme d'émotion ténue dans son esprit, des valeurs morales réelles. Il sait par le biais des interactions amicales (avec Clint Barton), ou hostiles (les agents du SHIELD) mettre en évidence le comportement très spécifique de Vision, pour qui un sentiment comme la colère ou l'impatience n'a ni de prise, ni de sens. Du coup Vision devient un personnage émouvant malgré sa froideur, état d'autant plus remarquable que les dessins sans reliefs de Rosado le rendent aussi ridicule qu'impossible dans sa longue cape jaune assez vif.



Deuxième recrue récente dans les Avengers : T'Challa (Black Panther), roi du Wakanda. Joe Casey sait faire ressortir toutes les facettes du personnage, sa sensibilité, et son intelligence. Les passages dans le collège s'appuie à la fois sur des grands classiques (étudiant effacé malmené par les plus forts, adolescent souhaitant étudier dans une classe de futurs délinquants), et sur la figure du professeur intègre et passionnant, tout en intégrant des nuances (l'éloquence de T'Challa ne suffira pas à désamorcer toute la violence potentielle de cet établissement).



Le portrait psychologique d'Hank Pym est encore plus réussi. Joe Casey continue de le développer à partir des bases contenues dans la première minisérie. Le lecteur suit un individu qui fait preuve de courage et d'héroïsme et qui pourtant n'arrive pas à être à la hauteur. Casey montre les difficultés auxquelles Pym est confrontée, sa façon de gérer ces difficultés de son mieux, et le prix psychologique qu'il doit payer. Il réussit à rendre quasiment plausible le scénario expéditif de Roy Thomas.



La partie graphique de ce tome est moins remarquable que le scénario, ou que les dessins de la première minisérie. Will Rosado réalise des dessins professionnels, faciles à lire, contenant toutes les informations exigées par le scénario (et même plus pour le niveau de détail de l'ameublement de l'hôtel particulier des Avengers). Il sait agencer ses cases de telle sorte à ce que tous les Avengers tiennent dedans, sans impression de tassement, ou de d'exigüité. Toutefois le résultat est très sage et très fonctionnel, manquant un peu de vitalité. Le jeu des personnages est un peu emprunté, manquant de naturel et d'entrain. Tom Palmer réalise un encrage respectueux des dessins, sans imposer son style si marqué habituellement. Il reste au service des dessins, sans les écraser de sa personnalité. Quintana réalise une mise en couleurs également fonctionnelle, avec une utilisation appropriée de textures pour les surfaces (en bois par exemple).



Cette deuxième minisérie fournit l'opportunité à Casey de plus s'attacher aux personnages et à leurs relations (en particulier Vision, T'Challa et Hank Pym) que la première (où il devait poser les fondations de l'équipe). Le lecteur découvre des individus émouvants et complexes, dans une histoire un peu desservie par des dessins fonctionnels et sans éclats.
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The Milkman Murders

Ce tome contient les 4 épisodes d'une minisérie, parus en 2004. Il s'agit d'une histoire complète, indépendante de toute autre. Le scénario est de Joe Casey (par exemple Godland), les illustrations et les couleurs de Steve Parkhouse (par exemple Captain Britain, The Bojefferies Saga avec Alan Moore).



Quelque part dans une banlieue sans signe distinctif, la famille Vale habite un pavillon semblable à des centaines d'autres. Elle se compose de Vincent (le père), Barbara (la mère), Ruthie (la grande soeur, entre 18 et 20 ans), et Fletcher (le fils adolescent, environ 16 ans). Lorsque l'histoire commence, Barbara a cuisiné un bon dîner pour un repas en famille. Elle termine la préparation en regardant d'un oeil distrait son feuilleton favori : "Leave it to mother", dont le personnage principal est une pimpante ménagère jouée par l'actrice Carol White. Mais à peine passé la porte, Fletcher commence déjà à dénigrer les talents de cuisinière de sa mère. Puis Ruthie indique qu'elle refuse de manger ces plats. Vincent se met en colère. Fletcher crache le lait sur le mur le jugeant tourné. Ruthie claque la porte pour aller se livrer à une activité qui implique un homme marié. Fletcher sort de la maison pour se livrer à une activité qui implique les animaux de compagnie des voisins. Vincent sort pour une soirée avec ces potes, pour des activités qui impliquent... Barbara ne peut que constater qu'elle soutient à bout de bras une cellule familiale où tout le monde se déteste cordialement. Le lendemain elle va faire les courses, et en particulier acheter du lait n'ayant pas dépassé la date de péremption. Le même jour elle reçoit la visite du laitier.



Cette histoire a été écrite spécialement pour rentrer dans la politique éditoriale de Dark Horse Comics qui souhaitait développer ses histoires d'horreur. Dans les commentaires de Casey et de Scott Allie (le responsable éditorial), le lecteur apprend que l'intention de Casey était de créer une histoire d'horreur qui se nourrit du malaise quotidien, de la certitude que cette vie quotidienne familière et chaleureuse est pourrie de l'intérieur, qu'elle repose sur du vent, qu'elle sert à anesthésier les individus pour qu'ils relèguent dans leur inconscient l'une des vérités fondamentales sur la vie.



Que l'on soit enfant ou parent, il est impossible de ne pas sympathiser avec cette ménagère inoffensive dont les efforts sont réduits à néant. Joe Casey ne la présente jamais larmoyante, ou victime. Le plus terrible est que Barbara encaisse en silence, sans broncher. Les insultes et même les coups ne remettent pas en cause sa dévotion à sa famille, son investissement inconditionnel pour son mari et ses enfants. Le plus terrible est que ça ne l'empêche pas d'être lucide sur sa condition. Elle sait qu'elle a consacré toute sa vie à bâtir ce qui se révèle être un château en Espagne, qu'elle s'est négligée au point d'en devenir obèse. Les illustrations de Parkhouse sont sans pitié vis à vis d'elle. Elle est grosse, elle a un visage avec un gros nez, sans aucune grâce. Son surpoids donne lieu à une scène sous la douche (à travers du verre dépoli) reflétant son quotidien d'une manière impitoyable, traduisant son manque total d'amour propre, sans aucun besoin de texte.



Le père est tout aussi laid, en plus veule et méprisant, sans aucune valeur morale pour le racheter aux yeux du lecteur. Là encore son apparence trahit l'individu qui se néglige, qui a abandonné la prétention de paraître en société, mais avec une suffisance insupportable. À nouveau le style de Parkhouse fait mouche, sans besoin d'explications supplémentaires ; il n'est pas très loin du style de Binet avec ses Bidochon. Il dépeint le quotidien et l'ambiance de cette banlieue anonyme avec une aisance remarquable qui met en évidence le train-train d'une classe très moyenne. En quelques traits à l'apparence grossière, Parkhouse peut aussi bien faire naître les allées d'un supermarché peu fréquenté avec quelques ménagères fantomatiques, qu'une chambre de grande adolescente avec des teintes rosâtres, ou des zones parsemées d'arbres faméliques, qualifiées d'espaces verts.



À partir de là, le lecteur baigne déjà dans l'horreur du quotidien de la vie raté, de l'échec irrémédiable, de l'absence d'espoir. Du coup Casey peut se permettre de rajouter des comportements légèrement déviants (rien de très exagéré) et le cas de Barbara devient encore plus désespéré. Comme dans certains livres de Stephen King, Casey peut alors introduire une légère touche de surnaturel. Pour ma part, la simple horreur du quotidien a suffi à provoquer la catharsis propre à ce genre de littérature. Casey et Parkhouse exposent l'environnement de Barbara Vale d'une manière efficace, rapide qui ne laisse pas de place au doute. Son système de valeurs est incompatible avec la réalité. La prise de conscience s'avère douloureuse jusqu'au plus profond de son être. Le regard bovin que lui attribue Parkhouse rend cette épreuve existentielle à la fois vraisemblable et plus longue à venir. Du fait de l'apparence de Barbara, le lecteur comprend qu'une fois l'information parvenue au cerveau le changement sera irrévocable et terrible.



Sur ces bases là, Casey et Parkhouse réalisent un portrait psychologique d'une ménagère d'une quarantaine d'années qui émeut autant qu'il horrifie. Le dernier épisode consacré à l'élément surnaturel pourra sembler incongru, ou au contraire tout à fait logique. D'un coté, cette histoire aurait pu se limiter à un simple fait divers, elle aurait déjà constitué une destruction de l'identité intense et viscérale. De l'autre, l'irruption du surnaturel permet de donner corps à ces autres principes fondamentaux qui se cachent sous la normalité. En fonction de la sensibilité du lecteur, il fera sens ou non. Dans tous les cas, il reste une immersion éprouvante dans la vie de banlieue, dans ce qu'elle peut avoir de plus implacable, de plus normative.
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Wildcats Version 3.0 Year Two

Ce tome fait suite à Wildcats Version 3.0 - Year One (épisodes 1 à 12) ; il contient les épisodes 13 à 24 parus en 2003/2004. Il faut avoir lu le premier tome avant de lire celui-ci.



Le FBI a reçu des rapports alarmants d'une guerre des assassins en Europe du sud. Il dépêche 3 de ses agents : agent Addison, agent Chandler et agent Orange. Du coté d'Halo, Jack Marlowe continue d'orchestrer la construction de voitures munies d'une source d'énergie inépuisable. Le lobby des constructeurs de voitures commence à s'inquiéter et le Ministre de l'Énergie saisit le Président des États-Unis. Cole Cash réfléchit à ce qu'il pourrait faire de restes de Maxine Manchester (Lady Tron). Il se fait prêter Ramon, un petit génie de l'informatique par CC Rendozzo qui a toujours des soucis avec Donny, son fils. Edwin Dolby (le comptable en chef d'Halo) a des cauchemars récurrents d'interventions musclées sur le terrain. L'agent Wax (du service secret National Park Service) continue de coucher avec Miriam la femme de l'agent Lester Downs, son supérieur hiérarchique. La fabrication des voitures Halo arrive à son niveau opérationnel, la guerre entre Zealot et les Coda devient ouverte et Grifter assemble une nouvelle équipe de Wildcats comprenant entre autres Lady Tron, CC Rendozzo, Cedric & Glenn (2 dominateurs pourvus d'une force surhumaine, et gérant un donjon sadomaso).



