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Critiques de Joris-Karl Huysmans (338)
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Croquis Parisiens - A Vau-L'Eau - Un Dilemme

Croquis parisiens - Huysmans décrit son Paris, celui qu'il a visité, celui qu'il aime et qu'il connaît. Il adresse ses « croquis » à des amis, artistes et intellectuels. Tout commence aux Folies-Bergère. « Il faut ici de la musique pourrie, canaille, quelque chose qui enveloppe de caresses populacières, de baisers de la rue, de gaudrioles à vingt francs la pièce, le lancé de gens qui ont copieusement et chèrement dîné, des gens las d'avoir brassé des affaires troubles, traînant dans ce pourtour l'ennui de saletés qui peuvent tourner mal, inquiétés par leurs courtages louches de valeurs et de filles, égayés par des joies de forbans qui ont réussi leurs coups et se grisent avec des femmes peintes, au son d'une musique d'arsouilles. » En sortant de là, on est prêt à suivre l'auteur partout, dans les lieux les plus populaires, enragé de côtoyer comme lui le peuple de Paris.



La blanchisseuse, le petit commerçant, la prostituée, le vendeur de marrons et bien d'autres sont gratifiés d'un portrait sans fard. Sous la plume crue et précise de Huysmans, le ton se fait paternaliste, tendrement goguenard, inquiet et complice. Ici, Huysmans n'est pas l'auteur naturaliste des débuts : c'est un homme curieux, un flâneur. Même s'il dit que « ce sont les fallacieux rosbifs et les illusoires gigots cuits au four des restaurants qui développent les ferments du concubinage dans l'âme ulcérée de vieux garçons », il ne s'agit pas de tirer des conclusions de toutes les observations qu'il mène. Il laisse cela à d'autres. Ne compte que l'instant pris sur le vif, l'immédiateté de la gorge qui se découvre et du cri lancé dans la ruelle. Huysmans est ici poète, critique d'art et peintre, mais avant tout jouisseur. Il se délecte de ces images crasseuses d'un Paris canaille et superbement vivant. Mais son œuvre n'est pas que pittoresque : Huysmans ne veut pas nos rires moqueurs, il tend au sublime. Du fétide, du délabré et du médiocre s'élève toute la puissance de sa prose poétique. Les natures mortes qui closent le texte sont des rêves fantasmagoriques qui annoncent de prochains surréalistes. Huysmans est de ces auteurs qu'on ne peut er dans un genre, tant il se les approprie, les sublime et les devance tous.



Et que dire des paysages ! Esthète mélancolique, Huysmans a sa propre idée du beau et il est impossible de ne pas la partager. « La nature n'est intéressante que débile et navrée. Je ne nie point ses prestiges et ses gloires alors qu'elle fait craquer par l'ampleur de son rire son corsage de rocs sombres et brandit au soleil sa gorge aux pointes vertes, mais j'avoue ne pas éprouver devant ses ripailles de sève, ce charme apitoyé que font naître en moi un coin désolé de grande ville, une butte écorchée, une rigole d'eau qui pleure entre deux arbres grêles. Au fond, la beauté d'un paysage est faite de mélancolie. » La ville n'est belle que tortueuse et humide. Ses atours publics sont méritants, mais la rectitude et la symétrie sont trop ennuyeuses. Huysmans recherche le mouvement partout : traqueur de vie et d'impulsion, ses croquis ne figent pas l'image, ils lui confèrent l'éternité du mouvement inachevé.



Si j'ai aimé les Croquis parisiens ? Ça se passe de commentaires, non ? Une fois encore je suis séduite par la plume de Joris-Karl Huysmans. Cette façon de tout dire dans le détail, mais sans alourdir la phrase, me transporte. Les métaphores et les images rendent sensibles un désir qui ne s'éteint jamais : naturaliste, sataniste, décadent, converti, ce qui anime Huysmans a plusieurs visages, mais un seul but : le plaisir. Le plaisir de dire, le plaisir de décrire, le plaisir de rendre vivant.



****



À vau l'eau - M. Folantin a quarante ans, un emploi de bureau médiocre. Il est célibataire et hypocondriaque. Il traîne le dégoût de la solitude et d'une existence médiocre. Un soir plus triste que d'autres, « un grand découragement le poigna ; le vide de sa vie murée lui apparut, et, tout en tisonnant le coke avec son poker, M. Folantin penché en avant sur son fauteuil, le front sur le rebord de la cheminée, se mit à parcourir le chemin de croix de ses quarante ans, s'arrêtant, désespéré, à chaque station. »



Ce qui tombe sur le dos de l'amer Folantin, c'est le taedium vitae. Les quelques sursauts de tempérament qu'il éprouve sont tous mouchés comme des flammes trop courtes. Folantin se laisse envahir par l'indolence et cultive une certaine incapacité à éprouver des satisfactions. Tout n'est que pétard mouillé entre ses mains : ce cigare ne tire pas, cette viande est sèche, ce vin a un goût d'encre. Puisque rien ne le contente, Folantin se laisse aller à l'abattement. « Ni le lendemain, ni le surlendemain, la tristesse de M. Folantin ne se dissipa ; il se laissait aller à vau-l'eau, incapable de réagir contre ce spleen qui l'écrasait. [...] Peu à peu, il glissait à un alourdissement absolu d'esprit. » Il est très drôle de constater que le dégoût de la vie naît chez Folantin d'un dégoût de la nourriture : aucun plat, aucun restaurant ne trouve grâce à ses yeux. Mal nourri et affamé, sa faim inassouvie se reporte et se cogne à toutes choses. Rien ne sublime chez lui : Folantin est guidé par l'appétit premier, obsédé par la mangeaille.



