Le psychiatre Boris Cyrulnik a questionné le temps. "Chérif Mécheri, Préfet courage sous le gouvernement de Vichy", aux Éditions Odile Jacob, est beaucoup plus qu'un livre d'Histoire. Co-écrit avec José Lenzini, il raconte ce fonctionnaire méconnu qui décida de désobéir. Il s'agit d'un point de départ sur le questionnement de nos valeurs, mais aussi sur celui de la mémoire et la psychologie de l'histoire.
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
+ Lire la suite
La devise d'Albert Camus était la suivante :
" Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites, la misère suffit."
p56
Jusqu'alors inclassable, Camus affronte une polémique rude après la publication de "L'Homme révolté". Il est fustigé par l'intelligentsia de gauche.
p41
Le 10 mai 1937, il publie chez Charlot son premier livre, l'Envers et l'Endroit, qu'il dédie à Jean Grenier. Il a choisi sa voie :
"Je sais maintenant que je vais écrire. Il vient un temps où l'arbre, après avoir beaucoup souffert, doit porter ses fruits. Chaque hiver se clôt par un printemps. Il me faut témoigner." écrit-il dans les Carnets.
p16
Je ne puis vivre personnellement sans mon art, mais je n'ai jamais placé cet art au-dessus de tout, s'il m'est nécessaire au contraire, c'est qu'il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous, l'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire.
Le rôle de l'écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles, par définition, il ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent, ou, sinon, le voici seul et privé de son art.
(extrait de son discours à Stockholm)
A propos de gendarme il m'en est arrivé une succulente il n'y a pas très longtemps... (...)
Je me rendais à Avignon, au volant de ma vieille Citroën. A un croisement, je suis arrêté par un gendarme qui me lance avec un accent à faire pâlir Raimu :"contrôle routier... Veuillez présenter vos papiers et ceux afférents à votre véhicule." Je m’exécute avec un air très respectueux. Et, quand le gendarme voit ma profession sur ma carte d'identité , il a un air circonspect et me demande : "Vous écrivez quoi au juste ? Des romans... Mais des romans à l'eau de rose ou des policiers ? - moitié, moitié ! Sur ce il m'a rendu mes papiers avec un air satisfait, soulagé".
La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir.
La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu'exaltante.
Nous devons marcher vers ces deux buts, péniblement, mais résolument, certains d'avance de nos défaillances sur un si long chemin.
Je n'ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d'être, à la vie libre où j'ai grandi. Mais bien que cette nostalgie explique beaucoup de mes erreurs et de mes fautes, elle m'a aidé sans doute à mieux comprendre mon métier, elle m'aide encore à me tenir, aveuglément, auprès de tous ces hommes silencieux qui ne supportent dans le monde la vie qui leur est faite que par le souvenir ou le retour de brefs et libres bonheurs.
Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice.
Alexis de Tocqueville ne s'y était pas trompé. Dès 1837, il prétendait que "si Rousseau avait connu les Cabyles, il eut cherché dans l'Atlas ses modèles. C'est là qu'il aurait trouvé des hommes soumis à une sorte de police sociale et cependant presque aussi libres que l'individu isolé qui jouit de sa sauvage indépendance au fond des bois: des hommes qui ne sont ni riches, ni pauvres, ni serviteurs, ni maîtres, qui nomment eux-mêmes leurs chefs et s'aperçoivent à peine qu'ils ont des chefs...Pour le père de la démocratie, il ne faisait pas de doute que l'âme des Cabyles nous est ouverte et il ne nous est pas impossible d'y pénétrer " [Cité par Charles-Robert Agron, dans "Histoire de l'Algérie contemporaine,vol.2, PUF, 1970, p.137]
Pour saisir, autant qu'il est possible, ce que fut l'Algérie et ce qu'elle est encore, multiple, complexe, là riante et ouverte aux vents du large, là rude et fermée sur elle-même, il faut Camus et il faut Feraoun, il faut connaître Tipasa et il faut connaître Tizi-Hibel.
Quand on habite ce village, on a d'autres aspirations que les fables des hommes en blanc. Ici, le conte est souverain. Il prend souvent des allures de mythe . On naît enfant des rochers, on grandit fils du vent. (p.24)