Joe Casey continue sur sa lancée en menant en parallèle les avancées du grand plan de Jack Marlowe, et les aventures brutales de Grifter. Ce récit ne repose pas sur une morale facile : chaque héros commet des actes répréhensibles au regard de la loi et est amené à tuer de sang froid. Jack Marlowe a pris sur lui d'améliorer le sort de l'humanité en commercialisant une source d'énergie inépuisable, et la fin justifie les moyens. Il s'est emparé du système capitaliste pour déployer son produit, mais les assassins envoyés contre lui n'auront droit à aucune pitié. Du coté de Cole Cash, il n'y a pas plus de pitié à attendre. Il conçoit un moyen original de retourner sur le terrain, malgré son fauteuil roulant. Le retour de Zealot au premier plan s'effectue également dans un bain de sang.



Au-delà de ce ton violent, Joe Casey écrit un thriller d'espionnage, avec beaucoup de dialogues. Comme dans le premier tome, les personnages n'existent que par leurs actions et leurs discours. Casey continue de se tenir à distance de leurs pensées ou de leur psychologie. Ils sont tous des adultes avec un métier, un objectif à atteindre, une expérience dans leur domaine de compétence. Il n'y a pas vraiment de place pour une amitié gratuite, les relations sont placées sous le signe professionnel, avec plus ou moins d'affinité entre les individus. Sous des dehors de récit d'aventure, Casey décrit un monde froid où les individus ne se rencontrent que dans le cadre de projet interdépendant. Il n'y a jamais rien de gratuit.



L'histoire globale de l'irrésistible ascension de Jack Marlowe n'atteint pas de résolution dans ce tome, le dernier écrit par Joe Casey. Le lecteur doit donc apprécier le voyage, en sachant que la destination ne sera pas atteinte. Casey manipule avec dextérité les enjeux et les personnages pour créer une tension présente du début à la fin. Les scènes d'action sont très spectaculaires et efficaces, même si l'assaut final se vautre dans le cliché d'une poignée de mercenaires capables de vaincre une armée de soldats réputés tous invincibles un par un.



Les épisodes 13 à 16 sont illustrés par Dustin Nguyen, encrés par Richard Case. Ces épisodes sont magnifiques, Nguyen trouve le juste milieu pour le niveau de détail et parfaite lisibilité. Le travail du metteur en couleurs complète les illustrations sans les surcharger, tout en leur conférant une aura (un léger halo, c'est de circonstance). Les scènes d'action débordent d'énergie. Les personnages ont tout petit coté cartoon qui instaure un second degré permettant de créer juste ce qu'il faut de distance pour que le lecteur prenne conscience qu'il est en train de lire une critique ironique du capitalisme. Il est à la fois impossible de prendre l'attirail sadomaso de Cedric & Glenn au premier degré dans ce contexte, et impossible de ne pas le prendre au premier degré. Nguyen réussit un tour de force graphique en insufflant un second degré ironique dans des illustrations très premier degré.



Les épisodes 17 & 18 sont dessinés par Francisco Ruiz Velasco et Sean Phillips. Le style perd en second degré pour un aspect plus gratté, plus abrasif (sans exagération).



L'épisode 19 est illustré par Pascal Ferry. Son style évoque celui de Dustin Nguyen en plus épuré, avec une légère influence manga perceptible dans le rendu des éléments technologiques comme les motos ou les protections des individus.



Les épisodes 20 à 24 sont illustrés par Duncan Rouleau, et encrés par John Dell. Le second degré graphique est de retour avec une légère touche cartoon et des constructions de case parfois un peu plus comics d'aventure. Ce style est plus raccord avec celui de Nguyen, en un peu moins mature, un peu plus insouciant.



Tout au long de ces 12 épisodes, la mise en couleurs sophistiquée de Randy Mayor s'avère complémentaire des illustrations pour renforcer les textures et les fonds de case lorsqu'ils sont vides de dessins.



À condition de ne pas se polariser sur l'absence de résolution de l'enjeu global lié à la nouvelle source infinie d'énergie, "WildCats 3.0" dépayse le lecteur pour l'emmener dans un monde où les superpouvoirs existent, mais où le personnage le plus puissant a décidé de révolutionner l'humanité en améliorant son sort, tout en jouant le jeu du capitalisme. Pour mériter une cinquième étoile, il aurait fallu que le récit principal connaisse un aboutissement dans ce tome ou dans un suivant.Ce tome fait suite à Wildcats Version 3.0 - Year One (épisodes 1 à 12) ; il contient les épisodes 13 à 24 parus en 2003/2004. Il faut avoir lu le premier tome avant de lire celui-ci.



Le FBI a reçu des rapports alarmants d'une guerre des assassins en Europe du sud. Il dépêche 3 de ses agents : agent Addison, agent Chandler et agent Orange. Du coté d'Halo, Jack Marlowe continue d'orchestrer la construction de voitures munies d'une source d'énergie inépuisable. Le lobby des constructeurs de voitures commence à s'inquiéter et le Ministre de l'Énergie saisit le Président des États-Unis. Cole Cash réfléchit à ce qu'il pourrait faire de restes de Maxine Manchester (Lady Tron). Il se fait prêter Ramon, un petit génie de l'informatique par CC Rendozzo qui a toujours des soucis avec Donny, son fils. Edwin Dolby (le comptable en chef d'Halo) a des cauchemars récurrents d'interventions musclées sur le terrain. L'agent Wax (du service secret National Park Service) continue de coucher avec Miriam la femme de l'agent Lester Downs, son supérieur hiérarchique. La fabrication des voitures Halo arrive à son niveau opérationnel, la guerre entre Zealot et les Coda devient ouverte et Grifter assemble une nouvelle équipe de Wildcats comprenant entre autres Lady Tron, CC Rendozzo, Cedric & Glenn (2 dominateurs pourvus d'une force surhumaine, et gérant un donjon sadomaso).



Joe Casey continue sur sa lancée en menant en parallèle les avancées du grand plan de Jack Marlowe, et les aventures brutales de Grifter. Ce récit ne repose pas sur une morale facile : chaque héros commet des actes répréhensibles au regard de la loi et est amené à tuer de sang froid. Jack Marlowe a pris sur lui d'améliorer le sort de l'humanité en commercialisant une source d'énergie inépuisable, et la fin justifie les moyens. Il s'est emparé du système capitaliste pour déployer son produit, mais les assassins envoyés contre lui n'auront droit à aucune pitié. Du coté de Cole Cash, il n'y a pas plus de pitié à attendre. Il conçoit un moyen original de retourner sur le terrain, malgré son fauteuil roulant. Le retour de Zealot au premier plan s'effectue également dans un bain de sang.



Au-delà de ce ton violent, Joe Casey écrit un thriller d'espionnage, avec beaucoup de dialogues. Comme dans le premier tome, les personnages n'existent que par leurs actions et leurs discours. Casey continue de se tenir à distance de leurs pensées ou de leur psychologie. Ils sont tous des adultes avec un métier, un objectif à atteindre, une expérience dans leur domaine de compétence. Il n'y a pas vraiment de place pour une amitié gratuite, les relations sont placées sous le signe professionnel, avec plus ou moins d'affinité entre les individus. Sous des dehors de récit d'aventure, Casey décrit un monde froid où les individus ne se rencontrent que dans le cadre de projet interdépendant. Il n'y a jamais rien de gratuit.



L'histoire globale de l'irrésistible ascension de Jack Marlowe n'atteint pas de résolution dans ce tome, le dernier écrit par Joe Casey. Le lecteur doit donc apprécier le voyage, en sachant que la destination ne sera pas atteinte. Casey manipule avec dextérité les enjeux et les personnages pour créer une tension présente du début à la fin. Les scènes d'action sont très spectaculaires et efficaces, même si l'assaut final se vautre dans le cliché d'une poignée de mercenaires capables de vaincre une armée de soldats réputés tous invincibles un par un.



Les épisodes 13 à 16 sont illustrés par Dustin Nguyen, encrés par Richard Case. Ces épisodes sont magnifiques, Nguyen trouve le juste milieu pour le niveau de détail et parfaite lisibilité. Le travail du metteur en couleurs complète les illustrations sans les surcharger, tout en leur conférant une aura (un léger halo, c'est de circonstance). Les scènes d'action débordent d'énergie. Les personnages ont tout petit coté cartoon qui instaure un second degré permettant de créer juste ce qu'il faut de distance pour que le lecteur prenne conscience qu'il est en train de lire une critique ironique du capitalisme. Il est à la fois impossible de prendre l'attirail sadomaso de Cedric & Glenn au premier degré dans ce contexte, et impossible de ne pas le prendre au premier degré. Nguyen réussit un tour de force graphique en insufflant un second degré ironique dans des illustrations très premier degré.



Les épisodes 17 & 18 sont dessinés par Francisco Ruiz Velasco et Sean Phillips. Le style perd en second degré pour un aspect plus gratté, plus abrasif (sans exagération).



L'épisode 19 est illustré par Pascal Ferry. Son style évoque celui de Dustin Nguyen en plus épuré, avec une légère influence manga perceptible dans le rendu des éléments technologiques comme les motos ou les protections des individus.



Les épisodes 20 à 24 sont illustrés par Duncan Rouleau, et encrés par John Dell. Le second degré graphique est de retour avec une légère touche cartoon et des constructions de case parfois un peu plus comics d'aventure. Ce style est plus raccord avec celui de Nguyen, en un peu moins mature, un peu plus insouciant.



Tout au long de ces 12 épisodes, la mise en couleurs sophistiquée de Randy Mayor s'avère complémentaire des illustrations pour renforcer les textures et les fonds de case lorsqu'ils sont vides de dessins.



À condition de ne pas se polariser sur l'absence de résolution de l'enjeu global lié à la nouvelle source infinie d'énergie, "WildCats 3.0" dépayse le lecteur pour l'emmener dans un monde où les superpouvoirs existent, mais où le personnage le plus puissant a décidé de révolutionner l'humanité en améliorant son sort, tout en jouant le jeu du capitalisme. Pour mériter une cinquième étoile, il aurait fallu que le récit principal connaisse un aboutissement dans ce tome ou dans un suivant.
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Wildcats Version 3.0 Year One

Jack Marlowe est en fait un androïde extraterrestre qui a été le chef des WildCats. Il a pris le nom de Marlowe lorsqu'il a hérité de la fortune et de l'empire des multinationales dont était propriétaire le défunt Jacob Marlowe (Lord Emp). Lorsque ce tome commence, Jack Marlowe a décidé de tenter une nouvelle approche pour sauver le monde. Il va reconfigurer et étendre le réseau d'entreprises dont il dispose pour améliorer le sort de l'humanité. Première étape : proposer un produit innovant et utile, à savoir des piles à durée de vie infinie. En parallèle il rachète plusieurs cabinets conseil en marketing pour établir la marque "Halo". Cependant pour des opérations plus délicates, il a conservé avec lui Cole Cash (alias Grifter) et Mister Wax. En particulier ils se retrouvent impliqués dans la recherche à hauts risques d'un agent spécial ayant disparu et ayant des liens avec C.C. Rendozzo, une spécialiste illégale de la vente d'informations à fort potentiel de nuisances. L'histoire met également en avant deux responsables d'une société d'expertise comptable qui a été rachetée par Halo : Sam Garfield et Edwin Dolby.