La fin est délicieusement sordide. Huysmans ne cache qu'à peine son mépris pour cet escogriffe à la triste figure. On peut voir dans cette nouvelle une image en creux du roman À rebours. Le personnage éprouve le même dégoût de la vie et la même impossibilité à supporter son siècle. Mais Folantin n'a pas la richesse de Des Esseintes et il n'éprouve que de maigres consolations là où le dandy décadent d'À rebours croit noyer son malaise dans des dépenses folles. Folantin n'est pas un esthète, il n'aspire pas au beau. Son malaise est et reste physique, alors que celui de Des Esseintes lui fait vouloir toujours plus et toujours mieux.



Cette nouvelle est intéressante et délicieusement cynique, mais il y manque un je-ne-sais-quoi qui la rendrait inoubliable. Néanmoins, Huysmans maîtrise encore et toujours sa plume. Dans ses textes, le langage s'anime plus fortement qu'ailleurs.



****



Un dilemme - Jules, fils de M. Lamblois, décède après une pénible maladie. Ni marié, ni père, ses biens reviennent à ses plus proches parents. Mais voilà que M. Lamblois et Maître Le Ponsart, notaire et grand-père du jeune homme, reçoivent une lettre d'une femme qui dit être enceinte de Jules. La jeune Sophie Mouveau n'était pas la bonne du garçon, mais sa compagne. Cela est intolérable pour le père et le grand-père, bien décidés à ne pas perdre un centime des 100 000 francs que possédait Jules. Maître Le Ponsart se rend auprès de Sophie et lui fait une cruelle proposition : « Ou vous êtes la bonne de Jules, auquel cas vous avez droit à une somme de trente-trois francs soixante-quinze centimes ; ou vous être sa maîtresse, auquel cas, vous n'avez droit à rien du tout ; choisissez entre ces deux situations celle qui vous semblera la plus avantageuse. Et ça s'appelle un dilemme ou je ne m'y connais pas. » Que peut une pauvre fille devant l'avarice et la mauvaise foi de deux bourgeois sans vergogne ?



C'est un féroce tableau de la bourgeoisie provinciale que Huysmans dresse ici. La commisération et la charité ne sont pas de mise dans les affaires de gros sous. Une fille-mère dérange toujours et n'a pas sa place dans les familles bien-pensantes. La pingrerie maladive du notaire explose dans ce dilemme qui place une femme devant les deux seules positions que lui offre son célibat : le rôle de la maîtresse ou celui de la servante. Pas d'amour, pas de sentiment, rien d'humain, une simple équation. Sophie est une femme que l'on congédie – pire ! – que l'on méprise avant de l'oublier, tout en se frottant le ventre devant une si bonne affaire.



Cinglante et grinçante, cette nouvelle n'est tendre ni avec les hommes ni avec les femmes. Les premiers sont des loups vulgaires, les secondes sont des idiotes sans force. La comédie humaine selon Huysmans est délicatement immonde : elle exhale un parfum putride et désabusé.



Ces trois textes de Joris-Karl Huysmans m'ont ravie et confortent plus que jamais mon envie de tout lire de lui, tout !
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Un dilemme

Jules, fils de M. Lamblois, décède après une pénible maladie. Ni marié, ni père, ses biens reviennent à ses plus proches parents. Mais voilà que M. Lamblois et Maître Le Ponsart, notaire et grand-père du jeune homme, reçoivent une lettre d’une femme qui dit être enceinte de Jules. La jeune Sophie Mouveau n’était pas la bonne du garçon, mais sa compagne. Cela est intolérable pour le père et le grand-père, bien décidés à ne pas perdre un centime des 100 000 francs que possédait Jules. Maître Le Ponsart se rend auprès de Sophie et lui fait une cruelle proposition : « Ou vous êtes la bonne de Jules, auquel cas vous avez droit à une somme de trente-trois francs soixante-quinze centimes ; ou vous être sa maîtresse, auquel cas, vous n’avez droit à rien du tout ; choisissez entre ces deux situations celle qui vous semblera la plus avantageuse. Et ça s’appelle un dilemme ou je ne m’y connais pas. » Que peut une pauvre fille devant l’avarice et la mauvaise foi de deux bourgeois sans vergogne ?

C’est un féroce tableau de la bourgeoisie provinciale que Huysmans dresse ici. La commisération et la charité ne sont pas de mise dans les affaires de gros sous. Une fille-mère dérange toujours et n’a pas sa place dans les familles bien-pensantes. La pingrerie maladive du notaire explose dans ce dilemme qui place une femme devant les deux seules positions que lui offre son célibat : le rôle de la maîtresse ou celui de la servante. Pas d’amour, pas de sentiment, rien d’humain, une simple équation. Sophie est une femme que l’on congédie – pire ! – que l’on méprise avant de l’oublier, tout en se frottant le ventre devant une si bonne affaire.

Cinglante et grinçante, cette nouvelle n’est tendre ni avec les hommes ni avec les femmes. Les premiers sont des loups vulgaires, les secondes sont des idiotes sans force. La comédie humaine selon Huysmans est délicatement immonde : elle exhale un parfum putride et désabusé.


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Marthe, histoire d'une fille

Roman de Joris-Karl Huysmans.



Marthe, ouvrière dans un atelier de fausses perles a"des ardeurs étranges, un dégoût de métier, une haine de misère, une aspiration maladive d'inconnu, une désespérance non résignée." (p. 22) Lascive et paresseuse, elle cherche la vie facile. "Un beau soir, la faim la roula dans la boue des priapées ; elle s'y étendit de tout son long et ne se releva point. [...] L'apprentissage de ce nouveau métier était fait ; elle était passée vassale du premier venu, ouvrière en passions." (p. 37) Après un passage dans une maison close qui lui meurtrit l'âme et imprime en elle la haine de la condition de fille, elle monte sur les planches du théâtre de Bobino. Belle et légère, elle sait que "tous les yeux étaient braqués sur elle, tous flamboyaient en honneur de sa gorge." (p. 17) Un soir, elle se laisse prendre aux doux mots de Léo, journaliste et écrivain sans talent. "Léo vivait de sa plume, autrement dit, il vivait de faim." (p. 41) Mais le concubinage entre l'écrivaillon et la putain chanteuse n'est pas aussi magique que promis. Léo en souffre le premier et se dégoûte de sa belle, "ce suicide d'intelligence que l'on nomme "un collage" commençait à lui peser." (p. 53) Revoilà le ruisseau pour Marthe, ruisseau qui charrie ses regrets, ses remords et ses pudeurs vaines et tardives.



Remarquable esthète décadent avant d'être écrivain religieux, Huysmans a d'abord baigné dans le naturalisme. Ce court récit en est un concentré minutieux et foisonnant : la langue épaisse et grasse épouse son sujet et se déploie lourdement, comme un rideau de velours poussiéreux dont on pourrait compter chaque fil. Huysmans ne s'épargne aucune peine et fouille les dessous honteux de la belle Marthe, il retourne la crasse des bouges et scrute le fonds des chopes, à l'affût de l'infime détail qui signera superbement la scène qu'il dépeint. Comme l'a fait Zola dans son cycle gigantesque, Huysmans se pique de théories sociales : "Une fille est perdue dès qu'elle voit d'autres filles. [...] L'atelier, c'est la pierre de touche des vertus, l'or y est rare, le cuivre abondant." (p. 22) Huysmans esquisse ici une ification : sous sa plume, la fille prend place au pied de l'échelle du monde, elle ne peut en gravir les échelons que pour mieux les redescendre. L'amnestie n'est pas permis pour elle. Marthe est une autre Nana, mais moins audacieuse et moins lumineuse. Si Nana fait aimer la vie canaille et débraillée, Marthe en dégoûte. "Les filles comme elles ont cela de bon qu'elles font aimer celles qui ne leur ressemblent pas, elles servent de repoussoir à l'honnêteté." (p. 109) On le sait, les filles de joie remplissent une mission d'utilité publique, mais il n'est pas certain qu'elles en cernent tous les détails.



Depuis Là-bas, j'ai décidé de lire Huysmans jusqu'à la dernière ligne. Un grand merci à George qui m'a offert ce livre et me permet de poursuivre ma découverte de l'auteur. La collection Il était une fois la femme, des éditions Galaade, propose de courts récits que l'on trouve d'ordinaire dans des recueils. Les livres sont petits, faciles à manipuler et bénéficient d'une mise en page simple mais très esthétique. Entre noir et rouge se déploient le texte et quelques photos d'auteurs et gravures. En ouvrant le livre, on sait qu'on plonge dans un univers où la femme est reine, qu'elle trône sur un siège d'immondices ou qu'elle chevauche la vertu à la recherche de la connaissance.


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En rade

La terre, l'art de la description incroyablement talentueuse de Huysmans déclame dans ce livre les affres de deux bourgeois parisiens dans la dèche chez leurs proches en province. Au fond de la noire campagne des environs de Provins, ils découvrent la misère des paysans tout en continuant à vouloir vivre avec de riches et gourmandes habitudes. Leur oncle est un laborieux et poisseux gueux qui profite de tous les larcins possibles entre deux labeurs même sur le dos de ses proches. L atmosphère devient pesant, lugubre et chargé de misères des uns et des autres, d'argent et de cœur.



Huysmans est précis sans être trop pesant dans ses mots pour décrire les lieux ou les situations.



Toute une époque de la littérature !
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À rebours

Rarement, un livre ne m’a paru aussi limpide dans le sentiment de décadence, de désenchantement d’une époque qu’il évoque, tout en étant à fois lourd dans son érudition.



La quatrième de couverture évoque le Bardamu de Céline, mais là où l’alias du reclus de Meudon pouvait montrer une forme de bienveillance à l’égard des hommes de son temps qu’il critique, chez le « Des Esseintes » de Joris-Karl Huysmans, il n’y a pas de place pour l’apitoiement sur des êtres et une époque qu’il rejette jusqu’à la nausée.



Préférant la réclusion dans sa maison de Fontenay-aux-Roses, entouré de ses livres, de ses tableaux et reproduisant dans la décoration intérieure une nature factice. Avec pour seule compagnie, celle de deux vieux domestiques au parlé monosyllabique, renforçant l’aspect monacal de sa retraite à la campagne.



Tout au long du livre, Des Esseintes fait part de son érudition dans des domaines aussi variés que la littérature, l’alcool, la peinture (la description du tableau « La Salomé » de Gustave Moreau est à ce titre formidable.), la poésie, la musique… Il n’hésite pas à écorner certains colosses solidement établis tels que Balzac, Hugo, Zola (le mouvement naturaliste dont Huysmans se réclamait pourtant au départ et dont il s’est éloigné par la suite).



« À Rebours », regorge de références et d’un vocabulaire désuet qui risque de perdre bon nombre de lecteurs. Par contre, il est difficile de ne pas s’amuser de l’esprit, parfois retors, de Des Esseintes dans ses tentatives d’échapper aux lourdeurs de son temps.



Une œuvre, qui, à la relecture doit revêtir un nouvel intérêt, pour peu que le lecteur se penche sur les nombreuses références qu’elle recèle.
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En ménage

Lire du Huysmans c’est – pour les pessimistes – se remonter le moral. Ce n’était pas mieux avant, et si l’institution du mariage a aujourd’hui du plomb dans l’aile, cela ne date pas d’hier. Dans ce roman, le célibataire Huysmans s’attaque au couple, peut-être parfois en pure théoricien, mais avec son talent habituel, façon Madame Bovary, la plume enduite de vitriol.