Première bonne surprise : il n'est nul besoin d'avoir lu quoi que ce soit des WildCats avant pour comprendre l'histoire. Vous pouvez donc faire l'impasse sur la première version de l'équipe (WildCats 1.0), comme sur la deuxième (Street Smart). Deuxième bonne surprise : Joe Casey est à la hauteur de sa réputation de scénariste original (par exemple Dance ou Hello, Cosmic !, et même Avengers : The Origin). Il subsiste très peu de superpouvoirs dans cette histoire, tout juste un hypnotiseur et un télétransporteur. Il y a bien un fond d'anticipation avec des technologies futuristes saupoudrées en touches légères.



La matière du récit se trouve donc partagée entre les mouvements de Jack Marlowe pour étendre son empire financier selon un plan connu de lui seul, ses stratégies pour positionner la marque "Halo" au plus près des consommateurs, et les séquences d'action opposant Grifter et compagnie aux autres organisations qui déplacent leurs pions sans que le lecteur en sache beaucoup sur leurs motivations. Joe Casey a décidé de rester assez loin des personnages. Jack Marlowe ressort comme une présence et un acteur très sibyllin qui ne dévoile rien de ses émotions ou de ses objectifs à long terme. Il s'agit d'un stratège hors pair qui s'est fixé un objectif et personne ne semble en mesure d'entraver sa progression. Cole Cash apparaît comme un individu au code moral bien arrêté, mais qui n'éprouve aucun scrupule à manipuler son prochain pour atteindre son but. Sa propension à utiliser autrui ressort d'autant mieux que Casey le place à mi-histoire dans une position inhabituelle. Le profil psychologique de Mister Wax est un peu moins développé, si ce n'est pour sa morale très élastique qui lui permet d'abuser de ses dons d'hypnotisme sans remord. Du coup il devient beaucoup plus facile pour le lecteur de s'identifier ou de ressentir de l'empathie pour les 2 petits nouveaux : les encadrants de comptables, êtres humains normaux réquisitionnés dans une entreprise qui les dépasse.



L'ensemble des illustrations sont réalisées par Dustin Nguyen, encré par Richard Friend. Ils ont choisi un style simple dans la mesure où il n'y pas de mises en page alambiquées (une moyenne de cinq cases rectangulaires par page). Ils restreignent le nombre de détails présents dans chaque case pour se focaliser sur ceux qui renforcent l'ambiance. Ils sont en fait à mi-chemin entre un style photoréaliste, et une épure. Tout n'est pas finement détaillé, mais uniquement quelques composantes du décor. Ils effectuent un gros travail d'expressivité sur les visages, sans tomber dans les grimaces outrées. En fait leur style rend chaque illustration évidente, immédiatement assimilable par la rétine qu'elles en deviennent transparentes par rapport au récit. Il n'y a que le recours à des traits très fins pour les visages qui marque la mémoire. Les illustrations n'en deviennent pas fades pour autant ; elles accentuent juste la distance existante par rapport aux personnages.



Ce tome constitue un récit très intriguant qui se lit rapidement et d'une traite et qui donne envie de connaître le fin mot de l'histoire, mais il ne se suffit pas à lui-même. Joe Casey organise une sorte de fuite en avant grisante mais pas tout à fait assez substantielle. Le lecteur finit par n'avoir qu'une crainte : c'est que le pot aux roses relève d'un cliché éculé. Seule la suite permettra de savoir. Ce tome regroupe donc les épisodes 1 à 12 de cette troisième version des WildCats. Les 12 épisodes suivants se trouvent dans WildCats 3.0 2.
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Godland Volume 6: Goodbye, Divine!

Ce tome est le dernier de la série qu'il faut impérativement avoir commencé par le début, c’est-à-dire Hello, Cosmic!. Il contient les épisodes 31 à 36, ainsi que le numéro spécial "Finale", initialement parus entre 2010 et 2013, tous écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Tom Scioli, avec une mise en couleurs de Bill Crabtree (épisodes 31 à 35), puis Brad Simpson (épisodes 36 et Finale).



Le Tourmenteur a décidé de passer à l'action : il envoie ses souris anthropomorphes injecter un produit psychotrope à Basil Cronus, pour récupérer le corps de sa fille. Adam Archer et Neela Archer luttent au fin fond de l'espace contre R@d_Ur Rezz (celui qui a précédé Neela au niveau cosmique), avec l'aide inattendue de Maxim.



Sur Terre, Friedrich Nickelhead galvanise ses troupes pour que ces supercriminels aillent affronter Almighty Decimator. Le papillon cosmique commence à révéler les secrets de la réalité à Nickelhead.



Avec cette série, Joe Casey et Tom Scioli avaient décidé de rendre un hommage intelligent à Jack Kirby, en prenant ses aventures cosmiques comme un genre en soi, et en racontant un récit respectant les conventions de ce genre. Avec ce dernier tome, le lecteur retrouve Tom Scioli au meilleur de sa forme. Il ne se contente pas de singer les dessins de Kirby, ce qui n'aurait que l'apparence d'une mauvaise imitation. Il reprend les codes graphiques du maître : mains tendues en avant, individu aux proportions gigantesques, créatures flottant dans l'espace, avec des points d'énergie parcourant leur corps, technologie futuriste et monumentale, les mains géantes dans le ciel.



Le lecteur connaissant l'œuvre de Kirby repère également les citations de ses séries. Il voit des personnages évoquant les Éternels, les Forever People, les New Gods. Il sourit en voyant apparaître un robot géant évoquant les Sleepers des aventures de Captain America, avec la tête de Basil Cronus fixé sur son bas-ventre, comme une sorte de pénis à tête chercheuse.



En surface les dessins de Scioli rendent hommage à Kirby, mais en moins bien. Il ne maîtrise pas le rendu des textures. Il n'essaye même pas de de jouer avec les ombres pour les rendre expressionnistes. Heureusement, il bénéficie d'un metteur en couleurs (Bill Crabtree, puis Brad Simpson) qui habille ses dessins avec des couleurs ajoutant un peu de volume, sans en abuser. Cette technologie infographique n'existait pas à l'époque de Jack Kirby. Ici elle complète les dessins de Scioli pour leur donner le lustre et la profondeur nécessaires.



À l'évidence, Tom Scioli n'est pas Jack Kirby, mais il réussit des compositions de page parlantes, malgré le degré d'abstraction du récit. Toujours en utilisant les tics graphiques de Kirby, il donne à voir des combats titanesques, transcrivant avec conviction les conflits idéologiques qui opposent les combattants.



Dans le registre de l'innovation, Scioli s'émancipe de Kirby (sans rien perdre de sa démesure) dans le dernier épisode (Finale) qui se déroule 100 ans dans le futur, avec des représentations intelligentes de concepts échevelés, et une influence inattendue d'Osamu Tezuka dans la façon de dessiner le personnage principal (évoquant Phénix, l'oiseau de feu). Il est également très convaincant quand il imagine la fusion visuelle de 2 individus Adam Archer et Maxim (en Adamaxim).



Le lecteur attendait beaucoup de ce dernier tome. Depuis le départ, Joe Casey a conçu sa narration comme une quête d'un sens à la vie. Adam Archer a bénéficié d'un saut quantique dans l'évolution de la race humaine, lui permettant de voyager dans les étoiles, de rencontrer des races extraterrestres. Ce don lui a été octroyé par une entité supérieure dénommée Iboga. Les aventures d'Adam Archer s'accompagnent donc d'une quête spirituelle, d'une confrontation avec des formes de vie plus évoluées, avec une déité toute puissante.



Dans un premier temps, le lecteur a le plaisir de voir que Joe Casey mène ses intrigues à terme, qu'il s'agisse du devenir de Neela Archer, du Almighty Decimator, ou du sort de l'humanité. Il découvre même que l'épisode "Finale" se déroule 100 ans dans le futur apportant plus qu'une forme de coda au récit, puisqu'il s'agit d'une ouverture d'une ampleur inimaginable. Le conflit opposant Basil Cronus à Friedrich Nickelhead trouve sa résolution et le Tourmenteur n'est pas oublié. Il n'y a que le rôle de Lucky qui ne justifie pas sa présence dans le récit.



Comme dans les tomes précédents, le lecteur est frappé par la narration papillonnante de Joe Casey. Alors qu'il aborde des thèmes ardus et ambitieux tels que la place de l'homme dans l'univers, et sa possible évolution dans les siècles à venir, les séquences alternent entre les différents personnages, au beau milieu de l'exposition de leurs convictions. Casey provoque même le lecteur avec le papillon omniscient qui commence une phrase indiquant qu'il va tout expliquer et révéler à Friedrich Nickelhead, pour être coupé au beau milieu et ne jamais finir (un peu facétieux, ce Joe Casey).



Du coup le lecteur se retrouve balloté d'un point de vue à l'autre, passant d'une notion à l'autre, sans savoir laquelle prédomine vraiment. Il y a R@d_Ur Rezz qui évoque et promeut l'entropie (la perte d'énergie inéluctable jusqu'à la mort ou l'arrêt de tout système). Il y a Basil Cronus qui demande si vous avez fait des expériences (comme Jimi Hendrix, Are you experienced ?). Il y a ce personnage qui place la nécessité de s'adapter comme priorité. Lorsqu'Adam Archer recrée l'univers dans son entièreté, Joe Casey pose également la question de ce que pourrait être l'univers à l'image d'un unique individu.



Le scénariste aborde donc des thèmes philosophiques fondamentaux dans une pagaille organisée, mais non linéaire, et à la progression qui semble hasardeuse. Le lecteur attend pourtant que le scénariste tienne sa promesse d'une révélation sur l'ordre des choses, sur le sens de la vie, sur un Dieu. D'un côté, c'est déraisonnable d'en attendre autant d'un simple comics. D'un autre côté, Joe Casey tient sa promesse à sa manière. Il apporte des réponses d'une candeur exaspérante quand un des personnages dit que le sens de la vie est simplement d'être vécue, de vivre des expériences. Il envoie un message peu clair quand Basil Cronus insiste sur la défonce comme objectif, comme moyen de se divertir, sans autre souci.