Huysmans c’est un Flaubert exacerbé, chez qui la phrase prime le sujet, dans une hypertrophie d’esthétique baroque, avec ses descriptions en dentelle point-décadent et son ornementation outrageante : « se tuméfiait un melon grandi dans de l’alcool », « le luisant d’un chapeau gras », « Sur une petite table, dans un coin, un fromage de Bourgogne, le ventre entaillé, s’effondrait sous l’attaque d’un millier de mouches ». Une telle tournure de style passe sans doute moins bien dans les dialogues qui, trop écrits, ne sonnent pas naturels (notre auteur prendrait cela pour un compliment) et on sent, dans cet autoportrait caché, quel travail tout cela impose : « dans le silence seulement troublé par un clapotis lointain de vaisselles et par le crachement de la plume sur le papier, Désableau en arrêt devant une phrase, hésitant pendant des heures entre un mot et un autre, se prenant le menton, mâchant son favori droit, grognant, se plaignant du vacarme de la bonne dans sa cuisine, du bruit de la petite qui reculait sa chaise. »



Ce qui importe et sauve tout comme toujours, c’est donc le style. Chez notre dandy cynique, Houellebecq classique, dans cet anti-conte de fée conjugal où le récit lève le voile sur l’après « ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants » (zéro mioche en l’occurrence), peu importe l’intrigue qui déroule rigoureusement sa thèse/antithèse/synthèse comme le faisait le « A Rebours ». L’occasion d’épuiser son sujet comme un fruit mûr qu’on dégorge jusqu’à la dernière goutte, et de dépeindre au passage quelques souvenirs d’étude, sinistres à souhait, ou ces tranches de vie parisienne, avec ses modes, ses publicités, ses labeurs et ses plaisirs factices « Des fusées de joie partirent, d’incompréhensibles gaietés saluèrent cette bordée de sottises ».



Et puis une misogynie provocatrice, qui explique probablement que le roman soit si difficile à trouver en Poche, où d'autres macédoines font recette aujourd'hui (la loi du marché faisant feu de tout bois). Car certes, l’homme de l’époque pouvait se targuer d’avoir pour soi,

l’épouse (« il haïssait d’ailleurs la bourgeoise dont la corruption endimanchée l’horripilait ; il n’avait d’indulgence que pour les filles qu’il déclarait plus franches dans leur vice, moins prétentieuses dans leur bêtise »),

la maîtresse (sans la sensualité d’une Nana de Zola),

les filles de joie (« arme spéciale (…) partie de ce régiment de filles dont la tâche, lucrative et morale, consiste à dérider les gens mariés et à les renvoyer plus assouplis dans leurs familles »),

et la bonne de maison (plus proustienne que Mirbeau).



Encombrement des richesses que ce harem du petit bourgeois, pires entraves possibles pour l’artiste en devenir, même si pour lui il y a la Muse « Vénus que j’admire, moi, la Vénus que j’adore à genoux comme le type de la beauté moderne, c’est la fille qui batifole dans la rue, l’ouvrière en manteaux et en robes, la modiste, au teint mat, aux yeux polissons, pleins de lueurs nacrées, le trottin, le petit trognon pâle, au nez un peu canaille, dont les seins branlent sur des hanches qui bougent ! ».



Toutes y passent. Les fillettes « en tablier courant en avant de leurs mères, les cheveux blonds retroussés sur le front par un peigne et tombant sur le cou en gerbes, les mains poudreuses et les joues barbouillées de récentes larmes ». Aux jeunes femmes « Ces adorables récipients de chairs neuves où les vices transvasés des mères se rajeunissent moralement : une éternelle morte-saison d’idées, un fumier de pensées dans une caboche rose ! ». En passant par les étourdies coureuses dont « Il connaissait assez la vie pour ne pas ignorer que l’intelligence, que la distinction ne sont que de maigres atouts auprès de ces filles qui se toquent du plus affreux goujat parce qu’il a l’œil polisson ou féroce, qui s’en énamourent jusqu’à la folie pour des motifs qu’elles ne parviennent pas à démêler elles-mêmes. ».



Le peu de sensualité n’y prête pas aux sourires : « Eh bien ! si l’hiver, tu étais enfermé dans des pièces pareilles, pleines de courants d’air, chauffées au coke, éclairées dès deux heures de l’après-midi, par des becs de gaz, pendus si bas, qu’ils vous brûlent et vous font tomber les cheveux, si tu étouffais, l’été, au milieu de tout un monde qui se déshabille pour se mettre à l’aise, tire les nénés de son corsage et les soupèse afin de voir qui les a les plus gros et les plus fermes, si tu avais à supporter aussi trois ou quatre mois de morte-saison, tu verrais qu’il n’y a vraiment pas de quoi rire. »



Alors pour ceux qui posaient au misanthrope il y a 20 ans, parce que cela faisait chic, mais qui le sont devenus aujourd’hui, sous les cognées du monde contemporain, il reste Huysmans (et quelques autres). En Ménage, n’est peut-être pas son meilleur, mais c’est toujours moins idiot que de nager avec les dauphins ou d’aller voir la baleine bleue et l'aurore boréale, après 12h d’avion et le plateau végétarien de rigueur. Les bucket lists vous donnent envie de vomir ? Le boum-boum primaire des autoradios vous a dégouté de la musique ? Les automobilistes, dégouté d’être piéton et les piétons, de conduire. L’homme d’hier vous a rendu féministe ? La féministe d’aujourd’hui a fait de vous un misogyne ? La mondialisation vous a rendu xénophobe ? L’inculture, le désintérêt, l’ignorance crasse où sombre l’Occident ne vous a toujours pas (!) rendu fan du Japon ? Alors pour vous, il y a encore Huysmans. C’est-à-dire d’excellentes raisons d’être horrifié de l'humanité, mais de l’être avec style, et le panache du dandy qui plane au-dessus de la masse.
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Les Soirées de Médan

Le mouvement naturaliste a son chef de file naturel, Emile Zola, ce n’est un secret pour personne. Mais sauriez-vous nommer les officiers et les soldats marchant derrière ce général ? Les plus lettrés d’entre vous citeront sans doute Guy de Maupassant, Joris-Karl Huysmans, Alphonse Daudet, Octave Mirbeau ou les Frères Goncourt (encore que certains de ces auteurs ne soient qu’apparentés au mouvement). Ils mentionneront également Henri Becque, qui représente le naturalisme au théâtre. Mais qui se souvient encore de Lucien Descaves, Henry Céard, Léon Hennique, Paul Alexis ou Jean Richepin ?

Pourtant plusieurs de ces auteurs ont participé avec Zola à la naissance du mouvement et l’ont accompagné au cours de ses combats. En 1878, l’auteur des Rougon-Macquart (c’est l’année de L’Assommoir) achète une maison à Médan (actuellement dans les Yvelines) et y rassemble un certain nombre d’écrivains de son entourage. Très vite leur vient l’idée de composer un recueil collectif de nouvelles. Le thème vient un peu plus tard : ce sera la guerre de 1870, qui a eu lieu dix ans plus tôt. Elle est encore dans toutes les mémoires et vit encore à travers les souvenirs de combattants, ou les fictions qui déjà prônent une revanche contre l’ennemi prussien.

Six auteurs, six nouvelles, six regards sur des épisodes douloureux de la guerre de 1870.

L’Attaque du Moulin (Emile Zola) : Un moulin est convoité à la fois par les Prussiens et les Français. Le meunier , sa fille et son gendre (c'est justement le jour du mariage) sont pris en otage dans cette tragique histoire d'amour et de mort.

Boule-de-Suif (Guy de Maupassant) : une diligence emportant une dizaine de personnes fuyant la guerre, est bloquée par l'armée prussienne. Le commandant promet de les laisser partir si Elisabeth Rousset (surnommée Boule-de-Suif à cause de son embonpoint) accepte de céder à ses avances. Patriote, la jeune femme refuse, mais, sous les hypocrites instances de ses compagnons de voyage, elle finit par accepter. Loin de la remercier, ceux-ci ne lui montrent que du dédain.

Sac au dos (Joris-Karl Huysmans) : le quotidien des soldats français pendant la guerre de 1870 vu par un jeune conscrit.

La Saignée (Henry Céard) : un général commandant la place de Paris est ridiculisé par sa maîtresse. Poussé à bout sur ses hésitations personnelles et militaires, il décide une "saignée" dont l'insuccès n'aura d'égal que l'atroce bilan meurtrier.

L’Affaire du Grand 7 (Léon Hennique) : l'expédition punitive absurde d'une bande de soldats contre le bordel du village où ils sont cantonnés.

Après la bataille (Paul Alexis) : la rencontre sans lendemain entre une dame et un soldat.



Le point commun à ces six nouvelles est le regard porté sur la guerre : souvent compatissant pour les victimes, accusant avec causticité les gradés et les profiteurs, dénonçant avec virulence la bassesse et l'hypocrisie d'une société bourgeoise que les scrupules n'étouffent pas, tout comme la bêtise et l'absurdité des militaires...

Les Soirées de Médan ne constituent pas un manifeste du Naturalisme (pour cela voyez plutôt Le Roman expérimental, un ouvrage d’Emile Zola, paru aussi en 1880). On ne peut pas dire non plus que c’est du naturalisme pur, dans la mesure où aucun lien n’est fait de façon formelle avec la physiologie des personnages, leur hérédité, ou leur interaction avec le milieu ambiant. Mais il s’agit bien ici d’un ouvrage réaliste, qui décrit sans ambiguïté (ni sans langue de bois) une réalité tragique, celle de la guerre.

Et qui la condamne.

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À rebours



il était installé dans son petit coin lecture, à rebours, avec Huysmans.



Il avait l'impression d'être une tortue , attendant patiemment que les joyaux fassent effet.



Ses yeux de jade boitant de ligne en ligne.



Pendant que l'univers, aspergeait des odeurs tout autour de lui.



La pluie après le beau temps, de la merde de chat, et de la cannelle venant du chez soi d'à côté-sans doute une tarte, et peut être un soupçon d'ail.



Il ne ressentait pas de solitude grâce à la présence absente de Des Esseintes.



Mais..



et si un cerveau mauvais décidait de mettre le feu chez lui ?



Plus de bouquins, plus de coin du tout , il pourrait même y perdre sa chair.



Il perdit le fil de sa lecture, car il se mit à examiner l'essence du feu.



On ne peut pas observer le feu avec un microscope, et son odeur est en fait celle de toute sa fumée.



Le feu détruit avant même d'exister.



Il est impalpable.



Il est illisible.



Mais il a son bruit bien à lui.



Et ce bruit ressemble à celui d'un crayon qui griffonne.