Toutefois, au fil des épisodes, le lecteur constate qu'une évolution revient à plusieurs reprises comme une l'alternative à l'individualité. Casey reprend un thème déjà développé par Kirby dans la série Eternals, celui de la conscience collective. Il le présente et le développe à sa manière, apportant une réponse à la question du sens de la vie (non pas ce qu'elle signifie, mais vers quoi elle pourrait se diriger). Au fur et à mesure des épisodes (et avec "Finale"), le lecteur constate qu'il ne s'agit pas d'une fumisterie de la part de Casey, mais bien d'une proposition logique.



En terminant ce dernier tome, le lecteur se dit que Joe Casey et Tom Scioli se sont montrés bien plus ambitieux que ces combats à grands coups de poing et décharge d'énergie ne le laissaient supposer, bien plus ambitieux que de faire un récit à la manière de Jack Kirby en mode cosmique. Ils ont respecté à la lettre l'idée de se servir des conventions du genre cosmique pour interroger la place de l'être humain dans l'univers, l'existence potentielle d'un Dieu, les prochains stades de l'évolution de l'humanité. Leur mode narratif à base de superhéros (superpouvoirs et altruisme comme le sacrifice de Neela) et de contre-culture (Basil Cronus et son usage de psychotropes) peut agacer, mais la sincérité de leur démarche ne fait pas de doute.



La façon désinvolte dont ils intègrent les conventions les plus bas du front (un coup de pied dans les joyeuses d'une entité cosmique) peuvent faire grincer des dents, ou sourire, ou encore prouver qu'ils ne souhaitent pas péter plus haut que leur derrière. Ils ne se prennent pas pour des philosophes académiques, ils transcrivent ce que leurs expériences leur ont enseigné. Leur récit est une déclaration sur la force de la volonté, la limitation de la perception humaine, le pouvoir de créer, la possibilité d'un Dieu tout puissant, le besoin de spiritualité, la soif de progresser. Pour Adam Archer et ses descendants, il y a et il y aura toujours des choses à découvrir. Il y aura toujours une progression à effectuer. C'est une profession de foi honnête qui revêt une forme bizarre, mais aussi idiosyncrasique que cohérente pour un lecteur de comics chevronné.
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Godland Volume 5: Far Beyond The Bang

Ce tome fait suite à Amplified now (épisodes 19 à 24). Il s'agit de l'avant dernier tome, et il faut avoir commencé la série par le premier. Il contient les épisodes 25 à 30, initialement parus en 2008/2009, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Tom Scioli, avec une mise en couleurs de Nick Filardi. L'histoire se termine dans Goodbye, Divine! (épisodes 31 à 36).



Adam Archer a obtenu l'aide de la NASA pour pouvoir retrouver sa sœur Neela Archer. Il commence par se rendre au siège de l'entreprise qui l'avait embauchée pour piloter un vaisseau spatial. Puis il utilise sa maîtrise récente de la téléportation pour se rendre sur une planète éloignée de la galaxie. Il se retrouve face à des entités cosmiques anthropomorphes à la puissance monumentale.



Sur Terre, Friedrich Nickelhead harangue les clients de sa résidence hôtelière pour réclamer des revendications sociales, à savoir la reconnaissance de droits pour les supercriminels. Ils décident d'investir le Capitol à Washington, puis de s'installer à la Maison Blanche. Une nouvelle entité cosmique a atterri sur Terre : Decimator, rien que ce patronyme constitue tout un programme.



Après un tome 4 en demi-teinte, Joe Casey et Tom Scioli ont retrouvé la source de leur inspiration et le récit repart de plus belle. Scioli continue de s'inspirer de Jack Kirby, pour les points crépitants (Kirby crackles) et les postures des personnages (main en avant vers le lecteur, bouche grande ouverte). Il ne se limite pas à reproduire ces particularités graphiques. Il utilise également d'autres aspects visuels de l'œuvre de Kirby. N'Ull Pax Mizer a des allures de croisement entre Psycho-Man (un ennemi des Fantastic Four) et Kang (un ennemi des Avengers). Suite à une transformation, son apparence s'approche de celle d'un Céleste (voir la série des Eternals). Leviticus a des allures d'Orion (des New Gods) avec son engin pour se déplacer dans les airs.



Le lecteur constate que Tom Scioli ne se prend pas au sérieux, il sait qu'il n'est pas Kirby et qu'il ne fait que perpétuer sa tradition. Le lecteur n'en apprécie que plus les éléments tellement exagérés qu'ils en deviennent absurdes. Il retrouve les souris anthropomorphes qui aident le Tourmentor, habillées soit en costume cravate, soit en costume de Superman. La tête de Basil Discordia continue de flotter de travers dans le bocal fixé sur le corps de la fille du Tourmenteur. Lucky est un monstre incroyable avec ses cerveaux au bout des tentacules sortant de son crâne. Scioli embrasse le côté enfantin, candide et kitch de l'imagination débridée de Jack Kirby.



Avec ces épisodes, le lecteur a l'impression que Tom Scioli a retrouvé toute sa motivation pour se montrer à la hauteur de cet hommage au Roi des comics. L'histoire se déroule majoritairement dans l'espace avec des combats grandioses plein de décharge d'énergie, entre des individus en armures technologiques, aux statures imposantes. Le lecteur en prend plein les yeux, le grandiose et le merveilleux sont au rendez-vous.



Même pour les scènes se déroulant sur Terre, Scioli se montre inspiré. La décoration de l'appartement d'Angie Archer est superbe et personnelle. Les discours de Nickelhead au sénat permettent d'apprécier le volume de la salle des débats.



Joe Casey est lui aussi en pleine forme, avec une verve cosmique en prise directe avec Jack Kirby. Adam Archer décide d'utiliser son pouvoir à des fins personnelles : retrouver sa sœur. Cela l'entraîne dans l'inconnu du cosmos, à faire face à des entités quasi divines, se tapant dessus pour cause de philosophie irréconciliable.



Casey reprend l'habitude de Kirby d'énoncer des préceptes parfois fumeux au travers de ses personnages. Ici N'Ull Pax Mizer croit au principe de la Finalité qu'il énonce tout haut, alors qu'il est tout seul. Casey réussit à faire croire au lecteur à la possibilité de ce principe en restant assez vague. Il ne s'agit pas de développer une thèse philosophique, mais de donner une dimension spirituelle à l'ennemi, ainsi qu'aux autres entités.



Le scénariste continue de raconter un récit compressé, sans être épileptique. Adam Archer continue de découvrir son rôle dans l'ordre des choses, ainsi que l'ordre supérieur des choses (à commencer par l'existence de races extraterrestres et d'autres divinités). Casey intègre les scènes obligatoires d'affrontements physiques avec des libérations d'énergie à une échelle inimaginable.



Comme Scioli, Casey ne se prend pas non plus au sérieux, il ne s'imagine pas Kirby à la place de Kirby. Cette conscience d'écrire un hommage lui permet d'introduire un peu d'humour. Ce dernier peut prendre la forme de la présence de Barak Obama à la Maison Blanche. Il peut également s'agir d'un papillon doré qui demande aux personnes présentes de regarder ses phylactères.



Ce cinquième tome repart de plus belle, rendant un hommage réussi à Jack Kirby, avec une intrigue cosmique à souhait, des visuels adéquats, pour une aventure ébouriffante. À l'issue du récit, le lecteur a retrouvé son goût pour l'inconnu fascinant de l'univers, ce qui pourrait exister au loin, d'autres intelligences, d'autres civilisations peut-être.
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Godland Volume 4: Amplified Now

Ce tome fait suite à Proto-plastic party (épisodes 13 à 18) ; il faut avoir commencé cette série par le premier tome. Celui-ci contient les épisodes 19 à 26, initialement parus en 2007/2008, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Tom Scioli, avec une mise en couleurs de Nick Filardi. Le tome commence par une page de résumé, bienvenue même pour les lecteurs réguliers, car Casey a adopté une narration bien dense, quasiment compressée.



Adam Archer est emprisonné dans le building qui lui sert de quartier général, l'armée ayant estimé qu'il constitue une menace pour les États-Unis. Ce QG a été infiltré par Crashman (un superhéros en mission commanditée) qui doit neutraliser Adam Archer. À l'extérieur une entité en forme d'insecte s'attaque à la barrière qui empêche Archer de sortir, pour pouvoir l'attaquer.



Quelque part dans le désert du Nevada la Triade (3 entités extraterrestres Ed, Supra, et Eeg-Oh) a achevé la construction de leur bombe qui s'enfonce dans l'écorce terrestre pour faire exploser le cœur de notre planète, et anéantir ainsi toute vie sur Terre. Pendant que la bombe s'enfonce, la Triade va s'éclater en rasant Las Vegas. Neela Archer est toujours portée disparue dans l'espace. Le Tourmenteur a retrouvé la trace de Friedrich Nickelhead.



L'inspiration de Joe Casey ne faiblit pas pour alimenter son scénario en situation digne des récits de Kirby des années 1970, toujours aussi riche en péripéties et en rebondissements. Pourtant le cœur n'y est pas pour le premier épisode, et même le deuxième. Le lecteur constate que Scioli s'est lassé de concevoir des décors, ou même des arrières plans. Il se contente de traits vite faits pour figurer à la hâte les murs du QG des Archer, ou du QG militaire. Puis l'affrontement à Las Vegas semble se dérouler une scène quasi vide, avec de vagues silhouettes de buildings en arrière-plan, de temps en temps. Scioli s'investit uniquement dans les silhouettes des personnages. Il a même arrêté de s'inspirer des postures caractéristiques de Jack Kirby.



Heureusement Nick Filardi meuble les dessins avec entrain et habilité, ajoutant des couleurs vibrantes sur Adam Archer, les membres de la Triade et les monstres, pour un effet pop très séduisant. Il faut donc attendre le quatrième épisode pour que Scioli reprenne un peu du poil de la bête et propose des images plus élaborées, qui décoiffent et surprennent. La deuxième moitié est donc visuellement plus intéressante et plus réussie, peut-être aussi parce que l'intrigue se focalise moins sur des affrontements physiques. Encore que Casey s'amuse à intégrer une troupe de danseuses venues prêter main forte à Archer pour sauver Las Vegas dans la première partie, mais même cet élément burlesque, Scioli réussit à le rendre visuellement inintéressant.



Dans la deuxième partie, Scioli retrouve l'inspiration avec un des mythes fondateurs rattachés à Iboga, puis avec une version décalée de la réalité. Le lecteur retrouve le souffle cosmique de Kirby, et retrouve par là même son intérêt pour le récit. Dans la première moitié, Casey fait également un peu de recyclage, avec les mêmes blagues sur les sentiments éprouvés par la Triade, les mêmes dangers pour Adam Archer (dont lecteur sait déjà qu'il se sortira sans une égratignure, grâce à une nouvelle capacité de ses superpouvoirs).