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À rebours

Ce livre est assez étonnant tellement il ne se passe rien…quand on sait qu’il a été écrit en 1884, on ne peut qu’être fasciné par la clairvoyance de Huysmans, à défendre Baudelaire, Mallarmé et a être aussi précurseur dans tous les domaines de l’art. Beaucoup l’ont dit mais le style est remarquable et on trouve dans le fond et la forme des prémisses du nouveau roman; quelques réminiscences du Procès Verbal de JMG Le Clézio, de l’Etranger de Camus, avec ses héros solitaires et désœuvrés et qui se complaisent dans leur monologue intérieur. Bien sûr, le Bardamu aussi, du Voyage… de Céline peut aussi être cité mais c’est plus souvent le cas. Dommage que l’édition en folio soit encombrée par une préface de 83 pages (!) qui n’a ni queue ni tête où le Fumaroli se fait plaisir en se prenant pour l’auteur lui même…un conseil si vous lisez ce livre, ne pas lire cette préface inutile au profit des deux préfaces mises à la fin du livre et qui relatent la postérité du livre. Bien plus intéressantes…
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Là-bas

Précédant immédiatement la conversion de Huysmans au catholicisme, Là-bas est un roman curieux qui nous plonge dans les milieux ésotériques et occultes.



L'on y rencontre Durtal, écrivain qui rédige une biographie de Gilles de Rais, célèbre chevalier ayant commis quantité de crimes, notamment sur des enfants. Ce dernier évolue dans une petite société d'hommes qui s'approprient les objets de croyance, autrefois propriété du clergé, et les mêlent aux sciences plus ou moins farfelues. Dans leur curiosité, ils ont ensemble de longues discussions sur les sciences occultes, l'alchimie, la gnose, mais aussi le satanisme.



En raison de ce dernier sujet, c'est un livre dont la lecture est éprouvante. Il faut s'accrocher pour parcourir les détails des profanations, l'imagination effroyable des impénitents pour outrager Dieu, les multiples paroles de blasphème énoncées dans les Messes Noires, etc.



Malgré ces passages très difficiles, Huysmans réussit à créer une atmosphère chaleureuse dans le lieu où se retrouvent Durtal et ses amis. Ils sont en effets accueillis dans le réduit du sonneur de Saint-Sulpice, Carhaix. Ce dernier, ainsi que sa femme, sont deux personnages touchants de dévotion, d'obéissance aux autorités ecclésiastiques.

Cette "cave aérienne", ainsi que la qualifie l'auteur, dans laquel le couple vit, ces tours que le sonneur monte et descend en permanence pour chaque office, constituent un univers fascinant que l'on ne rencontrera nulle part ailleurs.



Notons le passage extraordinaire de la biographie qu'écrit Durtal, à propos du tribunal ecclésiastique jugeant les crimes horribles commis par Gilles de Rais sur des petits enfants, énonçant les condamnations, immédiatement suivies de l'offre de la miséricorde de Dieu. Loin de l'imaginaire inflexible de l'Inquisition que le monde moderne s'est façonné, le Tribunal offre un pardon sans limite :

"Gilles écoutait, tête basse, la lecture des jugements. Quand elle fut terminée, l'Évêque et l'Inquisiteur lui dirent : - Voulez-vous, maintenant que vous détestez vos erreurs, vos évocations et vos autres crimes, être réincorporé à l'Eglise, notre mère ?

Et, sur les ardentes prières du Maréchal, ils le relevèrent de toute excommunication et l'admirent à participer aux sacrements. La justice de Dieu était satisfaite, le crime était reconnu, punis, mais effacé par la contrition et la pénitence. "



Ainsi, malgré les heurts occasionnés par les sombres descriptions des actes sataniques, ce livre est une fascinante plongée dans des domaines tout à fait inaccessibles et très peu traités tels que l'alchimie, les cloches, le clergé parisien, etc. La qualité d'écriture de Huysmans et son érudition sur ces sujets, au bord de sa conversion au catholicisme, en font un objet littéraire particulièrement original.
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À rebours

Les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Si beaucoup de lecteurs encensent cet ouvrage, et bien ça n'est pas mon cas. Des Esseintes m'a ennuyé tout du long, comme il traîne son ennui au fil des pages. Rarement j'ai dû lutter autant pour aller au bout d'une lecture, et ce, même si le style d'écriture de Huysmans est beau.

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Là-bas

"Là-bas"se présente comme un roman sur l'éternelle opposition entre le bien et le mal, sur le satanisme, la perte des valeurs, l'éloge du Moyen Âge où Huysmans recherche des réponses pour appréhender cette fin-de-siècle emplie de transgressions et d'ignorance..Si l'on croit en Satan, on croit forcément en Dieu, c'est la conclusion à laquelle se résout Durtal, tout en exprimant la critique d'une époque engagée inconsidérément dans le naturalisme, le progrès, la science et, tout à la fois dans les sciences occultes. Un constat qui fait étrangement écho à notre société moderne ou l'attrait du diable se nomme désormais profit. Un livre déroutant dans sa conception avec des passages aussi instructifs qu'intéressants concernant Gilles de Rais, des réflexions sociétales pertinentes, et d'enrichissantes références historiques qui brusquement sombre dans l'ennui d'interminables monologues sur les vains sentiments ou la médiocrité du siècle. De nombreuses digressions sans rapport au récit mais faisant ressortir une misanthropie teintée de prétention sans oublier une sorte d’idylle sans saveur démontrant une misogynie manifeste de l'auteur donnent au final un ouvrage plutôt fade et ennuyeux. L'écriture d'une grande richesse de vocabulaire et le style soigné de Huysmans souffrent de ce manque de cohérence et de cet obscurantisme. Si l'intérêt historique est indéniable,le plaisir de découvrir une histoire aussi captivante qu'édifiante est en revanche loin d’être probant
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Marthe, histoire d'une fille

Joris-Karl Huysmans de son vrai nom Charles Marie Georges Huysmans, est un écrivain et critique d'art français (1848-1907). Huysmans était le descendant par son père, d'une lignée d'artistes peintres hollandais. Certains tableaux du plus célèbre de ses ancêtres, Cornelius Huysmans, peintre à Anvers au XVIIe siècle, figurent aujourd’hui au Louvre et c’est pour mieux évoquer ses origines hollandaises, que Huysmans adopta le prénom de Joris-Karl. A partir de 1876, Huysmans collabore en tant que chroniqueur d’art, à différents journaux pour lesquels il rédige des comptes rendus des Salons de peinture et il prend la tête du combat visant à imposer l’Impressionnisme au public. Marthe, histoire d‘une fille, son tout premier roman date de 1876.