Il faut donc là encore attendre la deuxième moitié du tome pour que Casey puise dans une inspiration plus novatrice (par rapport aux épisodes précédents de cette même série), avec un mythe sur Iboga (retour au thème de la déité toute puissante), et avec l'arrivée d'un autre humain doté de pouvoirs cosmiques. Le récit peut alors repartir, abandonnant les ennemis très méchants (et pas très futés), pour un axe de développement moins basique, avec plus de suspense.



Le lecteur constate que tout du long de ces épisodes la narration est centrée sur Adam Archer, un peu sur Maxim et sur Neela Archer. En ce sens, Joe Casey respecte bien la forme de narration des récits de superhéros qui font du personnage principal, un individu à part et au-dessus de la mêlée, capable d'améliorer le sort de l'humanité par le biais de ses seules capacités extraordinaires. Il ne plane aucun doute sur la fibre morale d'Adam Archer, se servant de ses pouvoirs pour le bien de tous. Ses actions sont dictées à la fois par la volonté consciente de protéger ses semblables des incroyables périls qui s'abattent sur la Terre, mais aussi par une volonté de comprendre. En cela, Casey dépasse le modèle traditionnel du superhéros, et s'inscrit dans la démarche de Jack Kirby : comprendre le monde qui m'entoure, observer ses merveilles, s'éveiller aux mystères insondables du cosmos.



Les épisodes 19 à 21 concluent de manière un peu mécanique les intrigues en suspens, sans réel enjeu pour Adam Archer dont les superpouvoirs viennent à bout de toutes les menaces physiques, avec une implication moindre de Tom Scioli (malgré un bon travail de Nick Filardi). Dans la deuxième moitié, le scénario introduit de nouveaux éléments et une dynamique différente, avec des dessins plus inspirés par Jack Kirby et plus étoffés.
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Godland Volume 3: Proto-Plastic Party

Ce tome fait suite à Another sunny delight (épisodes 7 à 12). Il contient les épisodes 13 à 18, initialement parus en 2007, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Tom Scioli, mis en couleurs par Nick Filardi. Il commence par une page de présentation des personnages, et une page de résumé. Cependant il vaut mieux avoir commencé la série par le premier tome.



Épisode 13 – The Never et Adam Archer sont prisonniers dans une dimension parallèle et asservis en esclavage pour exécuter des travaux forcés. Épisodes 14 à 18 – Adam Archer est de retour sur Terre, creusant un petit cratère en plein Central Park (mais sans blessés à déplorer). Neela Archer est toujours portée disparue dans une mission spatiale. Son frère n'arrive pas à la contacter mentalement, ce qui le conduit à supposer qu'elle n'est plus de ce monde.



Le Tourmenteur poursuit ses préparatifs pour se venger de Friedrich Nickelhead, qui a placé la tête de Basil Cronus sur le corps de la fille du Tourmenteur. La triade (Ed, Supra et Eeg-Ho) poursuit ses préparatifs pour faire exploser le noyau de la Terre. Neela subit des expérimentations aux mains de mystérieuses entités. Le général Beaumont Brigg (l'officier de liaison entre Adam Archer, et l'armée) constate qu'Archer agit de plus en plus de manière indépendante.



Ce tome commence par un résumé en 1 page des 2 précédents, et le lecteur peut ainsi constater de visu la quantité impressionnante de péripéties déjà survenues (il y a également une forme de résumé dans l'épisode 16, en quelques pages, le général Brigg rappelant les principaux événements à d'autres officiels). En cela, Joe Casey continue de respecter l'une des caractéristiques des comics des années 1960 : une intrigue dense (Haro sur la décompression !). Ce nouveau tome ne déroge pas à la règle : le récit avance vite, avec plusieurs intrigues secondaires. Comme la narration est dense, le lecteur n'éprouve jamais la sensation que les intrigues secondaires viennent détourner l'attention d'une histoire principale qui ne serait pas assez fournie.



Respectueux de leur lettre de mission d'origine, Casey et Scioli poursuivent leur histoire dans ce genre assez pointu qu'est le "Jack Kirby cosmique". Le lecteur retrouve les points d'énergie (Kirby crackles), le superhéros cosmique, les voyages dans l'espace, les dimensions alternatives, les gros monstres étrangers à l'humanité. Scioli continue de jouer avec les tics graphiques de Kirby : personnages avec les mains en avant, personnages ayant souvent la bouche grande ouverte ou entrouverte, ombrages plus conceptuels que réalistes, individus tout muscles bandés et prêts à bondir, costumes théâtraux pour les supercriminels.



Comme dans les tomes précédents, Tom Scioli respecte l'apparence des dessins de Jack Kirby, sans en reprendre l'esprit. C'est particulièrement patent pour les ombrages dont il se sert plus comme habillage des formes, sans qu'ils ne forment une composition à l'échelle de la case. C'est également manifeste dans la technologie d'anticipation, aussi vague que celle de Kirby, mais plus générique et moins conceptuelle d'un point de vue graphique. La conception des environnements souffrent parfois de ce manque de vision globale, en particulier dans la dimension de l'épisode 13. Paradoxalement, par comparaison, cela en devient un hommage d'autant plus poignant aux capacités imaginatives de Kirby, supérieures à celles de Scioli.



D'un autre côté, Tom Scioli réussit à faire coexister toutes les bizarreries du scénario dans un environnement visuel très cohérent. Il sait également donner l'apparence de Jack Kirby à ses dessins à chaque planche, à chaque case. Il adapte son découpage à la nature de chaque séquence, de 4 cases par page à 13 cases sur une page pour être cohérent avec le rythme de la narration. Il sait conserver la bonne mesure de naïveté visuelle pour que les passages les plus bizarres conservent une part de poésie (le corps de Neela démonté en pièces détachées).



Nick Filardi réalise la mise en couleurs à l'infographie, sans se restreindre au schéma chromatique des comics de la fin des années 1970. Il utilise des couleurs moins criardes, avec quelques nuances dans chaque teinte pour donner un peu de volume aux formes délimitées. Il réserve les teintes plus vives aux manifestations des superpouvoirs d'Adam Archer et aux rats anthropomorphes (habillés de bleu et rouge, serviteurs de Friedrich Nicklehead).



De son côté, Joe Casey semble prendre beaucoup de plaisir à rendre hommage à son idole, sans laisser de côté ses propres thèmes. Il insère quelques notes d'humour, soit par le biais du caractère d'Angie qui ne s'en laisse pas conter, soit par une remarque pince-sans-rire rappelant que les auteurs ont conscience de la nature de leur récit. Par exemple le narrateur omniscient observe que "Neela Archer ne peut même pas réussir une simple bulle de pensée" (= une réflexion intégrant la nature du media). Le lecteur ressent donc qu'il s'agit d'un récit bon enfant dont les péripéties sont à prendre au premier degré comme des aventures merveilleuses, sans plausibilité aucune.



Le lecteur constate également que Casey continue de développer une thématique sous-jacente, déjà présente dans les tomes précédents. Au premier abord, il est possible d'apprécier ce regard d'enfant capable de s'émerveiller devant les mystères enchanteurs de l'univers. Certes les péripéties participent d'un imaginaire enfantin, mais Casey sait transcrire et faire éprouver au lecteur ce plaisir à se lancer dans la découverte de contrées inconnues, d'explorer et d'apprécier les spectacles offerts par la création.



Le récit creuse encore la notion d'être suprême et de relation à l'autre. Dans le premier épisode, les créatures extradimensionnelles asservissent les autres races pour leur profit, sans chercher à établir une relation autre que de dominant à dominé. De la même manière Friedrich Nickelhead n'envisage la relation à l'autre que sous la forme de domination. À l'évidence les entités ayant capturé Neela Archer ne la considère que comme une créature de laboratoire sur laquelle conduire des expérimentations. Le superhéros Crashman est motivé par la gloire et son engagement à servir sa patrie. Stella et Angie Archer ont choisi une vie dans l'ombre de celle de leur frère.



Le lecteur en vient alors à considérer les motivations des individus qui semblent échapper à toute forme d'asservissement. Les motivations de Maxim (l'extraterrestre dont la morphologie évoque celle de Lockjaw, le chien des Inhumans) sont d'aider Adam Archer à maîtriser ses capacités pour aider l'humanité à évoluer vers un stade supérieur. Adam Archer reste guidé par ses émotions (son inquiétude vis-à-vis de sa sœur), et par son sens du devoir (avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités). Le général Brigg est motivé par son sens du bien de la communauté, dépassant le stéréotype du militaire borné ou inféodé à son devoir, sans capacité de réflexion. Basil Cronus est toujours à la recherche de la substance psychotrope qui lui permettra de se défoncer.



Les actions d'Adam Archer (avec Maxim et dans une moindre mesure Neela Archer) vont dans le sens d'une quête de la compréhension de l'ordre des choses, d'une interrogation sur l'existence éventuelle d'un être suprême (appelé Iboga), ce qui donnerait un sens à l'existence. Casey ne développe pas ces thèmes sous la forme d'une réflexion philosophique, mais les propos des personnages montrent qu'Iboga et les autres ennemis ne sont pas que de simples artifices pour créer une situation conflictuelle requérant l'usage de superpouvoirs.



Avec ce troisième tome, les auteurs persistent et signent : leur série sera entièrement dans le genre (assez pointu) "Kirby cosmique", sans concession (il ne s'agissait pas d'un dispositif artificiel pour attirer l'attention sur leur produit ; il suffit de regarder le nouveau personnage Lucky). La densité narrative ne faiblit pas, et l'usage des tics graphiques de Kirby est systématique. L'aventure grand spectacle est au rendez-vous, avec tout ce qu'elle peut avoir d'improbable : superpouvoirs, créatures extraterrestres, expédition spatiale, dimensions étrangères, etc. À eux deux, Joe Casey et Tom Scioli ne sont pas Jack Kirby (même le temps de cette histoire), mais ils racontent une histoire bien ficelée dans ce genre très pointu. En prenant un peu de recul, le lecteur constate que l'histoire de Joe Casey ne se limite pas à une suite de péripéties échevelées. Elle comprend également une dimension ayant trait à la soif de découverte, et une autre relative aux différentes formes de tutelles.
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Godland Volume 2: Another Sunny Delight

Ce tome fait suite à Hello, Cosmic! (épisodes 1 à 6) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2006, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Tom Scioli, et mis en couleurs par Nick Filardi.