Autant vous le dire tout de suite, J.-K. Huysmans fait partie de mes écrivains favoris et cette année je suis comblé, une Pléiade vient de paraître avec ses principales œuvres et le musée d’Orsay lui consacrera une exposition à la fin de ce mois. Ayant déjà lu ses grands romans (A rebours, En rade, Là bas, En route etc.) j’ai entamé le bel ouvrage de chez Gallimard par le commencement, c'est-à-dire ce premier roman, très court au demeurant et qui fut interdit en France en son temps.

Comme l’indique son sous titre, histoire d’une fille, dans le langage de l’époque le roman nous conte le parcours de Marthe, une prostituée. Ouvrière dans une usine de perles à Paris, elle connait une première déception sentimentale avec la mort de son amant et de leur enfant, elle tombe alors dans la prostitution puis semble s’en sortir quand elle rencontre Ginginet directeur d’un théâtre qui l’engage pour sa belle figure et partage sa couche. Une nouvelle chance s’offre à elle avec Léo, un écrivain en herbe et sans le sou qui l’aime réellement. Mais il est dit que le Destin n’a pas prévu le bonheur pour Marthe, leur liaison bat de l’aile quand le quotidien éteint la passion et malgré les efforts des uns et des autres pour la sauver, la jeune femme sombre dans l’alcoolisme et s’échoue, à jamais certainement, dans une maison de passes.

Si Marthe est un roman mineur de l’écrivain - lui-même avait envisagé un temps de le réécrire - avec ses défauts, j’y ai néanmoins trouvé matière à me réjouir. Tout d’abord, il y a cette « musique » commune à tous les romans du XIXème siècle que je vénère, une écriture ample et longue en bouche, avec ici les prémisses de ce que sera son style à venir, des phrases très travaillées, des mots rares ou bien pour nous aujourd’hui, des expressions datées qui n’en sont que plus savoureuses encore (« C’était un crapoucin bonasse et un jovial compère… »).

Roman social d’un réalisme pessimiste, une femme du peuple, les petits ateliers parisiens et les gens ordinaires, la prostitution comme une évidence pour nombre de ces femmes, les bistros et la faune qui s’y abreuve etc. Tout ceci vous semble familier car vous l’avez lu chez Zola (Nana) ou éventuellement Maupassant (Boule de suif) par exemple, mais ces écrits datent de 1880, donc postérieurs au livre de Huysmans. Que vous lisiez ce roman ou non, qu’importe, mais lisez J.-K. Huysmans, il le mérite et vous le valez bien.

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Trois nouvelles naturalistes : Zola, Huysma..

J'ai bien apprécié ces trois nouvelles qui toutes, font partager la vie d'un homme qui souffre, différemment pour chacun mais pour qui un shéma se répète.

Celle de Zola, Jacques Damour, permet de découvrir la vie des ouvriers après la défaite du second empire face à la Prusse et durant les espoirs, vains, suscités par la Commune. Le personnage du père est touchant parce que ses actions sont sincèrement réalisées dans le but de parvenir à des idéaux, contrairement à son « ami » Berru. Sa vie d'exil et les retrouvailles avec sa femme et sa fille achèvent de nous brosser le portrait d'un homme brisé et qui essaie de vivre dans l'espoir et les chimères d'une vie plus juste.



La retraite de M. Bougran (de Huysmans), quant à elle, nous fait la satire douce amère du milieu du travail et plus particulièrement de celui des fonctionnaires. La narration conduit le lecteur à éprouver tour à tour de la sympathie, de l'empathie pour le personnage malheureux et même dépressif que devient M. Bougran lors de sa retraite forcée mais aussi de l'hostilité devant son incapacité à prendre du recul sur tout ce qu'on lui a inculqué, devant son comportement d'automate et qui refuse de remettre en question ses préjugés sur les autres fonctionnaires qu'il connaît et sur les autres professions qu'il juge inférieures à celle qui, semble-t-il, se confondait pour lui avec son identité même. Son obsession pour son ancien travail et ses formules protocolaires intrigue et fascine tout à la fois, puisqu'elle devient une déraison qui le mènera loin…



Dans Hautot père et fils De Maupassant, nous plongeons dans la vie somme toute banale de paysans fortunés, qui possèdent plusieurs terres et où sont dévoilés lors d'un drame les petits arrangements que l'on doit faire dans une époque où la vie amoureuse des uns et des autres est épiée et où la religion a encore un grand poids, la vie de couple hors mariage étant proscrite. Mais suite au drame, et c'est cela qui rend l'intrigue passionnante et malsaine, la vie du fils et de son père vont se confondre progressivement. Cette nouvelle recèle une grande part psychologique et aborde ce qu'on appellerait aujourd'hui le transfert, mais sans expliquer, sans détailler l'enchaînement des causes et des effets et ce qui se joue au niveau psychique pour les personnages, tout y est simplement montré, les premiers jalons sont posés et le lecteur comprend de lui-même ce qui se trame car la suite est habilement effleurée et magnifiquement suggérée. C'est pourquoi c'est vraiment la nouvelle que je vous conseillerais de lire si je devais n'en choisir qu'une (et pour laquelle j'aurais mis quatre étoiles).
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À rebours

HUYSMANS_ à rebours

Il faut lire « à rebours » pour réaliser à quel point la religion a un pouvoir de perversion : en élevant l'âme vers un idéal inatteignable, elle suscite l'ennui, voire le dégout, pour les choses de ce monde et pousse ainsi à la transgression.

Curieux personnage que ce Des Eisseintes ; sorte d'aristocrate imbu de sa caste, qui ne trouve d'autre moyen pour tromper son ennui et surmonter son dégout des vulgarités de ce monde que de se réfugier dans la solitude en s'entourant d'un luxe raffiné frisant le ridicule. Les livres sont reliés dans les peaux les plus rares. Concernant la peinture, Odilon Redon est à l'honneur avec Gustave Moreau considéré comme un peintre de génie. Il se perd dans la passion des pierres précieuses dont il nous déroule un catalogue fastidieux.Il lui viendra l'heureuse idée d'en décorer une tortue. Elle mourra sous le poids des pierres ! Il invente aussi un orgue distributeur de cocktails. Sans oublier les parfums. Ce qu'il appelle l'Art flirte avec le factice et pour ce personnage décadent et souffreteux il est largement supérieur à la nature. Pour ce qui est de la musique, par contre, il n'apprécie guère que le plain chant grégorien.

La misogynie est clairement assumée : P. 104 il fait un parallèle grotesque entre la femme et la locomotive, P.180 il parle de « la sottise innée des femmes », p 207 de la « bêtise féminine », p. 306 « Des Esseintes relevait cette profonde définition de la femme ; Éternel féminin de l'éternel jocrisse.  »

Des Esseintes cherche à tout prix la distinction. Névrose et symbole d'une caste décadente qui cherche à se prouver qu'elle mérite de survivre.

On peut deviner avec un tel personnage auquel il s'identifie, désespoir aidant, que l'auteur, qui s'inscrit en creux dans une sorte d'anti naturalisme instinctif (et partiellement justifié, car le naturalisme tend à se répéter et à gommer la singularité de l'humain au profit d'un déterminisme qui en nie la complexité) soit tenté in fine par la religion.



Il y a malgré tout des pages d'une étonnante lucidité sur la réalité et la misère qui pèse comme une fatalité sur les classes dominées.

Mais le style recherché et parfois alambiqué est bien souvent surchargé avec des alliances de mots qui, à mes oreilles, ne sonnent pas juste.

« […] mieux accentué » p.303

« […] soulagement qui ravitaille » p. 331

« […] fortifiant espoir » p.330

[…] Imbu de préjugés » p. 337

« […] intemporalité de bêtise qui l'avait battu » p339

« […] un catholicisme salé d'un peu de magie » p313 épicé ou frelaté aurait mieux convenu. Etc.

Heureusement Baudelaire, Mallarmé et Verlaine sont à l'honneur ainsi que Flaubert pour Salammbô et les tentations de Saint Antoine (même si je ne les apprécie pas pour les mêmes raisons). Et les dernières pages où il se lance dans une diatribe contre la bourgeoisie et la finance méritent le détour.



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En rade

oui, bien sur........ mais si loin de la puissance de" A REBOURS"



ou de Lorrain........
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Là-bas

J'ai découvert avec "Là-bas" un auteur de grand talent, une plume magnifique. Huysmans dispose d'un vocabulaire d'une grande richesse, mis au service d'un style inspiré, quoique souvent grandiloquent.



Pourtant, j'ai peu apprécié ce roman qui aurait pu (dû?) être bien plus piquant, et qui s'avère au final assez fade et ennuyeux.



Le personnage de Durtal, qui semble avoir été conçu comme un double littéraire de Huysmans, m'a paru tout à fait détestable, et son petit entourage guère plus sympathique. Cette troupe de médiocres qui passent leur temps à déplorer la médiocrité de l'époque et des autres, à geindre sans fin sur la supposée supériorité du moyen-âge comparé au temps présent, à pérorer pompeusement sur les mérites de saints obscurs... Tout cela n'est guère passionnant.



Il est vrai que l'auteur, qui s'amuse souvent à tourner ses personnages en ridicules, a su parfois m'arracher de francs éclats de rire.



Mais sa misanthropie teintée de snobisme,et sa misogynie pleine de mépris ne m'ont pas parues affectées. Elles ont eu pour effet de gâter le plaisir que j'ai parfois retiré de cette lecture, qui somme toute, m'a paru assez vaine.
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Les Mystères de Paris

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Trois nouvelles naturalistes : Zola, Huysma..

Voici de courtes nouvelles de Guy de Maupassant, toutes différentes mais toutes aussi touchantes au-travers des divers thèmes abordés: le désir d'enfant, l'amitié, l'avarice, l'amour... certaines dans un cadre champêtre, d'autres à Paris.

Un agréable moment de lecture.
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À rebours

Je reconnais tout le génie littéraire de Huysmans, d'où trois étoiles en dépit du calvaire qu'a été la lecture de ce livre. J-K H y fait preuve d'un talent littéraire impressionnant, une maîtrise de la description, une documentation méticuleuse, une culture qui frôle l'hystérie,...

Mais que c'est contraignant à lire!

J'ai cependant pris beaucoup de plaisir à lire le chapitre sur la tortue dont il fait sertir la carapace de pierres précieuses: l'espace d'un instant j'ai pensé que des Esseintes était un peu le Paris Hilton du XIXe siècle.

Je suis contente d'avoir découvert ce roman, un peu moins d'avoir été obligée de le lire jusqu'au bout...
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