En orbite autour de la Terre, des astronautes voient passer une pluie d'un millier de points de lumière qui foncent droit vers New York. Le cadavre de Discordia est l'objet d'un affrontement entre Eghad (l'homme de main de Friedrich Nickelhead) et une troupe de rats anthropomorphes habillés comme Superman (sans le S sur la poitrine).



Neela Archer vient dire au revoir à ses 2 sœurs (Angie et Stella) avant de partir en mission dans l'espace. L'opinion publique se soulève contre Adam Archer du fait des conséquences trop importantes sur la population de New York lors de son dernier combat. Maxim provoque la révélation de l'origine de l'univers dans l'esprit d'Adam Archer. Puis ce dernier est capturé alors qu'un vaisseau en forme de pyramide monumentale est en position stationnaire au-dessus de l'océan, à proximité de New York (après avoir percuté la statue de la Liberté).



Pas de changement par rapport au tome précédent, les auteurs continuent de réaliser des comics à la manière de Jack Kirby en mode cosmique. Tom Scioli augmente le nombre de cadrage à la Kirby, c’est-à-dire avec les mains en avant, ou même les pieds en avant. Il réalise de magnifiques séquences cosmiques dignes de Kirby en particulier lors de la révélation relative à l'origine de l'univers.



Il y a des corps célestes à profusion, des entités anthropomorphes de taille gigantesque, de l'énergie qui crépite sous forme de Kirby Crackles. Le vaisseau en forme de pyramide est gigantesque, la texture de la pierre de son "hangar" est rendu presqu'aussi bien que l'aurait fait Kirby. Les personnages ont souvent cette expression exagérée d'emphase avec la bouche ouverte.



Joe Casey continue également de faire son Kirby. Il y a bien sûr les péripéties, qu'il s'agisse des combats physiques avec superpouvoirs, et des personnages qui discutent pendant (ou qui exprime leurs réflexions à travers des bulles de pensée), de l'origine de l'univers, de races extraterrestres, ou bien d'un visionnaire illuminé très humain. Ce qui apparaît de manière plus patente dans ce deuxième tome, c'est également le rythme très soutenu du récit, similaire à ceux de Kirby. Les péripéties s'enchaînent sans temps mort, avec une grande inventivité et une belle capacité de renouvellement. Casey utilise également les tourments intérieurs des personnages, mais sur un ton moins intense que celui de Kirby. Le départ de Neela Archer est plus raisonné, et moins émotif que les réactions de Johnny Storm ou Ben Grimm.



Bien sûr le lecteur ne peut que constater à nouveau qu'à eux 2, Casey et Scioli ne sont pas Jack Kirby. Scioli n'arrive toujours pas à maîtriser les ombrages conceptuels à la Kirby, et sa représentation de la technologie est plus laborieuse et moins convaincante que celle de Kirby. Les piercings d'Angie Archer changent de place et de nombre d'une séquence à l'autre, dans un manque de cohérence peu professionnel (à moins qu'il n'y ait une explication à cet étrange phénomène dans les tomes suivants). Casey n'arrive pas à rattacher son récit aux grandes mythologies et aux grands mystères de l'humanité. Ils réalisent une ou deux séquences à la naïveté désarmante. Il y a par exemple Angie pilotant un avion monoplace au-dessus de New York capable de dialoguer avec Adam Archer, comme si de rien n'était malgré la vitesse, le vent, et le fracas du moteur. Il s'amuse à faire discrètement référence à une autre de ses histoires (The milkman murders), de manière gratuite, sans rapport avec le récit.



D'un autre côté, Casey et Scioli ne limitent pas leur narration à faire du sous-Jack Kirby, comme un hommage bon marché pour un profit rapide. À plusieurs reprises, Scioli s'abreuve à la même source que Kirby pour le merveilleux. La pluie de points de lumière est enchanteresse, les paysages cosmiques sont imposants, l'énergie crépite avec une vivacité indomptable, Eghad (une sorte de décalque de Toad, Mortimer Toynbee) est bondissant et enjoué, la créature tentaculaire au sein de laquelle Adam Archer se retrouve est un amalgame parfait du dessin et des effets spéciaux de couleurs (infographie qui n'existait pas du temps de Kirby).



Joe Casey fait preuve d'une belle imagination pour les menaces cosmiques et il continue de sonder le concept de la création par une créature d'un ordre supérieur. L'impression donnée par ce thème est assez amusante car Casey et Scioli montrent le créateur comme une sorte d'extraterrestre de grande taille, dans une armure technologique indéchiffrable. Difficile de ne pas y voir comme une déclaration d'athéisme devant cette image infantile du créateur.



La narration des auteurs mélangent images naïves et rebondissements improbables, dans une histoire pétillante et enlevée qui s'adresse aussi bien à des adultes qu'à des enfants. En effet, ils réalisent un hommage, ce qui invite à un deuxième degré de lecture en tant que commentaire sur les comics de Jack Kirby. Le ton n'a rien de pédant car ils font preuve d'un humour bon enfant qu'il s'agisse du comportement de Friedrich Nickelback (assez imbu de sa supériorité déambulant avec un verre de vin à la main), ou de celui de Basil Cronus (toujours flottant de guingois dans son bocal, en attente d'un prochain fix).



Le lecteur de comics plonge donc un récit à la forme aisément reconnaissable, aux thèmes classiques, et à l'humour sympathique qui ne verse jamais dans la parodie moqueuse. Il constate également qu'il ressent l'émerveillement d'Adam Archer (et de sa sœur Neela) devant l'immensité de l'univers, ses phénomènes indicibles, et le sens de l'inconnu. Les auteurs ne se contentent pas de faire du Kirby, ils réussissent à se connecter sur cette soif de la découverte, cette volonté d'aventure, ce besoin de remettre en question la place de l'homme dans l'univers. Il est possible de s'agacer des facilités narratives (bulles de pensées, ou situations trop infantiles dans leur conception) ; il est impossible de résister à cette pulsion de découverte, à cet environnement dont l'enchantement n'a pas disparu dans l'œil de celui qui le contemple. Le lecteur aura bien du mal à résister à l'envie de savoir ce que les aventures d'Adam Archer lui permettront de découvrir.
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Godland, tome 1 : Hello, Cosmic !

Ce tome est le premier d'un récit complet en 6 tomes. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2005, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Tom Scioli, avec une mise en couleurs de Bill Crabtree.



De nos jours, sur Terre, le centre spatial Kennedy (à Cap Canaveral) a détecté la chute d'un corps céleste sur Terre. Ils préviennent l'armée. Un général relaie l'information à la Tour de l'Infini à New York, pour qu'Adam Archer se rende sur place et utilise ses fabuleux superpouvoirs pour prendre la mesure de ce mystère. Sur place (en Chine), il découvre qu'il s'agit d'un extraterrestre dont la forme évoque celle d'un chien géant.



La prise de contact est brutale mais semble s'acheminer vers une compréhension mutuelle, quand arrive Basil Cronus (une tête flottant dans un bocal relié à un corps mécanique), bien décidé à capturer l'extraterrestre par la force, pour l'asservir. Dans sa forteresse arctique, Discordia retient captif Crashman (un superhéros) et le soumet à la torture régulièrement.



À la découverte de la couverture (et en feuilletant l'intérieur), le lecteur est frappé par l'aspect graphique qui ressemble de très près à du Jack Kirby en mode cosmique. Le lecteur identifie facilement les emprunts faits aux dessins de Kirby. Le premier qui saute aux yeux est les points d'énergie (Kirby crackles), ces gros points noirs assemblés en agrégat qui évoquent l'énergie bouillonnante qui habite certains personnages, ou qu'ils émettent.



De même, le lecteur reconnaît les ombres portées aux formes plus conceptuelles que réalistes, les bouts de doigts carrés, et les postures de personnages (le bras tendu en avant vers le lecteur). Il y a aussi le registre limité des expressions de visage, avec la bouche entrouverte, le vide de l'espace encombré par des corps céleste sphérique, la forme de l'extraterrestre qui évoque Lockjaw (le chien des Inhumains), la forme simplifiée des canons des armes à feu, la combinaison antiradiation des scientifiques (qui évoquent les combinaisons de l'AIM), etc.



À la lecture, il apparait des différences notables, comme les ombres portées conceptuelles inexistantes sur les décors (alors que très présentes chez Kirby), la représentation de la technologie (plus concrète chez Scioli, plus abstraite chez Kirby), les piercings d'Angie Archer (impensable chez Kirby), les épaules hypertrophiées (tics graphiques spécifique à Scioli). De même Scioli développe plus ses arrières plans que Kirby. Par contre c'est avec plaisir que le lecteur constate que Scioli n'a pas peur de faire sourire ses personnages, comme pouvait le faire Kirby.



Du point de vue du récit, Joe Casey emprunte tout autant à Jack Kirby, qu'il s'agisse des éléments de science-fiction de la série Fantastic Four, ou de l'influence de "2001, l'odyssée de l'espace" (film de Stanley Kubrick, dont Jack Kirby avait réalisé l'adaptation en comics). L'influence de Kirby ne s'arrête pas là. Casey a également repris les modalités narratives telles que les personnages qui parlent à haute voix pour expliquer ce qu'ils font et leurs motivations, quelques bulles de pensée (pas très nombreuses), et un langage un peu écrit et emphatique.



Oui, mais pourtant ce n'est pas du Jack Kirby des années 1970, ou 1980. Tom Scioli ne donne pas entièrement le change. C'est comme s'il maîtrisait le vocabulaire de la langue Kirby, sans en maîtriser totalement la grammaire. Ça ressemble à du Kirby, mais ça n'a pas le goût du Kirby, ce qui au final est plutôt un compliment qu'un reproche. Scioli réalise des dessins mémorables : des pas d'Adam Archer sur le sol de Mars, à la tête flottante dans son bocal de Basil Cronus, en passant par l'assurance arrogante de Discordia.



À condition de supporter cette apparence très années 1970, le lecteur se plonge confortablement dans un récit dont il connaît les codes sur les bouts des doigts. C'est comme de revêtir un vieux pull, ou de s'installer dans son vieux canapé un peu défraîchi. Il sourit même devant ce bouton d'appel au secours, dissimulé dans la botte de Crashman.



Derrière cette tonalité globalement d'un autre âge, le lecteur commence par être saisi de l'intensité de certaines séquences. Casey et Scioli ne font pas que rendre hommage à Jack Kirby, ils s'abreuvent à la même source d'inspiration que lui. Ils transcrivent avec la même intensité que lui l'émerveillement un peu terrifié du cosmonaute sur Mars, saisi par la conscience de la beauté de l'univers et par son insignifiance et sa fragilité d'être humain. Même dans les affrontements physiques, les auteurs capturent l'énergie de Kirby, montrent l'implication totale des combattants dans l'instant présent, et la réalité du danger qu'ils affrontent.



Enfin presque parce qu'il y a un ou deux clin d'œil indiquant que les auteurs jouent avec les conventions des comics de superhéros. Il peut s'agit de cette flottant dans un bocal, avec toujours une forte inclinaison, lui donnant une allure comique. Il y a également Friedrich Nicklehead en train de manger du popcorn devant sa télé, pendant le procès de Discordia. Ils ne se moquent pas des personnages qu'ils mettent en scène, ou des conventions des comics. Ils montrent qu'ils savent qu'ils s'adressent à des adultes, eux-mêmes conscients du caractère enfantin des comics de superhéros.



Néanmoins, Casey et Scioli ne se cantonnent pas à réaliser un comics de superhéros à la manière de Jack Kirby (ce qui n'est déjà pas une mince affaire). Ils conservent leur propre identité, ce qui aboutit à un comics qui est à ranger dans les hommages récits, et non dans les plagiats insipides. En outre, ils développent plusieurs thèmes sur la base d'opinions différentes de celles exposées par Kirby dans ces comics.



Cela commence avec ce conclave de têtes flottantes qui ont donné des pouvoirs à Adam Archer, qui ont artificiellement accéléré son évolution pour le faire passer au stade supérieur. Pris au premier degré, il s'agit d'une intervention similaire à celle du monolithe dans "2001 l'odyssée de l'espace". Mais par la suite, les auteurs pointent du doigt le côté anthropocentrique du dispositif, accordant une importance démesurée à la race humaine, par le biais d'un cadeau désintéressé.



Il y a également les tortures infligées par Discordia qui sonnent faux, et qui sont justifiées par une inclination à faire le mal (une motivation classique et idiote dans les comics de superhéros). L'issue du procès montre que ces motivations n'ont que peu de poids face à un criminel endurci. Casey s'amuse également beaucoup avec Maxim (l'extraterrestre dont la forme évoque celle de Lockjaw) car il est capable de lire les motivations réelles et intimes de chaque personnage, disant tout haut ce qu'ils préfèreraient rester tu.



Par le biais de ces exagérations ou de ces remarques, Joe Casey interroge les conventions des comics de superhéros, non pas en s'en moquant, mais en les rendant apparentes. Il incite le lecteur à être critique face à ces éléments auxquels il attribue sa suspension consentie d'incrédulité de manière mécanique à la lecture de comics de superhéros. Il ne s'agit pas d'une déconstruction à proprement parler puisque Casey utilise ces conventions au premier degré. Il s'agit plus de leur redonner du sens grâce à un point de vue conscient de ce qu'elles sont.



Joe Casey et Tom Scioli réalise un hommage impressionnant aux comics de Jack Kirby, appartenant au registre de la science-fiction. Cet hommage fait honneur au maître, et il contient également des idées propres aux auteurs qui explorent les en douceur les conventions admises des comics de superhéros.
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Sex Volume 3: Broken Toys

Ce tome fait suite à Supercool (épisodes 9 à 14). Il faut absolument avoir commencé la série par le premier tome : Summer of hard (épisodes 1 à 8). Il contient les épisodes 15 à 20, initialement parus en 2014/2015, écrits par Joe Casey, et majoritairement dessinés et encrés par Piotr Kowalski, avec une mise en couleurs de Brad Simpson, et un lettrage de Rus Wooton. Ian McDaid dessine les 2 tiers de l'épisode 17, Luke Parker les 2 tiers de l'épisode 18, Ian Macewan les 2 tiers de l'épisode 19 et 3 pages de l'épisode 20.



Le tome commence avec un trombinoscope des 16 principaux personnages, puis par un rappel des faits en 19 phrases concises et pertinentes, accrochées à une frise chronologique. Simon Cooke a pris la décision de faire mener une enquête officieuse concernant l'incident avec les représentants de l'entreprise japonaise Kansei. De manière surprenante, il la confie à Elliot K. Barnes, responsable de la comptabilité. De son côté le Maire Sedgwick se fait remonter les bretelles par un certain Monsieur Weber, sur son incapacité à avoir rallié Cooke à une organisation clandestine.



La santé de The Old Man continue de se détériorer mais il ne lâche rien en affaire. Prank Addict est dans le coma à l'hôpital. Sheila a tenté de revenir travailler pour Annabelle Lagravenese, malgré son état. Les membres du gang Break font comprendre à Keenan Wade qu'il ferait mieux de tirer une croix sur sa vie privée.



Le tome se termine avec une interview de 4 pages de Joe Casey, en petits caractères. Avec les questions pénétrantes de l'intervieweur, il expose ses convictions de créateur, ses objectifs pour cette série, la raison pour laquelle il a choisi un titre aussi accrocheur et provocateur, la durée de la série et sa structure. L'intervieweur fait en particulier remarquer que la série a démarré sur un rythme un peu lent. Le scénariste explique qu'il l'a fait sciemment puisqu'il souhaitait développer progressivement l'environnement du récit. Il évoque également sa dimension sociale.



Le premier tome présentait effectivement la particularité d'introduire les personnages en prenant le temps, de s'attacher à leur état d'esprit, et de n'en révéler que peu sur leur passé. Ainsi Casey étoffait ses protagonistes et leurs motivations personnelles, dans une narration un peu éclatée puisque tous les personnages ne se rencontraient pas. Le deuxième tome avait permis d'établir plusieurs connexions entre différents personnages et de commencer à découvrir l'historique des liens les unissant, sans rien perdre en profondeur psychologique, au contraire. Ce troisième tome poursuit dans cette voie d'une grande richesse.



L'intrigue repose sur une guerre des gangs qui couve, de plus en plus proche du point de non-retour, avec plusieurs factions criminelles, 1 superhéros qui reste actif, et un autre qui est retourné à la vie civile. Une ancienne supercriminelle reste neutre. La tension monte, sans qu'il soit possible d'anticiper les rebondissements, ce qui assure un bon niveau de divertissement. Le récit amalgame polar urbain, stratégies de multinationale, et personnages qui se cherchent, d'une manière harmonieuse et tendue.



Il y a également une composante superhéros, par le biais de retour dans le passé qui abordent les origines de Prank Addict, la relation entre Armored Saint et son assistant adolescent, et la relation entre Armored Saint et Shadow Lynx. Le lecteur peut jouer au jeu des ressemblances avec des personnages DC bien connus. La relation entre Armored Saint et Keenan Wade évoque celle entre Batman et Robin, celle avec Shadow Lynx évoque celle entre Batman et Catwoman. Mais les personnages ayant déjà acquis leur histoire personnelle bien étoffée, il s'agit de clins d'œil, et en aucun cas de manque d'inspiration, ou de simple décalque.



En particulier, Joe Casey met en lumière que Simon Cooke était un homme blanc, à la tête d'une imposante fortune, dont la motivation n'était pas tenue pour acquise par son mentor Quinn, qui plaçait beaucoup plus de confiance en Keenan Wade, jeune homme noir venant de la rue (donc avec plus la rage au ventre). D'une certaine manière, il est possible d'y voir une version plus adulte de l'écart qui séparait Batman (Bruce Wayne) de Robin (Jason Todd, voleur de pneus). Néanmoins il n'est pas nécessaire de connaître ces références pour apprécier les nuances du récit. Dans l'interview, Casey précise qu'il ne s'aventurera pas plus loin sur la dimension raciale, dans la mesure où lui-même blanc et qu'il ne dispose pas du vécu nécessaire pour parler de la condition de personne de couleur.



Le scénariste continue d'intégrer des scènes de relation sexuelle dans son récit (il tient la promesse du titre), en leur donnant une dimension psychologique. Il ne s'agit pas de parties de jambes en l'air pour le simple plaisir de se rincer l'œil, mais bien d'une des formes d'expression de la personnalité des individus. Pour une partie d'entre eux, le sexe n'est qu'un des aspects de l'exercice du pouvoir, d'une preuve manifeste de domination (aussi bien sur les femmes que sur les hommes). Pour une autre partie, leur vie sexuelle révèle d'autres pans de leur psyché, pas toujours à leur avantage, mais il ne s'agit jamais d'un acte neutre, indépendant de la personne qui s'y adonne. Tous les dessinateurs prêtent une attention particulière à ne pas réduire les corps à l'état d'objet, ce qui neutralise le côté voyeur, et le côté érotique.



Comme dans le tome précédent, Piotr Kowalski cède la place à d'autres dessinateurs, dans la logique narrative qu'il s'agit de séquences se déroulant dans le passé, et s'attachant à des personnages spécifiques. Le lecteur découvre ainsi comment Frank est devenu Prank Addict. C'est du pur Joe Casey, avec son inventivité coutumière Il emploie des conventions de récit d'aventure, en les tordant pour les présenter sous un autre jour, leur redonner un sens, loin d'un cliché tout fait, prêt à l'emploi pour scénariste pressé et paresseux. Le lecteur découvre un personnage sortant de l'ordinaire, et très différent du Joker (auquel son nom fait immédiatement penser). Les dessins de Luke Parker font penser à du Mike Mignola qui utiliserait des plus petites cases, et mettrait plus de détails dans ses dessins. Brad Simpson utilise une palette de couleurs qui évoque celle de Dave Stewart (le metteur en couleurs attitré de Mike Mignola), sans le singer bêtement. L'intrigue de Casey est assez puissante pour que malgré les ressemblances de surface, cette partie dispose d'une identité propre et spécifique.



Dave McCaig réalise une séquence consacrée à Keenan Wade, et à la suite de son intégration dans le gang Break. Il utilise un encrage un peu épais, un peu pâteux qui correspond parfaitement au ton de la séquence considérée. Ian MacEwan dessine de manière assez proche de celle de Kowalski, avec des contours un peu plus ronds, malgré la dureté et le sérieux de ce qui est représenté. Son application dans les détails réduit fortement la rupture de ton et assure au lecteur de rester à un bon niveau d'immersion.



Certes, ce n'est pas très respectueux des autres dessinateurs, mais Piotr Kowalski est identifié comme le dessinateur régulier de la série, et le lecteur a appris à l'apprécier, et à associer son identité graphique à ce titre. Il retrouve avec grand plaisir son sens du détail, sa minutie, l'encrage légèrement sec qui confère toute la gravité nécessaire aux personnages, ses compétences de costumier, de chef décorateur, de metteur en scène. Le premier plaisir graphique est apporté par les couvertures, insérées comme il se doit entre chaque épisode. Le lecteur en apprécie le design audacieux et unique. Il arbore un franc sourire devant l'ironie du numéro 19, The Old Man étant allongé tout nu sur un divan, tenant dans la main droite le tome 1, dont la couverture préserve sa modestie.



Piotr Kowalski continue de donner une identité prononcée à la ville de Saturn City, grâce à des monuments et des façades aisément reconnaissables (les autres dessinateurs respectant cette prescription). Chaque personnage est immédiatement identifiable, grâce sa forme de visage, sa morphologie, son expression particulière, et sa tenue vestimentaire. Le lecteur n'éprouve aucune difficulté à distinguer Warren Azoff (l'avocat personnel de Simon Cooke), d'Elliot K. Barnes (directeur de la comptabilité). Il reconnait au premier coup d'œil Lorraine Baines (l'adjointe de Simon Cooke), sans la confondre avec Juliette Jemas (la journaliste carriériste, compétente et efficace.



Le lecteur apprécie que Kowalski l'invite dans l'intérieur des personnages, tous aménagés en fonction de la personnalité de son occupant. Les scènes de dialogue utilisent parfois la mise en scène bien pratique de l'opposition entre champ et contrechamp, mais dans ces cas-là avec une information visuelle complémentaire en arrière-plan. La plupart du temps, le dessinateur élabore un découpage plus sophistiqué, montrant les mouvements des personnages, le lieu où ils évoluent, ainsi que leur attitude liée à ce qu'ils ressentent.



Piotr Kowalski se montre tout aussi ingénieux pour les séquences d'action. Par exemple, le dernier épisode est l'occasion d'une poursuite sur les toits des immeubles de Saturn City. Alors qu'il s'agit d'un lieu commun dans les comics de superhéros, le dessinateur sait la rendre visuellement intéressante, grâce à des cadrages bien choisis, et un découpage impulsant un bon rythme de lecture.



C'est avec une certaine surprise que le lecteur découvre dans l'interview de Joe Casey qu'il ne s'est pas fixé de longueur pour son récit, en termes de nombre d'épisodes. Il indique que bien sûr la durée de la série est assujettie à son succès auprès du lectorat, et qu'il souhaite la continuer tant qu'il aura quelque chose à dire. Le lecteur éprouve plutôt l'impression d'être un récit à la structure bien établie, déroulant une intrigue rigoureuse où les pièces du puzzle s'assemblent sans solution de continuité, où la vie des personnages progresse dans une direction donnée, en fonction de leurs interactions, avec un dosage sophistiqué des retours en arrière, pour mieux éclairer les décisions du présent, et les conséquences sur le futur. 5 étoiles pour un récit adulte, à destination d'un lectorat adulte, et pas pour les scènes de sexe.
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X-Men: X-Corps

Ce tome contient les épisodes 394 à 409 de la série "Uncanny X-Men", ainsi que le numéro annuel 2001, initialement parus en 2001/2002, tous écrits par Joe Casey. Ces épisodes sont successivement dessinés par Ian Churchill, Sean Philips, Tom Raney, Ashley Wood, Ron Garney et Aaron Lopestri. Ces histoires se déroulent concomitamment aux New X-Men de Grant Morrison.



L'équipe est essentiellement composée de Nightcrawler (Kurt Wagner), Wolverine (Logan), Iceman (Bobby Drake), Chamber (Jonathan Starsmore), Angel (Warren Worthington III) et Stacey X.



En guise d'introduction, les X-Men doivent arrêter Warp, un mutant qui se la pète en massacrant des soldats à Cape Citadel (le lieu de la première confrontation entre les X-Men et Magneto). Épisodes 395 à 398 - Jonathan Starsmore s'est mis à la colle avec Sugar Kane (une jeune popstar qui s'est entichée de lui) à Londres. Dans les sous-sols désaffectés de la capitale anglaise, des mutants défigurés survivent tant bien que mal, jusqu'à ce que surgisse Mister Clean) un tueur de mutants qui vient pour les massacrer.



Épisodes 399 & 400 - Warren Worthington se rend compte que ses entreprises financent une maison close où des mutants réalisent des passes, alors qu'un nouveau groupe anti-mutants fait son apparition, l'Église de l'Humanité. Annuel 2001 - Telford Porter (Vanisher) s'est lancé dans une nouvelle carrière, sans costume ridicule : dealer d'une drogue un peu spéciale.



Épisodes 401 à 409 - Sean Cassidy (ex-Banshee) a décidé d'arrêter de boire et de devenir proactif. Il a créé une entreprise qu'il appelée X-Corps, dont le siège social est à Paris. Cette équipe (constituée de mutants au passé discutable, et d'anciens membres de Generation X) a pour lettre de mission d'être la police des mutants, les protégeant des menaces, mais châtiant aussi les mutants récalcitrants. Malheureusement il y a un loup dans la bergerie.



Pas facile d'exister quand on est en concurrence directe avec Grant Morrison, sur l'autre série mensuelle des X-Men. Joe Casey est un scénariste qui a aussi bien écrit pour Marvel que pour des séries indépendantes dont il a gardé les droits, avec un ton assez personnel (voir Vengeance pour Marvel, ou Butcher Baker, the righteous maker chez Image). Pour ces épisodes, il adopte une tactique qui consiste à mettre en œuvre une série à l'effectif réduit et à élargir l'horizon.



Joe Casey ajoute donc plusieurs nouvelles créations : l'Église de l'Humanité (une nouvelle secte religieuse anti-mutant, pas vraiment original), des mutants se cachant dans des tunnels délaissés à Londres (copié-collé des Morlocks à New York, en moins consistant), un groupe de mutants faisant la police parmi les mutants (déjà un peu plus original, même si le dispositif s'effondre rapidement), une nouvelle arrivante Stacey X (franchement originale et provocatrice).



Au départ, Casey s'en sort plutôt bien avec l'équipe. Il prend soin de développer les sentiments d'un personnage par histoire, pour fournir un point d'encrage émotionnel au lecteur, et générer de l'empathie. À ce titre, Jonathan Starsmore offre un point de vue original, puisqu'il s'agit d'un mutant peu préoccupé par le sort de sa race, avec un niveau d'altruisme assez faible qui ne l'incite pas à lutter contre les supercriminels. Passé "Poptopia", Starsmore doit partager le devant de la scène avec les autres X-Men, ce qui diminue fortement le niveau d'investissement émotionnel, jusqu'à ce que le lecteur se désintéresse de ces gugusses sans personnalité (avec quelques sursauts de ci de là, comme les questionnements de Kurt Wagner).



Au départ, l'intrigue n'a rien de passionnant, la redite sur les Morlocks étant vraiment moins bonne que l'original, squelettique et inutile. L'arrivée de Stacey X pimente un peu le récit et ramène sur le devant le thème de la différence et de l'acceptation, les X-Men bon teint regardant d'un drôle d'air cette prostituée d'un genre qui sort de l'ordinaire. De la même manière, le concept du X-Corps est original et l'instauration d'une police des mutants promet des dilemmes épineux. Mais très vite, Casey réoriente le récit vers un complot sans intérêt.



Enfin cette série est secondaire, c'est-à-dire dépendante de celle Grant Morrison. Casey n'a donc pas la possibilité d'introduire des évolutions significatives dans les personnages ou la continuité. Cette contrainte renforce la nature de second choix de ces épisodes.



Pour la mise en images, les scénarios de Joe Casey sont traités de manière hétérogène. Le premier épisode est dessiné avec minutie et entrain par Ian Churchill avec un encrage très précis. Churchill reste jusqu'à l'épisode 396, avec une diminution de la densité des décors au fur et à mesure, et des cases très vivantes, malgré des personnages un peu caricaturaux. Il cède sa place à Sean Phillips pour l'épisode 397 qui est encré par Mel Rubi pour une esthétique proche de celle de Churchill.



Les dessins changent de registre avec l'épisode 398, dessiné par Phillips, avec un encrage beaucoup plus personnel d'Ashley Wood. Les décors deviennent inexistants, mais les traits sont plus secs, plus vifs et plus coupants. Épisode 399, Tom Raney assure les dessins et revient dans un registre superhéros plus traditionnel, plus détaillé, plus consistant.



L'épisode 400 est dessiné par 6 artistes : Cully Hamner, Ashley Wood, Eddie Campbell, Javier Pulido, Sean Phllips et Matt Smith, pour un mélange heurté d'images industrielles et d'images d'art et d'essai. Ashley Wood assure tout seul la mise en images de l'annuel 2001, avec une approche graphique originale et expérimentale intéressante, mais au service d'un scénario trop classique.



Ensuite Ron Garney dessine les épisodes 401 & 402, suivi par Aaron Lopestri pour le numéro 403, puis Sean Phillips les numéros 404 & 405, retour de Lopestri pour le numéro 406, et Phillips revient dessiner les épisodes 407 à 409. Cette alternance entre une approche graphique traditionnelle et une approche plus expressionniste (celle de Sean Phillips) finit par nuire à l'immersion du lecteur. En outre Sean Phillips dose mal la densité d'information dans ses dessins (ils ne sont pas assez descriptifs). Les autres ont du mal à rendre crédible les péripéties, en particulier la destruction de Paris (l'Arc de Triomphe et même la Tour Eiffel) qui ressemble à des maquettes mal faites.



Pour tenir compagnie à la série mère écrite par Grant Morrison à la même époque, les responsables éditoriaux prennent des risques en confiant la série secondaire à un scénariste peu conformiste, et des dessinateurs prêts à expérimenter (en particulier Ashley Wood). Le résultat est en dessous des attentes du lecteur. Joe Casey manque d'assurance dans le développement de ses intrigues (il fera beaucoup mieux avec une équipe moins prestigieuse Wildcats Version 3.0). Ashley Wood et (dans une moindre mesure) Sean Phillips sont trop éloignés des canons habituels des comics de superhéros et doivent cependant dessiner des scénarios assez classiques du genre. Les autres dessinateurs ont du mal à donner corps et consistance aux scènes spectaculaires.
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X-Men, Tome 0 : Les enfants de l'atome

Le meilleur de la série des X-Men 100% Marvel. On apprend la formation des X-Men. On y découvre Cyclope, Phénix, Fauve, Angel, Iceberg. Charles Xavier est bien là. Il veut créer son école de mutant, mais rien n'est simple, il doit faire face aux politiques qui ont peur de ces êtres différents, ainsi que de Magnéto qui cherche lui aussi à enroler des X-Men mais pas pour les mêmes raisons.

L'histoire est prenante, le scénario est bon. Un vrai bon comics.
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